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[RP] Rosa rosa rosam *

Baile
Car c'est bien le plus vieux tango du monde que je vais te faire danser...


[Sémur, et prête pour la moisson]

Trois verres et mille écus. Voilà ce qu'elle avait déboursé la veille pour se payer l'intendante du Petit Bolchen, la rousse et appétissante Rosa. Une nuit par tranche de deux mille deniers, un contrat des plus équitables que la belle (pas Baile, l'autre...) avait goulûment accepté au bout de quelques 75cl de bière.

Sans doute se voyait-elle déjà écumer les marchés de Sémur ou d'ailleurs, cherchant et trouvant les tissus pour sa nouvelle robe, ou bien était-elle allée directement aux Doigts D'Or, dans ce bout d'atelier indiqué par Elisabeth, où on lui ferait sa robe de pas noble, sa robe pas trop voyante parce qu'elle n'a pas le temps de la porter ailleurs qu'au Domaine, sa robe qui la rendrait quand même un peu plus belle, un peu plus désirable. SA robe.

Une vraie femme, cette Rosa. Et un presque vrai homme, cette Baile qui l'avait appâtée avec une bourse, une seule. Et quelle bourse. Posée fermement sur la table de la taverne. Glissée lentement vers les mains douces et hésitantes de la Rousse. Happée un peu plus tard par ces mêmes mains, lorsqu'enfin le "Je suis d'accord" avait été lâché, sans regret apparent, et rangée précieusement quand le "Demain" fut offert à la question "Quand, pour la première nuit?".

Une vraie femme, cette Rosa. Liée à un Von Frayner que la Baile n'avait fait que croiser une fois en taverne, et dont le nom seul suffisait à la faire grimacer de dégoût. Et c'était cette femme qu'elle allait prendre, qu'elle allait posséder. Pour le prix d'une robe. Mais les doigts d'or, ce soir-là et pour les quatre autres à venir, seraient seulement ceux du Chevalier. Des doigts qui allaient s'offrir l'intendante du Petit Bolchen. Tout un symbole. Elle en jouissait d'avance.

Elle eut un sourire ironique lorsqu'elle se dévêtit de ses fidèles couillette et braquemart, et qu'elle les posa sur la table. Ah si le Judas avait été là, à la regarder conquérir celle qui était à lui, sans qu'il ne pût rien faire, avec la rage du regard pour seul moyen d'expression! Ca c'est de l'orgasme aussi!

Le sexe était souvent une question d'ego, et la Baile s'en découvrait une bonne portion ce soir. Car bien que la poitrine de la belle Rousse fût généreuse et attirante, c'était aussi - sans obsession aucune - l'intendante du Petit Bolchen que la Blanche avait achetée, et elle comptait bien en avoir pour chaque denier dépensé.

Assise sur le lit, elle délaçait ses bottes lorsqu'elle entendit les coups à la porte. Sans arrêter son action, elle lança un "Entrez" suffisamment puissant. Les béliers et les bombardes étaient en place. Ce soir la forteresse allait vaciller.






* Rosa, de Brel.
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I have never seen a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Rosalinde
    [Sémur qui s'effritent]


Que diable allait-elle faire dans cette galère ? *

C'était du moins la question qu'elle se posait, en s'apprêtant à quitter Petit Bolchen, tandis qu'elle apposait la touche finale de sa mise, une goutte de parfum au creux de son décolleté, sa fidèle eau de rose. Si elle avait eu un miroir à sa disposition, dans la chambrée qu'elle partageait avec Gwennaelle, sans doute se serait-elle jugée parfaite pour l'occasion. Adieu le châle, la résille et les vêtements trop stricts de l'intendante. A soirée extraordinaire, apparence extraordinaire. Il n'y avait qu'une chose qui n'avait pas changé dans sa mise, et il s'agissait de ses souliers rouges. Rouges, pour marquer l'esprit de ceux qui avaient la chance d'apercevoir ses chevilles.

A dire le vrai, elle s'était apprêtée avec autant de soin qu'une mariée à l'aube de sa nuit de noces. Et si Rose ne donnait guère volontiers dans le mysticisme, elle avait sélectionné ses vêtements avec soin, pour toute leur portée symbolique. Il y avait cette robe à nouettes, qui s'ôtait si facilement, d'un rouge cardinalice dont Judas lui avait conté l'excessive cherté. Car c'était bien lui qui lui avait fait présent de cette robe, qui scellait son retour au sein de la mesnie, et l'oubli de Moran.
Elle repensa à ce que quelqu'un avait dit, la veille, en taverne. Oui, tout le monde semblait vouloir l'habiller, et elle se sentait telle Florie, la poupée de son enfance.

Puis, il y avait la chainse. Celle là lui avait été offerte par Finn. Simple, car à la mesure des moyens du faux-moine baroudeur, mais qui lui seyait à la perfection. Cette chainse qu'il lui avait offerte peu avant son baptême, au détour d'un chemin entre Nevers et le Berry, là où ils avaient roulé dans l'herbe. Avant qu'il ne la mette dans l'embarras, avant leurs sempiternelles disputes épistolaires, avant qu'il ne la dédaigne et ne la conchie. Son cher parrain, qui prétendait si hypocritement pouvoir faire d'elle une femme vertueuse, pour ensuite s'y refuser. Elle devait le revoir, bientôt, car depuis le baptême il n'y avait eu qu'échange de lettres. Elle ne le voulait pas, mais manifestement, n'avait pas le choix.

Enfin, les bas de soie blancs. Ceux qui avaient été instigateurs de leur innocente conversation sur les ateliers de couture, ceux qui avaient amené Baile à formuler son indécente proposition à l'oreille de Rose. Tout aussi symboliques que les deux précédents, car, bien qu'eux aussi offerts par Judas, ils représentaient le renoncement à un des principes qu'elle s'était imposé, à savoir, ne jamais mélanger travail et plaisir charnel. Douces illusions qui étaient bien vite parties avec l'eau du bain. Et ce soir, c'était également à un de ses principes qu'elle renonçait.

