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[RP] Loin des yeux, près du coeur

Bilbon
[Je suis pendu à votre cou dans le plus beau de mes rêves
Mais je ne me réveille jamais près de vous et j'en crève] *


Chinon - Duché de Touraine - le 11 janvier 1461

Duncan s'ennuyait, et ne décolérait pas. Il avait assez idiot pour se payer une armée complète version maxi-formule supplément de champignons gratis. Bloqué quarante-cinq jours à Chinon, il ne pouvait que ronger son frein. Dix jours avaient passé depuis, mais tout de même, ça faisait longtemps à patienter. Surtout que la peste radinait gentiment dans le quartier, à ce qu'on disait. Champagne et Alençon touchés, à quand la Touraine ?
Pendant ce temps, sa Syu faisait dieux seuls savaient quoi, toute seule dans le sud. Il avait confiance en elle, ce n'était pas le soucis. Il était simplement en manque. En manque d'elle. Il l'avait retrouvé pour mieux la quitter. Ils n'avaient passé qu'une nuit ensemble, et il desséchait d'envie de replonger son nez dans sa chevelure de soie aussi rousse que les flammes. D'ailleurs, c'était ça, Syu : un feu follet, un feu de joie, une flamme qui ne s'éteignait jamais. Dieux comme il l'aimait !

Allongé sur son lit dans sa chambre d'auberge qu'il louait pour un prix modique (et c'était tant mieux vu l'état de la piaule) il laissait la guérisseuse étaler ses onguents sur son torse bardé de cicatrices. Les soldats ne l'avaient pas loupé, les teigneux ! Coups d'épées sur coups d'épée, et lui qui n'avait rien pour se défendre... Il ne grimaça pas quand les doigts habiles de la femme s'enfoncèrent un peu trop dans ses chairs. Il ne prêtait pas attention à la douleur, il n'avait que sa Précieuse en tête.
La veille, elle lui avait écrit la nouvelle la plus extraordinaire qu'il eut jamais reçu de sa vie. Il allait être père. Mince, avait-il pensé sur le coup. Pas parce qu'il ne voulait pas d'enfant, mais parce qu'il allait devoir partager sa femme et pour le moment il aurait voulu l'avoir pour lui seul. Mais cette idée avait été chassée par la prise de conscience. Père, il allait être père. Un mois et demi depuis qu'il l'avait retrouvé, une nuit extraordinaire, et il allait être père.
Duncan avait aussitôt imaginé une pléiade de petits courant autour d'eux. Un fils valeureux, guerrier. William, en honneur au père de Syu. Une fille rousse comme sa mère qui aurait aussi son tempérament fougueux. Comment l'appeler ? Et pourquoi pas pleins d'enfants ? Ce n'était pas difficile à faire, et franchement agréable. Bon après, les mettre au monde évidemment c'était une autre paire de manches mais ça valait le coup. Oui, tout valait le coup quand c'était avec Syu.

L'Ecossais songea à Soren. Il ne l'avait jamais vu, et il ignorait même qu'elle trogne il se payait. Vaguement, Syu lui avait décrit un danois, blond, yeux bleus, grand, musclé, plutôt beau. Il en avait été irrité. Pas après sa Promise, non, mais après lui, ce crétin aux cheveux clairs, lui qui était brun comme la terre. Il avait réussi à séduire sa Syu. Il irait le trouver, un jour, en descendant vers elle. Oui, il ferait un crochet vers Bergerac, pour voir à quoi ressemblait la bête. Voir quel crétin fini avait osé cessé d'aimer Syuzanna-la-parfaite.

La femme avait fini, il se leva pour la payer d'une pièce d'or, comme elle le voulait, puis prit un parchemin, une plume, un encrier, et rédigea quelques mots pour celle qui hantait ses pensées nuit et jour, jour et nuit.




Ma Syu,

Je suis toujours coincé à Chinon comme tu le sais. Encore 35 jours à tirer avant de te rejoindre. Où es-tu ? Fais bien attention à toi. A lui aussi, ralenti un peu sur la castagne, le temps de la grossesse, tu veux ?
Parlant de grossesse, l'as-tu annoncé à ta famille ? J'ai hâte de te revoir, tu ne peux pas savoir à quel point. J'ai hâte de voir si tu seras aussi grosse que ça, toi qui est épaisse comme un fétu de paille !
Où que tu sois, fais bien attention. Mange solide, l'hiver est dur, surtout dans le nord.

Je t'aime.

Duncan.

PS : William ?


Duncan plia le parchemin, le scella comme il fallait, et saisissant son pigeon grassouillet qui somnolait sur son perchoir, il y accrocha la lettre et lança le volatile par la fenêtre.


* Cali "c'est quand le bonheur"

_________________
Syuzanna.
[L'absence ne fait mal que de ceux que l'on aime] *

Montauban - Guyenne - 12 janvier 1461

Oh non. Cela avait été ses premiers mots quand elle avait eu sa première nausée, quelques jours auparavant. Un mois et demi sans menstrues, bien sûr, elle avait trouvé ça louche. Mais lorsque la confirmation de ses doutes s'était dressée devant elle tel un dragon cracheur de feu, la rousse avait paniqué. Mère de famille, vraiment ? Elle ? Après mûre réflexion, elle avait décidé d'écrire à sa cousine, avant de se raviser. Non, pas encore. Et puis si. Et puis... non. Agacée de son indécision, elle avait décidé de quitter Sarlat. Comme ça. Sur un coup de tête. Elle devait partir de toute façon, alors plus tôt ou plus tard, qu'est-ce que ça changeait ? Elle avait réuni ses affaires dans une charrette, avait sifflé son énorme chien noir, installé Eilidh sur l'assise de la carriole et s'était mise en marche. Direction... le sud. Pas très précis, mais elle ne savait pas exactement où aller. Jusqu'à ce qu'en chemin, lors d'une pause, elle se décide enfin à écrire à sa cousine, et dans le même temps, à son cousin. Puis à Duncan.

C'était en regardant Eilidh jouer avec Touffu qu'elle avait réalisé qu'être mère n'était pas pire qu'avoir la peste noire, et qu'en plus, elle pouvait en être heureuse. Et que dans le même coup, elle aurait un héritier direct. Donc oui, elle était prête. A sa façon de rousse impulsive et colérique, elle était prête.

Attablée dans une taverne de Montauban, elle buvait silencieusement une chope de bière, tandis qu'Eilidh nattait les cheveux de laine de sa poupée en tissu. A leurs pieds, Touffu rongeait un os. Et tout en buvant, Syuzanna lisait et relisait la lettre de Duncan, qu'un gamin lui avait apporté plus tôt dans la journée.
Le délai de son départ de Chinon diminuait de jour en jour, mais plus d'un mois, cela restait long. Il avait refusé qu'elle vienne le retrouver, à cause de la peste. Il avait eut raison, bien sûr, mais n'empêche. Il lui manquait. Il plaisantait sur son tour de taille, mais cela n'avait rien de drôle ! On le verrait, lui, à sa place ! Elle poussa un soupire à fendre l'âme. Enceinte ! Incroyable ! Et en même temps si... merveilleux.

