Eilinn_melani
A quoi rêve un cuisinier ?
A des gâteaux ? Des rots ? Des sublimes tourtes ?
Peut-être des macarons qui sait, pour celui-ci. Mais non, le cuisinier de Chateau-Gontier rêvait à bien des choses, mais pas de nourriture.
Il ne rêvait pas de Rhân, du feu, des macarons, ou bien d'Ernest. Non, son esprit s'abreuvait des souvenirs anciens et heureux, du Louvre, de Cauvisson, d'Avize, de Reims, de Paris, du Lavardin, de Noirlac, de Lorenzo, de Leah, d'Eoghan, de Jehanne-Elissa.
Ainsi Linien, dans ce sommeil, redevenait ce qu'il avait été autrefois, une enfant chétive et heureuse, croyante jusqu'au bout des cheveux, adorant les gâteaux et souhaitant faire honneur à son nom.
Quelque chose murmura à son oreille, un frisson doux, des sonorités oubliées, un appel des temps anciens. Linien quitta le refuge bienheureux du sommeil, pour ouvrir les yeux et se tourner vers les ombres qui avaient envahi sa chambre. Il y eut un instant d'arrêt, alors qu'il tentait de superposer une quelconque logique à l'évènement.
Quelque part son esprit lui hurlait que les deux apparitions démoniaques accompagnant son amie signifiait que tout ceci n'était qu'un rêve, tout comme l'apparition spectrale de la Jagellon-Alterac.
Mais peut-être voulait-il croire à ce rêve, au moins quelques instants, oublier la douleur de ses cicatrices, du passé qu'il avait rayé.
Les yeux s'émotionnèrent, se remplissant de larmes et d'une petite voix d'ou perçaient les accents enfantins, d'ou sourdait la douleur de revoir la jeune fille, le cuisinier demanda :
Aléanore ?
Aléanore, ma douce Aléanore, mon sauveur et mon bourreau...
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Cuisinier de Chateau-Gontier, entre autres...
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Linien sentit la main fantomatique lui caresser les cheveux et il en ferma les yeux, anesthésié par cette sensation. Il ne se rappelait plus la dernière fois ou l'on avait eu un geste tendre envers lui, ou il avait accepté d'être touché pour autre chose que les soins pour ses brûlures. Et sans qu'il y prenne garde, ce fut Elle qui parla. Elle qui s'était réfugiée au plus profond de sa conscience pour pleurer, lécher ses blessures en attendant leurs cicatrisations.
Ce n'est que moi. Je suis l'unique instigatrice de ma propre déchéance.
Les larmes naquirent au bord des yeux bleus glacés, ces yeux qu'elle tenait de son père.
Peut-être un jour verrait-elle Milan, ou il avait vécu.
Peut-être un jour son frère rentrerait de son exil dans les terres orientales.
Peut-être qu'Il pourrait lui pardonner l'affront qu'elle Lui avait fait.
Elle comprit aux mots d'Aléanore que la Lune était désormais sa demeure, malgré ces prières faites dans le sang encore chaud de l'Etincelle. Il ne servait à rien de s'excuser, de demander pardon pour ne pas avoir réussi à lui offrir le Soleil. C'était ainsi. Le fantôme lui fit alors une demande étrange et elle secoua la tête.
Mais je suis morte dans l'incendie de la maison Durée.
Peut-être même étais-je morte avant, en prononçant un serment que je savais que je ne respecterai jamais.
Un silence, une réflexion contemplative.
Ils ont fait une messe à Noirlac pour moi, je pense qu'elle devait être jolie.
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Les paroles d'Aléanore étaient du miel qui venaient cicatricer et panser les blessures d'Eilinn. Elle lui chuchotait ce que personne n'avait osé lui dire autour d'elle, car aucun d'eux n'était assez fervent pour comprendre la piété de la jeune fille.
Quelque part, l'espoir naquit de nouveau.
Libre ? Mais me pardonnera-t-Il ?
Etait-ce possible ? Ou une nouvelle chimère ? Linien était un habit confortable, mais seulement parce que les gens ne prêtaient guère d'attention à un couturier. Mais le Très Haut lui, mettait à nu les âmes, et elle ne pouvait se présenter à lui sous cette chair masculine et bridée.
Libre...
Revêtir enfin l'habit monacale, se consacrer à Dieu, trouver la paix. Linien avait trouvé une paix à Chateau-Gontier, mais uniquement celle qui lui permettait de ne pas s'inquiéter du lendemain, de s'enfoncer dans une routine lui permettant l'oubli.
Je pourrai revoir Jehanne-Elissa ?
A cette question, le fantôme pourrait peut-être difficilement répondre. Pourtant celle-ci semblait avoir son importance. La perte de son amie la plus fidèle et la plus chère avait été l'une des déchirures les plus grandes de la jeune fille lorsqu'elle avait renoncé à ce qu'elle était. Les titres, les fonctions avaient vite été oubliés, mais la languedocienne... Ah...
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