Elle n'avait jamais accepté de se faire payer pour coucher avec un homme, ce qui peut paraitre paradoxal, car elle ne crachait aucunement sur les cadeaux qui pouvaient lui être faits après l'acte. Jamais avant. Si l'amant voulait lui offrir quelque présent, grand bien lui fasse. S'il ne le voulait pas, elle ne s'en plaignait pas. Elle ne pratiquait pas de manière intéressée, jamais. Juste pour la beauté du geste.
Mais la veille, elle avait découvert son seuil psychologique de rupture des ses précieux principes. Qui se situait justement à mille écus. Une somme non-négligeable pour l'éternelle fauchée. Indispensable, même, au point qu'elle avait accepté d'être accueillie dans le lit d'une autre femme.

Jamais la Rousse n'en avait connu. C'était un peu comme un second dépucelage. Elle aimait les hommes, et n'avait à vrai dire jamais ressenti d'attirance pour une membre de son sexe. Mais pourquoi se fermer à une nouvelle expérience ? Baile était loin d'être repoussante, et peut-être que depuis toutes ces années elle passait à côté de quelque chose. C'est donc mue par la curiosité qu'elle frappa trois coup à la porte de la chambre d'auberge que le Chevalier lui avait indiqué. Un "entrez" plus loin, elle a passé la porte, qu'elle referme soigneusement derrière elle.


- Bonsoir, Baile.

Sourire, léger, qui point sur les lèvres de la Rose. A y bien réfléchir, elle se trouvait intimidée. Avec un mâle, elle aurait su comment se comporter. Mais à présent elle se retrouvait là, un instant les bras ballants, sans savoir quoi faire bien que n'ignorant pas où tout cela allait la mener. A ce lit, qui s'imposait devant elle comme une évidence. Alors elle alla s'y asseoir, tout près de la brune.

Charge à elle d'entamer les hostilités.



* référence au leitmotiv de la pièce de Molière, les fourberies de Scapin.
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Baile
Il ne fallait pas se montrer intimidé devant la Baile, lorsqu'on était femme et que l'on possédait ces atouts dont ne manquait pas la Rousse. Pas si l'on tenait à garder un tant soit peu de liberté d'action. Car la jeune femme devenait vorace lorsqu'elle était en proie au désir. Car le Chevalier était de la race de ceux qui n'avaient pas besoin qu'on leur laissât l'initiative, qui la prenait quand l'envie était là, et qui la rendait rarement quand il s'agissait de corps à corps.

Bonsoir Rosa. Vous êtes à l'heure.

Une phrase anodine d'apparence. Pour planter le décor et se poser en metteur en scène et acteur principal. Un geste suspendu et un regard appuyé à la femme à ses côtés pour que le message passe. Tu as déjà un maître, ce soir tu goûteras à la maitresse.

Elle refit prestement les lacets de ses bottes et se releva, faisant face à la belle Rosa, catin de la Baile Chevalier pour quelques soirs. Ses yeux dévisagèrent la Rousse, puis l'observèrent longuement, admirant sa tenue et admirant ses formes. La capitaine aussi s'était parée de ses plus beaux atours. Ce costume créé rien que pour elle par Attia, et qu'elle n'avait encore porté qu'à deux cérémonies plus ou moins importantes à ses yeux, le mariage de Marie et la remise du collier de Lys.

Elle n'en possédait pas d'autres. Et si la bourse de la veille laissait induire une apparente richesse, la fortune de la Baile n'était pas si grande que ça. Pas encore du moins. Car la facilité avec laquelle elle a obtenu l'assentiment de Rosa en lui montrant ces pièces, avait semé en son coeur non l'envie d'amasser l'argent pour lui-même, mais le fort désir de posséder suffisamment de quoi assouvir quand elle le voulait sa prime passion, les femmes. Ah si Guigui il savait ça... Peut-être regretterait-il les mots qu'il lui avait dit là-bas, lorsqu'il était la main du Roi. Quoique... Le Grand Ecuyer était lui aussi porté vers les femmes, très porté, sans que cela ne remît en cause ses qualités chevaleresques...

La Baile secoua la tête, chassant le vieux et néanmoins vénérable Flamand de son esprit. Ce n'était pas le moment de penser au bâtard qu'elle allait bien finir par lui soutirer avant qu'il ne devînt impuissant ou qu'il ne mourût! En cet instant, il était simplement temps de commencer la partie. Elle se concentra sur le regard profond de Rosa.

Quelqu'un vous a-t-il suivie lorsque vous avez quitté Bolchen?

Elle ouvrit la porte pendant que la Rousse répondait, jetant un oeil de chaque côté, puis la referma sans tourner la clé, avant de revenir s'asseoir sur une chaise, à quelques pas du lit où se trouvait sa proie. Les mains jointes par le bout des doigts, les lèvres posées sur les index, elle sembla réfléchir quelques instants, puis se redressa.

Parlez-moi un peu de vous, Rosa. Mais avant, il fait chaud ici, ne trouvez-vous pas? Mettez-vous donc à l'aise. Déshabillez-vous.

Le dernier ordre avait été donné d'un ton un peu plus grave, qui ne souffrirait pas de contestation. Car la Baile commençait à avoir faim maintenant, et le chasseur était en marche.

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I have never seen a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Rosalinde
Un instant de silence qui s'installe, où chacune semble un rien perdue dans ses pensées. A quoi songes-tu, Baile, sinon à quelle sauce tu vas manger notre Rosalinde ? Au bout de quelques secondes, la Rose s'apprête à parler. Dire, ou faire quelque chose, peut-être, se montrer un peu plus entreprenante. Catin, elle n'avait jamais été, mais si l'activité était qualifiée de "métier", c'était sans doute car il ne devait pas être accessible sans un minimum de formation professionnelle. En tous les cas, ce n'était pas l'avenir qu'elle s'était choisi, et s'improviser ribaude n'était pas aussi simple qu'elle avait pu l'imaginer.

Mais le Chevalier se lève, en direction de la porte, la questionne. Ah, quelle plaisanterie ! Suivie ! Elle allait protester, avant de se souvenir que sans doute la Dame Blanche n'était pas au courant de sa précédente fonction au sein de la mesnie de Petit Bolchen. L’œil. Celle qui sait tout, celle qui voit tout, et celle qui accomplit les basses besognes. L'agent de renseignement judéen. C'était elle qui suivait, et non l'inverse. Certes, elle avait quitté ce travail pour celui, plus calme et certain, d'intendante. Elle était devenue le cœur de la mesnie, celle sans qui rien ne va. Tout passait par elle, des dépenses en robes de Madame aux menus de la semaine. Le cœur, et la confidente du Maître. Grande était son emprise.
La Rousse pardonna donc à la Brune la méconnaissance de son état, et lui répondit en toute honnêteté.


