Le marché ... Tout une histoire passionnante pour la Généreuse qui s'était dépêchée de quitter les deux jeunes femmes pour se précipiter vers les étales de produits frais. Les courses autant que la cuisine passionnaient la Bertille. La cuisinière au tour de taille et de poitrine appétissant adorait déambuler parmi les présentoirs afin de trouver : Le fromage qui conclurait parfaitement le dîner ; La viande qui sera la plus tendre après des heures et des heures de cuisson ; Le légume qui se mariera parfaitement à la sauce, sans disparaitre au gout mais sans dissimuler le reste non plus ; L'épice qui sublimerait le tout ; les herbes qu'il faudrait user avec parcimonie. Pour Elle la cuisine était comme de la poésie et chaque ingrédient en était les rîmes qu'il fallait accorder parfaitement. Ainsi un plat succulent frôlant la perfection devenait pour elle un sonnet en Alexandrin.
Inutile donc de préciser que la Généreuse s'amusait comme une petite folle bien loin de se douter de ce qu'il se passait entre Victoire et Mahelya à quelques rues de là. Récapitulons, il manquait des lapins, des poissons et du fromage. Pragmatique c'est bien évidement par les fromages qu'elle commença. Pierrette la laitière, proposait un vaste choix de fromages venant des régions alentours, Cabécou, Rocamadour et Roquefort du sud, Chabi et Chèvres aux herbes de l'ouest, Bleu d'auvergne, Cantal, Cendré et Saint Nectaire de l'est, Crotin de chavignol, pavé cendré et Sainte Maure de Touraine venu du nord. Pour faire bonne mesure la Généreuse prit le tout. On ne plaisante pas avec le Fromage (*), il en faut pour tout le monde et pour tous les gouts autant préparer un plateau varié. Bertille demanda à la Fromagère de lui préparer le tout, qu'elle passerait prendre une fois qu'elle aurait finit ces emplettes. Sans demander son reste, Pierrette s'activa et glissa dans les paquets un peu de raisin sec et des noix.
Ravie de ce premier achat, Bertille continua sa promenade. Certes elle devait se hâter de finir les courses pour commencer enfin la préparation du Banquet, cependant elle ne pouvait résister à s'arrêter par-ci par-là ... Curieuse, gourmande, gourmet. Quand enfin elle arriva chez le poissonnier, incapable de faire un choix tant les odeurs de la mer l'enivraient, et lui créait des idées, elle prit un peu de tout. Ainsi lors du banquet, Goujons, anguilles, truites, cabillauds et rascasses parfaitement orchestrés par les deux cuisinières joueraient une symphonie gourmande. Martin, l'adorable poissonnier édenté, sous le charme de la Généreuse avait ajouté à la préparation du sel, fort pratique et couteux, et quelques herbes. Que voulez-vous c'est que la cuisinière savait y faire. Elle minaudait parfaitement, se cambrant, se penchant, sourire greffé sur son visage pourtant pas épargné par le temps. Des années d'entrainements pour un tel résultat. Mais c'est qu'à une époque, pour la petite troupe qui avait décidé de suivre la Flammèche, il avait fallu survivre. Bref
ceci était une autre histoire
Comme le lecteur l'aura compris, c'est par l'achat des lapins que s'acheva ce périple au Marché. Une chose fut pratique, c'est que le vendeur des futurs civets n'était autre que le fils de Gontrand, celui qui devait fournir les volailles. Ravie de la coïncidence pratique, la Bertille en profita pour demander si par hasard ils auraient de quoi livrer à 16 rue de la Justice, faisant et poulets en assez grande quantité. Heureux à l'idée de faire rentrer quelques piécettes supplémentaire dans les caisses de la Famille, Gontrand Junior, opina du chef avant de proposer à sa fidèle cliente de l'aide pour tout livrer chez la Petite Rouquine. Tout d'abord parce qu'il n'avait plus rien à vendre et que donc il disposait d'une charrette et de deux parce qu'il apercevrait peut-être la Jeune Fille aux tâches de Rousseurs. Ne vous méprenez pas, il n'était pas amoureux d'elle, simplement il la trouvait jolie et puis elle était d'une famille noble quand même donc elle sentait toujours bon, en plus elle avait la peau pâle ...
