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[RP] Famille & Porcherie - Youpi !

Luisa.von.frayner
Calme.

Tout était calme à Épinal, aujourd'hui.

On venait de vivre deux jours des plus mouvementés de l'année, à voir toujours deux, trois tavernes pleines, à voir les rues grouiller d'un mélange de Spinaliens, de renforts et d'ennemis, et les émotions avaient été placées au premier plan. Luisa, elle-même, avait par exemple beaucoup pleuré. Elle avait pleuré de peine, de pitié, de peur, d'inquiétude de culpabilité, aussi, de désespoir, de souvenirs. Elle s'était mise en colère, contre elle, contre la mort, contre son passé, contre Spirit qui lui ressemblait à s'en arracher les cheveux...Et puis, elle avait aussi ri. Elle avait ri grâce à Thomas qui avait dû faire tout son possible pour réussir à lui détacher sa mine abattue, et puis, finalement, elle avait ri de soulagement. Le menteur n'était plus menteur, elle avait retrouvé en lui cette amitié qu'elle avait espéré de toutes ses forces ne pas perdre, et qu'elle avait malgré elle tout fait pour détruire. En vain, et heureusement.

Aujourd'hui, tous étaient partis, il ne restait que des volontaires fatigués des deux nuits qu'ils avaient passé à craindre l'attaque. La plupart devaient se reposer, maintenant. Luisa, elle, ne manquait pas d'être toujours inquiète - elle avait beau avoir apprécié être faussement rassurée par l'attitude du t'chef des méchants, elle savait pertinemment que Nancy risquait encore quelque chose, et sa famille avec. Sa famille, soit ses parents et Lorenz. Les cousins, eux, étaient toujours quelque part ailleurs, et Lothar...introuvable. Mais ça, c'était une autre histoire.

Et donc, inquiète comme elle l'était, Luisa ne pouvait pas, contrairement aux vieux habitués aux combats ou à la sieste, se résoudre à aller récupérer son sommeil. Alors, comme le soir sur les remparts, elle marchait. Elle était venue à Épinal, ne supportant pas de rester enfermée à Hayange et dans l'espoir de perdre un peu de son trop de temps libre à discuter avec l'un ou l'autre ami qu'elle croiserait. Et donc, elle marchait au marché. Elle s'asseyait un instant. Se relevait. Marchait dans les rues marchandes. S'asseyait un instant. Se relevait. Allait faire un tour vers son moulin. Regardait les gens travailler. Les saluait. Repartait. Faisait un crochet vers les champs, et devant un espace en pente de vieille herbe, où toute neige avait fondu, se laissa tomber pour respirer un grand coup l'odeur fraîche et agréable de la porcherie devant laquelle elle s'était arrêtée.

Mmmh, quelle belle vue, par dessus le marché ! Un vrai paradis ! Et encore, elle avait la chance d'avoir sous son nez une odeur remuée par...une chose, autre qu'un cochon, de l'aide, peut-être ? Intriguée, et gênée par l'odeur, un peu, Luisa sauta sur ses pieds après son court repos et s'approcha de l'entrée de la porcherie, passa sa tête par la porte et, haussant un sourcil, zieuta la masse pleine de boue qui se tenait devant elle.


    Qui t'es ? Qu'est-ce que tu fous dans la boue ?

Elle allait pas s'embêter à parler bien, la chose informe et brune-grisâtre devant elle était trop petite pour être un adulte - à moins qu'il s'agisse d'un méchant nain comme le comte de Sochaux - et que s'il s'était roulé dans la boue, c'était à coup sûr un gueux. Enfin...
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Lothar.von.frayner
Cela faisait longtemps qu'il était parti. Enfin longtemps... A vrai dire, il avait perdu le compte à travers les affres de son voyage. Et oui, à 12 ans, il avait pris le large. Son père avait refusé de lui acheter son propre cheval, un étalon bien sûr. Il avait refusé ! Il avait osé ! Et bien évidemment, Lorenz s'en était mêlé, assurant qu'un gamin n'avait pas besoin de sa propre monture. Un gamin, vous imaginez ? Si Lothar n'était pas encore un homme, il n'était plus un gamin. Tout le monde le voyait pourtant comme le petit dernier, l'éternel bébé, celui qui devait se soumettre aux diktats des aînés. Cela aurait pu être supportable si ces aînés ne se comportaient pas comme des tyrans. Seule Luisa le comprenait. Luisa, c'était sa princesse à lui. C'était la fille la plus belle et la plus intelligente et la plus gentille. Il lui faudrait veiller au grain le jour où les garçons... Enfin vous voyez quoi. Il lui faudrait quelqu'un digne d'elle. Malheureusement, ce n'était pas le cas de beaucoup de monde !