- Non, personne. Je ne tiens pas à ce que quelqu'un sache que je me trouve ici.

Car Baile n'était pas la seule à avoir quelque chose à perdre si leur petit manège était découvert. Dire qu'Isaure la pensait chaste et pure... ! Ou, du moins, n'avait pas de preuve pour la confondre, qu'une lettre de Finn l'informant du statut de dévergondée de son intendante, et quelques ragots de taverne.

Retour à la chaise, et à nouveau le Chevalier se plonge dans ses pensées. Rose attend, se demande si elle doit faire quelque chose, mais c'est Baile qui tient les rênes, et qui, de quelques ordres lancés d'une voix déterminée, lui intime le comportement à adopter pour la suite des événements. Elle était donc de ceux qui aiment avoir les choses en main, et l'ascendant sur leur partenaire. Pas étonnant, car après tout... Elle avait payé pour ce rendez-vous, donc était en droit d'orchestrer le mouvement. D'être le chat. Charge à l'intendante d'être l'oiseau pourchassé, rôle qu'il lui était parfois arrivé d'endosser, face à d'analogues comportements. Plus depuis longtemps, pourtant, elle lui préférait celui de l'insolente, étant passée maîtresse dans l'art de la provocation.

Alors elle se lève, juste après s'être déchaussée, et avoir du bout du pied repoussé les souliers rouges sous le lit. Qu'allait-elle bien pouvoir lui conter ? Le tout étant surtout de savoir ce qu'elle ne pouvait pas dire.


- Je suis née, il y a vingt-et-un ans, à Paris. C'est là que j'ai grandi. Je ne me souviens guère de ma prime enfance, sinon, qu'elle était heureuse.

Un pied posé sur le matelas, jupons retroussés jusqu'au haut de la jambe. Entre ses doigts, elle pince l'extrémité des rubans servant de jarretière, les tire, puis fait lentement glisser la soie le long d'une blanche cuisse, d'un mollet galbé, pour terminer par un pied menu. La même opération est répétée pour l'autre bas, toujours avec cette douceur étudiée. Marinez, ma chère, l'attente enflamme le désir.

- Mon père mourut lorsque j'avais quatre ans. Deux années plus tard... Ma cousine, Anne, venait habiter chez nous.

Elle s'était débarrassée de ses principes, passant à présent à Judas.

Debout, face à Baile, armée d'un regard sans équivoque sur ses intentions, tandis que sur ses lèvres se dessine un léger sourire. C'est maintenant aux nouettes de sa robe qu'elle s'attaque, sans se départir de ses gestes lents, mais qu'elle sait gracieux. Un à un, les nœuds se défont, et la robe imaginée par le Seigneur de Courceriers révèle une fois encore son aspect pratique, lorsqu'elle retombe en corolle aux pieds de sa porteuse, sans qu'elle ait eu besoin de se contorsionner de mille manières.


- Dès le premier instant, j'ai adoré Anne. Elle était rayonnante, avec ses grands yeux bleus, ses longs cheveux blonds et son air effarouché. Nous nous aimions plus encore que deux sœurs, follement, à la vie, à la mort.

A la lueur des bougies, la silhouette élancée de Rose se dessine au travers du tissu blanc de la chainse. A nouveau, elle prend son temps, pour, après l'employeur, se débarrasser du parrain. A leur tour, les cordons sont tirés, et la chemise accompagnée dans sa descente, afin d'encore en ralentir le mouvement. Ce sont d'abord les épaules qui se découvrent, liliales. Puis deux seins ronds, plutôt petits. La courbe d'une taille, la rotondité des hanches, puis les jambes, que Baile aurait déjà eu l'occasion d'entrevoir.

- En parlant de vie... Je crois que la mienne est trop longue pour vous être contée ce soir.

Il n'y a que d'un seul de ses anciens amants, de ceux qui ont vraiment compté, dont Rose ne peut se défaire. L'Ibère, Moran, sans doute le seul qu'elle ait aimé. Une passion dévorante, à laquelle la Rousse aurait aimé ne jamais succomber. A présent, elle l'avait dans la peau, pour toujours. Littéralement. Car sur son ventre, son beau ventre blanc, il avait tracé au couteau des arabesques, dont les cicatrices en laissaient une trace indélébile.

Mais qu'importe Moran. Ce soir était le soir de Baile.

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Baile
Ce soir et quatre autres à venir. Personne ne retirerait à la Blanche ce qui lui appartenait, puisqu'elle en avait payé le prix…

Elle accepta d'un simple hochement de tête d'être rassurée par la réponse de Rosa. Baile n'était pas inquiète qu'on la découvrît, à vrai dire. Elle ne redoutait en rien que son nom fût entaché par une quelconque affaire de moeurs. Sa réputation avait connu mille fois pire, et elle avait survécu, plus solide que jamais, la capitaine et chevalier. Elle faisait simplement en sorte que l'Inquisition n'entendît jamais parler d'elle…

Non, ce à quoi elle n'avait pas envie d'avoir affaire, c'était le débarquement de Judas ou un membre de sa mesnie, qui viendraient réclamer par la force le retour de Rosa à la maison. Car à moins que le Von Frayner fût commerçant dans l'âme, l'échange risquerait fort de tourner au vinaigre armé. Et c'était à cette extrémité-là qu'elle ne voulait pas arriver, car cela risquerait de rejaillir ailleurs que sur son nom.

Elle décida pourtant d'occulter totalement ce qui pouvait entraver le pur plaisir que cette soirée devait lui procurer, et focalisa son attention sur Rosalinde, qui jouait le jeu à merveille. Elle avait dans les gestes une grâce sensuelle qui l'excitait grandement. La Baile était aussi intriguée qu'attirée. Rosa avait-elle déjà procédé ainsi avec quelque mâle, pour maitriser ses mouvements quasi à la perfection?

Le regard de la spectatrice tourna avec les souliers qui disparaissaient, accompagna les bas qui prenaient une direction semblable, et glissa avec la robe qui finit au sol. Elle marinait, la Baile, et elle aimait ça. Cependant, sa réaction n'en serait que plus acérée. Sans doute que la belle Rousse s'en doutait déjà, et peut-être même le désirait-elle. A cette pensée, la Baile serra les lèvres pour contrôler ses mains, puis se leva en un mouvement soudain, se saisit de la robe et retourna s'asseoir.