Souriant pour elle-même, elle se saisit d'un parchemin vierge dans sa besace posée sur la table. Prenant une plume et un encrier, elle réfléchit quelques secondes, et répondit à Duncan.


Citation:
Dun,

Je vais bien, grâce aux dieux. Je suis à Montauban aujourd'hui mais je ne vais pas m'attarder. Et je n'ai encore frappé personne, rassure-toi ! Pour qui me prends-tu ?

Et oui, je l'ai annoncé à Sybelle, et Maonaigh. Et je ferai attention, comme toujours. Tu me connais. Et là, il ne s'agit plus seulement de moi, mais aussi d'Eilidh, et du... bébé. Diantre, cela ne te fait-il pas étrange de penser une telle chose ? Il nous faudra bâtir une maison. Je t'en charge ! Tu es l'homme, après tout ! Où nous établir ? J'aimerais, assez bêtement peut-être, me rapprocher des membres de ma versatile famille. Avoir un endroit pour les MacDouggal. Je sais qu'il y a la Tour, mais ce n'est pas pareil. Je parle d'un village. Ou bien concilier les deux ? Vivre près de la Rochelle ? Il faudrait que j'en discute avec tout ce beau monde - et toi. Mais il faudrait déjà que je les retrouve !

Bon, je m'arrête ici. Je n'ai plus de place sur ce parchemin.

Je t'embrasse comme je t'aime, passionnément.



PS : Va pour William. Sinon, Blaire ?



Sifflant le garçon de taverne, elle lui confia le plis dûment scellé avec ordre de le faire remettre le plus rapidement possible, en évitant peste et brigand, avec promesse d'écus sonnants et trébuchants.

* Pierre Corneille
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Bilbon
[Ecoute ces bruits de pas
Qui résonne au fond de moi
C'est mon coeur qui boite
Mais sa démarche maladroite
L'ammène toujours vers... toi] *


Chinon - Duché de Touraine - le 13 janvier 1461

Chinon encore, Chinon toujours. Un peu plus d'un mois avant de pouvoir s'en échapper, et chaque jour qui passait rendait Duncan plus fébrile que la veille. Il ne pouvait pas s'empêcher de se trouver débile, là, avec toutes ses blessures, incapable de se bouger, alors que sa fiancée, la mère de son enfant, se balladait seule dans le royaume ! Sans protection ! Enceinte ! Avec une petite fille ! Mais quel abruti il avait été de foncer à l'aveuglette sans prendre ses précautions ! Mais maintenant c'était régime viande. Il saurait se défendre, la prochaine fois. Quoi que seul contre vingt-et-un il n'aurait peut-être pas l'avantage. Fallait pas rêver non plus.

Duncan poussa un soupire misérable. Bardé de bandes qui le faisait ressembler à une momie des temps anciens, il sirotait son whisky dans cette auberge qu'il détestait. Si encore Elle avait été là, tout aurait été différent. Mais il lui avait ordonné de partir vers le sud pour prendre des bains de mer ou des trucs comme ça. Bon, elle n'avait pas été d'accord tout de suite, mais il avait frappé en traitre avec le risque de la peste, les dangers du voyage et... la perte potentielle du bébé. Parce qu'il avait bien senti dans ses lettres qu'elle s'était faite à l'idée. Il avait réussi à lui faire voir les choses sous un angle différent : sa mère. Tout le monde disait qu'elle était une femme d'exception, aussi avait-il allégué qu'elle n'en serait qu'une tout aussi extraordinaire avec ses enfants. Argument tordu puisque Siusaidh n'avait survécu que trois jours à l'accouchement, mais mieux valait un argument bancal que pas d'argument du tout, non ? Et elle avait donc fini par céder. Et malgré le bon sens de cette demande, il ne pouvait s'empêcher de la regretter car cela le laissait plus seul et désespéré que jamais.

Il avait reçu la lettre de sa Précieuse avec plaisir. Jusqu'à ce que la fin lui fasse dresser les cheveux sur la tête. Etait-elle folle ? Blaire ? Même si c'était féminin, cela ressemblait bien trop à Blaine, et voilà bien un prénom qu'il ne voulait plus jamais prononcer.
S'emparant d'une plume, Duncan se décida enfin à répondre.



Ma Syu,

Pour qui je te prends ? Mais pour la sauvage que tu es ! Tu ne te souviens pas de tous ces combats durant lesquels tu as désarmé ton propre oncle, et une fois ton père ? Tu as le sang bouillonnant, le sang des volcans, ma Syu, quoi que tu oses prétendre. Et c'est précisément pour ça que je t'aime. Tu fais une cheffe merveilleuse. A la fois forte et à l'écoute. Tu sais quoi ? Tu es ton père et ta mère réunis. (d'après ce qu'on dit de ta mère)

Bébé, bébé, oui, cela me fait étrange mais ce n'est pas désagréable. Cela semble... fou, après tout ce qu'on a vécu, d'avoir bientôt un petit. Ou une petite. Tu sais que je serai aussi fier d'avoir une fille qu'un garçon, tu le sais, ça, pas vrai ?

Toujours pas la peste, si tu veux savoir. Mais j'ai une autre maladie, bien plus grave. Je suis en manque. En manque de ma fiancée. Comment soigner ça, toi qui es herboriste ? As-tu un remède miracle ?

Salue tes cousins-cousines pour moi, et dis à la petite Syb' que j'ai hâte de la plonger dans la première rivière qui passera sous mes yeux.

Je t'aime,

Ton Duncan, à jamais.

PS : Certainement pas Blaire ! Trop semblable à Blaine. Marsaili ?


Apostrophant un gueux qui passait par là, Duncan lui demanda de bien vouloir accroché son parchemin roulé et scellé, et regarda le volatile s'envoler par la fenêtre, plus morose que jamais.

