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[RP] Sur la peau, nos vies encrées.

Briana.
    [ Ribe - Danemark ]


Plusieurs semaines s’étaient écoulées déjà, les cœurs et les esprits n’étant plus pour l’heure hantés que par quelques souvenirs, devenus vagues pour certains, tandis que d’autres persistaient dans le temps, offrant aux penseurs, joies, mais peine aussi parfois. Difficile d’oublier les revirements de situations, ce qui avait été perçu, une fois de trop, comme un abandon. Que derrière soi, on eut à laisser ce qui nous servait de soutien, qui nous rendait le sourire lorsque celui-ci semblait s’être éteint. Difficile aussi de se faire à l’idée qu’il ne sera pas, pour les retrouvailles, question de demain.
Pourquoi les mauvais souvenirs avaient-ils plus facile à ressurgir que les bons ?

Et puis chacun, progressivement, avait repris sa vie là où elle avait été laissé, même si rien n’était aussi simple pour Briana qui, si ses pieds avaient déjà pu fouler le sol danois de par une fois, devait se réhabituer aux lieux, aux autres gens qui allaient désormais l’entourer, oubliant les anciennes habitudes qu’elle s’étaient faite.
Longtemps restée prostrée à l’intérieur de la demeure familiale, tenant compagnie de longues heures à sa tante Sigrùn ou bien encore à Inge, à moins qu’elle n’eut préféré être accompagnée de sa seule solitude, elle avait bien vite fini par être poussée dehors. Il n’était plus un jour vécu sans que la voix retentissante de son grand-père ne la bouscule un peu, la mettant au défi d’entraînements de plus en plus soutenus. Plus une journée passée, sans que ne s’en vienne Thyra, qui, très persuasive, arrivait à faire sortir la de Courcy de sa léthargie, l’entraînant avec elle dans quelques escapades clandestines.
Tous, était un soutien retrouvé, en contrepartie de celui qu’elle pensait avoir perdu.

Depuis quand n’avait-elle pas eu de nouvelles ? Depuis quand n’en avait-elle pas donnée ? Depuis ce fameux jour de départ, où, sur les quais du port de Montpellier dernière accolade avait été partagée. Où tenue là, sur le pont du navire qui les ramènerait au Danemark, elle était restée de longues minutes, ses bras encerclant la taille de sa tante, leurs regards à toutes deux peinant à se détacher de cette silhouette si massive qui allait rapetissant, jusqu’à devenir invisible. Et durant tout ce temps, seul le silence avait accompagné les sanglots que l’épaisse fourrure d’un mantel avait réussi à étouffer, son visage enfoui tout contre celle qui l’avait prise sous son aile.

Et pourquoi lui, n’avait-il pas encore trouvé temps de lui écrire ? Pourquoi, elle, ne l’avait-elle pas encore fait, depuis qu’avait touché à sa fin leur périple ? Par la faute de trop grands tourments venus l’handicaper, lui faisant perdre toute envie de s’affairer à quelconque activité ? Assurément qu’il était question de ça. Mais aujourd’hui, était un autre jour. Comme un nouveau départ.
Le temps avait fait son œuvre plus vite que prévu, guérissant du manque jusque là ressenti, au grand bonheur de ceux qui voyait de nouveau le visage terni reprendre couleur et vie. Nul autre choix que celui-ci, la vie étant ainsi faite, le temps étant favorable à la guérison des maux.
Plus de tristesse, plus de ces longues périodes de silence. Rien d’autre qu’une vie pleinement vécue.

Toutefois, quand bien même le manque n’était plus, aujourd’hui, serait jour où la plume, de nouveau viendrait embrasser le parchemin, se faisant porteuse de nouvelles, de ces confidences que l’on voudrait pouvoir partager de vive-voix, mais qui ne saurait trouver l’oreille pour se faire. Ne restait alors que le vélin sur lequel coucher les mots… Parce qu’elle ne l’avait pas oublié pour autant, parce qu’il serait plus simple surement de griffer la peau, sans venir la souiller de ces larmes salées qu’elle avait enfin réussi à contenir.
Temps était venu d’écrire à son cousin.

La journée était déjà bien avancée, et il fallait rentrer à présent.
Derniers rires étouffés, derniers sourires un peu gênés lorsque les regards croisent ceux des valeureux guerriers en devenirs et qu’en compagnie de Thyra elle est venue admirer, les laissant repartir le rose aux joues et des rêves pleins la tête. Un passe-temps devenu favori aux deux jeunes complices qu’elles étaient devenues, partageant leurs avis sur les combattants, ne cachant pas leur préférences qui s’en allaient pour l’un ou encore pour l’autre.
Une promesse de se revoir dès le lendemain avait été faite et Thyra abandonnée sur le seuil de sa maison, et après une course effrénée, était au tour de Briana de quitter le froid, de pousser la porte de la demeure familiale et de se sentir enveloppée d’une chaleur agréable.
Un estomac criant sa faim l’avait conduite à la cuisine, la poussant à arracher à une assiette posée là quelques biscuits. Poings fermés pour ne pas en perdre la moindre miette, rabattu tout contre elle, elle abandonna Inge qui s’était retournée de surprise, de la voir si vite faire irruption, pour la voir sitôt repartir, la bouche déjà pleine d’un des fameux gâteaux. Pas le temps pour elle de s’attarder davantage. Chemin avait été rebroussé, les escaliers menant à l’étage gravis rapidement.
D’un coup de coude, porte avait été poussée, puis refermée et confort d’une chambre avait été trouvé.
La même qu’elle avait occupée lors de sa première venue, celle de Ragnard, celle qu’elle avait fini par s’approprier, un peu comme si elle eut de tout temps était la sienne, laissant traîner ça et là, un peu de ses affaires.