Bref, seule sa Luisa comprenait le garnement. Cependant, cela n'avait plus suffit, et quand Maman avait également refusé d'accéder à la demande du benjamin, il était parti. Il était d'abord parti bouder dans sa chambre. Puis, observant la forêt par la fenêtre, il s'était dit que se cacher leur donnerait une bonne leçon. Problème, Luisa et Lorenz le trouveraient sans doute, ils connaissaient tous les coins et recoins de la demeure. Il n'y a pas de problème sans solution, dès lors, puisqu'il ne pouvait se cacher ici, il se cacherait ailleurs. Il s'enfuirait.
Et Lothar s'était enfui. Où ? Oh, vous ne le saurez pas maintenant ! La patience est une vertu. Bien fait pour vous, na.

Lothar était parti, mais Lothar était revenu. Il avait ouï dire qu'une bande de brigands s'apprêtait à s'emparer de Nancy. Il était peut être en colère contre sa famille, d'accord, mais pas contre son duché. Ni une ni deux, il était revenu en Lorraine. Toutefois, hors de question de retourner chez ses parents. Le garçon avait pour idée de contacter directement Ersinn, l'organisateur de la défense, en priant pour qu'il ne reconnaisse pas en lui le dernier né des Von Frayner. Après plusieurs jours de voyage, Lothar était enfin arrivé en Lorraine, dans la soirée. Il était trop tard pour contacter tout de suite Ersinn, mieux valait prendre un peu de repos avant de prouver ses compétences, si maigres soient-elles. Aller dormir en taverne ? Hors de question également, n'importe qui pourrait le reconnaître. Errant aux alentours d'Epinal, il cherchait une grange quand il tombe sur ... sur une porcherie.
Le visage du jeune garçon s'était éclairé. Qui penserait à aller le chercher là ? Qui l'y reconnaîtrait ? C'était vraiment idéal. Avançant au milieu des porcs, il grimpa à l'échelle, et s'allongea dans la paille du grenier. Le sommeil le gagna rapidement, et il sombra dans les bras de Morphée.

Le lendemain, il se réveilla tard. Bon, pas trop grave. Il redescendit, et s'étira devant la porte. Une pensée lui vint. Pour augmenter ses chances de rester inconnu, il pouvait très bien se souiller le visage grâce à la boue présente. Quelle excellente idée ! Aussitôt dit aussitôt fait, Lothar se barbouilla le visage. Occupé à sa tâche, il n'entendit pas les pas de sa visiteuse, et sursauta en entendant :


Citation:
Qui t'es ? Qu'est-ce que tu fous dans la boue ?


Il se retourna, et eut un haut le coeur en reconnaissant sa soeur. Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas avoir tout fait pour rester discret, et tomber sur sa soeur adorée alors qu'il était dans une porcherie ! Rapidement, il l'attrapa par le bras pour l'attirer dans l'enceinte du bâtiment, et posa une main sur sa bouche, de peur que d'autres soient dans les parages. Il chuchota tout contre son oreille, alors que la boue de son visage se mêlait aux blonds cheveux :

- Chut ! Ne dis rien, je ne veux pas qu'on nous surprenne !

Se rendant compte qu'elle n'avait pas compris qui il était, il ajouta, pour éviter de l'effrayer et l'encourager à chuchoter elle aussi :

- C'est moi, Lothar. J'enlève ma main, mais tu ne cries pas hein ! Sinon je la remets !

Doucement, il délivra la bouche de Luisa, espérant qu'elle ne lui en voudrait pas trop. De la boue, de lui avoir peut être fait peur, de s'être enfui, et bien d'autres choses encore. Il pria également pour qu'elle ne parte pas en courant révéler à ses parents qu'il était de retour. Il grimaça involontairement, en pensant à la bastonnade que lui donnerait sans aucun doute son père.
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Luisa.von.frayner
Non mais hé ! C’est quoi l’idée de coller une main pleine de boue sur un si magnifique petit visage innocent et (initialement) propre ?!
Un cri étouffé ; deux cris étouffés ; trois cris étouffés.
Traduction : Au secours, à l’aide, on veut me faire bouffer de la boue avant de me violer et de m’enfermer dans une boite à pain ! Enfin, peut-être finalement que ça veut seulement dire : dégage ! Dégage ! Et dégage !
Et voilà que le corps tout entier de la gamine von Frayner se tortillait, un air évident de dégoût sur le visage, afin d’échapper à cette abjecte salissure de boue, et par la même occasion à son agresseur.