* David Hallyday "le coeur qui boite"

_________________
Syuzanna.
[Je voudrais partir
Jusqu'à la mer
Allongée sur le sable
Reprendre un peu l'air
Sentir les embruns
Rester encore
Rester jusqu'à
Ensaler le corps
On serait juste Toi et Moi
Près d'ici ou là-bas
Sans règles dignes et sans foi
Quand tu veux on y va
Toutes les couleurs du ciel
Un pleins de bouteilles
Du rhum, du vin, du miel
Quand tu veux on y va]
*

Sybelle le lui avait demandé, Duncan en avait fait autant. Mais autant essayer de raisonner une pierre. Il était plus facile d'obtenir d'une montagne qu'elle se mette à danser, que de convaincre Syuzanna d'être raisonnable. Faire attention, ne pas attirer l'attention, se protéger. Bah, elle aurait toute la mort pour être raisonnable, effacée, et calme. Elle était peut-être enceinte, mais elle n'était pas en sucre.
Elle avait donc quitté Montauban, Duché de Guyenne, pour Castelnaudary, Comté de Toulouse. Enfin, elle s'était mise en route pour Castelnaudary. A l'heure actuelle, elle était surtout en pleine campagne, avec un chien gigantesque et noir comme les enfers, et une fillette insousciante qui courait après les lapins.
Eilidh avait changé, du moins, c'était l'impression que Syu avait. Davantage intrépide, elle était aussi débrouillarde que la rousse l'avait été à son âge. De plus, elle n'avait pas la langue dans sa poche ce qui avait bien failli lui coûter quelques ennuis. Mais la petite en valait la peine. Syu se retrouvait dans ses airs sauvages et dans chacun des coups de bâton qu'elle distribuait aux herbes hautes qui lui barraient le passage.

Décidant d'une halte, dans l'honorable but de les restaurer, l'Ecossaise se laissa tomber aux pieds d'un arbre centenaire. L'âne qui tirait la charrette paissait tranquillement, libre de sa cargaison. Touffu déchiquettait à belles dents une pièce de viande, et Eilidh faisait de même avec une miche croustillante achetée quelques heures plus tôt.
La nuit était tombée depuis longtemps, et des flocons dégringolaient du ciel pour se poser délicatement sur le tapis déjà blanc qui couvrait le sol, ajoutant une énième couche de neige au paysage immaculé.

Plus elle descendait, moins il faisait froid. C'était du moins l'impression, même si elle savait que ce n'était qu'une conséquence de son impatience. Amoureuse de la mer depuis son départ d'Ecosse, elle ne rêvait que de la revoir, et pourquoi pas, de s'y baigner. Idée saugrenue s'il en était, mais le contact de l'eau salée sur son corps lui plaisait infiniment.
Profitant de cet instant de repos, la rousse relut encore une fois le parchemin de Duncan. Un sourire étira ses lèvres gercées. Il prenait soin d'elle à distance, et cela l'amusait beaucoup. Même si quelque chose la gênait, tout au fond d'elle. Ce n'était pas le fait qu'il veuille la protéger, c'était plutôt qu'il puisse penser qu'elle en ait besoin. La croyait-il devenue incapable de manier une arme parce qu'elle attendait un enfant ? C'était ridicule. Et comme elle n'avait pas l'habitude de retenir sa verve - même par écrit - elle ne se gêna pour lui offrir une réponse qu'elle jugeait appropriée et nécessaire.


Citation:
Dun,

Cesse donc de t'en faire pour moi. Tu as grandi en ma compagnie et comme tu l'as justement rappelé, je sais me défendre. Et ce n'est pas parce que je suis enceinte que cela change quelque chose.

Je te remercie pour tes compliments, et sache justement qu'en tant que telle, si je ne puis me défendre moi-même, je n'aurais qu'à passer le flambeau. Donc, merci de t'inquiéter, mais cela ne sert pas à grand chose. Je ne suis pas une poupée de chiffon.

Toi, tu ferais mieux de prendre soin de toi, puisque tu es à la fois près des combats et près de l'épidémie.

Nous allons tous bien. J'avance comme je peux, avec toute cette neige. Eilidh a hâte de te rencontrer.

Je t'aime.



PS : Maisie ?


C'était court, mais elle n'avait pas d'inspiration. Elle n'avait jamais été très douée pour écrire, et si sa dague était sa meilleure amie, sa plume ressemblait plus à un ennemi à combattre particulièrement coriace.
L'attachant à la patte de son pigeon, elle laissa bientôt s'échapper l'animal porteur de nouvelles.

Eilidh se tourna vers elle, ses grands yeux bruns se posant sur sa mère. C'était ainsi qu'elle avait toujours vu Syu. Depuis qu'elle l'avait recueilli, elle était sa mère, à elle. Et elle n'accueillait pas particulièrement d'un bon oeil la venue d'un petit nouveau.


- T'as l'air fatiguée, Maman, fit-elle en venant se blottir contre l'Ecossaise.

- C'est que j'ai hâte d'arriver au bord de la mer, ma fille, sourit la jeune femme en passant un bras autour des petites épaules de la petite.

Et Eilidh ne put que gonfler le torse de fierté. Elle l'avait appelé « ma » fille. Et elle était déterminée à conserver sa place. Coûte que coûte.


* Toi et moi - Guillaume Grand
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Bilbon
[C'est comme ça que je te reconnais]

Chinon - Duché de Tours - le 16 janvier 1461

Duncan avait été un peu surpris des phrases sèches de sa dulcinée, mais il commençait à comprendre, ou plutôt à se souvenir. Il se rappellait comme si ça avait eu lieu la veille, de leur enfance, à tous les deux. Syu avait toujours été incroyablement forte, du plus loin qu'il se souvienne. Elle n'avait que huit ans, et tenait déjà tête à ses aînés, minuscule dans son kilt. Les plus âgés des enfants du Clan la traitaient avec respect et avaient tout intérêt. Elle frappait, tempêtait, beuglait, et imposait sa volonté avec autant sinon plus, de volonté et de force que les garçons, tout ceci sous l'oeil attentif et un brin attendri de son père. Syu était si forte, si solide, si sûre d'elle, qu'on ne pouvait qu'être tenté de la suivre. Et plus elle grandissait plus son caractère s'aiguisait. Et sa beauté aussi, d'ailleurs. Il savait pour en avoir lui-même discuté, que plusieurs jeunes hommes lui auraient bien demandé sa main, si celle-ci n'avait pas déjà été promise. Et ceux qui avaient un faible pour ses couettes de feu et ses yeux noirs lui demandaient ce que ça lui faisait d'être fiancé à une telle fille. Duncan, le sourire aux lèvres, leur répondait que c'était la chose la plus merveilleuse que d'épouser sa meilleure amie, surtout quand on l'aimait plus que comme une amie.

L'Ecossais souriait à l'évocation de ses souvenirs. Oui, Syu était forte, et il avait eu tort de penser que la grossesse la rendrait plus vulnérable, moins prudente, plus faible et moins agressive. Au contraire, même. Elle lui faisait l'image d'une louve. Elle ferait tout pour ses "petits" bien plus et bien mieux que bien des mères.
Ils avaient un peu parlé du fosterage, et il s'était rangé à son avis : pas de ça chez eux. Les MacDouggal avaient toujours élevé eux-mêmes leurs progénitures, et ce n'était pas avec eux que cela changerait. Et il était heureux de cette décision, car il désirait voir grandir ses fils et ses filles. Et à quelle famille les envoyer ? Celle de ce Soren ? Mi Ecossais mi Danois ? Ah non, certainement pas ! Manquerait plus qu'une attrocité ait lieu et qu'il s'éprenne d'une de ses filles ! Il paraissait qu'il aimait bien les jeunes filles tout juste bonnes à marier, même s'il avait goûté à une véritable femme...
Ce fut d'une plume joyeuse malgré tout qu'il répondit à sa fiancée. Les jours passaient et, songea-t-il, le jour du mariage arrivait à grands pas. Il avait tellement hâte !