Un dernier biscuit avait trouvé place en sa bouche, le reste de la réserve qu’elle s’était constituée trouvant place sur un coin d’une petite table. Sur sa droite, sa besace, sur laquelle elle se précipita, l’attrapant par sa bandoulière, l’ouvrant et en retirant tout ce qui lui serait nécessaire pour écrire.
Chaise tirée avait vu la jeune fille s’installer, sa main s’armant de sa plume, prête à tatouer le parchemin.
Un instant, ses yeux se perdirent au travers de la fenêtre, puis bien au-delà de l’horizon.
Il y avait tant de questions…

Puis sur un soupir, la tête s’inclinant légèrement, une main en appui sur le bas du parchemin, les premières volutes d’une missive commencèrent à se dessiner.


Citation:


A Vous,
Osfrid,

Pour Vous qui êtes restés si loin, cette lettre porteuse de quelques nouvelles de Ribe, de notre famille, de moi. Bien des jours nous séparent déjà, comme la distance entre le Danemark et ce Royaume de France qui semble être arrivé à ses fins, vous gardant prisonnier, loin de vos terres, de vos proches pour qui vous comptez tant.

Des jours durant, j’ai eu grand mal à me faire à cette idée de vous y savoir resté. Car quoi de plus important que les vôtres pour que vous ayez décidé finalement de ne pas rentrer vous aussi ? J’ai beau réfléchir, je ne parviens pas à trouver de réponse à cette question que je me pose. Mais peut-être saurez-vous me l’expliquer au travers une de vos missives que je me languis déjà de pouvoir lire. Sont en ma tête, encore encrés, quelques souvenirs de nos conversations passées, de ces projets à venir dont vous m’aviez parlé, de ce Duc à aller protéger.
Cela est-il toujours d’actualité ?

Et qu’en est-il ce jour ? Vous êtes-vous décidé enfin à quitter Montpellier pour d’autres contrées ?
Vers quelle destinée courrez-vous désormais ? Et en la compagnie de qui cette fois ? J’espère, le cas échéant, que vous êtes bien entouré, et que vous vous portez bien. S’il est une chose qui nous préoccupe ici, c’est bien celle-là.
Nous nous rappelons encore la chienlit qu’apporte les routes, et jusque Ribe, vous vous en doutez, les nouvelles nous parviennent. Des bruits courent sur nos terres, que se répand, sur le Royaume de France, de virulentes épidémies. Imaginez alors notre degré d’inquiétude, alors que nous restons sans nouvelles de vous depuis de longues semaines.
C’est avec impatience que nous attendons de voir Loki fendre les airs, alors je vous en prie, portez-nous vite de ces mots qui sauront nous rassurer. Chaque jours qui passe, je sens l’angoisse atteindre ma tante, Osfrid. La douleur d’avoir perdu mon Oncle se fait encore si profonde.
Je vous en prie, soyez porteur de bonnes nouvelles et en attendant, nous prierons les Dieux pour qu’ils vous protègent et vous rendent à nous le plus rapidement possible.

Toutefois, sachez que mise à part cette inquiétude grandissante, chacun des membres de la famille se porte au mieux. Notre Grand-père n’a de cesse de me pousser à donner le meilleur de moi-même au cours d’entraînements toujours plus soutenus. Point de répit pour moi, mais bien s’en fait. Je n’ai ainsi plus le temps de trop penser et les occupations auxquelles je m’adonne me permettent d’oublier ce qui tend à faire mal. Même votre absence me semble moins pénible à supporter.

C’est sans regret que j’ai quitté le sol Françoys pour des terres bien plus accueillantes et pour une vie qui s’annonce bien plus attrayante. Je me plaît d’être ici, entouré de gens que j’aime et qui savent me donner tout autant en retour. Mais de cela je suis certaine que vous vous en doutiez.

C’est avec l’espoir de vous savoir bien entouré vous aussi et bien portant que je vous laisse à présent.

C’est toute notre famille qui vous embrasse et qui pense à vous.

A très vite de vous lire.

Votre petite fleur,
Briana.



Un dernier point. Un souffle qui s'échappe, chaud, comme une caresse sur le vélin pour que les dernières traces d'encre humide disparaissent. Soigneusement plié, scellé, la missive avait été confié à qui saurait la faire partir et parvenir à son destinataire.
Ne restait plus qu'à attendre une réponse en retour.
Quelques mots... Trace d'une vie passée loin d'ici.
Osfrid
    Il y avait eu l’éloignement et puis le retour à la réalité. Cela ne s’était pas fait sans mal, cela ne s’était pas fait sans douleurs. Se retrouver seul afin d’affronter son destin, ce destin qu’il avait lui-même désiré, n’était qu’une illusion de plus dans sa vie. Qui aurait pu comprendre qu’il ne pouvait pas retourner au sein de sa famille alors qu’il avait tant de tourments qui rendaient son âme déchirée au point de l’entrainer parfois sur les bords de la folie, toujours un peu plus loin dans ce cauchemar que représentait sa vie.

    Osfrid était las de tout et de rien, de lui-même comme de son existence. Depuis que la mort lui avait arraché sa tendre épouse, il avait cru devenir fou. Mais n’était-ce qu’une impression finalement, peut être que la folie était belle et bien en lui et qu’il venait simplement de s’en rendre compte ? En tout cas, depuis bien longtemps, le danois avait décidé qu’il ne pouvait faire subir sa propre déchéance à sa mère et au clan Rasmussen alors il avait prétexté des activités à honorer sur le sol du royaume de France afin que ces derniers partent l’esprit tranquille, accueillant en leur sein celle qu’il n’avait de cesse de vouloir protéger depuis des mois. C’était là pour lui la seule solution possible et envisageable depuis que les membres de cette famille s’étaient déchirés.