Sans blague, pour qui se prenait-il ? Il avait beau dépasser Luisa d’une petite tête, c’était aussi un gamin, ça se voyait très bien. En quoi, alors, se permettait-il de l’empêcher de s’exprimer et de se défendre ? Bon, d’accord, c’était son frère, et il avait certainement quelques privilèges sur…

Euh…

Hem…

Q-U-O-I ?!

Arrêt sur image. Arrêt de gestes, arrêt de logique, arrêt de tout. Lothar ? Lothar von Frayner ? Son imbécile de cadet muni de son imbécile susceptibilité et de son imbécile culte de la provocation…Ici ? À Épinal ? En Lor-raine ?!
Revenons à notre image : deux gros yeux ahuris et des sourcils froncés d’incrédulité représentaient une demoiselle qui se voyait contrainte et forcée de ne pas crier sa rage à celui qui revenait après des mois et des mois d’absence due à un caprice insignifiant et, par-dessus le marché, qui croyait assurément pouvoir se faire pardonner, comme ça, en un clin d’œil, se faire ouvrir grand les bras et les portes du château, comme ça, en un clin d’œil, sous unique prétexte qu’il était le petit frère adoré à qui on ne pouvait pas en vouloir ? Pfffeuuuuh !

Luisa se contint. Quelque instant. Le temps de faire croire au revenant qu’elle ne crierait pas, qu’il baisse lentement sa sale main et qu’elle soit entièrement libérée. Une fois ceci fait, elle reprit vie en poussant un long râle enragé qu’elle ponctua de nombreux coups de poings qu’elle voulait (comprenez bien qu’elle n’y parvenait pas, mais qu’elle le voulait tout de même) considérablement violents, d’ailleurs, elle y mit toute sa force.


    PIRÒL ! PIRÒL ! PIRÒL !* ESPÈCE DE SOMBRE CRÉTIN !
    C’est bien fait qu’t’es couvert de boue, parce que c’est tout ce que tu mérites comme accueil !

Splatch, fait la boule de boue lancée par Luisa sur la joue de son frère. C'est qu'en plus d'être en colère du retour - ou plutôt du départ - de son frère, celui-ci s'était permis, en première action de retrouvailles, de lui salir le visage. Et bien qu'elle ne soit elle-même pas forcément toujours très soignée et préoccupée par son apparence, quand cela venait des autres et lui était imposé, c'était atrocement différent. Alors elle avait bien le droit de se venger et de lui en rajouter une couche. Vengeance.

    VOILÀ !

Oui. Luisa était "un peu" en colère. La joie, le soulagement, l'amour auraient bien le temps de se témoigner plus tard. Pour l'instant, place aux reproches, aux insultes et au règlement de comptes.

* Idiot ! Idiot ! Idiot !
Edit pour la traduction.
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Lothar.von.frayner
Le garçonnet était soulagé. Luisa était restée calme, tranquille, aussi n'avait-il pas hésité avant d'ôter sa main sale de la bouche de sa soeur. Quelle idée de faire confiance à une Von Frayner... Il aurait dû le savoir pourtant ! C'était touuujours le cas avec Lorenz. Bon, c'est vrai, Luisa n'était pas Lorenz, Luisa était Luisa. Faussement rassuré donc, il se recula légèrement, laissant suffisamment d'espace à sa soeur pour qu'elle puisse se reprendre et lui sauter au cou, ravie de le revoir. Un sourire plein d'assurance se peignit sur son visage, tandis qu'il s'apprêtait à lui ouvrir les bras. Encore une fois, comment avait-il pu penser qu'elle réagirait ainsi ? Sa Luisa avait du caractère, elle ne se contenterait pas de l'accueillir avec force démonstrations de bonheur sans hurler sa colère. Et c'est ce qu'elle fit.

