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[RP ] Page blanche pour âme noire

.galiana.





[Au cœur du palazzo d’Il Cardinale – Rome]


- Galiana… Galiana dépêche-toi ! Tu dois quitter Rome ce soir.

- Mais… qu’est-ce qui se passe… Ravena qu’y-a-t-il donc de si urgent ?


La jolie italienne d’une vingtaine d’années se tenait, un grimoire à la main, devant une femme bien plus âgée qu’elle et qui, déjà, fourrait quelques vêtements dans une malle.

- Je n’ai pas le temps de rentrer dans les détails mais… disons que celle qui devait mourir est toujours de ce monde et qu’elle exige des réponses à ses questions.

Puis se tournant vers Galiana, la vieille femme mit ses mains sur ses épaules, resserrant ses doigts tels des serres d’aigle ce qui ne manqua pas d’arracher une grimace à la jolie brunette.

- Tu n’as plus le choix, ton nom a été murmuré dans les alcôves de certains palazzo.

Le visage de poupée de porcelaine devint alors opalescent. L’histoire était bien trop cruelle pour être vraie, bien trop extravagante, bien trop… Mais dans les yeux de Ravena, cette vérité éclata au visage de Galiana. Elle repoussa son mentor, celle qui lui avait tout appris, celle qui s’était chargé de son éducation depuis sa petite enfance.

- Non… non… cela ne se peut pas… cela ne peut pas être ainsi… il n’oserait pas… j’ai été à son service durant des années… il ne peut pas me sacrifier comme ça… n’est-ce pas Ravena ? …. N’est-ce pas Ravena ?

La question fut doublée, signe de son affolement. Galiana était saisie par ce qu’elle voyait dans le regard de la vieille femme et même si tout lui disait le contraire, elle espérait encore se tromper. Pourtant il lui fallut admettre la vérité et suivre les conseils de la vieille femme.

Le soir venu, deux malles furent chargées sur une charrette et Galiana prit la fuite en direction d’un ailleurs qu’elle ne connaissait pas, d’un ailleurs qu’elle avait encore du mal à s’imaginer, d’un ailleurs qui lui laissait un goût amer dans la bouche. Pourtant, malgré la peine et la peur, pas une larme ne fut versée. Galiana ne regarda même pas en arrière. Malgré son jeune âge, elle avait été à bonne école et Ravena l’avait endurcit au point de ne jamais s’émouvoir pour des futilités. Et le voyage commença dans cette nuit glaciale où le léger vent venait frigorifier la peau et les os de la jeune Romaine.

Les jours s’ensuivirent dans un parfait mutisme. Galiana ne pensait à rien, son esprit était vide de toute émotion, de toute pensée cohérente. L’homme qui l’accompagnait n’était guère plus bavard et à part lui donner des instructions, elle ne le regardait jamais, ses yeux étant perdus sur l’horizon qui s’oubliait devant elle.

Plusieurs haltes furent observées durant ce long trajet jusqu’à Genève où la donzelle ordonna à son acolyte d’attendre de ses nouvelles avant de reprendre la route. Il était des choses qu’elle devait maintenant mettre en place pour sa propre sécurité mais aussi pour son avenir. Et cela commençait ici et aujourd’hui avec un courrier qui devait déterminer si oui ou non Ravena avait eu raison de la faire partir à l’autre bout du monde. D’accord, c’était là bien exagéré mais dans son esprit ça ne l’était nullement, surtout pour soit disant son bien qui plus, ce dont la donzelle doutait fortement.

Prenant plume, encre et vélin enfermés dans un petit coffret de bois ciselé que contenait l’une de ses malles, Galiana s’installa près d’un feu crépitant, au cœur d’une taverne vide. L’heure était apparemment encore au sommeil mais elle, elle jouait sa vie. Sauf que Galiana ne savait pas faire semblant et la vérité, à quelques mots près, se devait d’être dite. Au moins chaque partie savait à quoi s’en tenir. Et puis soit on lui accordait le droit d’asile soit on la renvoyait chez elle où elle finirait par mourir violemment sous une lame quelconque. Le cardinal ne plaisantait pas avec les affaires qui n’avaient pas abouti, Galiana le savait que trop bien.


