9 - Ceux qui s'entraînaient au Kyûdô

Kem avait repéré un endroit tranquille pour l'entrainement. Elle avait laissé un message à Exael, qui se reposait et en avait besoin,si jamais il voulait apprendre lui aussi. Elle ne savait s'il viendrait ou non. Elle n'était pas sûre que l'arc convienne à son tempérament...
D'ailleurs, la confection de l'arc d'Exa lui avait pris un temps fou. Chaque détail avait compté, du choix du bois, une essence noble mais qui possédait une certaine souplesse, ka taille, adaptée à sa force. Le ceintrage de la perche, pour obtenir la courbure légère et parfaite, le polissage et enfin la décoration, de légères sculptures, elle y avait figuré un loup et un renard, cachés dans les entrelacs délicats du dessins. Elle y avait mis du temps, et beaucoup de cœur. Et récolté une blessure à la main que Laly avait habilement soigné.

Elle s'assied en tailleur, et observa le sien. Il portait un nom, car pour son peuple, un tel objet pouvait être animé d'un genre d'esprit, lié à son propriétaire.
Son arc, plus petit, était également finement ciselé. Elle posa ses mains dessus et ferma les yeux. Elle était attentive au moindre bruit, au moindre frémissement. La concentration absolue. Vive comme l'éclair, elle ouvrit les yeux, attrapa l'arme qu'elle pointa en direction... d'un lièvre. Elle aurait pu le tuer, mais se contenta de savoir qu'elle l'aurait eu.
Yûki s'était précipitée à la poursuite de la pauvre bête, en jappant joyeusement. Puis elle revint vers Kem, rampant à moitié et l'arrière train relevé, ayant envie de jouer.
Kem s'esclaffa, attrapa le louveteau pour lui gratter le ventre, et jouer avec elle, en riant joyeusement devant les facéties de Yûki.

Kem attendait, le soleil commençait à devenir haut dans le ciel. Elle eut une moue de déception, mais haussa les épaules et se leva pour commencer l'entraînement seule.
Et elle enchaîna les tirs, les uns après les autres, avec dextérité, tandis que Yûki s'était assise à ses pieds, semblant regarder sa jaune maîtresse toucher chaque cible avec une aisance, acquise depuis la plus tendre enfance.

L'exercice permettait de se vider la tête, car il demandait une concentration absolue. Kem était contente que le louveteau ne gambade pas partout, elle aurait eu peur de la toucher.
Kem reposa son arc et observa les cibles. Ce n'était pas parfait, quelque chose perturbait sa concentration. Le manque d'exercice, et ... le reste. Découragée, elle posa son arc, s'installa en tailleurs et médita de nouveau.

Exaël ce matin la c'était levé tôt , il regarda son arc et dit " bon et bein qaund il faut il aller il faut il aller" Il prit avant un bon bain chaud c'est qu'il était bien propre le renard. S'habilla , prit son arc et alla en direction de la fameuse clairière mais avant n'ayant encore rien mangé il décida d'acheter des fruits au marché Kem serait surement contente.
Une fois arrivé il la vit en position de méditation, devait il la déconcentrer ? Oui il ne pouvait pas s'en empêcher il courut vers elle et la plaqua au sol pour la couvrir de baisers.

Tadammm me voila , tu vas être bien concentrée maintenant.

Il rit , caressa le louveteau qui n'avait pas bouger d'une patte . Il se redressa regarda les lieux et sourit.

Bien bel endroit pour s’entrainer , on commence quand ?

Kem se fit plaquer au sol par Exael qui la couvrit de baiser. Elle lui ébouriffa les cheveux, le chatouilla, puis se redressa en riant.

Ah ben oui, pour la concentration c est raté! Tu ne perds rien pour attendre! Oh tu as amené des fruits!

Elle lui chipa une pomme qu'elle s'empressa de croquer. Puis elle prit l'arc d'Exael pour vérifier de la bonne tension de la corde, puis lui tendit avant de se lever.