La voix de la blonde lui vrilla les tympans, l'obligeant à coller ses mains sur ses oreilles pour ne pas finir sourd. Il grimaça, tandis qu'elle déversait sa fureur sur lui. Couvert de boue ? Bien fait ? Enfin, n'avait-elle pas compris qu'il s'agissait d'un stratagème ?! Alala, c'était bien les filles ça, elle n'avait rien compris. Alors qu'il s'apprêtait à lui expliquer sa stratégie pour passer incognito, il fut heurté par un objet. Non, ce n'était pas un objet, c'était de la boue. Il resta bouche bée sous l'effet de la surprise. Il lui semblait bien n'avoir jamais vu Luisa en colère à ce point.


- Mais arrête !

Il plaça ses bras devant son visage pour éviter le lancer de son adversaire, avant de réaliser que, de toute manière, il était déjà couvert de boue. Il la laissa se défouler, ce qui ne dura pas très longtemps, avant de lui expliquer l'inutilité de son geste.

- Tu sais, j'ai déjà plein de boue sur moi, alors un peu plus ou un peu moins...

Il n'osa contester l'appellation de crétin. C'est vrai qu'à elle du moins il aurait dû laisser un mot. Sous le coup de l'emportement, il avait voulu couper totalement les ponts avec sa famille, avec toute sa famille. Par la suite bien évidemment, il l'avait regretté. Il avait même éprouvé du remords à l'idée de l'inquiétude que Luisa devait se faire pour lui. Oh ses remords n'allaient pas jusqu'à concerner ses parents. Ils lui avaient refusé son étalon ! Toutefois Luisa n'avait rien à voir avec ça, elle ne s'en était pas mêlée comme Lorenz. Luisa était quelqu'un de perspicace.
Croisant ses mains dans son dos, il fit le dos rond, regardant le bout de ses pieds. Il était sûrement plus impressionné qu'il ne l'avait été tout au long de sa vie. Que faire ? Lui donner des explications ? Ah oui, ça, il ne risquait pas d'y échapper. Et puis... S'il lui disait ce qu'il avait fait, peut être l'aiderait-elle, le soutiendrait-elle devant leurs parents ? Oui, Lothar avait tout de même l'intention de revenir. Avoir vu Luisa lui avait fait prendre conscience que sa petite vie auprès de ses parents lui manquaient. Il ne l'avouerait pour rien au monde ! Alors soyez aimables, et ne le répétez pas vous non plus. Il toussota avant de reprendre :


- Euh je... ben... ben je suis désolé. Tu veux me taper encore ?

Si cela pouvait l'aider à évacuer son ressentiment, il se soumettrait volontiers à cet accès de violence quelque peu justifié. Les explications viendraient ensuite. Enfin pour elle. Remarquez, devant ses parents, il serait bien obligé. Quoique, Maman serait tellement soulagée... Avec un peu de chance, il éviterait cette désagréable conversation. Après tout, Lothar était le petit dernier, il ferait les yeux doux à sa mère, et devrait échapper, pas à toute punition, mais à quelque chose de trop désagréable.
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Luisa.von.frayner
La colère de Luisa avait failli se dissiper. Au moins, crier avait permis de l'évacuer, un peu, et de fatiguer la grande sœur assez pour qu'elle ne reparte pas dans de "gros" coups ou qu'elle recommence à s'égosiller. Mais j'ai bien dit failli se dissiper. La faute à Lothar von Frayner - qui ressemblait définitivement à sa sœur - qui n'avait pu se retenir une remarque pertinente qui avait la malheureuse conséquence de ridiculiser la réaction et la colère de Luisa, et d'ailleurs, elle toute entière.
Là, vraiment ! Il avait le culot de revenir, celui de s'annoncer comme ça, après des mois de disparition complète, celui de tacher de boue son aînée, et par-dessus le marché, de la ridiculiser avec sa foutue perspicacité !
Graourg.

Sauf que oui, Luisa était un peu plus fatiguée, et se contenta donc de lui adresser le plus menaçant et le plus noir de tous les regards - elle excelle là-dedans, question d'entraînement - et de plisser son nez, réaction luisienne automatique exprimant soit la colère, soit le malaise, soit la réflexion. Je vous laisse deviner quelle réponse est la bonne dans cette situation, mais je peux vous souffler que ce n'est pas la réflexion, et encore moins le malaise...

Mais forcément. Un petit frère est un petit frère. Un petit frère, il nous provoque, on le hait, on le frappe, on l'insulte, on le force implicitement/explicitement à s'excuser, on le pardonne, on l'aime, on en est fier, il nous provoque (√), on le hait (√), on le frappe (√), on l'insulte (√), on le force implicitement/explicitement à s'excuser (√), on le pardonne...Mh, allez (√) ! Mais c'est vraiment parce qu'il est meugnon avec ses grands yeux, et parce qu'il se propose à être martyr.