Citation:
Votre Grasce,

Il va sans dire que vous serez étonné de recevoir missive d’une parfaite inconnue mais plus encore de ce qu’elle contient mais pour l’heure, je ne peux que compter sur vous.

Pourquoi allez-vous penser ? Et bien parce que lorsque j’ai besoin de quelque chose, je ne vais pas par quatre chemin et qu’il est préférable de s’adresser au bon dieu plutôt qu’à ses saints qui généralement sont ailleurs ou trop occupés pour répondre. Donc maintenant que je vous ai expliqué une partie de ma motivation, j’en viens à l’objet de mon courrier.

Il m’a été rapporté dernièrement que vos frontières étaient fermées aux voyageurs et que pour pénétrer sur vos terres, il fallait le fameux sésame. Et j’ai besoin de venir en Savoie… du moins, c’est urgent… et j’y demande asile. Oh mais pas à n’importe qui bien entendu. Cela n’aurait pas la même saveur si cela était au gentil fermier du coin et certainement trop facile. Non je vous demande asile à vous votre Grasce, Marc Antoine di Leostilla qui ne pourrait, j’en doute fort, refuser dans la mesure où je fais cette demande au nom d’une vieille connaissance à vous, qui vit à Rome et qui m’a élevé.

Les brumes s’obscurcissent autour de vous. Vous avez un doute, vous hésitez ? Si vous ne voyez toujours pas de qui il s’agit, je ne citerais que le nom par lequel on la nomme entre nous. Ravena, chère Ravena, maitresse du bien comme du mal, qui fut un temps attachée à votre service. Elle estime que vous serez à même de m’offrir l’éloignement dont j’ai besoin tout en mettant mes compétences à votre service si vous exigez une compensation. Connaissant votre grandeur d’âme, je pense que vous et moi savons que vous ne faites jamais rien sans rien donc je suis prête à honorer ce qu’exige Ravena en échange d’un lieu où me terrer. Bien entendu, tout ceci reste à votre discrétion mais je doute que vous puissiez refuser quoi que ce soit à La Strega. Qu’en pensez-vous messire ?

Je suis actuellement à Genève où j’attendrais donc un signe de votre part. En espérant toutefois que vous usiez de votre légendaire gentillesse à mon égard pour aider une jeune femme dans le besoin…

Alea jacte es.

Galiana Foscari.
Faict à Genève, le 17ème jour de janvier de l'an de grasce mil quatre cent soixante et un.


Galiana suspendit son geste en observant ses écrits. Elle ne connaissait l’homme qu’à travers ce que lui en avait dit Ravena et la Bella donna mettait tous ses espoirs en lui. Inconscience ou folie, telle était la question que la jeune femme se posait à l’instant même où, à peine roulé, le vélin vint finir entre les mains d’un coursier qu’elle paya grassement afin qu’il œuvre pour remettre le courrier à qui de droit. Il n’y avait plus qu’à attendre.



Vikentios



Château di Leostilla. Fin d'un mandat.

On racontait dans la lointaine contrée di Leostilla, que de colère, le duc avait fait un feu de joie concentré sur sept sorciers et sorcières. Simples suspects, complices de druides, tout y était passé. Les cris des étouffés avaient tendance à radoucir l'ancien régnant qui était resté un temps sur le balcon, puis qui était rentré en ses appartements. Là il retrouva son valet, Leo, endormi sur son siège ! Comment cet insolent osait-il ? Ah ! Cela, Antoine n'allait pas le laisser passer. Sûrement pas. Il lui fallait un rien pour qu'il fulmine.

Il s'approcha de Leo, qui se réveilla au même instant. Les yeux du domestique se fixèrent dans ceux d'Antoine, au regard méprisant. Il savait qu'il avait fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Il ne chercha même pas à se lever. C'est le di Leostilla qui fit le premier geste. Sa main gantée s'avança vers le serviteur. Puis son index vint s'appuyer contre son front. Et d'une petite pulsion, Antoine bascula le valet. Ce dernier tomba par terre, sur le dossier du siège et roula sur le grand et riche tapis de l'appartement. Le seigneur leva les yeux au ciel pour ne pas s'attarder sur son serviteur qui se remettait debout tant bien que mal.