Elle la porta à son visage, en huma le parfum comme si c'était le premier qui l'enivrait, sans quitter Rosa des yeux. La tension montait de plus en plus en elle et bientôt elle passerait à l'action, car le spectacle que lui offrait la Rousse la ravissait et lui montrait en même temps à quel point elle avait faim. Elle détacha la ceinture qui retenait sa veste, et ouvrit le col de cette dernière.

Elle respirait mieux… Rosa avait fini de se mettre à l'aise, et le Chevalier en ferait autant bientôt. En taverne, elle aurait posé des questions sur cette Anne. Ici, elle s'en contre-fichait. Mais ses yeux restèrent inévitablement fixés sur le ventre lardé lorsqu'elle prit la parole.

Votre vie passée ne m'intéresse pas réellement.

Le ton était ferme sans être trop sec, et la Baile enchaîna, se levant.

C'est votre présent qui m'attire, notamment votre présent immédiat…

Elle se plaça derrière la Rousse, la robe toujours dans la main gauche, la droite venant littéralement happer le sein le plus proche. Ses lèvres effleurèrent la peau de la nuque, puis se posèrent sur le lobe de l'oreille, le temps qu'elle murmurât:

Vous êtes venue en rouge et blanc. Savez-vous que ce sont les couleurs qui me définissent?… Je crois que vous me plaisez pour de bon.

Une façon diplomatique de dire qu'elle ne la lâchera pas de sitôt, ni sa main ici et maintenant, ni elle-même, après ce soir. Elle laissa tomber finalement la robe, qui revint s'écraser aux pieds de la Rousse.

Votre passé ne m'intéresse pas, mais j'aime beaucoup les histoires. Avez-vous l'envie de me raconter celle de votre peau?…

Et les deux mains se rejoignirent sur le ventre, caressant les cicatrices, la ramenant fugacement à un dos martyrisé qu'elle avait jadis aimé. Et puis les lèvres se posèrent franchement dans le cou, sans brusquerie mais comme en terrain conquis. Rosa était à elle pour quelques soirs, mais la Baile voulait l'apprivoiser, car elle n'acceptait rien de moins qu'une victoire complète...

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I have never seen a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Rosalinde
Oh non, ce n'était pas la première fois que la Rose ôtait ses pétales devant une paire d'yeux esthètes et avides... Ni qu'elle se prenait au jeu. Un sourire, fugace mais ravi, se dessine lorsque le Chevalier vient se saisir de sa robe, s'approprier son parfum. Elle se sent belle, désirable, et surtout désirée. Depuis de longues semaines, des mois peut-être, rien de tel ne lui était arrivé. Le couperet de l'abstinence était tombé comme une sanction, à l'égard du frivole Judas, mais lui ne semblait pas faire le difficile pour trouver d'autres amantes, tandis que la rousse s'était fixé un objectif sans doute proprement irréalisable. Mais tout vient à point à qui sait attendre, et pour l'heure, il n'était pas question de sa nouvelle proie, mais d'une brune montrant un rien d'impatience.

Car, dans une moindre mesure, elle l'imitait, la Baile ! Une ceinture de moins, et un col ouvert. Ce serait sans doute ça de moins pour plus tard, des efforts à s'épargner et des forces à conserver pour la bataille, le corps à corps.

Pas de réaction de la part de Rose lorsque sa créancière évacue le récit qu'elle vient de lui faire. En taverne sans doute s'en serait-elle offusquée. Mais elles ne sont pas ici pour causer, et elle ne pipera donc mot, pas plus que la Blanche au sujet d'Anne. Un autre dialogue se joue, qui n'a pas besoin de paroles pour parvenir à communiquer, l'envie chez l'une, et sans doute l'émoi chez l'autre. Un frisson, qui lui parcourt l'échine lorsqu'elle s'empare de son sein droit, légère chair de poule tandis que Baile souffle ces quelques mots à son oreille. Question purement rhétorique, à laquelle elle ne prendra pas la peine de répondre.
Économiser ses paroles, et finalement venir reposer sa main contre le poignet du côté de son buste. En guise d'accompagnement, et non de rejet.

Et lorsque la robe choit, et que les mains du Chevalier glissent, pour suivre les contours de ses cicatrices, c'est un cou qui s'offre aux lèvres entreprenantes, quelques doigts vont même jusqu'à chasser d'importunes mèches rousses. A cet endroit particulier, les baisers ont toujours eu une répercussion particulière sur elle... Ils la stimulaient, et, lentement mais sûrement, des douces lèvres de Baile naissait à son tour un désir qui ne demandait plus qu'à être assouvi.
Alors, lui conter sa peau, oui...


- C'est Moran. L'ancien sénéchal de Judas. Il a confondu mon ventre avec ma bouche, pensant sûrement que le taillader me ferait taire.

Contrairement à ce que l'on pouvait croire à l'instant présent, Rose était très douée pour saouler les gens de paroles, d'autant plus s'il s'agissait de paroles assassines. Il y avait ceux qui supportaient, et puis il y avait les autres. Très clairement, le Lisreux avait fait partie de la seconde catégorie. Dire qu'elle l'avait aimé ? Ce genre de confidences n'avaient pas leur place en un moment pareil. Après, peut-être.

Rose n'aimait pas que l'on s'attarde sur son ventre. Depuis sa scarification, il était devenu l'indésirable. Celui qu'elle ne regardait sous aucun prétexte. Temps était donc venu de faire un brin de diversion, d'oublier ces cicatrices qu'elle ne saurait voir. Et certes, la stratégie n'était pas son fort, mais... Quoi de mieux qu'une attaque ?

Saisissant une occasion s'offrant à elle, la belle opéra un demi-tour et, en avant marche !, apposait ses lèvres contre celles de Baile, prémisse d'un baiser mêlant curiosité, impatience et tendresse.

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Baile
Surprenante. Légèrement déstabilisante. Fortement attirante, par conséquent. Rosa. Rosa qui se mouvait comme un poisson dans l'eau au milieu des mièvreries féminines et autres discussions chiffons de taverne. Rosa qui se révélait d'une profondeur insoupçonnée lorsqu'on mettait le (premier) doigt où il fallait.