    Non, j'garde mes forces pour la prochaine fois.

Un instant, elle resta là, à l'observer. Elle était heureuse. Son cadet face à elle, elle se rendait enfin compte d'à quelle point elle tenait à lui. Les deux avaient toujours été très proches, de par leur faible différence d'âge. Ce n'est pas que Luisa ne s'entendait pas avec Lorenz, au contraire, elle était particulièrement fière de son aîné, et l'aimait beaucoup, mais tous les deux n'étaient pas complices, il restait le grand frère responsable qui souriait volontiers mais qui ne se tordrait pas de rire devant une demoiselle un peu trop précieuse s'étalant dans une flaque...Lothar, lui, c'était un Luisa. C'est ça. Et Luisa, c'était une Lothar. Ils étaient faits pour être à deux, pour unir leur connerie, leur amour du risque, de la provocation par lesquels ils étaient liés autant que par leur sang.
Certes, Luisa avait grandi, sans Lothar. Ces derniers temps, elle avait appris la maturité, elle savait se tenir en public, et n'aurait plus l'idée de prendre la parole à l'enterrement de la Reyne pour préciser qu'elle avait mangé quand même beaucoup trop de macarons dans sa vie. Mais elle n'en admirerait pas moins celui qui le ferait.
Oui, Lothar l'avait mise en colère, mais ce n'était pas la faute à son retour, c'était celle à la peur et l'inquiétude qu'il avait provoquées, c'était pour toutes ces nuits qu'elle avait passées à pleurer plutôt qu'à dormir, en imaginant que quelque part, son cadet était peut-être couché sur les chemins, dans une flaque de sang, ou flottant, le visage blanc, à la surface d'une mer, d'un lac.

Peu importe les tissus - presque - propres de sa tenue, les retrouvailles valaient bien toutes les salissures du monde. Ses petits bras entourèrent le garçon de boue mais très furtivement. Elle faisait le geste, mais ne voulait pas s'attarder. Cela suffisait à lui faire comprendre qu'elle le remerciait d'être revenu, et qu'elle lui avait pardonné.


    Papa, Maman et Lorenz sont à Nancy. Tu as sûrement entendu parler des brigands. Ils doivent défendre là-bas. Toi, tu reviens à la maison et tu restes avec moi. Tout le temps. Sinon, je te fais enfermer à vie. J'ai pas encore décidé où, mais ce sera pas drôle du tout.

"Lothar ?

Je t'aime. Merci d'être rentré."


    Il faut aller te laver. Et me donner des explications.

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Lothar.von.frayner
Elle gardait ses forces pour la prochaine fois ? Il n'y aurait de pas de pro... Non, il ne pouvait pas promettre qu'il n'y aurait pas de prochaine fois. Il avait beau n'avoir que neuf ans, il se connaissait bien lui-même. En rentrant, il prendrait un air boudeur, comme si revenir au bercail était la dernière chose dont il rêvait, alors qu'il en était ravi en réalité. Ce secret état de ravissement pourrait très bien ne durer qu'un temps, et la volonté de fuir resurgir à la prochaine contrariété. Bon, en revanche, il était certain qu'il y réfléchirait à deux fois avant de fuguer. Le froid et la faim n'étaient pas vraiment sa tasse de thé. Il avait pu y échapper parfois grâce à... Non, non, non, vous ne saurez pas maintenant. Il réservait ses explications à sa Luisa, pour après.
Lothar esquissa un sourire en direction de sa soeur. Il sentait la joie de le retrouver sous la colère apparente. Ouf, elle ne le détestait pas. C'est ce dont il avait eu le plus peur en partant. Qu'elle l'oublie ou le haïsse. Elle l'étreignit rapidement, évitant de se salir davantage. Oh, il aurait voulu la serrer dans ses bras si fort ! Cela viendrait plus tard, une fois qu'il serait propre.
Ni leurs parents ni leur frère aîné n'étaient présents. Bon, ça laisserait le temps au garçon de préparer sa défense. Non que ça lui éviterait une grooosse dispute et une énooorme punition, mais ça adoucirait peut être ses parents. Pourvu que Lorenz ne se mêle pas de la discussion ! Remarquez, il n'y aurait pas de discussion, Papa et Maman crieraient, tempêteraient, et Lothar acquiescerait d'un air désolé.
Luisa lui ordonna de rentrer et de rester avec elle. Bonne idée, cela lui permettrait de montrer à ses parents qu'il avait été sage en restant avec son aîné, à partir de son retour. Elle l'engagea à aller se laver.