- Où est Cyriaque ?
- Il... il n'est pas ici...
- Je peux voir cela. Où est-il ?


Antoine plaque ses deux poings contre ses hanches. Le valet, les mains dans le dos, n'osait pas regarder son maître. Il finit par lancer :

- Il... il est parti chasser.
- Seul, sans toi ?
- Il dit que je fais trop de bruit et que j'effraie donc les proies qu'il tente d'avoir ! Il clame que je suis un vrai idiot !
- Je peux voir cela...


Une dernière fois les yeux au ciel et Antoine s'apprêta à partir. Mais l'impétueux valet revint à la charge :

- Il y a eu une lettre pour vous !

L'ancien duc prit brusquement des mains du serviteur le parchemin et le parcourut rapidement. Plus il traversait les lignes, plus l'expression de son visage changeait. Le passé surgissait d'une belle et fine écriture. Rome. Unique objet de mon ressentiment ! Souvenirs troubles. Un accent venu d'ailleurs. Des pays chauds et sauvages. Des gens au sang bouillant. Pourtant, quand il eut terminé sa lecture, il froissa conscieusement la lettre en ses mains. Son regard scrutait le vide qui l'entourait. Les bras pendant le long de son corps, le curieux parchemin quitta tout seul le gant du maître et se perdit dans les appartements.

- Sorcière !

Puis il quitta la pièce en marmonnant nombre de borborygmes incompréhensibles. Que faire ? Le passé venait encore lui jouer des tours ! Que faire de l'apprentie d'une sorcière ? Qu'aspirait à être l'apprentie d'une sorcière, si ce n'est... sorcière ! Tout ce qu'il haïssait avait été là, entre ses doigts. Allait-il faire entrer en Savoie une magicienne, une devineresse, ou tout autre spécialisation dans la magie ? Ah c'était bien pour lui déplaire ! Il la ferait brûler ! Non, non mon précieux. Et si elle pouvait nous servir ? Nous servir ? Oui ! Réfléchissons ! Nos propres intérêts ! Nos intérêts ? Oui ! Une sorcière dit magie, possession, disparition... nos ennemis cèderaient à ses malédictions et ses potions ! Mais nous nous associerons à ce que nous combattons ! Divisons, et régnons ! Vae victis, vae victis ! Avons-nous oublié ? Non, non, nous n'avons pas oublié...

La nuit tombé, dans les locaux d'une Prévôté désaffectée, celui qu'on reconnaissait encore comme duc de Savoie, apposa un sceau dans la cire rouge. Un sceau qu'on n'avait plus revu depuis bien tout un règne. Un sceau qui criait à la vengeance. Un sceau qui annonçait le retour prochain d'un Lion. Un sceau qui prédisait de nombreux désastres pour ceux qui l'avaient dénigré. Un sceau de chaos, de mystères, de ténèbres et de puissance. Ce sceau frappa avec violence le dossier d'une demande de laissez-passer. Celui de la sorcière. Ce sceau de vengeance...

Citation:

Dossier Prévôté numéro 666
Demande de laissez-passer.
Galiana Foscari.
Traitement du dossier : Accepté.




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Galiana.


Le temps s’écoula à son rythme, bercé entre le vent hivernal et les chutes de neige et Galiana se fixa devant la fenêtre, observant ce spectacle durant des heures. Des heures qui lui parurent une éternité, une éternité dans cette vie gâchée qui était la sienne. Elle ne pouvait revenir en arrière, elle ne pouvait retourner dans sa ville natale sans craindre la mort et pourtant, elle qui flirtait avec cette dernière chaque jour se rendait compte combien le prix d’une vie était élevée.

Soupirant de cette constatation, la jeune femme tourna la tête vers la porte quand elle entendit cette dernière s’entrouvrir. Elle avait loué une chambre dans l’une des auberges que la ville avait vu fleurir entre ses murs afin d’attendre le bon vouloir de cet homme qui tenait entre ses mains son avenir. Et un léger frisson la parcourut alors qu’elle levait ses mirettes céruléennes sur son compagnon de route.