    Et puis le danois était parti, repoussant toujours les frontières de son inexistence. Seul, au hasard, laissant son cheval errer sur les chemins, le conduisant ici et ailleurs. Il avait mis son épée au service de nobles, de bourgeois, de simples commerçants qui cherchaient un protecteur… toujours à chercher la mort à leur place afin de se sentir vivant. Mais ce n’était là encore qu’une illusion. Se sentir vivant alors qu’à l’intérieur de lui plus rien ne ressentait la moindre émotion… Osfrid offrait le parfait masque de l’homme que rien n’atteignait, qui ne vivait que pour une cause à laquelle il croyait, mais croyait-il encore à quelque chose ?

    Et puis ses pas l’avaient entrainé jusqu’en Italie où il avait fait la connaissance d’un commerçant vénitien, Giovanni Giordano avec lequel il s’était lié d’amitié. L’homme était bon vivant, un peu roublard sur les bords, profitant de chaque instant que la vie lui offrait. La fortune, les femmes, l’alcool et le jeu, une vie de débauche, une vie passée à s’amuser. Osfrid l’avait sauvé un soir de beuverie alors que l’homme, la trentaine passée, manquait de se faire occire par quelques grippe-sous qui avaient vu là l’occasion de faire fortune à la fin d’une soirée trop arrosée. Et dès lors, Giovanni s’était attaché à sa personne, lui offrant un bon salaire afin de le garder en vie. Le danois n’ayant rien d’autre à faire s’était alors posé quelques temps auprès de ce compagnon à la culture variée, qui lui offrait la possibilité de voyager tout en profitant d’une certaine notoriété qu’offrait d’être au service de cet homme. Et ce fut à Venise que le danois reçut un pli. D’abord intrigué, il n’était pas du genre à entretenir de relation même à distance, ayant préféré couper les ponts avec tout le monde, il reçut un coup violent au cœur lorsqu’il prit connaissance de l’expéditeur. Tant de semaines s’étaient écoulées depuis leur séparation... lui-même n’avait pas osé rompre le silence qui les avait saisis depuis le jour de leur séparation afin de laisser l’enfant que Briana était à ce moment-là s’habituer aux changements qui s’opéraient dans sa vie. Elle se retrouvait du jour au lendemain propulsait dans le cœur d’une famille qu’elle ne connaissait guère, avec ses codes et ses coutumes qu’elle se devait maintenant de respecter. Et puis, elle devait grandir loin de lui, loin de sa mère et son père qui étaient devenus des étrangers pour elle en quelques semaines, loin de ce frère qui l’avait laissé partir sans un mot pour la retenir. Alors il avait volontairement évité de remuer le couteau dans la plaie en se rappelant à son bon souvenir. Et puis ainsi en avait-il décidé et rien ne l’aurait fait changer d’avis. Seul lien qu’il s’accordait était de donner une adresse à son grand-père afin qu’il sache où le trouver et il se douta bien qu’Eirik avait vendu la mèche devant cette petite tête blonde qui le menait certainement par le bout du nez.

    Osfrid hésita longtemps avant de prendre connaissance du courrier. Il le posa sur son bureau avant d’aller s’assurer que tout était en ordre pour le futur voyage de Giovanni pour Florence où l’homme devait se rendre afin de vendre quelques pierres précieuses qui lui venaient de contrées lointaines. La journée lui offrirait se répit dont il avait besoin avant d’affronter les mots de sa petite cousine, ces mots qu’il avait tant espéré et tant redouté à la fois. Mais le soir venu, rentrant fourbu et las de cette journée qui n’avait eu de cesse de lui poser des problèmes, il s’installa près de la fenêtre afin de lire, à tête reposée, la missive qui bien entendu appela réponse de sa part dans la foulée.


Citation:
A toi, Briana,
Petite fleur de Ribe qui grandit en son sein,

Et qui m’apporte quelques nouvelles des miens mais surtout de toi. Toi qui malgré les jours et les lieues je n’ai pas oublié. Loin de moi cette pensée d’ailleurs même si, je l’avoue, je me suis résigné à ne point prendre la plume pour ne pas rajouter à ton chagrin de cette séparation que je nous ai imposé. Il te fallait t’habituer à ton nouveau foyer et même si je sais que ma présence t’aurait été d’un grand secours, elle n’en aurait pas été moins désavantageuse. Sans moi, ma douce Briana, tu as tissé les liens qu’il fallait avec chaque membre de cette maison qui est désormais la tienne.

J’imagine sans peine que Mère a su t’offrir la place de cette petite fille dont elle a toujours rêvé d’avoir à ses côtés sans compter Inge qui a dû te choyer comme l’être le plus important au monde, toi qui a sans doute redonné le sourire à ta tante. Et dans ce tableau, j’imagine très bien Eirik jouant les nobles protecteurs tout autant que les professeurs. Il peut être si intransigeant qu’il a dû exiger le meilleur de toi-même. Sache une chose Briana, c’est qu’il n’ira jamais au-delà de ce qu’il pense que tu puisses donner… jamais. Fais-lui confiance min blomst, il sait…

Pour ce qui est des nouvelles me concernant, il y a peu à dire tu sais. J’ai été quelques peu malade après votre départ, souffrant de douleurs dans le corps, de fièvre mais il m’en faut plus pour me terrasser. La maladie a choisi elle-même de me fuir. A croire que je fais peur à voir ! Mais, quoi qu’il en soit, j’ai mis le cap vers le sud où mes pas m’ont conduit jusqu’à Venise. Là, j’ai rencontré non pas un duc mais un gentilhomme qui fait commerce de pierres précieuses et autres objets de luxe avec qui je m’entends, finalement, pas si mal. Il avait besoin qu’on le protège, j’ai décidé de faire de sa vie mon travail. Cela me permet de profiter un peu d’un pays qui est étranger à nos querelles familiales et où je suis un inconnu sans passé et sans avenir, simplement là pour protéger la vie de Giovanni. Tu vois Briana, tout se passe bien pour moi, il ne faut pas vous inquiéter plus que nécessaire. Non il ne faut pas.