Luisa et Lothar rentrèrent ensemble à Hayange. Robert et Simone furent ravis de le revoir et, tout en l'aidant à se baigner, et préparant des habits propres, ils le grondèrent de son absence. Oui, Maman avait été triste, et Luisa aussi. Oui, les hommes avaient été inquiets. Non, il ne fallait pas refaire ça. Oui, il aurait pu mourir. Ah non pas de froid ! Il avait appris à faire du feu ! En plus ça éloignait les bêtes.
Ah, quel bien cela faisait, d'ôter la boue de son visage, de se savonner avec le savon fabriqué par Simone, celle-ci lui frottant énergiquement le dos.
Bloup bloup bloup, un seau d'eau pas si chaud que ça lui est versé sur la tête par Robert, pour le rincer. Séchage, habillage. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus porté d'étoffes aussi douces !
Une main passée dans ses cheveux pour les ébouriffer, puis il courut retrouver sa Luisa :


- Regarde comme je sens bon !

Mmmh regarde comme je sens bon... Sois logique Lothar, on ne regarde pas une odeur ! Se rattrapant, le petit garçon tendit son bras à sa soeur. Il prit un petit gâteau dans l'assiette posée, et le dévora en deux bouchées. Depuis qu'il avait décidé de revenir, il avait rarement mangé à sa faim. Oh, c'était déééélicieuuuux ! Cela lui avait sacrément manqué. Il regarda sa soeur en coin, sachant qu'il ne pourrait échapper longtemps aux explications.

- Euh... Tu veux que je te dise où j'étais ? Ou tu préfères pas ?

Préférence accordée à la seconde solution. Même s'il s'était bien amusé, il n'était pas forcément fier de ce qu'il avait fait. Il avait eu soin de cacher son nom, heureusement. Il se croyait plus fort que les autres, persuadé que personne ne pourrait le retrouver, ni dans un sens ni dans l'autre, tant qu'il déciderait de se taire. N'empêche, il avait appris plein de choses ! A faire un feu, à faire à manger, enfin un peu, à lire dans les lignes de la main même. C'était sacrément drôle ça ! Il pouvait faire croire n'importe quoi à n'importe qui, et il pouvait gagner sa vie comme ça.
Peut être pourrait-il refaire ça en Lorraine ? Pas sûr que Papa et Maman soient d'accord remarquez.
Il le ferait à Luisa, cela l'amuserait sans doute.

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Luisa.von.frayner
La tension retombait, la colère de Luisa avait disparu, et déjà elle était un peu fatiguée. Auparavant, ni Lothar ni se fâcher n’aurait parvenu à l’épuiser un tant soit peu. Aujourd’hui, il fallait croire qu’elle avait grandi, qu’elle avait perdu un peu d’enfant et trouvé un peu d’adulte. Triste réalité, n’est-ce pas ? Se pouvait-il que l’absence de Lothar l’ait rendue plus responsable, et son retour plus encore ? C’est vrai, jamais avant cela elle ne s’était permis de faire la morale à Lothar, jamais elle avait été blessée plus qu’amusée par ses bêtises sans que ce soit dû au fait d’avoir été mis de côté. Non, là, c’était la bêtise en elle-même qui avait fait mal. L’inconscience de Lothar agaçait sa sœur, l’égoïsme dont il faisait preuve pour ne pas avoir pensé à sa famille, à elle. Bien sûr, elle savait bien qu’il ne s’en rendait pas compte, qu’il était jeune et excusable, qu’elle avait fait des choses similaires à son âge, mais ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir un peu.

Quand il revint, propre et ressemblant enfin au garçon qu’il était, il arracha un sourire aux lèvres de Luisa. Il était à nouveau un peu pardonné. En silence et avec une maturité inhabituelle chez elle, l’aînée regardait son frère engouffrer son gâteau, et finalement venir sur le sujet qu’elle redoutait certainement autant que lui. Elle n’avait pas envie d’entendre, mais elle savait qu’elle le devait. Elle acquiesça donc.


    Oui, raconte-moi.

