Gall
[Percée dune forêt, à lEst.]
A laube, la pucelle sétait levée pour apprendre à frapper. Car il faudrait bien quelle quitte son ménil, trou un peu foireux, paumé dans des terres humides. La traversée des routes langoissait. La tête farcie dhistoires sur les brigands de grand chemin, dont elle ignorait tout, elle simaginait laissée pour morte dans les herbes, fauchée de ses biens et bouffée par les mouches. Mort peu reluisante et Gall, aussi ingrate quelle semblait, aspirait tout de même à caner plus joliment. Elle sétait alors penchée sur lidée de mettre à distance les laids, les mauvais, les affreux, avec une épée. Une épée, cest grand, et ça fait peur. Entassant sou par sou pour un jour sen procurer une belle, une forgée, elle se contenta donc dune épée en bois, pour ce matin.
Cette longue perche de Gall se tenait donc plantée là, sa flamberge de fortune dans une main, lautre main appuyée sur sa canne de houx, en train de réfléchir à lagencement de la chose. Sa guibole droite étant trop faible pour supporter sa marche, elle avait depuis son jeune âge adopté une troisième jambe en bois. Si elle sétait entretenue avec un maître darmes, il lui aurait fait entendre quêtre bancale comme une mégère naidait pas pour manier une lame, mais des maîtres darmes, dans son trou du grand Est, il ny en avait pas. Elle faisait avec son ignorance, face à son premier adversaire, assez statique, mais imposant, un tronc de chêne. Tronc de chêne, tu vas voir comme je peux te marave, moi, Gall, même de traviole.
Appuyée sur son houx, son museau fade enfoncé dans un col de laine, elle entama de frapper le tronc. Assez mollement. Son poignet était secoué à chaque fois quelle touchait le tronc qui lui, ne se secouait pas du tout. Elle sénerva. Elle frappa plus fort, jusquà ce que lécorce le sente passer. Té ! Elle lâcha lépée de bois dans les herbes. Gall lavait mauvaise, tout dun coup. Si elle nétait pas capable de filer une râclée à un tronc, cela signifiait quelle nétait pas capable de filer une râclée tout court, et donc encore moins de se défendre, et bien moins encore daller se pointer sur les grandes routes. Elle fronça le nez. Elle frapperait le tronc jusquà ce quil saigne - peut-être quelle sattendait aussi à ce que le chêne sabatte.
Elle ramasse lépée, pour recommencer, avec un peu délan, à martyriser la Nature. Drôle de tableau, que la pucelle brancoche en train de sescrimer dans le vent. Vexée finalement, elle se met à jurer dans son col, de plus en plus fort, tout en frappant son tronc.
« Maraud !
Faquin dbanlieue !
Cougneu d'bèrouettes !
Vieux pissard !
Ah la vache !
Je te saigne !
Je testourbe sale tronc ! »
A laube, la pucelle sétait levée pour apprendre à frapper. Car il faudrait bien quelle quitte son ménil, trou un peu foireux, paumé dans des terres humides. La traversée des routes langoissait. La tête farcie dhistoires sur les brigands de grand chemin, dont elle ignorait tout, elle simaginait laissée pour morte dans les herbes, fauchée de ses biens et bouffée par les mouches. Mort peu reluisante et Gall, aussi ingrate quelle semblait, aspirait tout de même à caner plus joliment. Elle sétait alors penchée sur lidée de mettre à distance les laids, les mauvais, les affreux, avec une épée. Une épée, cest grand, et ça fait peur. Entassant sou par sou pour un jour sen procurer une belle, une forgée, elle se contenta donc dune épée en bois, pour ce matin.
Cette longue perche de Gall se tenait donc plantée là, sa flamberge de fortune dans une main, lautre main appuyée sur sa canne de houx, en train de réfléchir à lagencement de la chose. Sa guibole droite étant trop faible pour supporter sa marche, elle avait depuis son jeune âge adopté une troisième jambe en bois. Si elle sétait entretenue avec un maître darmes, il lui aurait fait entendre quêtre bancale comme une mégère naidait pas pour manier une lame, mais des maîtres darmes, dans son trou du grand Est, il ny en avait pas. Elle faisait avec son ignorance, face à son premier adversaire, assez statique, mais imposant, un tronc de chêne. Tronc de chêne, tu vas voir comme je peux te marave, moi, Gall, même de traviole.
Appuyée sur son houx, son museau fade enfoncé dans un col de laine, elle entama de frapper le tronc. Assez mollement. Son poignet était secoué à chaque fois quelle touchait le tronc qui lui, ne se secouait pas du tout. Elle sénerva. Elle frappa plus fort, jusquà ce que lécorce le sente passer. Té ! Elle lâcha lépée de bois dans les herbes. Gall lavait mauvaise, tout dun coup. Si elle nétait pas capable de filer une râclée à un tronc, cela signifiait quelle nétait pas capable de filer une râclée tout court, et donc encore moins de se défendre, et bien moins encore daller se pointer sur les grandes routes. Elle fronça le nez. Elle frapperait le tronc jusquà ce quil saigne - peut-être quelle sattendait aussi à ce que le chêne sabatte.
Elle ramasse lépée, pour recommencer, avec un peu délan, à martyriser la Nature. Drôle de tableau, que la pucelle brancoche en train de sescrimer dans le vent. Vexée finalement, elle se met à jurer dans son col, de plus en plus fort, tout en frappant son tronc.
« Maraud !
Faquin dbanlieue !
Cougneu d'bèrouettes !
Vieux pissard !
Ah la vache !
Je te saigne !
Je testourbe sale tronc ! »