Axelle
[Fallait pas m' quitter tu vois
Il est beau le résultat
Je fais rien que des bêtises
Des bêtises quand t'es pas là]*
La Bestiole pionçait, le souffle méchamment sifflant, engoncée dans un sommeil grisâtre que plus rien nanimait depuis des mois et des mois. Elle roupillait dans ce sommeil indifférent de ceux qui nont plus rien ni à gagner, ni à perdre. Pourtant, bêtement, craquelant ses lèvres, elle sourit en entendant cette voix, ce ricanement, sans pourtant comprendre le sens des mots. Mais cela suffit à lui faire croire quelle était nichée au creux de la paillasse de latelier de la Combe, blottie dans laffaissement que le corps de Felryn y avait imprimé.
Elle souriait encore quand un tapotement sur sa joue étira les lambeaux de sommeil qui lextrayait de la réalité. La brulure à son flanc fit le reste, remettant avec une minutie cuisante chaque chose à sa place. Et le sourire grinça.
Léquipée à Paris. Avec un autre. Equipée à laquelle elle avait mis fin brusquement dès quelle avait senti que les choses risquaient de lui échapper. Sa cavalcade pour rentrer et se nicher dans les bras de son Ours et ne plus jamais sen éloigner. Idiote quelle avait été de croire que cétait là une chose permise. Idiote de penser que les éclats dune confiance brisée pouvaient être recollés. Pourtant cest avec un sourire naïf qui tranchait sa troche quelle avait déboulée dans la chambrée Dijonnaise. Sourire qui ne sétait en rien altéré quand elle avait lu le mot laissé et auquel elle avait cru. Elle avait même ri en voyait la blague posée à coté, pensant lOurs étourdi au point dêtre parti acheter du tabac sans la prendre. Lidée de la lui apporter pour lui éviter de se retrouver couillon à ramener les feuilles séchées aux creux de ses pognes, luttant contre une brise chapardeuse navait pas fait un pli, et elle avait saisi lobjet. Mais en attrapant la pochette la vérité avait éclaté sous ses doigts, pleine à ras bord de tabac. Le Felryn sétait carapaté dans un foutage de gueule caractérisé. Même si elle était consciente que son attitude était punissable, une fureur sans limite lavait cueillie sans ménagement. Une gifle, une baffe, une torgnole, une beigne, une tarte, tout aurait moins amer que ce mépris qui ternissait celui quelle pensait droit et fort dune odieuse pellicule de lâcheté. Et cest bien ça, plus que labandon même, plus que la vexation qui nourrissait le gouffre de son ire, cette fausseté dont pourtant tous les deux partageaient le même dégout et qui maculait maintenant de doutes le moindre instant passé aux cotés de Fel. Pas un instant, dans sa rage, elle navait envisagé que lOurs, peut-être, la protégeait dun lynchage dans les règles de lart. Elle était restée encore quelques jours à Dijon, ne voulant pas y croire, oscillant entre espoir, inquiétude et colère. Puis finalement, dans une nasse opaque de brouillard était rentrée à Embrun.
Les jours avaient passé. Combien ? Elle nen savait rien, cloitrée dans le mutisme le plus complet de la prostration ne sortant que pour aller visiter son frère pas encore mort mais déjà fantôme. Mais la vie à bien des forces mystérieuse, et dun coup dun seul lavait empoigné, et sa fille sous le bras, elle était à son tour partie, sans se retourner, laissant le passé où il était et se désintéressant du futur.
Pour combler le manque béant, elle avait débauché ses sens dans la concupiscence la plus brute, elle avait travaillé avec acharnement pour bâtir cet atelier garant de son indépendance. Jours après jours, elle avait appris à amadouer cette marche solitaire que serait à présent sa vie, la ployant à sa guise pour relever la tête et grappiller chaque parcelle de force quelle lui offrait. Et surprise, elle découvrait - malgré les sautes encore fréquentes de colère dont une navait pu sauver sa plume de se déchainer sur un coin de vélin - que lon pouvait se forger la certitude de vivre bien sans amour tant quon savait senivrer dextrêmes. Et un extrême, la Mirandole, connue dans cet atelier qui faisait à présent toute sa fierté, lui en offrit un. Celui de se battre, non plus contre elle même, mais contre dautres pour jouer sa vie pleinement. Et cest sans même chercher à comprendre les raisons de la discorde quelle avait répondu présente. Et reprenant sa fille sous le bras, elle était partie, encore. A peine arrivée en terre Bourguignonne, elle avait arpentée chaque nuit les remparts, laissant chaque soir une pleine poignée décus à la tenancière de lauberge pour quelle veille sur le Bidule, sans se rendre compte que les veinules parcourant son tarin nétaient pas du meilleur augure. Elle avait tué, blessé dans la plus complète indifférence des visages adverses, y trouvant un exutoire tout égoïste à ses propres pulsions. Mais après de longues semaines, elle avait été rattrapée, et cest elle qui était tombée à son tour, sous un coup anonyme. Il avait donc fallut ça pour que lOurs, à cet instant la réveille dun tapotage de la joue.