Ma Syu,

Je ne voulais pas te vexer ni te donner l'impression que je te croyais faible. En fait je m'inquiète juste parce que tu es seule. Et non, la présence d'une fillette de six ans ne compte pas. Tu es seule et moi je suis loin et je rêve de te tenir dans mes bras et de voir ton ventre s'arrondir de jour en jour.

Ici rien de nouveau. Le calme plat, et pas d'annonce de tempête pour égayer tout ça. Quel ennui !

Où vas-tu t'arrêter ? Attendras-tu ta cousine ? Et comment va ton cousin ?

Tu me manques et tu es toujours dans mes pensées.

Je t'aime,

Dun.

PS : Maisie, ça me va. William ou Maisie. William... et Maisie ??


Impatient, il suspendit la lettre à la patte du pigeon et balança le tout par la fenêtre.
_________________
Syuzanna.
[Aïe. J'ai mal.] *

Entre Carcassonne et Narbonne - 18 Janvier 1461

Pliée en deux, le nez dans la rivière, l'Ecossaise rendait son petit-déjeuner sous les yeux écoeurés des deux enfants. Etaient-ce les nausées de la grossesse ou une maladie plus grave ? D'instinct, elle pencherait plus pour la seconde option. Elle ne cessait de frissonner, et se sentait fébrile ; rien à voir avec le fait d'être enceinte, elle l'aurait juré.

La veille, elle avait été incapable de répondre à Duncan. Il fallait dire qu'elle avait été très occupée. La soeur de Manu, Sarah, était venue à sa rencontre lui confier son neveu James. C'état plus prudent ainsi, tout le monde était tombé d'accord là-dessus.
Eilidh avait, semblat-il, mis en garde le garçon contre les humeurs massacrantes de sa mère. Malade et enceinte, de quoi entamer la proverbiale politesse de Syu. Aussi les deux « cousins » se tenaient-ils relativement sages, et avalaient sans broncher les médecines qui devaient les protéger contre le virus que se trainait la rousse.

Il lui fallait la mer, c'était capital. La mer guérissait bien les blessures, pourquoi pas les maux de ventre ? La mer était miracle. Et là, elle avait besoin d'un miracle.
Elle se redressa en s'essuyant la bouche d'un revers de main. Elle souffrait, certes, mais ne le montrait aux enfants, pour ne pas les inquiéter plus encore.


- On fait une pause, grommella-t-elle aux deux cousins qui hochèrent la tête en souriant.

Les paquetages furent déposés au sol, et tandis qu'Eilidh et James se blotissaient dans une large peau d'ours, qui autrefois servait de tapis aux Peupliers, Syuzanna faisait de même dans une simple peau de mouton. Il lui fallait trouver un médecin en urgence, elle en avait conscience. Que se passerait-il, si elle se trainait cette saleté encore longtemps ? Y avait-il des risques pour le bébé ?
D'une main fébrile, elle empoigna une plume et un velin, et écrivit rapidement quelques mots, trop fatiguée pour se perdre dans de longues tirades interminables.


Citation:
Dun,

Suis malade.
James également avec moi. Fils de Manu.
Arrivons à Narbonne demain.
Chercherait un médecin.

Les dieux te protègent.

S.


C'était court, impersonnel, mais c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour le moment, perdue en pleine lande dans ce froid polaire, tremblante de froid et de fièvre.
Le pigeon s'envola tandis que brusquement, la rousse se décida à se remettre en route. Elle se devait de protéger les enfants, et de se mettre elle-même à l'abris.


* Les Inconnus - Youpi matin
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Bilbon
[Manque de chance, moi aussi]

Chinon - Touraine - le 18 janvier 1461

"Ah ça non, c'est pas possible !" s'écria-t-il en lisant la lettre de Syu.

Enfin, lettre, c'était un trop grand mot. Sa pauvre fiancée n'avait pas pu écrire davantage, malade comme elle devait l'être. Il écrasa le parchemin de son poing furieux, avant de se mettre à tousser comme un perdu. Parce que lui aussi était tombé malade. Bêtement en plus, en restant simplement debout devant la fenêtre ouverte alors qu'il neigeait et ventait. Et maintenant, il ne faisait que rendre son repas. Il se sentait d'autant plus idiot que lui aurait pu éviter la maladie, tandis que sa Précieuse était bien obligée de voyager pour retrouver sa cousine.

Duncan secoua la tête tout en retombant mollement dans son fauteuil. Il s'ennuyait tellement, loin de sa fiancée, qu'il faisait n'importe quoi. Mais comment décrire le sentiment qui l'envahissait ? Séparé d'elle depuis deux ans (qui lui avaient paru deux siècles) il se voyait de nouveau contraint de se trouver loin d'elle à cause de cette fichue armée qui ne faisait pas la différence entre un pauvre gars qui volait vers son amour, et un brigand assoiffé d'argent. On avait beau dire, mais tout de même. Les soldats n'étaient pas très futés.

Malheureux comme les pierres, malade comme un chien, et en plus privé d'alcool par la guérisseuse qui ne guérissait rien du tout, Duncan n'était pas dans un très bon jour. Ni une très bonne semaine, quand on y réfléchissait bien. Il empoigna sa plume de mauvaise grâce (il n'avait pas grand chose à dire), et commença à rédiger la plus courte lettre de son existence.



Ma Syu,

Fais attention. Je suis dans le même état que toi. Gagne vite un abri chaud. Tu me manques à en mourir.

Je t'aime.

Dun.


