Ayena
La neige. La neige, le froid. Le paysage qui passe du blanc aux teintes d'ocres lorsque le manteau d'hiver fond... Avant de revenir de plus belle. La neige, la boue.
Ces derniers mois avaient été longs pour Ayena. Longs car elle les avait passés seule. Seule dans la tour de Gaud, siège du Viscomtat de Sant Remezy. Et vivre dans un donjon, c'est difficile pour une fille de dix-sept ans qui n'a pas la pneumonie, mais pas loin. [*] Pas loin parce qu'elle était faiblarde à sa suite de couches et qu'elle se remettait tant bien que mal. Lentement.
On était fin janvier et le petit Cherles Madrien venait de passer le cap des deux mois de vie. C'était sans doute bon signe. Chaque jour de plus était une victoire, une revanche. Et Ayena, qui avait d'abord été très détachée de son marmot par peur de trop s'y attacher et donc de s'écrouler du haut de sa belle tour en cas de nouveau malheur avait finalement cédé à son penchant maternel. Elle ne quittait pas son couillu des yeux et devenait louve lorsqu'il s'agissait de lui. En soit, elle s'était trouvé un nouvel homme pour dés-endeuiller sa vie monotone, plate et fade.
Ce matin là,en se levant, elle regarda par dehors. Elle vit la neige, le froid. Elle vie la boue. Et, comme une habitude bien huilée, les larmes vinrent dans ses yeux noisettes. Elle se souvint alors. De ce petit matin où Adrien lui avait demandé de l'épouser. Lorsqu'il était tombé dans la neige. Lorsqu'elle avait dit oui. Lorsqu'ils s'étaient embarqués pour vivre jusqu'à la fin de leurs jours ensemble... Ça avait fonctionné : Adrien était mort. Fichu mariage. Charles Madrien se mit à pleurnicher et, comme sa mère ne le prenait pas tout de suite dans les bras, il geint plus fort. Cela sortit à peine Ayena de sa rêverie. Et pour la première fois depuis la naissance du petit, elle fit appeler une servante pour qu'on la débarrasse du garçon.
Alors, les larmes roulant toujours sur ses joues tout justes rosies, elle coiffa sa longue chevelure. Longtemps. Parce qu'Adrien avait aimé passer ses mains viriles en dedans. Puis, elle tressa le tout dans une natte bien serrée. Elle semmitoufla dans une robe de deuil, pris une cape doublée de fourrure et sortit. Si tout cela vous parait anodin, détrompez-vous : c'était la première fois qu'elle se coiffait et qu'elle prenait le temps de se vêtir convenablement depuis... Pfiou... Des mois et des mois. Elle remarqua d'ailleurs qu'elle avait forci au niveau du ventre, des hanches, de la poitrine. Porter un enfant lui avait redonner les rondeurs que le deuil lui avait ôté.
Elle se trouva jolie.
La Vescomtessa attrapa sa cane, celle-là même qui ne la quittait plus depuis la moitié de sa grossesse. Puis, réalisant que plus aucun ventre débordant de vie de la déstabilisait plus, elle laissa là sa béquille et sortit de la cabre en boitant comme jamais. Elle descendit l'escalier en serrant les dents, la douleur irradiant et sa jambe droite et sa hanche : mais n'était-ce pas une preuve qu'elle était vivante ? Si. Quand on souffre, on vit encore. Souffre petite Ayena.
Le vent soufflait. La tresse d'Ayena voleta derrière elle. Le paysage était calme, les sons étouffés par l'épaisseur de neige. C'était beau.
- Adrien aurait aimé. Mais il aimait tout ce qui touchait à ses terres. Il aurait tout aimé pourvu que nous y soyons ensemble, murmura une voix dans l'esprit tourmenté de la veuve.
Son pas hésitant avança dans la cour. Sa cape trainait pas terre : elle effaça sa progression. Quelle ironie. C'est, comme il y avait à peu près un an, vers la petite chapelle qu'Ayena se dirigea. Certes, ce n'était pas la même qu'à Charmes, elle était plus modeste. Mais le Très Haut était là où on voulait le trouver. Et gare à lui s'il n'y était pas.