Difficilement elle ouvrit des yeux pleins de stupeur de voir ce regard nuageux et, avant même quelle puisse dégourdir sa voix et lui demander ce quil faisait là, il lui répondait déjà.
« Où qu't'as fichu ma gamine ? »
Elle ne répondit pas tout de suite, se gorgeant avant de chacun de ses traits dont elle nen avait pas oublié le moindre. Elle hésita entre lui cracher à la figure ou lui dire je taime et finalement se contenta de répondre dune voix terne et basse.
Auberge. La même.
Son souffle bien trop court lui interdisait den dire davantage. Sil restait à Fel une once de perspicacité dans le gouffre aviné où il semblait avoir encore chuté, il comprendrait. Elle voulait lui hurler quelle avait froid, que son flanc lui faisait un mal de chien, que la pierre était trop dure. Elle aurait voulu le supplier de lemmener loin de cette puanteur de mort ou de lachever sur le champ. Elle aurait voulut lui dire quelle avait besoin de lui, pas forcement pour bander la plaie présumée, mais pour combler de mots, aussi durs fussent ils, lignorance qui lemmurait. Mais elle nen fit rien, trop orgueilleuse et trop craintive aussi de se prendre, sous le biais dun ricanement, un coup encore plus douloureux. Elle baissa simplement les yeux, abandonnant du regard ce visage qui lui faisait face labouré de rancur reflétant sa propre amertume quand malgré tout, il était là.
* Sabine Paturel, les Bêtises.
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Il est beau le résultat
Je fais rien que des bêtises
Des bêtises quand t'es pas là]*
La Bestiole pionçait, le souffle méchamment sifflant, engoncée dans un sommeil grisâtre que plus rien nanimait depuis des mois et des mois. Elle roupillait dans ce sommeil indifférent de ceux qui nont plus rien ni à gagner, ni à perdre. Pourtant, bêtement, craquelant ses lèvres, elle sourit en entendant cette voix, ce ricanement, sans pourtant comprendre le sens des mots. Mais cela suffit à lui faire croire quelle était nichée au creux de la paillasse de latelier de la Combe, blottie dans laffaissement que le corps de Felryn y avait imprimé.
Elle souriait encore quand un tapotement sur sa joue étira les lambeaux de sommeil qui lextrayait de la réalité. La brulure à son flanc fit le reste, remettant avec une minutie cuisante chaque chose à sa place. Et le sourire grinça.
Léquipée à Paris. Avec un autre. Equipée à laquelle elle avait mis fin brusquement dès quelle avait senti que les choses risquaient de lui échapper. Sa cavalcade pour rentrer et se nicher dans les bras de son Ours et ne plus jamais sen éloigner. Idiote quelle avait été de croire que cétait là une chose permise. Idiote de penser que les éclats dune confiance brisée pouvaient être recollés. Pourtant cest avec un sourire naïf qui tranchait sa troche quelle avait déboulée dans la chambrée Dijonnaise. Sourire qui ne sétait en rien altéré quand elle avait lu le mot laissé et auquel elle avait cru. Elle avait même ri en voyait la blague posée à coté, pensant lOurs étourdi au point dêtre parti acheter du tabac sans la prendre. Lidée de la lui apporter pour lui éviter de se retrouver couillon à ramener les feuilles séchées aux creux de ses pognes, luttant contre une brise chapardeuse navait pas fait un pli, et elle avait saisi lobjet. Mais en attrapant la pochette la vérité avait éclaté sous ses doigts, pleine à ras bord de tabac. Le Felryn sétait carapaté dans un foutage de gueule caractérisé. Même si elle était consciente que son attitude était punissable, une fureur sans limite lavait cueillie sans ménagement. Une gifle, une baffe, une torgnole, une beigne, une tarte, tout aurait moins amer que ce mépris qui ternissait celui quelle pensait droit et fort dune odieuse pellicule de lâcheté. Et cest bien ça, plus que labandon même, plus que la vexation qui nourrissait le gouffre de son ire, cette fausseté dont pourtant tous les deux partageaient le même dégout et qui maculait maintenant de doutes le moindre instant passé aux cotés de Fel. Pas un instant, dans sa rage, elle navait envisagé que lOurs, peut-être, la protégeait dun lynchage dans les règles de lart. Elle était restée encore quelques jours à Dijon, ne voulant pas y croire, oscillant entre espoir, inquiétude et colère. Puis finalement, dans une nasse opaque de brouillard était rentrée à Embrun.