Encore vingt-huit horribles jours à rester ici, malade et mécontent. Si seulement il avait pu passer tout ce temps auprès d'elle ! Être blessé et souffrant ne lui aurait pas importé. Mais là, tout seul au milieu de nulle part...
Duncan soupira, se saisit brusquement de son pigeon, y accrocha sa lettre et balança le tout par la fenêtre en s'emmitoufflant dans son tartan de laine chaude. Les dieux ne l'avaient pas suffisament protégés, visiblement.
_________________
Syuzanna.
[La fatigue engendre les plus belles grimaces] *

Narbonne - Languedoc - 19 Janvier 1461

Ils avaient marché toute la nuit. Ou plus précisément, l'âne et Syuzanna avaient marché toute la nuit, pendant que les enfants grelottaient de froid dans la charrette. Aux premières lueurs de l'aube, ils étaient enfin parvenus devant les remparts du village. Les portes s'étaient ouvertes, ils avaient pénétré dans Narbonne et aussitôt, s'étaient mis en quête d'une auberge. La municipale ferait l'affaire.
Pendant que l'âne se faisait bichoner, que les enfants dormaient sur le lit, sous la peau d'ours, Syuzanna somnolait dans un baquet d'eau brûlante. Le froid ne l'avait pas empêché de transpirer, et après ces dix jours de marche, elle avait vraiment besoin d'un bain.
Elle flottait dans le bac de bois au fond recouvert d'un drap blanc, l'eau chaude caressant son corps perclus de douleurs. Ses pieds étaient couverts de crevasses, ses jambes étaient irritées, ses lèvres gercées et ses mains si fines, étaient sèches et rèches. Si pour elle, autrefois, le froid était chose commune, elle n'était cependant, jamais restée des jours entiers et des nuits complètes dans la neige. Elle passait bien ses journées dehors, mais se blottissait la nuit sur une couche moelleuse, couverte d'épaisses couvertures, et prêt d'un bon feu. Or là, avec toute cette neige qui ne cessait de tomber, même la plus petite flambée était impossible.

C'était une chance que les enfants n'aient pas davantage souffert. Toujours bien au chaud, toujours collés à Touffu, ils avaient nettement mois eut à subir le froid que Syuzanna.
Ses longs cheveux ondulés cascadaient le long de ses épaules, et se perdaient dans l'eau tout en s'y étalant comme des nénuphars. Elle se sentait mieux, là, dans cette chambre chaude. Elle avait décidé de rester quelques jours sur place. Les enfants voulaient profiter de la mer, et elle n'aspirait qu'à se reposer et se soigner. Même Touffu avait souffert du froid, ses grosses pattes étant devenues quelque peu douloureuses.

Les minues s'égrainaient, se muant en heures, avant que l'Ecossaise ne se décide à sortir de son eau devenue froide. Elle se sécha aussi vite que le lui permettaient ses doigts gourds, et enfila une courte chemise de corps. Prenant place à même le sol, juste devant la cheminée au feu ronflant, elle sortit de sa besace un pot d'argile, et entreprit d'étaler sur ses pieds et ses mains, ainsi que sur son visage et ses jambes, l'onguent nutritif à base de miel, de lait d'ânesse et de beurre. Une fois la chose faite, elle prit le temps de laisser la chaleur des flammes agir sur l'humidité de ses cheveux, avant de passer une autre chemise, plus longue cette fois, ainsi qu'une solide robe de laine, aux manches à crevées, et enfin ses bas et ses bottines. Ce n'était pas qu'elle devenait plus féminine, mais ses vêtements de voyage aux allures masculines étaient encore en train de sécher.

Réveillant doucement les enfants, qui s'étirèrent, les yeux encore bouffis de sommeil, elle entreprit de les déshabiller l'un après l'autre, ce qui ne se fit pas sans peine. Nus comme des vers, Eildh et James bondirent devant la cheminée, se couvrant plus ou moins du tartan de Syu.
Celle-ci sonna la domestique, lui mandant une fois qu'elle eut paru, de faire chauffer l'eau de son bac.
Une bonne demi-heure fut nécessaire à la réalisation de la tâche, qui fut confiée à deux solides gaillards.
Une fois de nouveau seuls, la jeune femme empoigna sans demander leur avis, les deux enfants, et les plongea dans l'eau. Après quelques secondes de cris de colère, ils semblèrent s'apercevoir que ce n'était pas si désagréable, finalement, et commencèrent à jouer sans plus se préoccuper d'autre chose.

Profitant du répit qu'ils lui offraient sans s'en douter, Syuzanna entreprit de répondre à Duncan.


Citation:
Mon Dun,

Si ma santé laisse toujours à désirer, au moins me voilà au chaud ! Je suis à Narbonne, en compagnie des deux farfadets qui m'accompagnent.
Tout va bien, la ville est agréable. Nous irons voir la mer quand nous serons remis de nos engelures. Je pense reprendre la route lundi. Nous arriverons à Uzès vendredi. Pas d'arrêt entre Narbonne et là-bas. Sybelle y sera peut-être même avant nous, au train où nous avançons ! Tu devrais voir les congères, et l'épaisseur de neige ! C'est incroyable. Cela me rappelle chez nous.

Je prie pour que tu ailles mieux bientôt, mon Dun. Pardon pour la sécheresse de mes dernières lettres. J'étais assez mal en point.

Je t'aime,

S.


Une fois la lettre cachetée, elle l'attacha à la patte du pigeon de l'auberge, le sien étant mort de froid durant la nuit.
Puis, pendant que les enfants clapotaient tout à loisir dans l'eau chaude et parfumée, la rousse posa la tête sur la cuisse de Touffu, et fermant les yeux, sombra lentement dans un profond sommeil.


* Jacques Rigaut
_________________
Bilbon
[Je t'aime plus que tu ne m'aimes, car je suis mort pour toi]

Chinon - Duche de Touraine - le 21 janvier 1461

La veille, Duncan n'avait pas répondu à Syu, brisant le rodage parfait de la lettre quotidienne. Il n'avait pas eu envie de répondre, de prendre la plume et de coucher ses non-aventures sur papier. Il se sentait vide et las. Le contre coup de la maladie sans doute, mais tout de même il avait un peu honte de lui maintenant. Elle avait du s'inquiéter... ou pas. Il lui restait 25 jours d'indisponibilité et il n'avait pas envie de lui dire où il comptait aller par la suite. Sa rousse ne savait même pas où elle allait vivre (où alors elle avait oublié de lui dire) et il avait besoin de faire un détour. Voir, comprendre, juger... à moins qu'il n'attende le jour de son mariage ? Duncan était indécis car Duncan doutait. Pas de l'amour qu'il ressentait, ça non il ne pouvait en douter ni se poser de questions à ce sujet. Pas de Syu non plus car il savait qu'elle l'aimait aussi. Alors de qui, de quoi ? De ce danois, de ce Soren, de ce blond. Il l'avait aimé aussi, sa Syu, et cela l'intriguait, voire lui mettait les nerfs en pelote. Le danois avait mis ses sales pattes sur la peau blanche de Sa Syu, et ça rendait l'Ecossais malade de jalousie.

Pourtant il ne pourrait pas couper à l'écriture de la lettre, aujourd'hui. De même que le danois ne couperait pas à une discussion avec lui. Le tout était de savoir quand. Duncan avait bien envie de lui écrire à cette raclure, pour lui donner rendez-vous quelque part et lui casser les dents une à une. Mais Syu ne serait peut-être pas d'accord et si après toutes ces années il avait bien retenu une chose, c'était de ne jamais contrarier Syu. Déjà, au naturel elle était corriace et violente, mais enceinte, il ne voulait même pas tenter d'imaginer.
Il s'empara donc de sa plume et se mit à écrire rapidement.