Rosa qui offrait alors quelques mots, pour obéir, ou simplement faire plaisir. Et qui se refermait ensuite, tentant de garder inviolé ce qui pouvait le rester, de ne pas réveiller ce genre de blessure qui nous emporterait plus sûrement qu'un tsunami, si on n'y faisait attention. Rosa, attachant petit soldat, qui passait maladroitement à l'attaque, s'empalant sur une capitaine aguerrie.

Rosa, Rosa, Rosa…

La déclinaison était tout sauf latine, le ton et l'intention sans équivoque quant au désir qui avait entièrement pris possession de la Baile maintenant. Elle laisse s'approcher les lèvres, les capta avec les siennes pour ne plus les lâcher, se saisissant parallèlement des poignets et les maintenant le long du corps, pour rappeler à la Rousse qu'elle restait libre ce soir, mais pas de tous ses mouvements.

Elle avait une vraie femme entre les mains, la Blanche. Une de celles qui se donnaient spontanément, tout en révélant une vulnérabilité attendrissante. Une qui, si ses lèvres avaient parlé au lieu de passer à l'action, aurait pu dire "Prends-moi, mais ne me fais pas mal". Sa peau parlait pour elle, et les vibrations qui la parcouraient. L'esprit de la Baile avait intégré le message, tandis que les mains se posaient maintenant sur les hanches et poussaient doucement la jeune femme sur le lit.

Oui elle irait doucement. Car peu importait le nombre d'hommes qui avait goûté, parfois violemment, au corps de Rosa, elle savait, la Baile, qu'elle était la première femme. Et à chaque fois, c'était hors de prix pour elle. Surtout lorsqu'elle tenait une vraie femme entre les mains. Qu'elle allongea sans brusquerie sur le dos, se calant contre son flanc droit, lui emprisonnant à nouveau le poignet du même côté entre ses doigts, et posant fermement sa jambe sur la sienne la plus proche.

La capitaine n'était pas tendre de nature. Mais elle sentait Rosa. Elle la devinait, à chaque respiration qu'elle captait, à chaque mouvement involontaire de ce corps maintenant en son pouvoir. Lorsque sa main glissa des seins qu'elle avait commencé à caresser vers le ventre meurtri, la Baile fixa la Rousse, avec un sourire qui n'exprimait rien d'autre que l'envie, afin que Rosa n'accordât pas une autre importance à ce geste spontané.

Mais la main ne fit pas durer longtemps l'éventuel calvaire. Elle continua sa descente sur la peau douce et chaude, jusqu'à se poser sur l'intérieur de la cuisse. Conquérir un territoire, de quelque nature qu'il fût, demandait une stratégie à chaque fois particulière. Et les préliminaires d'une militaire n'étaient rien d'autre que la mise en place de ladite stratégie, avant que d'asséner le coup de grâce. Ses gestes disaient à Rosa: je mets en place mes troupes, je relève mes béliers et j'arme mes catapultes. Quant tu t'y attendras le moins, je me rendrai maitresse de ta forteresse. Mais c'est toi qui m'ouvriras la porte...

Elle rapprocha sa tête de celle de la Rousse, ses lèvres effleurant l'oreille comme pour la mordiller. Mais elle n'en fit rien, embrassant légèrement le cou à la place, remontant sa main-bélier jusqu'à un sein, avec un infime arrêt entre les jambes. Pendant quelques instants, sa bouche et ses doigts se jouèrent de ce téton qui avait déjà rendu les armes. C'est à ce moment que la Baile murmura une question qu'elle ne posait que rarement aux femmes qui partageaient sa couche.

Veux-tu que j'arrête, Rosa?

Le tutoiement. Insidieux. Manipulateur. Et la question. On ne peut plus rhétorique, elle.

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Rosalinde
C'est à l'instant précis où Baile l'allongea sur le lit, que Rose sut pourquoi elle ne préfèrerait jamais les femmes aux hommes. Il manquait ce je-ne-sais-quoi de fragilité qui émanait, même fugacement, des yeux d'un homme lorsque pour la première fois il contemplait une femme qui s'offrait à lui. Cette infime hésitation ; la redécouverte du corps féminin, ce corps qui leur est étranger. En a-t-elle réellement envie ? Vais-je réussir à lui procurer du plaisir ? Une femme n'avait pas tant de questions à se poser, car un homme n'était en rien compliqué à satisfaire. Et, bien qu'actuellement en position de dominée, Rose aimait cet ascendant que sa nature féminine lui procurait sur ses partenaires masculins.

Le Chevalier, elle, était, si ce n'était en terrain conquis, du moins en terrain connu. Qui de mieux qu'une femme pour connaitre les mécanismes, et le fonctionnement du corps d'une autre femme ? Car comme de l'expérience venait la science, elle saurait sans doute dire précisément quel geste, quelle caresse était agréable ou ne l'était pas. Indubitablement, ce serait cet aspect que Rose rechercherait ce soir chez son amante, sa première femme. Et cette nuit serait unique, et gravée à jamais dans sa mémoire.

Alors elle se laisse faire, lorsque la Blanche entrave ses mouvements, tenant fermement ses poignets. Elle ne bouge pas plus, lorsqu'elle sentit sa jambe, encore gainée de tissus, prendre place par dessus la sienne. Adieu pensées, ou plutôt, faisceau d'idées au service d'une pensée unique : Baile, son corps, leurs corps, ses mains, le désir. Oui, son corps réagit, à chaque mouvement il se tend, tente de se fondre sous la caresse qui descend, plus bas, toujours plus bas... Et se perd sur la cuisse. Nouveau frisson. Si proches du but ! Enfin, Baile ! Ne le vois-tu pas, ce grand X rouge au centre de la carte ? Tu creuses à côté...

Oh, si Rose avait su attiser la convoitise du Capitaine, c'était à son tour à présent de se mordre les lèvres. Elle avait faim. Des semaines qu'elle n'avait pas connu l'excitation d'un rendez-vous galant, cela se ressentait dans le moindre mouvement, la moindre inspiration. Elle était comme suspendue aux doigts de l'amante, qui remontent lentement, provoquant un sursaut chez la Rose lorsqu'ils glissent sur son bas-ventre. Et les baisers qui reprennent, la titillent encore. Vouloir qu'elle arrête ? Certainement pas ! Le dire comme elle le ressentait ? Non plus. La voix se fait calme, et mesurée, lorsqu'elle répond :


- Non.

