[RP] Rencontre avec l'Évêque de Limoges

Navigius

Le vent soufflait une douce brise par la fenêtre de l’étude du Primat de France, bougeant doucement les lourds rideaux de velours. À l’extérieur, une vue splendide donnait sur la Place d’Aristote, située non loin de là, agrémentée par les paysages magnifiques de la cité vaticane à cette époque.

Comme toujours, l’ecclésiaste italien était installé à son bureau, sur lequel s’empilaient un nombre grandissant de missives et rapports en tout genre, retenus par des rubans aux couleurs élaborées en un code que seul l’ecclésiaste et ses secrétaires comprenaient. L’on racontait dans les officines romaines qu’il entretenait un vaste réseau de correspondance, ce qui était tout à fait vrai, la lumière à sa fenêtre étant souvent perçue jusqu’à très tard dans la nuit.

Assez nocturne, le prélat avait découvert en prenant de l’âge que les nuits devenaient plus courtes et qu’il n’avait point besoin d’autant de sommeil qu’auparavant, si bien qu’il n’était plus surprenant qu’il reçoive parfois des visiteurs jusqu’à tard dans la nuit. Avec la croisade et les tensions au sein de la prélature, l’italien devait redoubler d’efforts afin de tenir ensemble les factions divergentes des prélats. Il terminait une missive à l’attention de l’Évêque de Lisieux, son vieil ami, lorsqu’un doux toquement se fit entendre à la porte. Était-ce l’Évêque de Limoges, qu’il avait invité auparavant à venir discuter et faire connaissance? Il se leva prestement, essuyant l’encre sur ses mains à l’aide d’un chiffon imbibé d’eau, puis saisit sa canne pour se diriger vers la porte. Lorsqu’il l’ouvrit, fut révélée à sa vue …

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Archevêque Suffragant d'Avignon
Primat de France
"Sic nos sic sacra tuemur"

Eloin

... Celle qu'il attendait, voile immaculé posé sur la guimpe qu'elle ne quittait qu'en de rares occasions depuys qu'elle avait reçu l'ordination, coiffe dont les pans se confondaient avec la robe de lin blanc qu'elle portait lorsqu'elle séjournait à Rome. Les seuls ornements de la dite vesture consistant en un liseré d'argent aux poignets et le long des épaules ; ainsi qu'une fidèle reproduction de l'hirondelle symbolisée sur le blason de sa famille, au bas de la large jupe.

L'abbesse inclina respectueusement la teste pour saluer le Primat de France revenu sain et sauf de sa mésaventure, regrettant de ne pouvoir plonger en une profonde révérence. Son dos ne le luy permettait plus de tels mouvements, aussi comblait-elle ce manque par d'humbles hochements de teste lorsqu'elle faisait face aux personnes pour lesquelles elle éprouvait du respect et, comme c'était le cas cette foys, de l'admiration. Admiration pour cet homme qui savait garder son calme dans la cage aux folles qu'était l'Assemblée des Evesques de France, et qui avait montré sa grande mansuétude face à ce qui luy était récemment survenu.

Monseigneur... Vous souhaitiez me voir ?

Souriante mais directe, la moniale ne se laissait plus envahir par les carcans des mondanités, et préférait amplement en venir au fait plutôt que de se soumettre aux ronds de jambes, comme elle l'avait pourtant fait des dizaines de foys par le passé, lorsqu'elle était chambellan du Maine. Que tout cela luy semblait loin, désormais ! Surtout lorsqu'elle voyait ce qu'était devenu ce Maine que les pères Savoie et Zabouvski avaient tant aimé !
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Héraldique

Navigius

L’italien eût un large sourire pour l’évêque de Limoges, ouvrant grande la porte et faisant un pas de côté pour l’inviter à l’intérieur de son bureau. L’endroit était sympathique, meublé de façon simple. Le bureau, au fond, deux fauteuils près de l’âtre et un banc, adossé au mur, garnissaient l’endroit en plus des grosses armoires où s’entassaient livres et parchemin. Une porte, dérobée, permettait l’allée et venue des secrétaires. Il fit motion vers les fauteuils, invita la prélat à s’asseoir.

- Oui, en effet chère amie, je souhaitais vous rencontrer avec de faire appel à votre sagesse. Je suis bien embêté devant le niveau d’acrimonie en notre assemblée, je cherche par quel moyen ramener le calme. Je ne vous cache point que lorsque j’ai pris les rênes de notre assemblée, j’envisageais un mandat de quiétude et de vertu. Quelques mois plus tard, je souris devant les aléas de la vie. Dites-moi, quel est votre opinion sur la situation récente de l’Assemblée? J’ai crainte que certains confrères n’osent plus s’exprimer, par peur de représailles.

Il fit encore un large sourire à son interlocutrice, avec qui il se sentait naturellement confortable, partageant visiblement un ascétisme et une discipline commune. Il fit aussi un léger mouvement vers une table, située entre les fauteuils, sur lequel se trouvait un coffret contenant diverses herbes et aromates.

- Ma foy, j’en oublie ma politesse, aimeriez-vous une tisanne chère amie? Je prends grand honneur à me faire livrer des herbes de partout en Europe, voilà bien mon maigre passe-temps, en plus de l’herboristerie.
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Eloin

Elle prit donc place, après un rapide coup d'oeil sur la décoration du lieu. Sobre, simple et épuré, comme les pièces du palais épiscopal de Limoges, après qu'elle en ait fait ôter certains éléments de décoration installés par Angelo, son prédécesseur.