Ma Syu,

Heureux que tu ailles mieux. Pour moi aussi, tout va mieux.
Ne t'en fais pas, tu étais malade, je peux parfaitement concevoir que tes nerfs lâchent un peu.
Chinon, c'est toujours pareil. Je sors peu ces jours-ci, je n'ai pas le courage de discuter avec les villageois. Je suis las d'être ici et la solitude me fait devenir fou.

Le mariage est dans à peu près dix-huit jours, tout le monde a répondu ? Enfin, quand je dis "tout le monde", tu me comprends. Nous ne serons qu'une poignée, mais quand même. Une demie poignée ça fait pas grand chose.
Il faut que je me trouve un témoin. Que dis-tu de Soren ? Je plaisante ! Je peux presque voir ton minois courroucé. Je demanderai à un véritable homme, quelqu'un que nous apprécions.

Je t'embrasse,

Dun.


Duncan était particulièrement fier de sa remarque sur le témoi. "Un véritable homme, quelqu'un qu'on apprécie". Oh, oui, l'Ecossais avait envie que le danois débarque au mariage. Très très envie.
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Syuzanna.
[Ooh ! L'argument à deux sesterces] *

Béziers - Languedoc - 22 Janvier 1461

Elle n'en voulait pas spécialement à Duncan de l'avoir oublié pendant une journée entière. Quand elle se savait en sûreté, elle n'était pas jalouse. Elle savait qu'avec lui, il n'y aurait pas de danger. Il n'était pas du genre à séduire les femmes, même pour le plaisir ou par inadvertance. Duncan était du genre fiable, fidèle. Solide. Un vrai roc. C'était rassurant, et c'était ce dont elle avait besoin, en amour. Il n'y avait que dans ce domaine où elle n'avait pas besoin d'aventures.
Elle n'était pas non plus de mauvaise humeur. Il n'avait pas dû avoir le temps. Il devait être encore un peu malade. C'était normal. C'était compréhensible.

Non, ce qui énervait Syu, c'était qu'il ne donne aucune explication. Aucune. Rien de rien. Pas un « Excuse-moi chérie, mais j'ai toussé comme un malade toute la journée, je n'ai pas pu t'écrire tellement j'étais terrassé de fièvre. » Non, rien de tel. Juste un « Pour moi aussi tout va bien. » Si tout allait si bien, alors pourquoi l'avoir ignoré ? Pourquoi ne pas même avoir griffonné un mot la prévenant qu'il ne se sentait pas d'écrire ?
Elle ne s'était pas inquiétée. Non. Elle-même avait été très occupée, avec les enfants, le voyage, le chien. Mais même lorsqu'elle-même était si écrasée de fièvre qu'elle avait l'impression d'avoir été prise pour cible lors d'un lancé de tronc où le but aurait été de viser son crâne, elle avait répondu. Alors oui. Syuzanna NicDouggal se payait le luxe d'être en colère contre son fiancé à dix-sept jours du mariage. Mais elle avait fait pire, avec Søren : elle avait voulu fuir la veille au soir des épousailles. C'était une habituée des brouilles amoureuses. Elle maîtrisait la situation.

Assise, là, au bord de cette mer glacée, elle griffonnait une réponse qui sentait bon la belladone. Métaphoriquement, bien sûr. Elle ne comptait pas devenir veuve sans même être mariée. Ça faisait mauvais genre et ce n'était pas bon pour les affaires.
Syu devait reprendre la route dans moins d'une heure, aussi sa réponse devait être rapide. Concise. Directe. Chirurgicale.


Citation:
Cher Duncan,

Je suis positivement ravie d'apprendre que tout va bien pour toi. Tout devait aller si bien que tu as dû en profiter pour songer à moi, et dans quel merdier je me trouve, j'en suis sûre.
Je ne doute nullement que tu auras passé ta journée à te morfondre sur ta solitude tout en buvant un verre ou deux. Je suppose même que tu as pensé à moi tout le temps, du levé au couché du soleil.
Toi qui te repose chaque jour et chaque nuit dans un lit chaud, tu ne dois pas avoir besoin de beaucoup de réconfort. Et penser à moi, transie de froid avec deux enfants sur le dos, enceinte et en pleins préparatifs de mariage qui plus est, doit t'être d'une aide précieuse, et après tout pourquoi m'écrire ? L'âne et le chien me tiennent compagnie. Tu ne peux pas savoir à quel point nos discussions sont palpitantes.

Et ne t'avise pas de toucher à Søren ! Il fait l'effort de venir, et c'est déjà énorme. Il sera accompagné. C'est mon ami et je veux qu'il devienne le tien aussi. Ne sois pas aussi bête que t'en as l'air.
Et je te signale que je te croyais mort, alors arrête de m'ennuyer avec ce mariage de pacotille.

Salut.

Syu


* Astérix et Obélix : Misson Cléopatre
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Bilbon
[Pas facile d'écrire quand on a les mains liées]

Les geoles de Chinon - Duché de Touraine - le 23 janvier 1461

"Mais laissez-moi au moins écrire à ma fiancée ! Elle est enceinte !" supplia l'Ecossais en passant ses mains entre les barreaux de sa cellule.

"Pas question. Ferme-la ou j'te pète les dents." rétorqua le garde en se versant un godet de bière.

Duncan soupira et se laissa glisser le long du mur glacé. C'était bien sa veine. La veille, deux ivrognes s'étaient tapés dessus juste sous son nez. Pas de quoi fouetter un chat. Du moins jusqu'à ce qu'ils bousculent sa table. Ce qui avait renversé son encrier sur la lettre qu'il écrivait à Syu. Ce qui avait énervé le brun qui avait envoyé son poing dans la trogne du drôle. Et évidement une bagarre généralisée en avait découlé. Et comme il avait dézingué les gars qui l'avaient cherché et qu'ils avaient trouvé, il était enfermé comme un idiot dans cette fichue cellule qui sentait le moisi. Génial. Tout ce dont il avait besoin c'était d'une bonne petite cure de prison. Ca ravivait le teint c'était bien connu.

Le temps avait passé avec la rapidité d'un escargot dopé à la salade. Et il n'avait toujours pas pu prévenir Syu. Il mangeait des trucs tellemet infâmes qu'il les aurait même pas servi à ses cochons s'il en avait eu. Et il faisait toujours noir. Il avait l'impression de s'être transformé en une bestiole qui vivait sous la terre. A bouffer de la terre et boire de la boue. Séjour de rêve dans une région de rêve. C'était décidé, il ne remettrait plus jamais les pieds en Touraine dès qu'il aurait pu en réchapper. Quelle poisse !