Eh bien, nous allons commencer de suite. Je te fais une démonstration, puis je te détaillerai les étapes du tir. Cette discipline est un art guerrier, et demande de la rigueur. L'esprit, l'énergue spirituelle joue un rôle majeur, il faut que l'esprit soit en harmonie avec le corps.
On recherche un mouvement parfait, par la discipline du corps et la maitrise du geste, plus précisément trois buts :

- la vérité, shin, ne pas tricher avec soi même ni avec les autres.
- la vertu, zen, ne pas être influencé par tes sentiments,
- la beauté bi ,soit la beauté du geste, l'harmonie des mouvements et ne pas gaspiller son énergie.

Cela va te paraître compliqué, mais si tu maîtrises l'exercice et les huits étapes du tir, tu le feras instinctivement, sans y penser, avec de l'entraînement. Et tes tirs seront moins aléatoires que les tirs de ceux qui tentent juste de viser.


Kem attrapa son arc, et lança une flèche dans la prairie. Elle n'avait pas touché de cible.
Je suis sûr que tu crois que j'ai raté ma cible, et que tu n'as pas vu la chorégraphie des huits étapes. Yûki arriva en courant avec la flèche dans la gueule. Au bout de la flèche, une fleur desséchée était piquée. Kem sourit à son complice.

Bon, je vais le refaire plus lentement et en détaillant chaque étape cette fois.

Yûki jappa, et Kem aperçut une dame qui les hélait de loin, avant de s'avancer précautionneusement. Il lui semblait avoir déjà aperçu cette dame, qui portait un joli arc.

Demat, Liocea de Saint Brieuc, je suis Kem, et voilà mon compagnon Exael. Je voulais lui enseigner les rudiments d'un art guerrier de mon peuple,le Kyûdô, qui s'apparente au tir à l'arc, mais en un peu plus compliqué. Il est inspiré de la culture de mon peuple. Je veux bien que vous vous joignez à nous pour l'exercice.

Kem lui sourit aimablement, et d'un geste, l'invita à se joindre à eux.

Je vais reprendre une partie de mon explication, pour le reste, il vous suffira de bien m'imiter. Les termes que je vais employer ne sont pas à retenir, d'ailleurs je ne les citerai pas, l'important est de bien reproduire mes gestes. Je me contenterai de corriger vos postures, rien de plus. C'est ainsi que s'apprend le Kyûdô, par imitation du Sensei, le maître de la discipline. Kem eut une lueur triste dans le regard à cette dernière mention. De lointains souvenirs... Un Sensei hors du commun... Puis elle sourit, et reprit son explication.

Et ne pas oublier les trois objectifs importants, la vérité, la vertu et la beauté. Le plus important pour nous est la vertu, c'est à dire ne pas se laisser influencer par les sentiments, et la beauté du geste, si le tir est parfaitement chorégraphié, la maîtrise du tir sera parfaite.

Kem attrapa son arc, et commença la démonstration.

Dans un premier temps, il faut affermir sa posture. On se place de profil par rapport à la cible, de manière à ce que la ligne de tir passe devant vos orteils. Puis on tourne la tête pour faire face à la cible. Remarquez, je n'élève pas encore l'arc! Chaque étape a son importance.

Ensuite, on vérifie son équilibre. Souvent, le bassin est déséquilibré par rapport aux épaules, et cela porte préjudice lors du tir. L'archer doit se mettre parfaitement de profil par rapport à la ligne de tir, seule la tête fait face. Le bassin doit être aligné avec les épaules.

On se saisit de l'arc, et on encoche la flèche. On ne relâche la prise qu'à la fin du tir. Puis on élève l'arc au dessus de la tête, ainsi. Kem joignit le geste à la parole.


A ce moment là, la concentration et le Zen prennent de l'importance. La respiration doit être légère et régulière, comme une toute petite brise de printemps. Rien ne doit vous perturber.