Je suis ravi d’avoir pu te lire un peu. Sache que même si mes pas m’entrainent sur des chemins lointains, que cela parait trop éloigné de Ribe, je pense tous les jours à toi, à vous tous.
Je te prie d’embrasser tout le monde là-bas et de les rassurer pour moi.

Un jour viendra où l’on se retrouvera… un jour….

Ton cousin


Loki était prêt à prendre son envol et après quelques bectances qu’Osfrid lui eut données, l’oiseau s’envola dans un magistral battement d’ailes. Maintenant le danois pouvait penser à se reposer et peut être que cette nuit lui apporterait le calme auquel il aspirait.
Briana.
    [ Ribe toujours - Bien des jours plus tard ]


Il est un temps fait d'espérance : celui de l'attente. Des jours qu'elle espère, entre inquiétude et impatience, de voir venir enfin le messager qui saura lui porter de SES nouvelles. Jamais réponse à ses courriers n'avait encore donnée lieu à si longue attente et plus les jours passaient et plus l'angoisse peinait à se dissiper. Et quoi de plus terrible que cette anxiété profonde qui s'insinue doucement mais surement en vos entrailles, et ce jusqu'à vous en faire mal ? Qui trouble ces instants de repos que tout corps mérite et qui prend alors plaisir à vous rendre vulnérable ?
Il n'était pas de moment précis, qu'il soit pour faire vaciller son coeur ou son esprit. L'angoisse avait de cela aussi qu'elle n'accordait généralement aucun répit à sa victime. Elle frappait, sans aucune pitié, tant de jour, que de nuit, selon ses envies.


Et cette nuit encore l'avait rendue martyr.
Ce fut sur un visage marqué par la fatigue que les premières lueurs du jour s'étaient levées, poussant Briana à faigner de se tirer hors de sa couche comme bien des matinées. Et ce jour encore, elle s'attendait à entendre les pas d'Inge grimper les escaliers, pour la voir ensuite faire irruption dans sa chambre et la forcer, toujours empreinte de cette même tendresse, à se secouer un peu. Puis d'un regard adressé, elle aurait cherché à savoir si ce qu'elle attendait était enfin arrivé.
Il ne lui fallait bien que recevoir ce courrier pour lui rendre l'éclat perdu. Savoir qu'aussi loin qu'il eut pu être, il allait bien. Le savoir en vie, voilà ce dont elle avait besoin.


A Inge de se présenter alors comme elle l'avait pensé, comme à son habitude, effectuant les mêmes gestes dès son entrée. Les volets ne tardaient jamais à être ouverts, puis place était faite en bordure de lit, une main attentionnée venant se perdre dans les boucles dorées et désordonnées. S'en suivait un échange de quelques secondes, quelques mots doucement glissés au creux de l'esgourde avant que les yeux, enfin habitués au jour ne daignent s'ouvrir entièrement sur le visage qui s'offrait à leur vue.
Un regard accrochant le sien, cherchant à avoir sa réponse. Avait-il oui ou non écrit ?


Les azurs, désormais tenus en éveil, s'étaient alors attardés sur les traits de cette dernière et avaient su déceler les prémices d'un sourire qui allait grandissant. Était-ce un bon signe plutôt qu'un geste rassurant ? Au fond d'elle, elle l'espérait. Espoir qui ne resta pas intime longtemps, tandis que la frêle silhouette que Briana affichait, se relevait, celle-ci se tenant assise à présent.


" Dis moi qu'une lettre est arrivée pour moi. "



Un signe de tête positif avait succédé à ses mots.


" Ce matin, à l'aube."


A son tour d'être frappée d'un sentiment de contentement qui avait su venir égayer des traits restés graves jusqu'alors.



" Est-ce Lui qui à écrit Inge ? "


" Et bien pour ça, il va falloir te lever Briana et aller le découvrir de par toi même. La lettre est entre les mains de ta tante. Elle attendait de te voir la rejoindre pour te la remettre. Ne te voyant pas arriver, elle m'a envoyée venir te chercher. "



Déjà la silhouette féminine à quittée le bord de la couche, invitant d'un dernier regard la jeune fille à la suivre.


" J'arrive tout de suite ! Le temps de me rafraîchir un peu. "


La porte de la chambre refermée, d'un geste brusque, elle repoussa plusieurs épaisseurs de couvertures, s'extirpa de la cavité que le poids de son corps avait creusée dans le matelas de plumes, enfila vivement ses bas de laine et ses chaussons de feutres pour se diriger vers un coin de la chambre où reposait sur une petite table, un broc d'eau clair et une petite vasque. A l'eau ajoutée, d’y voir plonger deux mains qui s'en viennent asperger abondamment un visage lui faisant retrouver toute sa fraîcheur. D’un linge propre mis à disposition, elle s’essuya, se rapprocha de sa couche qu’elle venait tout juste de quitter, s’empara d’une des couvertures de laine qui avait servi à la tenir au chaud pour la nuit et s’enveloppa dedans avant de filer tout droit vers l’escalier qu’elle descendit précipitamment.

Là, dans la grande pièce à vivre, se trouvait, bien installée dans le fond d'un grand fauteuil, profitant de la chaleur exaltante d'un foyer nourri par un bon feu, sa tante. Sans attendre, elle rejoignit Sigrùn sur la joue de qui, elle déposa une de ses bises affectueuses avant de venir se placer face à elle, ses yeux se trouvant irrésistiblement attirés par ce qu'elle tenait en main : La Fameuse... Missive tant attendue...

Déjà les mains offertes attendaient de la recevoir, non sans être certaine pourtant qu'elle lui revenait.