Ainsi, donner l'illusion qu'elle n'est pas encore tout à fait prête à succomber... Même si ses yeux parlent pour elle. L'envie est là d'enfin lui ôter ses vêtements, et d'enfin dévoiler ce qu'ils cachent. Éprouver la douceur d'une peau de femme sous ses doigts. Presque rien, en vérité. Mais son poignet toujours tenu en otage lui rappelle que l'initiative est déconseillée. Alors elle la regarde, droit dans les yeux, et elle sourit.


    "For you I was a flame
    Love is a losing game
    Five story fire as you came"

    Love is a losing game - Amy Winehouse
    Traduction ici

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Baile
Ce sourire. Si les multiples femmes que la Baile avait connues bibliquement, à supposer que la Bible ne soit pas trop machiste à ce niveau linguistique, avaient su à quel point ce qu'un sourire, un seul, pouvait engendrer de elle, elles auraient déprimé bien plus souvent.

Le sourire, c'était le tour de clé qui ouvrait la boîte à Pandore, faisant ressortir de la jeune femme le pire comme le meilleur. Tout dépendait de l'humeur du moment, de ce qu'elle avait mangé la veille, et puis un peu, peut-être, du corps à portée de main. Là en l'occurrence, et bien que le dîner de la veille ne fût pas encore complètement digéré, les formes de Rosalinde, associées à ce sourire irrésistible, et puis ce "non", presque confiant, lui mirent le feu aux entrailles et au cerveau.

Elle abandonna le sein dont elle s'occupait, fixant les lèvres encore gentiment étirées. Elle était volcan de l'intérieur, mais sa réaction immédiate ne fut que douceur. Elle lâcha le poignet sous son emprise, et de ses doigts libérés vint caresser le visage à côté du sien, effleurant le sourire, s'y posant un moment. Sa main droite, elle, prit ses quartiers temporaires sur les zébrures du ventre.

Il n'y avait aucun message romantico-noble dans les infimes pressions de ses doigts sur la peau, du genre "tu es belle malgré tes cicatrices", ou autre ineptie du même genre. La Baile, qui plus est, avait carrément oublié ces petites fissures, focalisée qu'elle était sur la totalité du territoire et le Petit Canyon qu'elle s'apprêtait à explorer.

Elle bougea simultanément les deux bras, les doigts quittant le visage pour se perdre dans la folle rousseur des cheveux, et la main sur le ventre se déplaçant entre les cuisses, y faisant doucement sentir sa présence et sa puissance. Au moment où elle pénétra Rosa, elle fit à cette dernière un cadeau qu'elle faisait rarement. Elle posa ses lèvres sur les siennes, et l'embrasse lentement.

Elle demeura ainsi quelques minutes, deux doigts agiles conquérant comme pour la première fois une forteresse qui n'avait pourtant plus de secret pour elle. Mais il fallait que la Rousse sentît qu'elle était unique ce soir-là. Il fallait qu'elle eût envie, au-delà de l'obligation que lui imposait l'argent qu'elle avait accepté, de revoir la Baile, parce qu'en même temps qu'elle lui faisait l'amour, la Blanche échafaudait un plan, et le désir de Rosa y tenait une place primordiale.

Au bout de quelques instants, elle arrêta son mouvement, retira sa main sa main des cheveux, roula sans trop lui faire de mal sur le corps de la jeune femme et sauta hors du lit.

Ne bouge pas.

Elle se dirigea vers la fenêtre aux rideaux tirés, et observa machinalement la rue en contrebas, sans regarder Rosa, comme s'il était évident pour la militaire que l'intendante allait lui obéir. Puis elle recula d'un pas, tira les tissus et, d'un geste brusque, retira sa veste qu'elle lança sur la chaise.

Dis-moi Rosa…

Elle continuait de se déshabiller, adossée contre le mur, retirant cette fois le pantalon - braies d'un genre nouveau - avant de lui faire subir le même sort que la veste. Elle n'était plus qu'en chemise, délacée maintenant et révélant des seins libres de toute entrave.

A quel point es-tu fidèle à ton maitre?…

Elle se tourna vers elle à ce moment, et la fixa, sans aucun sourire, bougeant légèrement les épaules pour faire tomber au sol le dernier morceau de tissu.

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I have never seen a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Rosalinde
Serait-ce de la tendresse, lorsque Baile quitte son sein pour venir, doucement, tracer les contours de son sourire ? Surprenante Baile, qui se montrait si sûre d'elle en taverne mais qui, à présent, venait quérir son approbation, et se faisait caressante amante, attentive...
Alors certes, elle gardait son ascendant, que Rose ne tentait pas de lui ravir. Mais elle dominait bien. Aucune violence, comme elle avait parfois pu en connaitre chez certains. La brutalité, elle n'aimait pas ça, sauf lorsqu'elle la réclamait expressément.

Soudain, changement de cap, et les deux mains du Chevalier s'éloignent l'une de l'autre.

La première va se perdre dans les boucles rousses, éparses sur l'édredon, et soutenir sa nuque tandis que sur ses lèvres, Baile dépose un pas très chaste baiser. Long, langoureux, qui confirme la sensation ressentie par la rousse lors du premier baiser... C'est agréable lorsque ça ne pique pas. Rose n'est pas complètement immobile non plus, car sa paume vient se poser contre la joue de la brune.
L'autre main fait également des siennes, allant enfin se loger là où elle était si ardemment attendue. Le geste n'est pas inconnu à Rosa, loin de là, mais pratiqué avec une dextérité qui la surprend d'abord, la réjouit peu de temps ensuite. A tel point qu'elle se vit obligée de rompre la jonction de leurs lèvres, car des siennes un premier soupir ne demandait qu'à s'échapper.

Les secondes, puis les minutes s'égrainent agréablement.

Jusqu'à ce que, inexplicablement, Baile stoppe net ses mouvements, et en deux temps trois mouvements saute au bas du lit. Frustration au rendez-vous pour la Rousse, qui darde des prunelles luisantes d'incompréhension sur le dos que le Chevalier lui présente. Comme si elle allait se satisfaire d'un "Ne bouge pas." !
Ceci dit, l'attitude de Rose se radoucit un peu quand elle vit qu'elle ne s'était éloignée que pour pouvoir ôter ses vêtements, l'un après l'autre. Il lui fallait se placer en meilleure position, aussi rompit-elle la sacro-sainte consigne pour finalement se retrouver assise sur le lit, jambes repliées, posture lascive de l'observatrice indolente.