On tire enfin sur la corde, de manière à ce que la flèche soit contre votre joue et au niveau de la bouche. Le coude droit doit bien être en arrière, et le bras gauche complètement tendu. Ainsi, le minimum de force physique est utilisée pour un tir puissant de grande amplitude, rien que par le respect d'une posture parfaite!



Vient le moment le plus important, le kai. Le tireur vise la cible, et doit, dans son esprit, s'unir à la flèche et la cible, en harmonie avec son corps. Lorsque dans votre esprit, la cible et la flèche ne font qu'un, c'est l'union parfaite. On peut relâcher la corde.
Kem relâcha la corde, qui claqua en un bruit sec, et la flèche alla se ficher dans la cible, parfaitement au centre.

Et là, on ne relâche pas sa concentration, on ne baisse pas l'arc immédiatement. L'esprit doit suivre la flèche, et le tireur être prêt à toute éventualité.Ensuite seulement, on peut baisser l'arc.

Kem avait observé Exael prendre position, et répéter chacun de ses gestes. Les mouvements étaient hésitants, mais l'important était de prendre son temps. C'était un très bon exercice de méditation en mouvement... Et lorsqu'il tira, elle sentit qu'il avait parfaitement fait le kaï, l'union du corps, de l'esprit, la flèche et la cible. Elle lui sourit, incapable de dissimuler sa fierté.

Oui, tu as réussi! Pour tout avouer, je pensais que le kaï te serait plus difficile. As tu senti la cible? Lorsque tu seras bien entraîné, tu pourras "appeler" la cible, grâce au kaï.
Évidemment, ce n'est qu'un exercice de méditation, inadapté à la guerre. Tu imagines un samouraï, un guerrier, s'arrêter en plein combat pour réaliser les huit étapes du tir?

Cet exercice t'apprend à visualiser la ligne de tir. Toi, la flèche, l'arc, ton regard. A avoir une bonne assise. Et être attentif à ton environnement, à rester concentré. Par la suite, je t'apprendrai à viser un objet en mouvement, puis un objet statique alors que tu te déplaces, enfin, tu saisis ? Ça prendra du temps, évidemment.

Mais le plus important, c'est le kaï. Être en harmonie, être zen., imperturbable.
Maintenant, réessayes quelques tirs. Entraîne toi au Kaï.

Sans un mot de plus car le moment était à la concentration, Liocea s'inclina légèrement devant la jeune femme et le jeune homme puis écouta les explications s'imprégnant de chaque mot.

Elle ne comprenait pas tous les mots se demandant d'où ils pouvaient bien venir, comme cette jeune femme au visage si particulier aux jolis yeux de chats.
Liocea aimait découvrir, aimait l'inconnu et c'est avec intérêt qu'elle observa le jeune homme entrer en piste.

Ne pas se laisser influencer par les sentiments, voici une première étape que Liocea avait peu de chance de réussir, elle qui se perdait sans cesse dans les méandres de ses sentiments.
Cet apprentissage allait être une étape très importante pour elle.

Elle prit de profondes respirations

le beauté du geste, l'idée lui plaisait.

Elle leva doucement son arc quand le compagnon de Kem reçu les félicitations pour son premier essai.
Elle ne voulait surtout pas troubler ce moment qu'ils partageaient.

Elle prit position de profil, plantant ses pieds bien au sol puis tourna lentement son visage pour fixer la cible un petit moment.
Il lui sembla alors qu'un certain équilibre se faisait, qu'elle parvenait à faire le vide, ne se concentrant que sur son corps planté là et son regard figé là bas...

Se souvenant de ce qu'elle avait entendu de Kem et vu d'Exael, elle leva lentement les bras pour élever son arc et y glisser une flèche.
Il lui sembla que le vent venait taquiner un instant son équilibre, elle prit donc son temps par une lente respiration.