" Est ce ce courrier dont Inge m'a parlé ma Tante ? "


Azurs qui se détournent alors soudainement tandis qu'Inge, au même moment, traverse la pièce, déposant sur la table un plateau qui compte quelques petites victuailles ainsi que deux tasses fumantes. Elle la suit, jusqu'à la voir disparaître et reporte toute son attention sur la lettre qui vient de trouver place dans le creux de ses mains. C'est sur un sourire enjoué que le pli est ouvert alors qu'elle vient prendre place assise sur l'accoudoir du grand fauteuil, tout près de sa tante. Ce matin, il sera une lecture partagée. Rapidement, les mots sont parcourus, entre les lignes pour commencer. Juste pour s'assurer qu'aucune mauvaises nouvelles ne leur est apportée. Un soupir s'échappe alors, avant que ne s'en suive la prise d'une profonde inspiration, et que d'une voix paisible elle dévoile enfin les mots couchés.

C'est rassurées que toute deux viennent plonger dans les bras de l'une et de l'autre avant de se lever et d'aller partager ensemble un copieux petit déjeuner.
A cela s'en suivit une journée des plus ardues. Elle avait promis à Thyra de l'accompagner et de venir aider Harald à soigner les nombreux chevaux que son élevage comptait. L'hiver était rude, et il fallait veiller à leur confort. Leur hivernage avait depuis longtemps était préparé avec soin, mais un apport supplémentaire d'attentions n'étaient jamais à négliger.


Sa journée de plaisir plus que de labeur passée, elle était vite rentrée promettant de revenir demain, pour aider à sortir les chevaux si le temps le leur permettait enfin. Ce soir, la tempête faisait rage. A l'intérieur de la maisonnée, nul besoin d'ouvrir les yeux pour deviner le temps maussade qu'offrait les cieux. Suffisait d'entendre les sifflements du vent qui tentaient vainement de s'immiscer par les grandes fenêtres. La maison était solide, autant que la pierre qui la recouvrait.

Après un bref passage dans sa chambre, elle se présenta de nouveau dans le salon, carnet en main qu'elle avait délogée de sous son matelas. Glissée à l'intérieur, la missive d'Osfrid à laquelle elle allait enfin pouvoir répondre. Un instant abandonné sur la table, elle s'enfonça dans un coin de la pièce pour se diriger vers le foyer qui faisait l'angle et où mourait un feu qui ne réussissait plus à repousser le froid. Tisonnant les braises redevenues sous l'action rougeoyantes, elle jeta une nouvelle bûche en leur centre et s'en retourna pour aller s'attabler. Le lien de cuir défait, elle retira la missive de son cousin pour en faire lecture une seconde fois et vint ensuite déloger d'une boite en bois son nécessaire à écriture. Mais avant de se consacrer à la rédaction d'une réponse, elle porta à ses lèvres ses deux mains placées en cornet et souffla dans l'orifice près de ses deux pouces pour réchauffer ses doigts qui commençaient à s'engourdir. Ce faisant, elle avait levé les yeux vers la fenêtre qui se trouvait au plus près d'elle attirée par les rafales de neige qui venaient tapisser les vitres d'un voile opaque.

Puis la pointe de la plume avait été maculée d'une encre aussi noire que l'ébène avant de venir fouler et crisser sur le vélin qui se trouvait à sa portée.

Citation:



A Vous,
Mon très cher cousin,

A qui j'espère, cette lettre parviendra rapidement.

Il est tant de choses que j'ai à vous dire, vous raconter. Dont la première, celle de vous dire Ô combien nous sommes tous ici rassurés de vous savoir bien portant. Après avoir reçu de vos nouvelles, c'est de nouveau le sourire qui est venu marquer les visages, preuve que nos esprits ont su s'apaiser enfin. Il est si difficile de ne pas s'inquiéter pour ceux que l'on aime surtout lorsqu'on se retrouve à des milliers de lieues les uns des autres.

Vous me manquez Osfrid Rasmussen, plus que je ne l'aurai pensé. Et même si mes journées sont pleines d'affairements qui m'aide à faire défiler le temps, il n'est pas un jour où je ne pense pas à vous. Il va s'en dire que moi non plus, je ne suis pas là de vous oublier. Et comment le pourrai-je d'ailleurs ? Moi qui suis ici, dans cet endroit qui vous ressemble tant et qui vous rappelle à moi quoi que je fasse, et où que je sois.

Comme j'aimerai que vous soyez là. Que vous puissiez voir tout ce dont je suis capable aujourd'hui. Vous aviez raison de penser que ma tante et notre Grand-père fussent là pour m'entourer et faire de moi un être bien moins fragile et plus sûr de soi. De répit, ils ne m'ont certes pas donnés beaucoup, mais je ne les remercierai jamais assez de m'avoir aider à étouffer les douleurs passées. Je sais que ce que j'ai pu trouver ici, qu'il soit question d'amour, de soutien, jamais je n'aurai pu l'obtenir de la part de ceux que je pensais être miens jusqu'alors. Ma famille est celle-ci désormais, plus importante que n'importe quoi d'autre. Ne manque que vous à cette place qui reste vide et qui n'attends que d'être occupée de nouveau.

Je sais, bien entendu, que votre retour en nos terres n'est pas prévu pour dans l'immédiat et qu'il me faudra m'armer d'encore de beaucoup de patience. Quand je pense que c'est de l'Italie que vous m'avez écris. Je comprends mieux alors, tous ce temps passé avant que votre missive ne nous arrive. Et comme je vous envie d'avoir la chance de découvrir de telles terres. A ce que j'ai pu entendre dire, elles sont magnifiques ? Est ce vrai qu'elles le sont ? Et comme j'aimerai pouvoir m'y rendre moi aussi, un jour, qui sait, en votre compagnie peut-être.