La question, cependant, lui retourna les méninges. A quel point était-elle fidèle à Judas... Qu'entendait-elle par là ?
Bien évidemment, Rose n'était infidèle à la couche de son maître, mais Baile savait-elle seulement qu'elle l'avait partagée ? Doute. Que voulait-elle lui proposer ? Car évidemment, on ne pose pas ce genre de question, en plein milieu d'une scène se déroulant principalement dans un lit, si on a pas une idée derrière la tête. En tous les cas, la contrariété se lit sur le visage de la Rose dont le désir retombe en droite flèche.

Car, malgré tout, elle était attachée au von Frayner, à sa mesnie, et à sa place. Les bâtons qu'elle avait mis dans les roues d'Andhara n'en avaient été que la preuve tangible. A partir de quel point pourrait-elle être capable de trahir la confiance de Judas ? Elle ne s'était jamais posé la question. Mais il partait pour l'Anjou. Sans doute l'occasion ou jamais, si vendetta il devait y avoir.

Alors la belle de répondre :


- Je ne sais. Mais on dit que tout homme a un prix, et je sais d'expérience que les femmes ne valent pas mieux.

Débrouille-toi avec ça, Baile, et si jamais tu veux en savoir plus... Annonce la couleur.
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Baile
Si la Baile pouvait lire dans les pensées ou les ressentis de Rosa, elle lui aurait expliqué qu'elle ne recherchait pas son approbation, par cette tendresse affichée, mais qu'elle mettait simplement en application, pion après pion, une stratégie savamment élaborée après un court mais efficace conciliabule mental entre son désir physique et son objectif concret. Qui n'impliquait aucunement Rosa, à la base, mais qui venait tout juste de se découvrir en la Rousse un potentiel atout.

Complètement nue à présent, la Blanche revint vers le lit, se posant près d'un corps désormais recroquevillé dans une bulle de méfiance froide. Certes, la Baile avait sciemment pris le risque de voir s'éteindre, sitôt allumé, le feu du désir dans le corps de Rosa. Avait-elle donc une foi infaillible en la capacité de ses doigts à rétablir la situation en sa faveur? La jouissance de la Rousse était-elle passée au plan secondaire pour le chevalier à l'arrière-pensée tout sauf sexuelle? Quelque chose entre les deux?

Elle posa d'abord sa main sur le genou le plus éloigné, simplement caressant la peau, offrant à Rosa un sourire sincère. Puis ses doigts glissèrent sur le mollet et, sans brusquerie mais sans hésitation, déplièrent lentement les jambes boucliers. Rosa ne résista pas, et la Baile ne la quittait pas des yeux, comme pour renforcer l'effet du sourire qui se voulait rassurant.

Mais cette position ne suffisait pas encore à la Blanche. Elle remonta ses mains le longs des cuisses, les arrêta sur les hanches. Se penchant vers le visage encore légèrement fermé de la Rousse, elle l'embrassa une deuxième fois, presque un record, tout en la tirant fermement de manière à l'allonger de nouveau. Elle ne libéra ses lèvres qu'au bout de longues secondes, quand elle fut sûre que Rosa acceptait de rester dans la position où elle l'avait mise.

Elle se redressa un peu, et reprit un sein dans une main, titillant une nouvelle fois le téton, pour faire comprendre à la jeune femme qu'elle n'était pas en face d'une ennemie. Simplement d'une femme qui avait une idée derrière la tête, et qui pensait savoir comment la réaliser. Elle lui répondit enfin, d'une voix douce, droit au but.

Je te propose 500 écus par semaine. Et tu es à moi deux soirs de cette semaine. Quoi que je décide de faire avec toi, seule ou pas…

Evidemment, ses mots pouvaient signifier tellement de choses, dits comme ça, dits à cet instant… Mais Rosa pouvait-elle décemment refuser une offre qui lui assurait, sinon une fortune raisonnable, du moins un confort certain que ses multiples désirs et caprices quémandaient?...

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Rosalinde
Docilement, elle se laisse allonger, embrasser, caresser le sein. Et même si la flamme du désir n'était pas encore tout à fait éteinte, elle n'y prit pas goût comme la première fois, car l'Impatiente se trouvait dans l'expectative de la question de Baile, question qui semblait sous-entendre qu'il fallait qu'elle trahisse Judas...

Enfin, elle demande. 500 écus, pour deux soirs par semaine. Ce qu'elle veut, avec qui elle veut. Envisager tout ce que cela représente, les yeux rivés vers le plafond. A présent insensible. Le dilemme était trop fort pour qu'elle parvienne à se concentrer correctement sur les doigts agiles de Baile.

Cinq cent écus par semaine, cela lui en ferait donc... Sept cent vingt, avec son salaire d'intendante de Petit Bolchen. Soit, un moyen facile et accessible de gagner suffisamment pour réaliser son rêve, sa dernière lubie en date. Et qui n'avait rien à voir avec toutes les fanfreluches qu'elle pourrait bien s'acheter, Doigts d'Or ou non. Quelque chose dont elle puisse réellement être fière. Mais elle hésitait à se lancer. Elle ne le méritait sans doute pas.

D'un autre côté... La formulation de la proposition l'inquiétait. Et puis... Ce serait définitif. Elle ferait d'elle une catin. Ce qu'elle s'était toujours résolument promis de ne jamais devenir. Une entorse venait d'y être faite, pour mille écus, et là... Elle promettait plus encore. Mais ce serait plus long. Plus incertain aussi. En clair, Rose ne savait pas, Rose hésitait.

Une seule solution... La négociation.


- Pas de coups, pas de blessures, pas de sang. Je veux pouvoir mettre fin à l'accord quand je le souhaite.

Il n'aurait pas fallu en plus qu'elle signe pour accepter de se faire abîmer, son ventre lui suffisait déjà amplement. Quant à se lier à durée indéterminée avec la Blanche... Pas son genre non plus. Qui plus était, elle n'était même pas sûre d'aimer coucher avec une femme, au final. Si cela devait être un calvaire, autant que celui-ci ne dure pas trop longtemps.

