Briana.
- [ Ribe - Danemark ]
Plusieurs semaines sétaient écoulées déjà, les curs et les esprits nétant plus pour lheure hantés que par quelques souvenirs, devenus vagues pour certains, tandis que dautres persistaient dans le temps, offrant aux penseurs, joies, mais peine aussi parfois. Difficile doublier les revirements de situations, ce qui avait été perçu, une fois de trop, comme un abandon. Que derrière soi, on eut à laisser ce qui nous servait de soutien, qui nous rendait le sourire lorsque celui-ci semblait sêtre éteint. Difficile aussi de se faire à lidée quil ne sera pas, pour les retrouvailles, question de demain.
Pourquoi les mauvais souvenirs avaient-ils plus facile à ressurgir que les bons ?
Et puis chacun, progressivement, avait repris sa vie là où elle avait été laissé, même si rien nétait aussi simple pour Briana qui, si ses pieds avaient déjà pu fouler le sol danois de par une fois, devait se réhabituer aux lieux, aux autres gens qui allaient désormais lentourer, oubliant les anciennes habitudes quelle sétaient faite.
Longtemps restée prostrée à lintérieur de la demeure familiale, tenant compagnie de longues heures à sa tante Sigrùn ou bien encore à Inge, à moins quelle neut préféré être accompagnée de sa seule solitude, elle avait bien vite fini par être poussée dehors. Il nétait plus un jour vécu sans que la voix retentissante de son grand-père ne la bouscule un peu, la mettant au défi dentraînements de plus en plus soutenus. Plus une journée passée, sans que ne sen vienne Thyra, qui, très persuasive, arrivait à faire sortir la de Courcy de sa léthargie, lentraînant avec elle dans quelques escapades clandestines.
Tous, était un soutien retrouvé, en contrepartie de celui quelle pensait avoir perdu.
Depuis quand navait-elle pas eu de nouvelles ? Depuis quand nen avait-elle pas donnée ? Depuis ce fameux jour de départ, où, sur les quais du port de Montpellier dernière accolade avait été partagée. Où tenue là, sur le pont du navire qui les ramènerait au Danemark, elle était restée de longues minutes, ses bras encerclant la taille de sa tante, leurs regards à toutes deux peinant à se détacher de cette silhouette si massive qui allait rapetissant, jusquà devenir invisible. Et durant tout ce temps, seul le silence avait accompagné les sanglots que lépaisse fourrure dun mantel avait réussi à étouffer, son visage enfoui tout contre celle qui lavait prise sous son aile.
Et pourquoi lui, navait-il pas encore trouvé temps de lui écrire ? Pourquoi, elle, ne lavait-elle pas encore fait, depuis quavait touché à sa fin leur périple ? Par la faute de trop grands tourments venus lhandicaper, lui faisant perdre toute envie de saffairer à quelconque activité ? Assurément quil était question de ça. Mais aujourdhui, était un autre jour. Comme un nouveau départ.
Le temps avait fait son uvre plus vite que prévu, guérissant du manque jusque là ressenti, au grand bonheur de ceux qui voyait de nouveau le visage terni reprendre couleur et vie. Nul autre choix que celui-ci, la vie étant ainsi faite, le temps étant favorable à la guérison des maux.
Plus de tristesse, plus de ces longues périodes de silence. Rien dautre quune vie pleinement vécue.
Toutefois, quand bien même le manque nétait plus, aujourdhui, serait jour où la plume, de nouveau viendrait embrasser le parchemin, se faisant porteuse de nouvelles, de ces confidences que lon voudrait pouvoir partager de vive-voix, mais qui ne saurait trouver loreille pour se faire. Ne restait alors que le vélin sur lequel coucher les mots Parce quelle ne lavait pas oublié pour autant, parce quil serait plus simple surement de griffer la peau, sans venir la souiller de ces larmes salées quelle avait enfin réussi à contenir.
Temps était venu décrire à son cousin.
La journée était déjà bien avancée, et il fallait rentrer à présent.
Derniers rires étouffés, derniers sourires un peu gênés lorsque les regards croisent ceux des valeureux guerriers en devenirs et quen compagnie de Thyra elle est venue admirer, les laissant repartir le rose aux joues et des rêves pleins la tête. Un passe-temps devenu favori aux deux jeunes complices quelles étaient devenues, partageant leurs avis sur les combattants, ne cachant pas leur préférences qui sen allaient pour lun ou encore pour lautre.