- Un pli, pour vous signora.

Les doigts fins de Galiana attrapèrent la missive pour la dérouler et en prendre connaissance. Un léger rictus étira ses lèvres avant que son visage ne se relève et que ses yeux viennent croiser le regard de son compagnon de route.

- Andiamo !

Pas un mot de plus, ce n’était pas nécessaire. La cape fut placée sur les épaules de la brune et d’un pas décidé elle suivit Luigi qui la précédait. La chambre n’avait pas été dérangée et seule la chaise que Galiana avait tirée afin de s’installer devant la fenêtre prouvait là son passage en ces lieux. Une fois installée dans la charrette, le silence enveloppa le couple comme depuis le jour de leur départ. Luigi était au service de Ravena, il connaissait bien Galiana et savait d’avance que leur voyage se passerait dans un mutisme déroutant mais il n’aurait jamais désobéit à un ordre donné par sa maitresse et ce n’était pas maintenant que ça allait commencer. Et la route se fit longue et froide.

Enveloppée dans une couverture, Galiana ouvrit un œil au petit matin. Le mouvement de la charrette ne la berçait plus signe qu’ils étaient à l’arrêt. Tournant son visage vers son acolyte elle remarqua que Luigi baillait allégrement tout en s’étirant. Arquant un sourcil, la question resta muette mais l’homme lui montra d’un signe de tête la rue principale où la vie s’éveillait doucement.


- On va prendre des chambres et tu n’auras qu’à y mettre mes malles. De toute manière, Ravena m’a ordonné de te garder quelques temps, histoire de voir que tout se passe bien…

Elle n’avait pas confiance en cette rencontre. Quelque chose lui disait qu’il fallait qu’elle reste sur ses gardes. Peut-être l’expression de son mentor quand elle lui avait parlé de l’homme chez qui elle l’envoyait, peut-être l’éclat sombre dans le fond de son regard ou le froid qui couvait dans sa voix… mais dans tous les cas, Galiana resterait sur ses gardes. Rejetant la couverture pour la laisser choir dans la carriole, elle descendit d’un petit bond souple et s’engouffrait déjà dans la première auberge qui se trouvait devant elle. Les choses plus coriaces allaient pouvoir commencer.

Une fois installée, Galiana sortit son nécessaire à écrire afin de rédiger à celui qui ressemblait de loin à son protecteur dans ces contrées. Un sourire légèrement ironique parcourut ses lèvres tandis que la plume grattait le vélin vierge de tout écrit.

Citation:
Votre Grasce,

Il faut croire que les souvenirs ont du bon n’est-ce pas ?

Ravena ne s’était donc pas trompée sur votre compte, vous ne l’avez point oubliée. Il me fait chaud au cœur de le constater… si vous saviez l’importance que revêt cette révélation… En attendant, je vous remercie humblement d’avoir osé devenir mon garant sur vos terres, j’espère que je saurais vous satisfaire… Tout dépendra de ce que vous attendez de moi mais ne perdez pas de vue qui je suis et d’où je viens, qui m’a formé et qui saura se faire entendre s’il m’arrivait malheur.

Non ce n’est point un menace mon seigneur mais un sage conseil. De nos jours, la vie devient précieuse… trop pour la laisser filer entre nos doigts et je vous avouerais que je tiens à ce souffle de vie qui m’anime.

Mais tout ceci vous importe peu je le devine. Donc sachez que je suis arrivée à Chambery et que j’ai pris logement dans une auberge qui semble respectable. Ne connaissant pas l’endroit, j’avoue que j’ai pris un peu au hasard… Donc je séjourne à « la hutte du pèlerin ». Il va sans dire que j’y attends de vos nouvelles voir d'éventuelles instructions me concernant.

Dans l’attente de vous lire.

Galiana Foscari.


- Luigi, trouve cet homme et fais-lui remettre ce courrier. Après nous aviserons.

Si tout était joué d’avance, ce n’était pas pour autant que la Bella donna allait se laisser mener par le bout du nez.
Et la rose affûtait déjà ses épines.