C'est donc ensemble qu'ils firent le trajet jusqu'à la maison en pierre à la quasi sortie de la ville. Arrivée au pied des trois marches, Bertille constata que la porte de chêne ouvragée était encore ouverte. Haussant un sourcil elle se demanda comment cela se faisait-il que les deux jeunes femmes arrivent en même temps qu'elle alors que leur chemin à elles était le plus court ? Gontrand déballait déjà les sac de toile de jute et les cagettes, l'odeur de fromage se répandait déjà dans toute la Rue. Un sourire niais greffé sur son visage juvénile et il salua les deux jeunes femmes. Puis après avoir confirmé à Bertille la livraison des volaille dans l'après-midi, il s'éclipsa aussi vite qu'il était arrivé. S'il y avait une chose qu'il avait bien apprise c'était qu'il ne fallait surtout pas déranger les femmes lorsqu'elles étaient au fourneaux. Foi des coup de rouleau à pâtisserie qu'il avait pris sur le séant. Un instant les yeux sombres de Bertille le regardèrent s'éloigner, elle n'avait même pas eu le temps de lui filer une petite pièce pour l'aide. Boarf elle se rattraperait cette après-midi lors de la livraison. Les yeux sombres se tournèrent alors d'abord vers Victoire.
- Bien su qu'vous pouvez rentrer ! C'est plutôt conseiller si on veut l'cuisiner c'banquet. J'ai tout c'qu'il faut. Vous m'aidez à tout mettre dans la cuisine ?
La silhouette de la Généreuse se tourna alors vers sa petite Maitresse, comme elle s'y attendait la jeune fille la regardait interrogative. C'est qu'en général, Mahelya n'avait pas le droit de connaître les secrets de cuisine de Bertille... Mais cette fois, quelques bras supplémentaires ne serait pas de refus. Pour les petites tâches ... genre éplucher les légumes.
- Vous aussi, t'nez prenez c'est sac là et posait les sur la grande table.
Et sans plus de cérémonie, La cuisinière se saisit de trois ou quatre cagettes empilées et avança dans la vaste cuisine qui occupait presque la moitié du rez-de-chaussée de la maison. La porte ouvrait sur une immense table en chêne brute, robuste, large et épaisse, très pratique pour les préparations longues et pleines d'ingrédients. Au-dessus étaient suspendus des jambons et des saucissons secs. En face, sur le mur trônait un petit meuble remplis de pot, dessus l'on pouvait lire quelques noms d'épices gravé dans la terre cuite : Coriandre, baies rose, romarin, thym, laurier, bergamote, câpres, clous de girofle, poivre, piment, cannelle, cumin, lavande, échalotes, ail, oignons, et même de la moutarde de Dijon. A coté trônait une petite armoire contenant des bocaux, conserves et des confitures. Sur l'espace entre le petit meuble et l'armoire était accroché au mur une grappe d'ail, une botte de ciboulette sécher, une botte de sept épis de blé (croyances populaires qui garantissait la richesse). Sur la gauche trônait une énorme cheminée, avec en son centre un foyer et un tourne broche. La cheminée était encadrée par deux petits "fours" surmonté de ce qu'on appelait une plaque chaude, ce qui était une vrai richesse pour l'époque où les four était public. Au dessus de la cheminée pendait un batterie de casseroles et plats en cuivre. Sur la droite un meuble imposant contenait, couvert, cuillère en bois et toute la vaisselle. Les cagettes furent déposées sur la table et la Cuisinière se retourna vers ses acolytes, le sourire passionné greffé aux lèvres.
- Bon alors j'vous propose ! Victoire et moi on désosse et prépare les viandes ! Et vous Mahelya vous épluchez les légumes. Vous z'avez une bassine d'eau froide claire juste à coté d'la ch'minée ! Rincez-les avant d'les éplucher. Victoire z'avez b'soin d'couteaux ? doit y en avoir dans le tiroir du meuble sur la droite.