Vous me demandez de ne pas avoir d'inquiétude, et je veux bien essayer. Seulement, faites moi promesse de faire le maximum pour prendre soin de vous. Je sais le choix que vous avez fait en décidant de porter protection à ce dit Giovanni, et je sais surtout les responsabilités qui incombent à cette tâche. Puisse cet homme ne pas courir de risques inutiles, pour ne pas vous mettre en danger, ou c'est moi, qui de mes mains, s'il venait à vous arriver quelque chose, m'en viendrait le tuer.

Puisse les Dieux vous préserver de tous malheur Osfrid.
Mes pensées vous accompagnent aussi loin que vous puissiez vous trouver désormais.

Avec tout l'amour que je vous porte.

Briana.



Sourire de satisfaction aux derniers mots venus teintés de noir le parchemin. Ce soir la missive trouverait place au côté de celle qu'elle avait reçu à la matinée, pour finalement être envoyée dès le lendemain matin.
Osfrid
    Les mois étaient passés sans qu’on ne s’en rende compte et les saisons se chassèrent mutuellement poussant les mois en années. Les courriers s’étaient fait rares mais comme un lien précieux, il était toujours de mise qu’une missive parvienne à Ribe de temps à autre, pour ne pas inquiéter, pour ne pas oublier, pour ne pas effacer de sa mémoire d’où il venait.

    Le danois vivait selon le monde que lui avait fait découvrir Giovanni. Ni bien, ni mal, juste avec des besoins nouveaux, des envies nouvelles et un regard neuf sur la vie. Oh, il n’oubliait pas pour autant les siens, ceux de son clan, vivant ou morts mais il tentait d’avancer sans se lier les pieds pour s'entrainer par le fond des océans. Et doucement, peut être grâce à l’italien, il avait réussi à se maintenir en vie et profiter finalement de l’existence qui lui était offerte.

    Toutefois, depuis peu, il avait décidé de revenir vers les siens. Panser ses plaies avait duré le temps qu’il lui fallait, maintenant il était prêt à revenir vers d’autres horizons même s’il savait que les lieux d’autrefois lui rappelleraient sans cesse ce passé qui l’avait longtemps rongé. Aujourd’hui, Osfrid se sentait plus fort qu’il ne l’avait jamais été. Alors l’Italie fut oubliée au profit de Paris, ville dont il avait décidé qu’elle serait son pied-à-terre durant quelques temps avant de retourner à Ribe aussi, il devait prévenir les siens d’un prochain retour et surtout prendre des nouvelles de sa petite cousine qui, il en était certain, devait se lamenter de ne pas recevoir assez de ses courriers. Briana avait toujours pris soin de ne pas briser le lien qui les unissait aussi il se fustigeait mentalement de ne pas avoir été aussi assidu qu’elle durant toutes ses années mais, à sa décharge, il pouvait invoquer son travail et éviter de parler des séjours qu’il faisait dans certains lieux pour surveiller Giovanni. Et qui le surveillait lui ?

    Tout en prenant un vélin et sa plume, le danois souriait à cette dernière pensée. Il était temps de prendre des nouvelles de Briana et surtout savoir ce qu’elle devenait. L’Italie était un chapitre de sa vie qu’il refermait tranquillement, apaisé et surtout heureux de l’avoir finalement vécu.


Citation:
A toi, petite fleur de Ribe,
Briana,

Il est bien longtemps que je n’ai point pris la plume pour te donner des nouvelles mais il n’est guère aisé de te faire parvenir Loki alors que je suis dans un pays lointain. Même pour lui, la distance serait mortelle et je tiens quand même à cette vieille carne malgré le fait qu’il dévore un peu tout ce qu’il trouve. Si au moins il pouvait me ramener quelques miettes des gâteaux d’Inge… mais tu penses bien qu’il se les goinfres tout seul en parfait égoïste qu’il est… Mais je ne suis pas là pour parler de ce vieil oiseau de malheur mais pour venir prendre de tes nouvelles Botilde. Comment vas-tu Briana ?

Cela fait maintenant longtemps que tu vis à Ribe et j’ose imaginer que tu es devenue une vraie petite danoise sous des airs charmants de normande. Qu’en est-il de ton éducation par Grand-père ? A-t-il atteint son but, sais-tu manier une épée comme une vraie valkyrie min blomst ? Pourrais-je te confier ma vie à mon retour à Ribe, sauras-tu prête à faire le serment du clan des Rasmussen de toujours défendre les tiens comme les gens sans défense et les opprimés ?... Il me tarde de m’en assurer par moi-même Briana si tu savais…

Toutefois, j’ai une bonne nouvelle à t’annoncer ainsi qu’à la famille. J’ai quitté l’Italie pour revenir un peu plus au nord et je me suis arrêté à Paris. Les voyages ça a du bon et même si Giovanni, mon employeur, me payait grassement, il m’est nécessaire de me refaire une petite santé financière. Mais bientôt je serais à nouveau à vos côtés. Mère pourra enfin me dire mes quatre vérités sur le fait que je n’ai pas écris souvent et Eirik pourra aussi me faire la leçon mais j’espère que vous comprendrez qu’il m’a fallu tout ce temps pour faire mon deuil et surtout abandonner ma colère qui me rongeait intérieurement.

