Annoncé comme il le devait être, le premier prince du sang avança des quelques pas qui le séparaient du Roi. Sa démarche résolument égale, son port droit et symétrique se soldaient dans un visage taillé d'albâtre, qu'il affichait fier, toujours, dans une morgue aristocratique qu'il portait depuis son enfance, persuadé d'être le maître du monde.
Charlemagne n'avait plus vu Eusaias depuis ses mois de présidence du Collège de la Noblesse bourguignonne, où lui-même ne paraissait qu'en apprenti aux yeux de ses pairs, encore placé sous la tutelle de la Dame de Railly, sa vassale.
Lorsqu'il fut tout à fait devant le Souverain, l'Aiglon dut se résoudre, avec un certain orgueil, à se pencher. Son abdomen chut un peu plus près du sol, et son visage descendit. Le cou offert, une pilosité naissante et encore duveteuse s'y dressa. Pour la première fois, le Duc du Nivernais, s'inclina.
Jamais encore, en les quatorze ans de sa jeune vie, Charlemagne de Castelmaure-Frayner n'avait été contraint de produire une révérence, et c'était si vrai que malgré la ferme connaissance de son rang, des choses du protocole et sa conscience maladive des us plus ou moins obsolètes, il effectua ce geste banal avec un peu trop de raideur, et somme toute, une grâce froide et sans passion. Un Prince de France ne s'incline guère que devant son Roi, et jamais l'Aiglon n'en avait rencontré un qui ne fut pas son parent. Ses suzerains, Duc de Lorraine ou de Bourgogne, en dépit de leur statut, s'étaient toujours trouvés inférieurs en rang à l'Infant, qui avait affiché un plaisir malin à ne jamais poser ni genou à terre, ni à courber le corps.
Ce fut bref néanmoins, car le Corbeau parla vite, et si bien que le Castelmaure se redressa tout à fait pour l'écouter, jusqu'à ce qu'un sourire satisfait apparaisse sur son visage.
Mon Roi. Après notre court échange, je ne vous aurais pas fait l'affront, ni à mon nom, de venir les mains vides d'un présent. Apprenez que huit tonneaux de Chablis ont été envoyés à votre cave ce matin.
C'était, pour ainsi dire, une habile captatio benevolentiae. Ou l'art par Charlemagne de s'attirer la bienveillance royale par le respect d'une coutume lointaine et rendue pérenne par Béatrice qui, recevant en allégeances, offrait toujours un bout de représentation terrienne aux nouveaux feudataires.
Comme ici, il s'agirait de négocier un peu, l'Aiglon bien conseillé avait sacrifié un peu de ses crus au nom d'une entente probable et intéressée.
Enfin, sans se retourner, il tendit une main blanche et sans gant vers son Sénéchal, qui lui glissa un rouleau de parchemin usé dont l'encre était encore fraîche.
Votre Majesté, j'entendais également que mes doléances trouvent écho dans un traité, dont voici une mouture établie, et dont je suis disposé à discuter.
Et de main en main, le vélin fut passé jusqu'au Roi.
Citation:
Traité dit de reconnaissance et d'alliance héraldiques mutuelles: France-Bolchen ad gloriam.
Introduction
L'essence de ce traité entre Bolchen et la France, vise à reconnaître par la force de l'écrit, un certain nombre de faits héraldiques établis par la coutume datant de Charlemagne 1er le Grand fondateur de la Couronne du Lys, et le sens de l'histoire francophone depuis la dynastie Carolingienne, face au parjure de l'empire germanique.
Articles généraux
- Les parties en présence s'engagent à reconnaître la souveraineté à caractère inaliénable de chaque entité : Le Royaume souverain de France et la Principauté souveraine de Bolchen, agrémentée de la vicomté souveraine de Baudricourt.
- Les parties en présence s'engagent de fait à devenir alliées, à prêter ainsi concours armé et conseil politique l'une à l'autre de manière permanente.
Articles particuliers
- Ce qui implique que Bolchen s'engage à reconnaître la Couronne de France comme seule autorité légitime supérieure à la Couronne de Bolchen.
- Ce qui implique que Bolchen s'engage à reconnaître le Royaume de France comme sa Patrie & Nation naturelles.
- Ce qui implique que pour ses Terres vassales à la Couronne de France, Bolchen se doit de lui prêter un hommage simple.
- Ce qui implique que Bolchen se verra considérée comme une province souveraine du royaume de France.