- Et dans tous les cas... Je veux pouvoir y réfléchir à tête reposée.


Rien n'était gagné.
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Baile
Drôle de femme, cette Rosa. Rebelle et soumise à la fois. De quoi provoquer la Baile au plus profond de son désir, une nouvelle fois. Elle ne résista pas à l'impulsion qui la fit glisser une main dans les cheveux de la Rousse, et rapprocher de force son visage du sien pour l'embrasser. Puis la libérer.

Tu es marrante, Rosa. J'ai une tête à verser le sang gratuitement, moi? Celui d'une femme en plus?

Certes, elle l'avait fait, de par le passé. Mais c'était un autre temps, une autre époque. Et jamais dans le cadre de ses multiples coucheries. Elle opta pour la carte dédramatisation. Aussi souple qu'une lame d'épée dans une forge, elle passa une jambe de l'autre côté de Rosa, et fit des cuisses de cette dernière un trône pour son corps.

Les seins à présent collés à ceux de la Rousse, elle lui souleva le menton d'un geste doux.

Ma proposition n'est pas sexuelle, arrête de cogiter comme ça. Je ne suis pas le genre à partager, même les femmes d'un autre... Tu n'as pas grand chose à perdre à me dire oui, et beaucoup d'écus à gagner. Moi aussi d'ailleurs...

Elle avait lâché l'élément essentiel de son projet, pour que Rosa cessât d'avoir peur en comprenant quel était l'enjeu principal. Soudain la Baile se redressa, passant sa jambe droite près de l'autre, et se retrouvant à genoux aux côtés d'une Rousse dubitative. Ses yeux brillaient alors que sa main revenait entre les cuisses, ses doigts prêts à reprendre possession du vide à combler.

Il y aurait beaucoup d'argent à la clé, si mon projet se met en place.. Et j'ai besoin de ton aide, pour me représenter si et quand j'ai besoin de rester dans l'ombre... Je ne peux pas attendre longtemps l'issue de ta réflexion... Je veux ta réponse demain...

A la fin de l'envoi, je touche. Et à la fin de sa phrase, la Baile pénétra Rosa d'un geste brusque, sans la quitter de son regard qui n'avait rien perdu en intensité.

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Rosalinde
Nouveau baiser, forcé, auquel elle répond bien qu'avec mollesse. La fougue et la passion... Pas encore pour tout de suite. Elle attend, de pied ferme, les termes du contrat. Quant à savoir si Baile avait la tête à verser le sang d'une femme... Qu'en savait-elle ? Elle ne la connaissait presque pas à vrai dire, et ne savait rien de son passé, ni de son futur, et si peu de son présent ! Alors non, elle n'a certes pas la tête d'une perverse sadique, mais la Rousse a appris à se méfier de tous en toute occasion. Ne jamais baisser la garde, et surtout, ne jamais se fier aux apparences.

- Qu'en sais-je ?

Dit doucement, mais fermement. Histoire que la brune ne considère pas la confiance de Rose comme acquise. Heureusement, elle vient, tout contre elle, se caler. Frisson de l'intendante, qui ne peut s'empêcher de laisser une main descendre, des épaules jusqu'au creux des reins, suivant, en fil d'Ariane, la colonne vertébrale du Chevalier. Et Baile lui explique, détaillant un peu plus son plan.

Rien de sexuel. Et de l'argent à se faire. En somme... Sans doute une combine un peu louche. Besoin d'un intermédiaire, ne pas salir son statut de Dame Blanche, si jamais l'affaire était découverte. Pas de sang, donc. Sans doute pas de violence, elle ne précise pas. De toute façon, ce serait un refus net, si jamais.

Retour à la cause départ, l'amante se retrouve à genoux à côté d'elle. Confirme la pensée de Rose, y ajoute un ultimatum. Demain, ou jamais. La nuit sera longue et propice aux réflexions de la belle. Hors de question qu'elle revienne sur sa demande de délai de réflexion, même si elle était rassurée.


- Oui, dem...

Elle ne peut finir sa phrase, un O de surprise se forme sur ses lèvres, tandis que Baile retourne à l'assaut. Non, le désir n'est pas mort, il renait même de ses cendres encore fumantes, les yeux dans les yeux.
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Baile
Et cette fois, elle ne s'interrompit plus pour parler. Aucun mot ne viendrait désormais se mettre entre son corps et celui de Rosa. Et si le désir de la Baile était réel, l'acte qu'elle accomplissait n'en revêtait pas moins une importance stratégique, et elle y focalisait son entière énergie.

Elle avait envie et besoin de la Rousse. Envie furieuse et besoin pragmatique. Il n'y avait qu'à la Commanderie que la capitaine refusait de mélanger plaisir et intérêt, mais là, elle tenait un joyau entre ses mains, à plusieurs niveaux, et il fallait que ce joyau trouvât ce soir une jouissance physique réelle, au-delà de l'investissement financier que la Baile avait promis à la Rose…

La main était sûre d'elle et ne baissait pas la cadence, tandis que l'autre caressait doucement les cheveux pendant que les lèvres réalisaient une chorégraphie à la fois légère et ferme sur leurs comparses. Chaque partie de son corps était mobilisée pour cette conquête sur laquelle reposait une partie de l'avenir proche de la Blanche. Et bien que les défenses de Rosa ne se fussent pas toutes abaissées d'un coup, la brune sentait bien qu'elle réagissait positivement à l'action conjointe de ses doigts et de sa bouche.

Lorsqu'elle eut enfin amené la Rousse aussi loin qu'elle le pouvait, la Baile se rejeta sur le côté, respirant profondément. Elle n'était pas à proprement parler épuisée, mais donner du plaisir à une Rosa coriace n'avait pas été une sinécure, et les quelques instants de silence et d'immobilité lui firent le plus grand bien. Sans tourner la tête, elle glissa son bras sous le cou de la jeune femme et l'attira contre elle. Stratégie quand tu nous tiens…

Alors? Toujours effrayée?….

Elle n'attendit pas vraiment la réponse et enchaîna doucement.

Dis-moi Rosa… Que dirait ou ferait Judas s'il savait que tu avais passé cette nuit avec moi?… Penses-tu pouvoir m'arranger un rendez-vous avec lui sans te mettre en quelconque danger?...

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