Une porte grinça dans l'obscurité et après une série de lourds pas réguliers, apparut un garde maigrelet. Il lui tendait du papier, de l'encre et une plume, ainsi qu'un bout de cire à sceller, une chandelle et une allumette. Duncan le regarda comme s'il s'agissait d'un Dieu. Ses prières avaient été écoutées ! Les Dieux soient loués.

"Tiens, l'étranger. Le maréchal est d'accord pour que t'écrive une lettre à ta fiancée. Mais c'est bien parce qu'elle est enceinte et à l'autre bout du royaume."

Sans prendre la peine de dire merci, l'Ecossais rédigea d'une main tremblante sa missive pour sa future femme. Il fallait qu'il reprenne le court de son ébauche de l'autre jour et heureusement il se souvenait de ce qu'elle lui disait.



Ma Syu,

Pardonne-moi, pardonne-moi ! Je ne suis qu'un imbécile. Je savais que tu me croyais mort mais je ne peux m'empêcher d'être jaloux. J'aurais voulu que pour toujours, tu n'appartiennes qu'à moi. Même si je veux ton bonheur. C'est compliqué tout ça, mais je me savais vivant.

Si j'ai tardé à t'écrire c'est parce que... te mets pas en colère, mon amour... mais je suis en prison. J'ai juste tabassé un gars qui avait pris ma table pour un lit. Je sors mercredi, d'après ce que je sais. Le 30 janvier. Tu me manques comme jamais. Oh, dieux, je t'en prie, ne prends pas de risque, pas toi, mon amour. Je ne saurais vivre sans toi.
Je ne pourrai plus t'écrire avant ma sortie.

Je t'aime. Et ces mots ne sont rien comparés à ce que je ressens. Tu es ma vie, mon âme, ma raison d'exister. Je t'aime.

A mercredi !

Dun


Il scella rapidement, griffonna l'adresse et la tendit avec le reste du matériel au garde resté planté-là.

"C'est bien, MacLean. Elle recevra ça au plus vite. Si elle te répond entre temps on te fera passer sa lettre. Et après t'attendra ta libération."

Il partit et Duncan soupira de soulagement. Il n'était pas encore tiré d'affaire mais au moins Sa Syu n'aurait pas à s'inquiéter.
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Syuzanna.
[A mains liées, cheville foulée]

Nîmes - Languedoc - 25 Janvier 1461

Une chose était sûre, il y avait de l'animation ce soir-là à Nîmes. A « la Lame argentée et le Cheval dansant », trois ou quatre troubadours entonnaient airs joyeux sur airs joyeux. La serveuse était débordée. La bière coulait à flot. Et Syu dansait sur la table. Elle avait demandé une chanson de chez elle, n'importe laquelle pourvu qu'elle soit bien jouée. Les trouvères s'étaient exécutés avec plaisir, et depuis, l'Ecossaise s'égosillait en tournoyant, au-dessus du public qui battait la mesure. Quelques couples faisaient eux aussi quelques pas de danse. Tout le monde riait, buvait, chantait. Si ce n'était pas le bonheur, ça y ressemblait bougrement, songea la rousse en virevoltant. Sa cascade de cheveux ondulés flottait autour de son visage pâle. Les yeux clos, elle battait des mains, tapait du pied - ou l'inverse ? Loin d'elle les soucis ! Loin d'elle les tracas ! Dans une chambre à l'étage, James et Eilidh dormaient, ou faisaient semblants. Pas de contraintes ce soir, elle avait assez triché avec elle-même. Au contact de Søren, elle s'était assagie, bien de trop. Il n'avait pas l'apanage de la folie ni de l'extravagance. Syu restait Syu, et aimait toujours s'amuser, toujours attirer l'attention, toujours boire et gesticuler sur les comptoirs. Rien ne pouvait la changer, elle était née ainsi.
Mais alors qu'elle bondissait plus haut, de plus en plus haut, toujours plus haut, elle ne fit pas attention à ce qu'il y avait sous ses pieds. Et elle avait tant sauté que quand elle amorça son retour au sol, ce ne fut pas la solide table qui l'accueillit, mais bien le pavé. Et par malchance, son pied droit se tordit assez horriblement. Syu poussa un grand cri de douleur mêlé de surprise, et se retrouva bêtement immobilisée par terre...


Nîmes - le 29 Janvier 1461

Quatre jours à grogner, râler, s'étaler ses onguents, se bander la cheville. Syu en avait marre. L'abus tuait, c'était bien connu. Et là, ça sentait l'abus comme la sueur sous les bras du boulanger le matin de bonne heure.
Rédigeant une rapide lettre à sa cousine la prévenant qu'elle était plus que prête à reprendre la route, elle se pencha sur le « cas Duncan ». En prison ? C'était du propre ! Il ne pouvait pas s'empêcher de fracasser le crâne de tous les types qu'il rencontrait. Cette pensée arracha un sourire à la rousse. N'était-elle pas comme lui ? Elle eut une brève pensée pour leur enfant à venir. Avec de tels parents, il ne risquait pas d'avoir une enfance calme.
S'armant d'une plume, elle tâcha de répondre à son fiancé incarcéré.


Citation:
Dun,

Dieux, tu as le chic pour te mettre dans de folles situations ! Mais je te reconnais bien là.
Tu m'as effectivement un peu inquiétée, mais il s'avère que je me suis tordue la cheville. Bêtement, sans faire grand chose. Enfin bref, c'est guéri.
Je vais quitter Nîmes. Direction Arles en compagnie de Sissi et des enfants.

Je t'embrasse,
Amuse-toi bien entre tes quatre murs !

Syu

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Bilbon
[On est mieux dehors que dedans]

Chinon - Duché de Touraine - le 30 janvier 1461

Sorti ! Liberé ! Les dieux l'accompagnaient. Duncan serrait la dernière lettre de sa fiancée comme si c'était un trésor doré à l'or fin. Il ne savait pas pourquoi ces quelques mots le rendaient si heureux mais c'était bien le cas. Sorti de ces quatre murs de pierres, sinistre au possible, l'Ecossais trouvait tout beau. Dans une dizaine de jours il serait marié à la femme de sa vie, le soleil brillait dans ce ciel bleu. Tout était parfait.
Quand il pensait à la cérémonie à venir il avait l'impression qu'il allait exploser de bonheur tellement il avait attendu ce moment. Mais toute cette joie sans borne était un peu ombragée par la présence de ce maudit danois. Pourquoi elle avait voulu l'inviter, il ne comprenait pas. Mais cela ne faisait pas que l'agacer, ça lui plaisait aussi d'une certaine façon. Cela lui permettrait de se venger. Pas d'effusion de sang avait ordonné Syu et naturellement il avait promis. Bien sûr, il ne comptait pas servir du danois farci à la morue le 8 février, mais il y avait d'autres façon de se venger d'un homme. Et il l'aurait précisément à son bras : Syuzanna NicDouggal. Duncan savait qu'elle serait splendide parce qu'elle ne savait pas être autrement. Et quand ce fichu danois la verrait auréolée de lumière par le couché de soleil, alors il regretterait de l'avoir laissé lui échapper. L'Ecossais tenait sa vengeance. Car si Soren restait insensible au spectacle de cette femme cela voudrait dire qu'il ne l'avait jamais aimé. Il avait hâte, mille fois hâte, de voir le visage de ce crétin brûler d'envie d'être celui que Sa Précieuse aurait choisi.