Tout ce qu’il s’est passé, de la mort de Sibylla, Ragnard et Père aux disputes avec celle qui t’a mise au monde, je ne pensais pas passer une année si difficile et surtout je n’y étais pas préparé. L’éloignement m’a fait du bien. Même si je ne pardonne pas à ta mère Briana, je l’ai effacé de ma vie. Elle n’a jamais existé pour moi et n’existera jamais. Il me fallait te le dire min Blomst. Tu n’es en rien responsable de ses agissements, vu ce qu’elle t’a fait mais je préfère me dire qu’elle est morte et enterrée… pour notre bien à tous. Notre clan lui est interdit, en ça nous sommes protégés quant à la croiser un jour, je pense que là où je suis ce n’est pas trop les endroits qu’elle fréquente et ça m’évite de tomber dessus. De toute manière si un jour cela devait arriver, elle n’aurait que mépris et froideur de ma part. Tout comme ton père qui n’a jamais pris de nouvelles de toi. J’espère au moins qu’à Ribe tu as su trouver le foyer que tu désirais, que les miens ont su t’aider à grandir et à devenir celle que tu as toujours été en toi… J’espère tant de choses et je suis impatient de te découvrir, te redécouvrir. Je sais que les années ont dû changer la petite fille que j’ai laissé partir en une jolie demoiselle pleine de vie et je m’attends à tout et rien mais j’avoue que tu m’as manqué durant tous ses longs mois où nous étions éloignés et je serais le plus heureux des hommes de retrouver nos joies d’antan, nos promenades le long de la côte, et pourquoi pas aller discuter sous l’arbre aux souvenirs. Y vas-tu encore Briana ? A-t-il su te conquérir ?

Ah la nostalgie est un sentiment que j’avais oublié et qui me rappelle tant de jolies choses même si les évènements étaient difficilement gérables mais je suis heureux que dans tout ce qu’il s’est passé dans nos vies respectives, tu as trouvé un endroit à toi.
Tu fais partie désormais des miens Briana. Ma terre est tienne, prends-en grand soin, ma famille t’appartient, sois toujours là pour elle et que l’on te nomme Botilde ou Briana, tu es et tu resteras toujours ma petite fleur de Ribe…

Il est temps maintenant que je retourne à mon travail. Offrir sa protection n’est pas facile et surtout n’a guère de moment de répit mais depuis le temps, je m’y suis habitué. N’oublie pas min Blomst, n’oublie pas que les lieues qui nous séparent sont moindres désormais et que bientôt, nous nous reverrons… Bientôt Briana…




Il avait sablé son vélin pour qu’il sèche plus vite afin de l’attacher rapidement à Loki et envoyer la bestiole par la fenêtre. La rue des deux-écus commençait à s’animer et il allait jeter un œil à ce qu’il se tramait dans les coins et recoins pour éviter les désagréments inhérents aux activités des lieux mais un sourire illuminait désormais ses lèvres.
Briana.
Début d'un nouveau jour où l'aube éclairait d'une lumière rougeoyante les hauts toits de la ville.
Briana, depuis son retour sur le sol françoys n'avait plus quitté Paris, plus depuis qu'elle avait pris la sombre résolution de ne plus mettre les pieds en Normandie.
Qui plus est, en la Capitale, elle prenait goût de jouir de bien des plaisirs, qu'ils soient en les rues des beaux quartiers, en la compagnie de quelques connaissances qu'elle avait faite, dont une, particulière : Antonio.

Confinée entre les quatre murs de sa chambre d'hôtel pour encore quelques heures, elle s'arracha à la fenêtre derrière laquelle elle avait pris place, son regard s'étant perdu sur l'horizon, sans grandes pensées. L'habitude, elle avait prise de se lever et de contempler, les jours ou le ciel affichait un franc soleil, ce dernier, répandant, sur les toits de Notre Dame qui se dressait avec arrogance et magnificence, sa poudre d'or et ses premières, mais non ressenties, effluves de chaleur.

Encore vêtue de sa longue et large chemise de nuit, elle partit s'affairer à sa toilette et s'apprêta d'une côte en drap bleu lui moulant le buste et s'évasant sur les hanches. Se para d'un surcot rouge orné à l'encolure d'un fermail en argent ouvragé. Par dessus, un fin cordon de cuir et d'argent venait souligner davantage sa silhouette, celui-ci lui ceignant la taille. Était ensuite venu le temps de s'attarder sur sa longue chevelure, de la démêler, et de la tresser avant de l’enrouler, telle une couronne autour de sa tête.
Prête, un dernier coup d'oeil avait été lancé dans le miroir d'étain et sortant de derrière une tenture qui protégeait du regard le coin d'eau, se dirigea vers la porte où quelques coups venaient tout juste de s'abattre. Cette dernière s’entrouvrit et invitation d’entrer fut faite au personnel porteur de ce petit déjeuné qu’elle avait commandé la veille avant de rejoindre sa chambre.



" Le bonjour Mademoiselle. "
" Le bon jour à vous Octave "
" La nuit fut elle bonne ?"
" Excellente"
" Voilà qui est parfait... Votre petit déjeuné ? "
" Déposez-le sur la table je vous prie... "



Briana avait suivi le valet de chambre jusqu'à la dite table, en retirant de sur le dessus quelques missives qu'elle y avait abandonnée la veille. Une main porteuse des dits courriers, l'autre tirait sur le dossier d'une chaise qui la vit s'asseoir.


" Mademoiselle n'a besoin de rien d'autre ?"
" De rien Octave, je vous remercie. Vous pouvez disposer."



De besoin, elle n'avait que de pouvoir retrouver sa solitude afin de répondre à ce courrier récemment reçu. Sur ses cuisses, deux lettres. Une de sa tante Sigrùn, l'autre rédigée de la main de son cousin dont elle n'avait plus reçu de nouvelles depuis ce qui lui avait semblé être une éternité. Celui-ci n'ayant pas connaissance de son retour en France, lui avait fait parvenir de ses nouvelles jusqu'à Ribe avant que sa tante ne les lui fasse parvenir à son tour.
Et quelle surprise d'apprendre en lisant les lignes écrites que celui qui lui avait tant manqué se trouvait désormais à tout juste quelques pas d'elle. Fruit du hasard ? Ou signe du destin ? Elle s'était posée la question, elle qui n'aimait pas croire en l'idée d'un destin impossible à éviter, d'un chemin déjà tracé, d'une vie écrite. Il y avait là trop d'entrave à cette liberté qu'elle s'était construite... Toutefois, en ce qui concernait Osfrid, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il pu en être autrement. Elle laissait donc le hasard de côté, persuadée que leurs vies seraient éternellement liées.
C'était là l'évidence... L'indispensable.