A genoux, l'estropiée soufra d'autant plus. Cela la rendait-il d'autant plus vivant ?
- Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Seigneur, entendez ma prière. Adrien, entendez ma supplique.
Voici presqu'un an que je fus mariée. A un homme que j'aimai de tout mon cur et Dieu, vous me fîtes grâce d'un enfant. Seulement mon époux, Adrien est parti alors même qu'il ne se savait pas paire. Mon époux, sachez que toujours vous serez en mon coeur. Votre fils sera pour moi le plus beau des dons et toujours je le chérirai. Mais il faut comprendre ma situation. Je suis maire et sans aide. Lorsque passera le vingt cinq février, anniversaire de notre union devant le Très Haut, je quitterai mon habit de deuil. Ne m'en veuillez pas Adrien. Mais je dois élever votre fils. Comprenez moi, per grat... Je ne peux garder le noir alors que le petit grandi. Il doit apprendre autre chose que la douleur, la tristesse et les pleurs. Je dois prendre un nouvel époux. Adrien, bénissez cette future union... C'est une femme en détresse qui vous parle... Je suis trop jeune pour vivre tant de malheurs. Aussi, voici ma prière, Seigneur : aidez moi à trouver le meilleur parti. Celui qui fera le bonheur de mon fils. Celui qui fera resplendir la maison Desage. Que ma personne passe en second. Toujours. Le meilleur pour Madrien. Pour moi, juste la tranquillité.
Elle passa un long moment encore à parler à Dieu, à Adrien, confondant parfois les deux. Enfin, elle convint que ce vingt-cinq février signerait aussi la fin de leurs échanges : il fallait vivre dans l'avenir. Cette décision lui fut douloureuse, certes. Mais Ayena n'était plus à quelques litres de larmes de plus ou de moins. Aujourd'hui, elle écrirait à son paire à elle pour lui dire qu'il allait falloir la remarier. C'était décidé. C'est que ça allait faire un an...
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Ces derniers mois avaient été longs pour Ayena. Longs car elle les avait passés seule. Seule dans la tour de Gaud, siège du Viscomtat de Sant Remezy. Et vivre dans un donjon, c'est difficile pour une fille de dix-sept ans qui n'a pas la pneumonie, mais pas loin. [*] Pas loin parce qu'elle était faiblarde à sa suite de couches et qu'elle se remettait tant bien que mal. Lentement.
On était fin janvier et le petit Cherles Madrien venait de passer le cap des deux mois de vie. C'était sans doute bon signe. Chaque jour de plus était une victoire, une revanche. Et Ayena, qui avait d'abord été très détachée de son marmot par peur de trop s'y attacher et donc de s'écrouler du haut de sa belle tour en cas de nouveau malheur avait finalement cédé à son penchant maternel. Elle ne quittait pas son couillu des yeux et devenait louve lorsqu'il s'agissait de lui. En soit, elle s'était trouvé un nouvel homme pour dés-endeuiller sa vie monotone, plate et fade.
Ce matin là,en se levant, elle regarda par dehors. Elle vit la neige, le froid. Elle vie la boue. Et, comme une habitude bien huilée, les larmes vinrent dans ses yeux noisettes. Elle se souvint alors. De ce petit matin où Adrien lui avait demandé de l'épouser. Lorsqu'il était tombé dans la neige. Lorsqu'elle avait dit oui. Lorsqu'ils s'étaient embarqués pour vivre jusqu'à la fin de leurs jours ensemble... Ça avait fonctionné : Adrien était mort. Fichu mariage. Charles Madrien se mit à pleurnicher et, comme sa mère ne le prenait pas tout de suite dans les bras, il geint plus fort. Cela sortit à peine Ayena de sa rêverie. Et pour la première fois depuis la naissance du petit, elle fit appeler une servante pour qu'on la débarrasse du garçon.