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Vikentios



Place forte di Leostilla

Il devait être vers les midi. Antoine était seul dans ses appartements. Il était loin de tous les vices de la Savoie et de ses politiciens, pourtant, il était toujours escorté. Le passé laissait parfois des séquelles éternelles. Dans la pièce, l'on entendait seulement les glissements de la plume sur le parchemin. Parfois un peu les mouvements que l'homme faisait en se mouvant sur son siège. L'ancien duc était de ces gens qui écrivaient vite et avec d'amples gestes du poignet, et dont les lignes étaient généralement que très peu lisibles. On le soupçonnait d'écrire ses mémoires. Les uns disaient qu'il parlait au diable avec son sang comme encre et que son âme serait vendue une fois toutes les gouttes écoulées. Les autres racontaient qu'il recrutait des troupes de mercenaires venus du Nord et Outre-alpins. Dans quel but ? Tout cela n'était après tout que pures spéculations. Désordre. Chaos. Toutefois, en ce nouveau vicomté, les gardes rouges de l'armée leostillienne semblaient agités. Les patrouilles se faisaient nombreuses, les entraînements intensifs. L'on questionnait les gens, l'ont arrêtait les suspects, l'on chassait l'espion. Mais l'espion de qui ? Les forges fonctionnaient ardemment, et les rassemblements de l'armée en-dessous du balcon souverain devenaient fréquents. Inspectant ses troupes depuis son piédestal architectural, l'homme rentrait ensuite dans ses appartements et n'en sortait que très rarement.

Geoffrey d'Amodon, l'un des plus proches conseillers d'Antoine, son généalogiste, son bibliothécaire, celui qui savait tout sur la dynastie des di Leostilla depuis son apparition, fut convoqué. Le valet Leo, l'emmena à son maître. Seul Geoffrey fut autorisé à rentrer. Le vicomte renversa un peu de cire sur son parchemin et le frappa de son sceau terrible. Puis il le tendit vers le vieillard, sans se lever ; c'était à ce dernier de se déplacer jusqu'à lui, c'était bien normal. Antoine ne lui accorda toutefois aucun regard. Ses yeux étaient plongés vers les autres velins de sa table. Il put toutefois dire :

- Voici l'ordre d'arrestation et d'exécution des druides. On raconte qu'ils auraient monté un campement non loin dans la forêt. Tuez tous ceux qui s'y trouveront. Ils sont une menace pour notre croyance ; un ancien culte qui doit être anéanti et vaincu.

Geoffrey d'Amodon ne put que s'incliner et s'empressa d'aller diriger l'ordre vers le commandant de la garde. Quand les portes de l'appartement se refermèrent, l'ancien duc se leva et se dirigea vers sa fenêtre. Quelques minutes à peine plus tard, plusieurs dizaines d'hommes en rouge quittèrent la haute-cour et s'extirpèrent de la citadelle en se dirigeant vers la forêt voisine. Les yeux d'Antoine lorgnait cet assaut donné. Ils bougèrent par cran, comme s'ils redoutaient quelque chose, explorant tous les choix qu'il avait fait, et ceux qu'il avait délaissés. Alors, on frappa à la porte. Il avait pour habitude de ne pas dire d'entrer, ainsi il était plus tranquille, personne n'osait franchir l'encadrement. Sauf si c'était son valet ! Lui seul savait. Quand les portes coulissèrent, le di Leostilla sut de qui il s'agissait sans se retourner. Toutefois, il fit face à son serviteur Leo. Celui-ci se prit les pieds dans le tapis, se rattrapa de justesse à la table du souverain, renversant par là une coupe d'eau sur le sol. Pour seul remontrance, le vicomte leva les yeux au ciel.

- Pauvre idiot.
- Un courrier, monseigneur.


Leo déposa le parchemin sur la table et s'attela à éponger l'eau sur le sol. Antoine s'approcha doucement du meuble et approcha sa main gantée de la lettre. Etrangement, à peine la frôla-t-il; qu'il ressentit quelque chose d'étrange. Comme le néant ou les ténèbres. Vacillant légèrement, il prit appui sur la table et s'empara de son courrier. C'était Galiana, celle à qui il avait accordé un laissez-passer.