Les jours avaient passé. Combien ? Elle nen savait rien, cloitrée dans le mutisme le plus complet de la prostration ne sortant que pour aller visiter son frère pas encore mort mais déjà fantôme. Mais la vie à bien des forces mystérieuse, et dun coup dun seul lavait empoigné, et sa fille sous le bras, elle était à son tour partie, sans se retourner, laissant le passé où il était et se désintéressant du futur.
Pour combler le manque béant, elle avait débauché ses sens dans la concupiscence la plus brute, elle avait travaillé avec acharnement pour bâtir cet atelier garant de son indépendance. Jours après jours, elle avait appris à amadouer cette marche solitaire que serait à présent sa vie, la ployant à sa guise pour relever la tête et grappiller chaque parcelle de force quelle lui offrait. Et surprise, elle découvrait - malgré les sautes encore fréquentes de colère dont une navait pu sauver sa plume de se déchainer sur un coin de vélin - que lon pouvait se forger la certitude de vivre bien sans amour tant quon savait senivrer dextrêmes. Et un extrême, la Mirandole, connue dans cet atelier qui faisait à présent toute sa fierté, lui en offrit un. Celui de se battre, non plus contre elle même, mais contre dautres pour jouer sa vie pleinement. Et cest sans même chercher à comprendre les raisons de la discorde quelle avait répondu présente. Et reprenant sa fille sous le bras, elle était partie, encore. A peine arrivée en terre Bourguignonne, elle avait arpentée chaque nuit les remparts, laissant chaque soir une pleine poignée décus à la tenancière de lauberge pour quelle veille sur le Bidule, sans se rendre compte que les veinules parcourant son tarin nétaient pas du meilleur augure. Elle avait tué, blessé dans la plus complète indifférence des visages adverses, y trouvant un exutoire tout égoïste à ses propres pulsions. Mais après de longues semaines, elle avait été rattrapée, et cest elle qui était tombée à son tour, sous un coup anonyme. Il avait donc fallut ça pour que lOurs, à cet instant la réveille dun tapotage de la joue.
Difficilement elle ouvrit des yeux pleins de stupeur de voir ce regard nuageux et, avant même quelle puisse dégourdir sa voix et lui demander ce quil faisait là, il lui répondait déjà.
« Où qu't'as fichu ma gamine ? »
Elle ne répondit pas tout de suite, se gorgeant avant de chacun de ses traits dont elle nen avait pas oublié le moindre. Elle hésita entre lui cracher à la figure ou lui dire je taime et finalement se contenta de répondre dune voix terne et basse.
Auberge. La même.
Son souffle bien trop court lui interdisait den dire davantage. Sil restait à Fel une once de perspicacité dans le gouffre aviné où il semblait avoir encore chuté, il comprendrait. Elle voulait lui hurler quelle avait froid, que son flanc lui faisait un mal de chien, que la pierre était trop dure. Elle aurait voulu le supplier de lemmener loin de cette puanteur de mort ou de lachever sur le champ. Elle aurait voulut lui dire quelle avait besoin de lui, pas forcement pour bander la plaie présumée, mais pour combler de mots, aussi durs fussent ils, lignorance qui lemmurait. Mais elle nen fit rien, trop orgueilleuse et trop craintive aussi de se prendre, sous le biais dun ricanement, un coup encore plus douloureux. Elle baissa simplement les yeux, abandonnant du regard ce visage qui lui faisait face labouré de rancur reflétant sa propre amertume quand malgré tout, il était là.
* Sabine Paturel, les Bêtises.
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