Une promesse de se revoir dès le lendemain avait été faite et Thyra abandonnée sur le seuil de sa maison, et après une course effrénée, était au tour de Briana de quitter le froid, de pousser la porte de la demeure familiale et de se sentir enveloppée dune chaleur agréable.
Un estomac criant sa faim lavait conduite à la cuisine, la poussant à arracher à une assiette posée là quelques biscuits. Poings fermés pour ne pas en perdre la moindre miette, rabattu tout contre elle, elle abandonna Inge qui sétait retournée de surprise, de la voir si vite faire irruption, pour la voir sitôt repartir, la bouche déjà pleine dun des fameux gâteaux. Pas le temps pour elle de sattarder davantage. Chemin avait été rebroussé, les escaliers menant à létage gravis rapidement.
Dun coup de coude, porte avait été poussée, puis refermée et confort dune chambre avait été trouvé.
La même quelle avait occupée lors de sa première venue, celle de Ragnard, celle quelle avait fini par sapproprier, un peu comme si elle eut de tout temps était la sienne, laissant traîner ça et là, un peu de ses affaires.
Un dernier biscuit avait trouvé place en sa bouche, le reste de la réserve quelle sétait constituée trouvant place sur un coin dune petite table. Sur sa droite, sa besace, sur laquelle elle se précipita, lattrapant par sa bandoulière, louvrant et en retirant tout ce qui lui serait nécessaire pour écrire.
Chaise tirée avait vu la jeune fille sinstaller, sa main sarmant de sa plume, prête à tatouer le parchemin.
Un instant, ses yeux se perdirent au travers de la fenêtre, puis bien au-delà de lhorizon.
Il y avait tant de questions
Puis sur un soupir, la tête sinclinant légèrement, une main en appui sur le bas du parchemin, les premières volutes dune missive commencèrent à se dessiner.
Citation:
A Vous,
Osfrid,
Pour Vous qui êtes restés si loin, cette lettre porteuse de quelques nouvelles de Ribe, de notre famille, de moi. Bien des jours nous séparent déjà, comme la distance entre le Danemark et ce Royaume de France qui semble être arrivé à ses fins, vous gardant prisonnier, loin de vos terres, de vos proches pour qui vous comptez tant.
Des jours durant, jai eu grand mal à me faire à cette idée de vous y savoir resté. Car quoi de plus important que les vôtres pour que vous ayez décidé finalement de ne pas rentrer vous aussi ? Jai beau réfléchir, je ne parviens pas à trouver de réponse à cette question que je me pose. Mais peut-être saurez-vous me lexpliquer au travers une de vos missives que je me languis déjà de pouvoir lire. Sont en ma tête, encore encrés, quelques souvenirs de nos conversations passées, de ces projets à venir dont vous maviez parlé, de ce Duc à aller protéger.
Cela est-il toujours dactualité ?
Et quen est-il ce jour ? Vous êtes-vous décidé enfin à quitter Montpellier pour dautres contrées ?
Vers quelle destinée courrez-vous désormais ? Et en la compagnie de qui cette fois ? Jespère, le cas échéant, que vous êtes bien entouré, et que vous vous portez bien. Sil est une chose qui nous préoccupe ici, cest bien celle-là.
Nous nous rappelons encore la chienlit quapporte les routes, et jusque Ribe, vous vous en doutez, les nouvelles nous parviennent. Des bruits courent sur nos terres, que se répand, sur le Royaume de France, de virulentes épidémies. Imaginez alors notre degré dinquiétude, alors que nous restons sans nouvelles de vous depuis de longues semaines.
Cest avec impatience que nous attendons de voir Loki fendre les airs, alors je vous en prie, portez-nous vite de ces mots qui sauront nous rassurer. Chaque jours qui passe, je sens langoisse atteindre ma tante, Osfrid. La douleur davoir perdu mon Oncle se fait encore si profonde.
Je vous en prie, soyez porteur de bonnes nouvelles et en attendant, nous prierons les Dieux pour quils vous protègent et vous rendent à nous le plus rapidement possible.