- La hutte du pèlerin...
- Quoi ?
- Connais-tu la hutte du pèlerin ? Est-ce une taverne que tu fréquenterais par hasard ?
- Oui, je connais ! Mais je n'y bois pas ! Et puis...
- Oui ?
- C'était une taverne plutôt contre votre pouvoir lorsque vous régniez.
- Ah ! Et si nous allions dire bonjour à tes amis de la taverne ? Mène-moi là-bas.


Une invitation ? Non, un ordre ! Rien ne survoltait plus le di Leostilla qu'un maintien de l'ordre public ! Il avait bien des cartes en main pour agir directement sur la capitale. Quand bien même agissait-il avec sa propre garde ! Une dizaine de soldats furent choisis, et les douzes compagnons quittèrent la forteresse pour la capitale.

Les douzes chevaux se stoppèrent devant ladite auberge. En pleine journée. Personne n'était surpris. Car en effet : Marc Antoine di Leostilla était le lieutenant de la Prévôté de la ville. Le plus haute autorité de sécurité. Personne ne s'interposait. Ceux qui résistaient étaient emprisonnés ou tués. Les gens avaient appris à rester à l'écart. Le vicomte descendit de sa monture, suivi par les onze autres.

- Toi-là, sais-tu si une étrangère réside à l'intérieur ?
- Non monseigneur ! Mais vous n'êtes pas le bienvenu là-dedans ! Ici les gens s'aiment, s'aident et sont bienveillants. Je doute qu'une âme comme la vôtre puisse comprendre quelque chose à cet amour.


La pauvrette avait bien parlé. Mais cela déplu fortement au vicomte, qui asséna un revers de la main dans la mâchoire de la femme qui tomba sur les pavés froids de ce mois d'hiver.

- Fouillez l'auberge, apportez-moi toutes les étrangères qui y résident.

Il n'en fallut pas plus aux soudards du lieutenant pour obéir. Ils défoncèrent la porte de l'auberge et commencèrent les recherches, montant même dans les étages des chambres. Guidé par Leo, escorté par trois gardes, Antoine s'approcha du comptoir où se trouvait le patron, absolument abasourdi.

- Vous n'avez pas l'droit !
- Prévôté Savoyarde, je recherche de la racaille. Si tu ne veux pas en être, retire-toi de mon chemin, ivrogne.


Les clients ne furent jamais aussi silencieux. L'ancien duc était dégoûté de toute la crasse de ce bas-peuple qu'il méprenait, mais tenait quand même à protéger. Par ses mensonges, par sa puissance non dissimulée ni rejetée, le di Leostilla attendit patiemment la fin des recherches de ses hommes.

_________________
Galiana.


Le voyage avait été long, trop long pour la Bella donna et cachée au fond de cette auberge, elle pensait prendre quelques repos mérités avant de prendre part à la vie autour d’elle. Enfin prendre part c’était là un bien grand mot pour l’empoisonneuse mais si l’homme qui devait la prendre sous son aile se mettait en tête qu’elle travaille pour lui alors elle se faisait un devoir de connaitre ses ennemis autant que ses amis, ses éventuels détracteurs ou ceux qui lui voudraient du bien.

Tout en ouvrant sa malle de voyage, Galiana eut un sourire ironique. Des gens qui lui voudraient du bien, allons donc, à première vue elle doutait que cela puisse exister. De ce que lui avait raconté Ravena, il était aussi froid qu’un serpent et peu expressif, ayant toujours une arrière-pensée à l’esprit. Le mal incarné ? Galiana secoua légèrement la tête en s’empêchant de laisser son rire s’échapper de sa gorge. Ne disait-on pas qu’elle était la fille du sans nom elle-même, qu’elle côtoyait les morts et les faisait parler, qu’elle savait lire dans vos pupilles bien plus que vous ne vouliez en montrer, qu’elle allait jusqu’à s’offrir à la bête pour mieux lui vendre des âmes.