Loin d'être complètement dingue, Duncan ne comptait pas dire le fond de ses pensées à sa promise : il n'avait pas envie qu'elle lui hurle dessus à distance. Assis de nouveau à sa table préférée dans cette auberge dont il connaissait le moindre grain de poussière à force d'y trainer, il s'empara d'une plume et rédigea, gardant pour lui ses martiales pensées.



Ma Syu adorée,

Je suis libre ! Que c'est agréable !

Je voulais savoir... tu as ta robe, pour nos épousailles ? Tout est prêt, ou presque ? Dieux que j'ai hâte ! Je crois que je vais mourir d'impatience. ce qui serait idiot puisqu'une fois mort j'aurais plus de mal à t'épouser, pas vrai ?

Oh que j'ai hâte de te voir surgir d'entre les arbres, dans ta robe ! Tu vas me trouver un peu trop sensible, mais comprends-moi : deux ans à attendre c'est terriblement long.

Je t'aime. Pense à moi ! Je sais que tu le fais.

Ton Duncan, à jamais.


Duncan poussa un soupir soulagé. Tout était bien.
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Syuzanna.
[Le repos de la guerrière]

Arles - Languedoc - 31 Janvier 1461

L'idée lui était venue au beau milieu de la nuit. Rester à Arles quelques jours. Partir à Joinville saluer 'Joy. Et de nouveau s'en aller, pour s'approcher de la Rochelle. C'était après tout là-bas qu'était la Tour familiale. S'installer, poser ses bagages. Vivre auprès de Duncan. Elever leurs enfants. S'occuper des champs, bâtir une herboristerie. Ce n'était pas franchement animée comme existence mais pour le moment, c'était ce qu'elle désirait. Le temps, au moins, de mettre son enfant au monde. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle aspirait à une vie calme et simple. Les effets indésirables de la grossesse, sans doute. Ou le désir vital de protéger son enfant des tourments de l'existence. Ne pas lui faire vivre les mêmes choses qu'elle.

Arles lui plaisait assez, n'eut été le calme plat. Les enfants batifolaient dans l'eau à la recherche d'un quelconque trésor. Touffu les surveillait de près, comme toujours. Et elle-même guettait sans trop y croire l'arrivée de Sybelle. Les jours la séparant de son mariage fondaient comme neige au soleil et cette fois, elle n'était pas oppressée. Elle était bien. Confiante en l'avenir. En leur avenir à tous. Et trop fatiguée pour envisager le pire.

S'asseyant à même le sol, elle tâcha de répondre à son fiancé. La hâte de le retrouver s'intensifiait chaque jour. Mais elle savait que ce serait pour bientôt. Cette fois il était là. Il n'était pas mort. Il était là, et ils allaient se marier.


Citation:
Dun,

Je suis à Arles. On reste un peu, puis Joinville. Et ensuite... la Rochelle. Je veux m'installer près de notre Tour.
Je viendrai te voir en passant, si tu n'es pas déjà en route pour me retrouver.

J'ai ma robe. Ne t'en fais pas pour ça, je suis très prête de ce côté. Les vivres sont commandés, ils arriveront la veille. J'ai embauché une domestique qui organisera le tout.

Je t'aime.

Syu


Le vent fouetta son visage, faisant voltiger sa chevelure de feu. Syu aimait la mer. Etrange pour une fille ayant grandi dans les terres. Mais c'était ainsi. La violence des éléments la fascinait, et les vagues en étaient l'illustration parfaite. Elle poussa un soupir, et doucement, laissa s'échapper l'oiseau voyageur.
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Bilbon
[L'ennui tue plus vite qu'un coup d'épée dans le ventre]

Chinon - Duché de Touraine - le 02 février 1461

Il y avait quelque chose de malsain dans cette attente. Une langueur extrême qui finissait par le briser, le détruire, l'anéantir. Le temps passait lentement comme si les dieux s'amusaient à allonger encore sa séparation d'avec Syu. C'était douloureux d'être rendu incapable de la rejoindre. Elle lui manquait tant que parfois il manquait d'air. Duncan avait déjà souffert pareil martyr et c'était bien pour cela qu'il voulait voir cet enfer s'achever. Encore treize jours. Treize jours et il se mettrait en route vers elle. Il se demanda un instant s'il ferait un tour à Bergerac, juste pour le plaisir de casser la tronche de cette enflure de danois. Quelque chose lui disait qu'il prendrait un plaisir tout particulier à le voir pisser le sang... Mais toujours cette fichue promesse à laquelle il aurait dû réfléchir avant d'accepter. Ne pas faire de mal à Soren... Pourquoi ? Parce que Syu craignait que lui, Duncan, ne le tue. Elle se fichait du blondin c'était déjà ça mais tout de même. Quelle promesse idiote. En contrepartie cependant il avait obtenu d'elle une chose : qu'il soit présent à leur mariage. Etrange demande de la part d'un type qui pouvait pas piffrer un autre type ? Non tout au contraire. Et comme elle voulait "sceller les liens fragiles d'une amitié qui pourrait lui être utile un jour" elle avait dit oui à sa requête. Et Duncan s'était frotté les mains de satisfaction tout en imaginant mille maux qu'il pourrait lui infliger. Il avait donc questionné Syu sur la personnalité du danois. Et ce qu'il en avait conclu était une chose : fallait pas le provoquer parce qu'il s'énervait très vite. Ca tombait bien. La provocation était l'un des passe-temps de l'Ecossais. Youpi.
Il prit la plume ce jour-là le coeur heureux. Il allait pourir la vie de ce crétin.




Ma Syu,

Treize jours encore. Où seras-tu dans tout ce temps ma belle ?

La Rochelle ? Pour y vivre ? Ce serait bien oui. Mais n'est-ce pas un peu trop près de ce "foutu Périgord" ? Pour la Tour, avec un bon cheval, on peut y être en une demi-journée, rien qu'en partant de Vannes, par exemple. La Bretagne... Cela ne te tente pas, mon amour ?

Tu ne me diras rien au sujet de cette robe n'est-ce pas ? Oh, ma douce, je me languis ! Je rêve de te voir. De te sentir. De t'embrasser. De te contempler. De t'étreindre. Dieux que je rêve de toi !

Je t'aime. A très vite. Nos épousailles sont pour très bientôt !

Ton "Duny"

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