Toutefois, sachez que mise à part cette inquiétude grandissante, chacun des membres de la famille se porte au mieux. Notre Grand-père na de cesse de me pousser à donner le meilleur de moi-même au cours dentraînements toujours plus soutenus. Point de répit pour moi, mais bien sen fait. Je nai ainsi plus le temps de trop penser et les occupations auxquelles je madonne me permettent doublier ce qui tend à faire mal. Même votre absence me semble moins pénible à supporter.
Cest sans regret que jai quitté le sol Françoys pour des terres bien plus accueillantes et pour une vie qui sannonce bien plus attrayante. Je me plaît dêtre ici, entouré de gens que jaime et qui savent me donner tout autant en retour. Mais de cela je suis certaine que vous vous en doutiez.
Cest avec lespoir de vous savoir bien entouré vous aussi et bien portant que je vous laisse à présent.
Cest toute notre famille qui vous embrasse et qui pense à vous.
A très vite de vous lire.
Votre petite fleur,
Briana.
A Vous,
Osfrid,
Pour Vous qui êtes restés si loin, cette lettre porteuse de quelques nouvelles de Ribe, de notre famille, de moi. Bien des jours nous séparent déjà, comme la distance entre le Danemark et ce Royaume de France qui semble être arrivé à ses fins, vous gardant prisonnier, loin de vos terres, de vos proches pour qui vous comptez tant.
Des jours durant, jai eu grand mal à me faire à cette idée de vous y savoir resté. Car quoi de plus important que les vôtres pour que vous ayez décidé finalement de ne pas rentrer vous aussi ? Jai beau réfléchir, je ne parviens pas à trouver de réponse à cette question que je me pose. Mais peut-être saurez-vous me lexpliquer au travers une de vos missives que je me languis déjà de pouvoir lire. Sont en ma tête, encore encrés, quelques souvenirs de nos conversations passées, de ces projets à venir dont vous maviez parlé, de ce Duc à aller protéger.
Cela est-il toujours dactualité ?
Et quen est-il ce jour ? Vous êtes-vous décidé enfin à quitter Montpellier pour dautres contrées ?
Vers quelle destinée courrez-vous désormais ? Et en la compagnie de qui cette fois ? Jespère, le cas échéant, que vous êtes bien entouré, et que vous vous portez bien. Sil est une chose qui nous préoccupe ici, cest bien celle-là.
Nous nous rappelons encore la chienlit quapporte les routes, et jusque Ribe, vous vous en doutez, les nouvelles nous parviennent. Des bruits courent sur nos terres, que se répand, sur le Royaume de France, de virulentes épidémies. Imaginez alors notre degré dinquiétude, alors que nous restons sans nouvelles de vous depuis de longues semaines.
Cest avec impatience que nous attendons de voir Loki fendre les airs, alors je vous en prie, portez-nous vite de ces mots qui sauront nous rassurer. Chaque jours qui passe, je sens langoisse atteindre ma tante, Osfrid. La douleur davoir perdu mon Oncle se fait encore si profonde.
Je vous en prie, soyez porteur de bonnes nouvelles et en attendant, nous prierons les Dieux pour quils vous protègent et vous rendent à nous le plus rapidement possible.
Toutefois, sachez que mise à part cette inquiétude grandissante, chacun des membres de la famille se porte au mieux. Notre Grand-père na de cesse de me pousser à donner le meilleur de moi-même au cours dentraînements toujours plus soutenus. Point de répit pour moi, mais bien sen fait. Je nai ainsi plus le temps de trop penser et les occupations auxquelles je madonne me permettent doublier ce qui tend à faire mal. Même votre absence me semble moins pénible à supporter.
Cest sans regret que jai quitté le sol Françoys pour des terres bien plus accueillantes et pour une vie qui sannonce bien plus attrayante. Je me plaît dêtre ici, entouré de gens que jaime et qui savent me donner tout autant en retour. Mais de cela je suis certaine que vous vous en doutiez.
Cest avec lespoir de vous savoir bien entouré vous aussi et bien portant que je vous laisse à présent.
Cest toute notre famille qui vous embrasse et qui pense à vous.
A très vite de vous lire.
Votre petite fleur,
Briana.
Un dernier point. Un souffle qui s'échappe, chaud, comme une caresse sur le vélin pour que les dernières traces d'encre humide disparaissent. Soigneusement plié, scellé, la missive avait été confié à qui saurait la faire partir et parvenir à son destinataire.
Ne restait plus qu'à attendre une réponse en retour.
Quelques mots... Trace d'une vie passée loin d'ici.