Son bras tenant toujours celui de Lothar, elle l’entraîna à un fauteuil où elle le fit asseoir contre elle pour écouter son récit.
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Lothar.von.frayner
Sur la douce invitation de Luisa, Lothar s'assit à ses côtés. Le petit garçon était un peu mal à l'aise. Il avait fait des choses peu catholiques. Il prit la main de sa sœur, et, regardant leurs poings joints, il commença son récit.

Tu sais que Papa et Maman m’ont refusé un cheval, et Lorenz s’en est mêlé, en disant qu’un petit garçon avait pas à en avoir, et tout, et ça m’a énervé. Donc je suis parti. J’ai pris une besace dans ma chambre, j’ai mis un mouchoir, des pommes en cuisine et un couteau. Je suis passé par le jardin. Le jardinier était là, en train de planter je sais pas quoi. Il était penché dans les plates-bandes, il m’a pas vu courir. Je suis allé directement dans la forêt. Au début c’était chouette, il faisait beau et tout. Sauf que la nuit est tombée, et il a commencé à pleuvoir. Heureusement j’ai trouvé une grotte. Je me suis abrité dedans, j’ai même réussi à faire un feu. Je me rappelais avoir entendu quelqu’un dire que le feu faisait fuir les bêtes sauvages. Puis bon, j’avais froid quoi. Je suis resté là quelques jours. Tu sais que j’ai l’habitude de poser des collets dans la forêt, donc pour manger, j’ai ramassé les lapins qui se prenaient dedans. Après, c’était pas facile de les faire cuire sur le feu. J’essayais de lui enfoncer un…

Lothar s’interrompit. Luisa n’avait pas besoin de tout savoir, surtout les trucs comme ça. Elle devait même pas savoir que ça existait. Jusque-là, son escapade était gentillette. Le reste allait peut-être moins lui plaire.

Enfin bref. Au bout de quelques jours, je pouvais pas rester là, quelqu’un pourrait me trouver. Alors j’ai commencé à m’enfoncer davantage dans la forêt. Et j’ai entendu du bruit, de la musique. J’me suis approché, j’ai essayé de pas faire trop de bruit. J’ai avancé doucement, dans les buissons. J’ai vu qu’il y avait plusieurs personnes réunies dans une clairière, autour d’un grand feu, et des roulottes. Alors j’me suis dit, c’est des gitans. Ça avait l’air très sympa, ils riaient, ils chantaient, et tout. Y en a même qui jouaient aux cartes. Sauf qu’ils sont pas bêtes. Ils restent pas tous ensemble sans surveiller. Y en a deux qui m’sont tombés dessus. Enfin tombés, pas vraiment, mais ils m’ont trouvé et m’ont amené à leur chef. Leur chef, il est grand, très brun, avec des cheveux longs et une graaande barbe. Il a aussi un anneau à l’oreille, très grand. Plus grand que ceux de toutes les dames que j’ai vues. Il avait une grosse voix, il m’a demandé comment jm’appelais, et pourquoi que j’les espionnais. J’ai dit que jm’appelais juste Lothar, j’voulais pas leur dire mon nom de famille. Tu comprends, ils auraient pu vouloir me ramener à la maison pour obtenir une récompense. J’ai aussi dit que j’les espionnais pas, je les regardais parce que ça avait l’air chouette. Y avait plein de couleurs partout, tout le monde avait l’air heureux. Le chef, il a ri. C’était bizarre, comme une chute de rochers. Il m’a trifouillé les cheveux, et a dit que j’étais trop bien habillé pour être un paysan. Il a dit qu’c’était pas grave, et qu’on allait voir quoi faire de moi. Il m’a refilé à une vieille, qui m’a accueilli dans sa roulotte. Elle était frippée comme une vieille pomme, mais très gentille. Après, pas grand-chose, on est resté un peu dans le coin. T’imagines pas le nombre de nobles qui viennent voir ! Ils viennent voir des filles
– même si Lothar ne comprenait pas tout à fait ce qu’ils faisaient ensemble – jouer aux cartes, et perdre beauuucoup d’argent, et même se faire lire l’avenir. C’est ma vieille qui lisait l’avenir, Carmen. J’suis beaucoup resté avec elle. Elle prenait soin de moi. Elle m’obligeait à me laver, elle m’a fait manger du hérisson. Elle a essayé de m’apprendre des mots gitans, mais je retenais pas bien. En revanche, elle m’a appris son super truc, à lire dans les lignes de la main ! Quand j’ai bien su faire, le chef m’a autorisé à l’aider, et j’lisais dans les mains des nobles. Enfin, pas en Lorraine. Ça, je l’ai fait qu’une fois qu’on s’est mis à voyager. Je sais pas trop où, mais c’était très beau, les gens ont des accents différents partout. Les paysages sont très différents aussi ! Faudra que tu voyages, le monde est beau hors de la Lorraine.
Puis je me suis ennuyé de vous. Carmen et le chef voyaient bien que j’étais triste. Alors ils m’ont pris à part, et m’ont demandé ce que j’voulais. J’ai dit que j’savais pas trop. Alors ils ont dit que j’devais rentrer chez moi, que ma Maman devait être très triste. J’étais d’accord. On est retourné en Lorraine et ils m’ont laissé dans la clairière où on s’était rencontré. Ils ont dit que je retrouverai mon chemin à partir de là. Et que j’devais pas tarder à rentrer. Mais moi j’voulais pas, alors j’suis allé me cacher dans la porcherie. J’voulais voir Ersinn, parce que j’avais entendu que la Lorraine était menacée. Puis j’suis tombé sur toi.