Très lentement elle tira sur la corde pour amener la flèche jusque sa joue, tout proche de sa bouche, la plume toucha un peu sa lèvre et elle frémit.
Une respiration à nouveau, les jambes qui tremblent un peu, se concentrer, oublier, ne pas penser... juste la beauté du geste...Fixer la cible, fermer un œil, ouvrir les deux yeux..oui les deux yeux...Le regard droit et fier.

fffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff

la flèche qui s’échappe d'un coup, d'une puissance à laquelle Lio ne s'attendait pas, le bras qui à du mal à rester tendu.
Elle suit la flèche et sent que celle ci s'égare...

Pour finalement se ficher dans l'écorce qui se blesse juste au dessus de la cible.

Elle baisse son arc, le regard perdu

J'ai bougé...

Kem sourit à Liocea. Bien des kôhaï, des apprentis, n'auraient pas eu un tel résultat dès le premier tir.

Non, ne vous arrêtez pas à cela! Ne vous découragez pas, c'est un résultat honorable pour un premier tir. Déjà, vous avez tiré dans la bonne direction. Le geste est correct. Le souci vient de là .... Kem lui désigna sa tête.

Le kaï, l'union avec la cible. Détendez vous et ne pensez pas à la réussite, ni à l'échec. Tout se passe dans l'esprit. La posture est importante, ça, vous la respectez. Mais votre peur vous paralyse et perturbe le tir.
Moi, ce que je vois, et qui est bien, c'est que la flèche est au dessus de la cible. Donc, la ligne de tir est bonne. Les gestes sont réussis. Maintenant...

Fermez les yeux un instant, et concentrez vous sur une image apaisante. Le bord de la mer, peut importe. Détendez vous les épaules, libérez vous de la tension. Et recommencez, vous verrez!

Des images apaisantes il lui en venait instantanément quand tout devenait compliqué et le bruit du vent, toujours, glissant dans ses cheveux, s'enroulant tout autour. La plage... La cabane...Le vent toujours...
Lio ferma les yeux en souriant, cette femme avait une force apaisante à lui enseigner, tout autre que celle qu'elle apprenait en Bretagne.
Elle se disait qu'en mêlant les deux, elle deviendrait redoutable.

En relevant les paupière elle sourit à nouveau à Kem, le souffle retrouvé, le corps détendu, écoutant chaque conseil.

merci Kem, je vais recommencer.

Position de profil, pieds ancrés dans le sol, respiration régulière, visage tourné vers la cible.

L'arc se lève à nouveau..
L'esprit se vide...
La cible....
Le regard très droit qui perce la cible au moment où la flèche s'élance

ffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff

Et la flèche qui se plante à quelques centimètre sous le centre de la cible, un peu trop bas cette fois ci, mais la flèche est dedans, droite, fermement plantée

lentement Lio abaisse son arc et sourit.

Merci Kem, j'ai compris quelque chose aujourd'hui...

Kem sourit devant les progrès de Liocea.

Bien, vous vous améliorez! Vous n'êtes pas habituée à votre arc, n'est ce pas? A t -il était fabriqué pour vous? Avec de l'entraînement, vous maitriserez cet outil comme une extension de votre corps, de votre esprit. N’oubliez pas le kaï, même en situation de combat à l'épée. parfois, la précipitation et la colère peuvent nous galvaniser, comme elle peut nous inciter à commettre des erreurs. Il faut savoir puiser l'énergie de la colère et de la fougue, sans la laisser envahir notre esprit et obscurcir le jugement.
Ce n'est pas le vent, ou le soleil, qui nous fait rater nos cibles. C'est l'esprit. Si vous réalisez l'union, le kaï, instinctivement, vous prendrez en compte le vent et le soleil.


Kem sourit à son compagnon et à Liocea. Elle empoigna son arc, attrapa deux flèches, encocha une des deux et tira dans une des cibles, et immédiatement après, tira la deuxième flèche, à l'endroit exact de la première, la détruisant au passage.

Ce n'est pas un exercice typique du Kyûdô cette fois. Mais cet exercice demande une concentration absolue. Si un jour, vous y arriverez, vous pourrez vous considérer comme un Sensei, un maître de la discipline.