Aussi prit-elle quelques instants pour relire sa lettre, se délectant de quelques gorgées d'un lait fumant. Les années s'étaient écoulées si vite...
Reposant sa tasse vide de moitié, elle quitta brièvement sa place, plongea ses mains dans un tiroir qu'elle tira avec soin pour en extraire, plume, encrier, vélin et sitôt place assise retrouvée, que l'on pouvait entendre le corps de la plume tinter contre l'encrier de deux petits coups pour faire tomber l'excédent d'encre dans laquelle elle s'était trouvée plongé, et ce avant de venir crisser sur le parchemin.


Citation:



A Vous, qui m'avait tant... ou trop manqué.
A Vous, Osfrid,

Je confirme avoir attendu désespérément de recevoir de vos nouvelles. Mais comme il se dit souvent : mieux vaut tard que jamais. Et celles que j'ai reçu de vous récemment m'ont fait oublier l'impatience et l'inquiétude venue m'envahir vous concernant.

C'est ravie que j'apprends que vous allez bien et plus encore de vous savoir de retour parmi les Françoys. Paris... Je suis certaine que vous ne vous y ennuyez pas. Cette ville regorge de temps d'endroits où il fait bon se faire plaisir. Et si j'ai bien compris, vous voilà encore prêt à donner de votre vie. Au nom de qui cette fois seriez-vous capable de la mettre en péril ? Sur qui devrai-je venir abattre mes foudres si malheur vous arrivez ?
Il me faut savoir.

Et comme vous imaginez bien mon très cher cousin, moi, votre petite fleur, qui ayant reçu tout le savoir de notre grand-père, ne fait à ce jour plus qu'un avec les armes qu'elle a appris à manier. J'ai longuement souffert, mais jamais je n'ai abandonnée. Eirik n'avait de cesse de dire à quiconque que j'avais une prédisposition certaine et une aisance au combat. Grâce à lui, j'ai pris conscience de la nécessité de savoir se battre. Ne serait ce que pour savoir me défendre. Je me suis nourrie durant ces dernières années, de ces traditions ancestrales dont il était porteur, ai appris la rigueur, la discipline. Et je n'oublierai jamais ses mots qui disaient que lorsqu'il s'agit de se défendre, de combattre pour vaincre l'adversaire, que lorsqu'il faut sauver sa vie où celle des autres, il n'y a pas de place pour le hasard.
Aujourd'hui, je suis bien différente de celle que j'étais hier, mais à vous de le découvrir bientôt, dès lors que nous nous retrouverons.

Il me tarde de vous revoir, vous qui semblez être enfin, sinon guéri de vos maux, apaisé à ce jour. Le temps aura donc su faire son oeuvre. Me voilà soulagé qu'il en soit ainsi. Ne plus les pleurer, ne plus en vouloir à la terre entière, ne signifie pas qu'on les oublie pour autant. Bien au contraire.
Et la vie Osfrid, ne doit être un supplice pour personne.

Moi aussi, j'ai eu tout temps de penser, de réfléchir... quant à ma mère, mon père, mon frère aussi. Si vous saviez le nombre de missive que j'ai écrites, bien décidée à les envoyer à ce dernier, mais pour lesquelles je me suis ravisée de le faire.
J'ai comme qui dirai fait souhait de tirer un trait. Alors sur eux, je n'écrirai rien, car je n'ai point d'encre à user pour cela.
La seule famille dont j'ai à ce jour souhait de parler, c'est la votre... devenue notre. La seule qui compte pour moi. En son sein, j'y ai trouvé ma place et pour rien au monde je ne la céderai, ni même l'abandonnerai. Je suis si fière d'en faire partie.

Bientôt nous nous retrouverons pour converser de tout ceci, et plus tôt que vous ne puissiez l'espérer. Vous m'avez au travers votre courrier fait annonce de votre retour en France... A mon tour de vous apprendre quelque chose.
Sans doute me croyez-vous encore en train de fouler les terres de Ribe. Il n'en est rien. Comme vous, j'ai du me résoudre à revenir en ce Royaume, car si je reste sans contact avec ma mère, il n'en reste pas moins que je reçois souvent des nouvelles de Normandie. Carenza ne manque pas de m'écrire et aux dernières nouvelles, elle m'avait fait annonce que ma mère avait pour envie de retrouver la Baronnie. Voilà qui m'aura pousser à aller y mettre les pieds avant son retour afin que je puisse y récupérer ce que j'y avait laissé.
Carenza s'est occupée de tout avant mon retour et me voilà à ce jour, tout comme vous, résident à Paris. Je loge actuellement sur l'île de la Cité, non loin de Notre-Dame.
Alors où donc vous cachez-vous, que je puisse vous retrouver ? Dites-le moi vite que je puisse de nouveau profiter de votre présence à mes côtés comme autrefois.

C'est dans l'attente de recevoir rapidement de vos nouvelles que ma plume vous abandonne.
Vous m'aviez dit bientôt...
Je vous dis à bien plus vite encore.

Votre petite Fleur,
Briana.



Un dernier souffle venu caresser le vélin avant qu'une main n'en fasse de même.
Après quoi, la de Courcy s'était précipitée dans les escaliers, intimant Octave qu'il lui trouve un messager à qui elle ordonna de remettre, en l'échange d'une promesse de quelques écus, sa lettre à son destinataire.
Dernières paroles avaient alors accompagnées le départ du dit messager :



" Retournez tout Paris s'il le faut, mais trouvez-le... et vite ! "
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