Alors, les larmes roulant toujours sur ses joues tout justes rosies, elle coiffa sa longue chevelure. Longtemps. Parce qu'Adrien avait aimé passer ses mains viriles en dedans. Puis, elle tressa le tout dans une natte bien serrée. Elle semmitoufla dans une robe de deuil, pris une cape doublée de fourrure et sortit. Si tout cela vous parait anodin, détrompez-vous : c'était la première fois qu'elle se coiffait et qu'elle prenait le temps de se vêtir convenablement depuis... Pfiou... Des mois et des mois. Elle remarqua d'ailleurs qu'elle avait forci au niveau du ventre, des hanches, de la poitrine. Porter un enfant lui avait redonner les rondeurs que le deuil lui avait ôté.
Elle se trouva jolie.
La Vescomtessa attrapa sa cane, celle-là même qui ne la quittait plus depuis la moitié de sa grossesse. Puis, réalisant que plus aucun ventre débordant de vie de la déstabilisait plus, elle laissa là sa béquille et sortit de la cabre en boitant comme jamais. Elle descendit l'escalier en serrant les dents, la douleur irradiant et sa jambe droite et sa hanche : mais n'était-ce pas une preuve qu'elle était vivante ? Si. Quand on souffre, on vit encore. Souffre petite Ayena.
Le vent soufflait. La tresse d'Ayena voleta derrière elle. Le paysage était calme, les sons étouffés par l'épaisseur de neige. C'était beau.
- Adrien aurait aimé. Mais il aimait tout ce qui touchait à ses terres. Il aurait tout aimé pourvu que nous y soyons ensemble, murmura une voix dans l'esprit tourmenté de la veuve.
Son pas hésitant avança dans la cour. Sa cape trainait pas terre : elle effaça sa progression. Quelle ironie. C'est, comme il y avait à peu près un an, vers la petite chapelle qu'Ayena se dirigea. Certes, ce n'était pas la même qu'à Charmes, elle était plus modeste. Mais le Très Haut était là où on voulait le trouver. Et gare à lui s'il n'y était pas.
A genoux, l'estropiée soufra d'autant plus. Cela la rendait-il d'autant plus vivant ?
- Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Seigneur, entendez ma prière. Adrien, entendez ma supplique.
Voici presqu'un an que je fus mariée. A un homme que j'aimai de tout mon cur et Dieu, vous me fîtes grâce d'un enfant. Seulement mon époux, Adrien est parti alors même qu'il ne se savait pas paire. Mon époux, sachez que toujours vous serez en mon coeur. Votre fils sera pour moi le plus beau des dons et toujours je le chérirai. Mais il faut comprendre ma situation. Je suis maire et sans aide. Lorsque passera le vingt cinq février, anniversaire de notre union devant le Très Haut, je quitterai mon habit de deuil. Ne m'en veuillez pas Adrien. Mais je dois élever votre fils. Comprenez moi, per grat... Je ne peux garder le noir alors que le petit grandi. Il doit apprendre autre chose que la douleur, la tristesse et les pleurs. Je dois prendre un nouvel époux. Adrien, bénissez cette future union... C'est une femme en détresse qui vous parle... Je suis trop jeune pour vivre tant de malheurs. Aussi, voici ma prière, Seigneur : aidez moi à trouver le meilleur parti. Celui qui fera le bonheur de mon fils. Celui qui fera resplendir la maison Desage. Que ma personne passe en second. Toujours. Le meilleur pour Madrien. Pour moi, juste la tranquillité.
Elle passa un long moment encore à parler à Dieu, à Adrien, confondant parfois les deux. Enfin, elle convint que ce vingt-cinq février signerait aussi la fin de leurs échanges : il fallait vivre dans l'avenir. Cette décision lui fut douloureuse, certes. Mais Ayena n'était plus à quelques litres de larmes de plus ou de moins. Aujourd'hui, elle écrirait à son paire à elle pour lui dire qu'il allait falloir la remarier. C'était décidé. C'est que ça allait faire un an...
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- Bases par Truscot et DellaGrottaglia - Héraldique > Ayena est habillée par DECO