(Muret)
Orcus finissait sa messe, il avait réconforté quelques paroissiens qui se posaient de nombreuses questions concernant la situation actuelle entre Le Roy et Rome.
Il avait tenté de trouver les mots justes, les paroles apaisantes, sans prendre partie pour l'un ou pour l'autre...
L'important pour lui, était l'Amitié Aristotélicienne, la recherche de la Vérité, la volonté Divine. Cela n'était pas affaire d'Hommes temporels, mais ne prenait écho que dans l'éternité.
Les derniers fidèles remerciés, il avait passé un bon coup de balais, passé un coup de torchon sur les boiseries, et déversé un peu d'eau dans les plantes.
Orcus était heureux à Muret.
Il se sentait aussi bien avec les villageois qu'avec Monseigneur Henriques qui était son supérieur, et la vie s'écoulait lentement, bercé par les tâches quotidiennes et les soirées en taverne.
Il aurait aimé voir sa soeur plus souvent, c'était bien là le seul point quelque peu désagréable. Lui à Muret, elle à Rouen, il voyait avec espoir son pigeon s'envoler vers le nord quand le volatile lui envoyait quelques mots. Les jours suivants étaient une suite d'attente, jusqu'à se que les "flap flap" caractéristiques se fassent entendre, et que les mains tremblantes du prêtre détachent le message de sa soeur bien aimé.
S'en suivait de longues minutes d'une lecture lente et profonde, afin d'apprécier chaque mot, chaque expression, jusqu'au point final de sa signature.
Puis Orcus relisait une fois de plus le message, tenant un peu plus fort entre ses doigts le fin parchemin, comme si cela lui permettait de se tenir plus prêt d'elle.
Ensuite il rangeait le tendre mot dans un coffret rangé dans une petite commode, et se saisissait à son tour d'un nécessaire d'écriture pour rédiger sa réponse.
Ainsi allait la vie, calme et tranquille sous le regard du Tout Puissant et sous le joug de la Divine Providence.
En ce jour, il attendait la réponse à sa dernière lettre, il avait guetté les nuages, les vents, et avait interrogé les voyageurs sur les conditions climatiques des contrées du nord, ainsi arrivait-il à savoir si la lettre prendrait plus de temps à arriver.
Il tenait même à jour un petit journal pour affiner ses analyses sur le temps que mettait un pigeon à parcourir la distance Muret-Rouen, la classe hein...
Un peu dérangé Orcus ?
Certains auraient pu le croire, mais c'est parce qu'ils ne comprenaient pas la place qu'Asphodelle prenait dans la tête et le coeur du prêtre...
Personne n'aurait pu le comprendre.
Cela était au dessus de l'entendement.
Elle était son sang autant que la sève était nécessaire aux arbres, le soleil sans lequel le blé ne pouvait pas pousser, l'eau sans laquelle les plantes ne pouvaient pas s'ouvrir.
Parfois, Orcus se levait avec une douleur aux tempes, et quelques jours plus tard, sa soeur lui apprenait qu'elle souffrait de migraines.
Un jour, il observait une douleur en posant le pied à terre, et une lettre lui contait comment Asphodelle s'était fait une foulure à la cheville lors d'une balade en forêt.
Il n'en avait parlé à personne, et ne voyait dans ses signes que la Volonté du Tout Puissant le poussant à rester proche de sa soeur.
Et il n'avait aucune volonté à Le contrarier.
Toujours est il qu'au jour prévu, un volatile vînt se percher sur la fenêtre de sa maison.
Mouahahahaha, une fois de plus, ses calculs étaient corrects.
Élémentaire , mon cher Watson, les vents étaient faibles, et aucune pluie n'avait pu retarder le pigeon.
Il faudrait peut être un jour valoriser ces recherches...
Peut-être tendre une peau de vache derrière lui sur laquelle on dessinerait une carte du Royaume, et avec des petits morceaux de liège, représenter les intempéries, ou le soleil, en les collant sur la peau pour que tout le monde comprenne.
Et puis peut être même préciser les heures de lever et de coucher de soleil pour pouvoir prévoir plus facilement la journée du lendemain...
Demain nous fêterons les Saint Orcus, le soleil se couchera à 20h30 et tout de suite, nous retrouvons jean mimi pour le match de soule..
Se détachant de ses pensées, et selon ses habitudes, il prit le temps de lire religieusement les nouvelles de sa Soeur...