Lothar se tut, reprenant son souffle. Il n’avait pas tout dit à sa sœur, elle n’avait pas besoin de tout savoir. Juste l’essentiel. Le reste… On verrait plus tard. Après, tout, était-ce si important ? Certainement pas. Le petit garçon ne dit plus rien, attendant la réaction de Luisa. Il ne donnerait pas autant d’informations à ses parents, c’est certain. Discrètement, il attrapa un autre biscuit, et l’engloutit. Plus qu’à attendre.

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Luisa.von.frayner
Elle avait beau essayer, Luisa ne parvenait pas à recevoir le récit de Lothar. Les seuls mots qu'elle était capables d'écouter étaient feu, bêtes sauvages, froid, collets...Qu'est-ce qui lui avait donc passé par la tête ? Et où avait-elle été pour ne pas lui éviter ces dangers ? Elle n'avait jamais fait de feu, n'avait jamais affronté de bêtes sauvages, avait à peine eu froid, et seulement parce qu'elle avait eu la mauvaise idée de tomber dans le lac en plein hiver, quand à la chasse, elle n'était jamais parvenue à rien. Et pourtant, c'était elle, l'aînée, pas lui. Elle aurait dû le protéger, lui empêcher d'avoir affaire à tout cela, pire !, les lui apprendre elle-même. Des deux, elle le savait, c'était à lui de s'en vouloir le plus, c'était lui qui était parti, qui avait désobéi, qui avait pris ces risques, mais Luisa ne pouvait s'empêcher de se sentir elle aussi coupable.

D'un secouement de tête imaginaire, elle chassa ses pensées pour se concentrer davantage sur les explications de son cadet. Des gitans. Elle imaginait son frère, tout petit au milieu de ces tas de gens étranges, le grand chef barbu (comme tous les grands chefs) juste devant lui, les bras croisés et le regard grave. Et le pauvre Lothar, insouciant, à ses pieds qui ne pensait qu'à des stratagèmes pour s'empêcher de rentrer à la maison. Quel sot !
Des nobles qui allaient voir des filles. Luisa, ignorante encore récemment et désormais très sensible sur le sujet, ne put que s'empourprer. C'était impossible. Son frère n'avait pas traîné avec ces...choses qui se faisaient passer pour des femmes, celles qui l'avaient tant intriguée et qui aujourd'hui la dégoûtaient, l'effrayaient, sans qu'elle n'ait encore tout compris de leur travail si ce n'est qu'elles gagnaient beaucoup d'argent pour être vulgaires et que les hommes, apparemment, aimaient ça. Du rouge, le visage de Luisa passa au blanc. Ruée de frissons, nouveau secouement de tête imaginaire, et sa concentration était revenue.

Lothar lisait les lignes de la main. Voilà qui était étrange. N'était-ce pas un peu sorcier ? Il était difficile pour Luisa de distinguer les gitans des sorciers, mis à part que certains brûlaient, d'autres non. Ceux qu'avait côtoyés Lothar devaient cependant être inoffensifs et généreux, s'ils avaient bien voulu le rendre du simple fait qu'il leur avait semblé triste.

Le récit était terminé. Un silence. Un gros soupir. Luisa ne savait que dire. Elle se contenta finalement de trois simplement qui résumaient certainement assez bien son désarroi face au frère grandissant qui se trouvait à ses côtés.


    Tu es fou.

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