Attrapant un coffret fermé à clé, elle le posa délicatement sur la petite table de sa chambrée. Extirpant une clé qui avait trouvé refuge entre ses seins, Galiana hésita avant de glisser l’objet dans l’ouverture prévue à cet effet. Et d’un tour vers la droite, elle entendit le cliquetis significatif de l’ouverture. Prenant une longue bouffée d’air, la brunette souleva le couvercle pour observer à l’intérieur du coffret. Bric-à-brac de babioles, courriers enroulés d’un joli ruban pourpe, pendentif sculpté, bague aux initiales gravées, voilà tout ce qu’il restait de son histoire, de son passé. Et voilà tout ce à quoi elle se raccrochait.

Les doigts fins de la strega vinrent se porter sur chacun des objets, vérifiant qu’ils étaient tous à leur place. Même les yeux fermés, elle aurait pu reconnaitre chacun d’eux et ce fut un soulagement pour elle que de les sentir là, sous la pulpe de sa dextre. Et alors qu’elle inspirait profondément, un remue-ménage se fit entendre en bas dans l’auberge. Maugréant contre ces gens dont elle ne connaissait aucune des manières et dont elle n’était pas non plus pressée de le faire, elle ferma le coffre avec vivacité pour venir le cacher à sa place quand soudain, la porte s’ouvrit à toute volée. Heureusement Luigi qui se tenait près de la porte eut la réaction facile et se planta devant l’homme qui déboulait déjà dans la chambre. Bousculade, accrochage, le garde assena un coup sur l’épaule du pauvre italien qui tomba genoux à terre. Alors Galiana se précipita sur lui pour l’aider à se relever quand l’inconnu la prit par le bras pour l’en empêcher, la tirant vers la porte de sa chambre malgré ses protestation.


- Lâchez-moi vous me faites mal… LACHEZ-MOI … stupido… Bastardo…

Et de coups de reins en coups de griffe, Galiana en véritable chat sauvage se dégagea de l’étreinte possessive que le garde semblait vouloir lui donner. Un coup de pied dans le tibia, un autre afin d’écraser son pied avant de le finir par un coup de genou bien remonté pour atteindre la cible privilégiée de la brunette lorsqu’elle se défendait. L’homme se plia en deux hurlant de douleurs et la donzelle lui cracha au visage.

- La prochaine fois que tu essaies de me forcer à te suivre, je t’éviscère !

Se redressant pour reprendre une attitude hautaine, celle qu’elle affectionnait par-dessus tout car elle lui donnait le recul nécessaire pour connaître les gens qui l’entouraient ou du moins les envisager sous tous les angles, sa dextre vint remettre sa chevelure en bon ordre avant de s’assurer que Luigi n’était pas sérieusement blessé. L’analyse fut rapidement menée et Galiana donna un baume afin que l’homme puisse se masser l’épaule, évitant ainsi les étirements des jours qui allaient suivre. Puis sans un regard pour le garde qui était devenu rouge de colère, frustration, douleurs, la Bella donna s’avança sur le palier de l’étage des chambres afin d’observer les hommes en bas. Elle repéra très vite celui qui semble toute menait l’opération. Et elle le détesta d’emblée. Il offrait une image de fierté malsaine à ceux qui voulaient bien le voir qui fit frissonner légèrement Galiana et soudain, elle eut une pensée pour celle qui l’avait envoyé ici.

*Ravena, je te déteste… je crois que j’aurais préféré mourir que d’être sous la coupe de cet homme !*

Car pour elle, il ne faisait aucun doute que c’était l’homme a qui elle avait écrit qui était là, les deux mains sur ses hanches à attendre impatiemment qu’on lui apporte ce qu’il attendait. Alors, d’un pas nonchalant mais digne, elle se mit à descendre les marches de l’escalier tout en parlant à haute voix afin que le noble l’entende.

- Est-ce ainsi qu’on souhaite la bienvenue aux étrangers sur vos terres votre grasce ou bien est-ce simplement réservé à certaines personnes de votre choix ?

Et les mirettes bleutées vinrent se poser sur Marc-Antoine qu’elles dévisagèrent sans honte tandis que la Bella donna se planta devant l’ombrageux duc.

- N’est-ce pas moi que vous êtes venue chercher ? Auriez-vous peur de ce que vous ne connaissez point messire ?

La question était à double tranchant et la strega lui sourit ironiquement, l’œil pétillant tout de même d’une lueur bien étrange au fond de sa pupille.

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