- Ce qui implique que Bolchen sera donc reconnue comme entité à part entière du Royaume, ayant droit inaliénable à être référencée par la Hérauderie Royale, au même titre que la Bourgogne ou la Champagne, par exemple.
- Ce qui implique que Bolchen verra son Prince posséder le droit d'exercer, à l'égal des feudataires, conseil vis à vis du Roi de France au sein des institutions royales.
- Ce qui implique que Bolchen aura le droit de posséder sa propre Hérauderie pour référencer ses fiefs vassaux, ainsi que tout type d'institutions nécessaires au bon fonctionnement de la Principauté.
- Ce qui implique que Bolchen se voit ainsi accorder le droit de vassaliser librement toute Terre de moindre dignité, dès lors que ne rentrant pas en conflit avec les intérêts héraldiques supérieurs de la Couronne de France.
- Ce qui implique que Bolchen s'engage à réserver ses filles du Sang aux Princes de France lorsque la Couronne du Lys en fait la demande selon les us et coutumes.
Modifications et transgressions des articles
-Qu'il soit établi que le présent traité n'a pas vocation à être modifié, contourné, transgressé, bafoué ou mis en caducité sans l'accord explicite des deux parties contractantes, à savoir France et Bolchen.
-Qu'il soit établi que le présent traité, s'il devait connaitre une modification, se devrait être le fruit du dialogue, de la négociation, et de l'accord explicite mutuel entre les deux parties contractantes.
-Qu'il soit établi que tout autre cas de figure altérant ou réduisant à néant ledit traité, est considéré de fait comme un acte de parjure et de trahison pour la partie violant ledit traité.
-Qu'il soit établi qu'en cas de rupture unilatérale dudit traité par France, elle se verrait coupable et dans l'obligation dans les 2 mois de verser la valeur d'un montant de 35000 écus à Bolchen.
-Qu'il soit établi qu'ainsi, Bolchen se verrait alors considéré comme un alleu, totalement indépendant de la Couronne de France.
-Qu'il soit établi qu'en cas de rupture unilatérale dudit traité par Bolchen, elle se verrait coupable et dans l'obligation dans les 4 mois de verser la valeur d'un montant de 10000 écus à France.
-Qu'il soit établi qu'ainsi, si la somme ne pouvait être déboursée, qu'alors France serait dans son plein droit pour faire de Bolchen sa vassale directe, devant être traitée comme telle, ni plus, ni moins.
Promulgation et validité du traité
-C'est par un serment dit d'hommage en marche qu'à Paris en place publique, les deux Souverains déclareront l'égalité de la dignité de leur Rang pour officialiser le présent traité.
-Leur signature et/ou leur sceau devront être apposés en bas du présent traité.
-Sauf transformation consentie par les deux parties, nul besoin de renouveler la dite signature et/ou sceau lors de la mort d'un des souverains, et l'arrivée au pouvoir d'un nouveau. Il est ainsi proclamé et garanti inaliénable que ce sont France et Bolchen qui se lient mutuellement, par delà la vie mortelle des hommes.
-Il est néanmoins d'usage, pour renouveler les anciennes alliances et remémorer ce traité à portée historique, que chaque nouveau Souverain se devra, quels que soient leurs sentiments mutuels par ailleurs, renouveler ledit serment d'hommage en marche commun, comme décrit ci-dessus.
Fait à Bolchen & à Paris
Le xx janvier 1461
Des Mains Souveraines de SAR Charlemagne Henri Levan de Castelmaure-Frayner, et de SM Eusaias de Blanc-Combaz pour Bolchen et France.
[sceaux/signatures du Roi et du Prince]
Enfin, Charlemagne posa un genou à terre, ce qu'il ne faisait qu'à la messe, ou pour des motifs plus graveleux et nocturnes qui ne souffriraient d'être exprimés dans une salle royale. Il observa son vis-à-vis d'un air de s'en remettre à lui, et avec la certitude d'agir selon les desseins de son défunt père, le Prince prononça son allégeance.
Mon Roi, pour les terres de Thuillières, je jure allégeance & fait hommage lige à la Couronne de France, portée par vous, Eusaias de Blanc-Combaz, & vous promet par ces paroles aide, conseil & fidélité.
Que si votre désir est bien d'annexer ladite baronnie à votre Ile de France, alors je renonce incontinent à prendre vassaux sur icelle, aux fins de conformer nos desseins aux us de ces lieux._________________