Elle reporta son regard vers le Primat lorsqu'il entama la discussion. Et ce fut d'un bref haussement d'épaules qu'elle débuta sa réponse, non pour montrer son désintéressement du sujet, mais pour montrer qu'elle avait certes une réponse, mais point celle escomptée.

Je crains fort que le calme ne revienne en les murs de l'Assemblée lorsque le conflit actuel se sera apaisé, quelle qu'en soit l'issue.

Je crois que les plus discrets, dont j'estime faire partie, doivent en effet avoir des réticences à s'exprimer, au vu des réactions enflammées de certains de nos confrères. Chacun possède son avis, conforté par sa position, les charges qu'il exerce et son vécu ; ainsi certains seront plus virulents que d'autres lorsque son évoqués les termes de croisade ou d'hérésie.

Mais, pour ma part, je compose avec les différents caractères, il le faut bien pour continuer à suivre les différents débats. Et puys, je tâche de ne retenir que les meilleurs arguments de chacun, et je pèse ensuite le pour et le contre.
Enfin, il est vray que la situation actuelle est délicate, et les frictions sont, somme toute, normales, au seing d'une assemblée regroupant des membres d'avis divergents. Le tout est de savoir maîtriser ses paroles, et je sais que tous vous écoutent, lorsque vous appelez au calme et à la tempérance.

Un sourire étira ses lèvres lorsqu'il montra le coffret, se doutant de son contenu avant mesme qu'il ne l'évoque, puisqu'elle en possédait un similaire, depuys de nombreuses années.

Avec grand plaisir !

Voilà passion qui nous est commune, puisque j'ai moy-mesme un grand intérêt pour les plantes. Je veille à toujours avoir une réserve d'un certain nombre de plantes, pour le soin des maux courants.
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Héraldique

Navigius

L'ecclésiaste italien fut ravir de découvrir une herboriste en sa collègue de Limoges, fait qu'il ignorait totalement. Il sourit largement, lui démontrant la sélection des herbes, toutes plus délectables les unes que les autres. Pour sa part, il se saisit d'un peu de menthe, fraichement arrivée dans la semaine, afin de se faire une tisane. Près de l'âtre, un support en fer tenait de petites théières ainsi que le nécessaire à préparation.

- J'ignorais votre passion pour les plantes. Il me faut dire que la vôtre semble plus utile que la mienne, mes connaissances se limitant au bon goût des tisanes et à la pousse des fleurs. Vous viendrez faire une tour en Avignon, j'ai redonné aux jardins un lustre tout à fait sublime, j'ai même du remonter jusqu'à Paris pour obtenir des bulbes de lys blanc, un véritable délice floral pour les yeux.

Il se tourna un instant, avisant le bouquet de lys qui lui avait été offert par le Cardinal-Archevêque de Césarée. La discussion, quant à elle, divergea sur les sujets plus sérieux auxquels faisaient face les prélats de l'Assemblée épiscopale de France.

- En effet, la situation est bien difficile, que ce soit pour les prélats plus expérimentés comme pour les plus jeunes. La croisade étant déclarée par le Saint-Père, il nous faut toutefois mettre nos plus grandes hésitations de côté et avoir confiance en son action. Cependant, je vous avoue que le factionnalisme dans l'Assemblée m'inquiète beaucoup, surtout le degré d'acrimonie envers les positions énoncées. Quelle perte ce sera pour l'Église si des prélats comme Monseigneur Aurélien ou Monseigneur Yut se retrouvaient en froid avec elle. Déjà que nous peinons à combler les évêchés et les cures. Il nous faut revenir, je le crois, à une formule de débat plus respectueuse, même si les divergences sont grandes et que parfois, certains de nos collègues sont dans l'erreur, n'en convenez-vous pas?

Il laissa quelques temps à sa collègue pour répondre.
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Eloin

Le coffret devant les yeux, elle chercha un bref instant ce qu'elle voulait, avant de se saisir d'une poignée de feuilles de sauge. Idéales pour les migraines, cette plante avait également le mérite d'agir sur nombre d'autres affections.

J'eus la chance d'avoir du temps à consacrer à l'étude des plantes et de leurs bienfaits, durant mes jeunes années, pour autant je connais des herboristes qui en savent bien plus que moy sur le sujet !

Je pourrais vous faire parvenir une copie de mon herbier, si cela vous tente...

Un petit sourire accueillit son invitation à venir visiter la cité d'Avignon. Il luy faudrait trouver le temps d'entreprendre si long voyage, et choisir le bon moment, surtout. Elle se refusait à voyager trop loin en hiver, désormais, ses articulations vieillissantes la faisaient suffisamment souffrir sans qu'elle n'aille inventer des folies !

Ma foy, lorsque les routes de France seront un peu plus sures, je pourrais envisager de venir vous rendre visite.

Le regard de l'abbesse suivit la direction indiquée par le Primat, et son sourire s'élargit lorsqu'elle vit le bouquet en question. Elle avait rarement eu l'occasion de voir des lys, cette simple vision la rendit donc heureuse.

Il est, en effet, dans nostre intérêt commun de ramener un certain calme dans nos débats, et j'espère vivement que nous pourrons apaiser certains esprits... frondeurs, dirais-je.

Déjà, cette proposition de déclaration commune me paraît une bonne chose, en ce qu'elle nous permet de nous rassembler sur une opinion qui sera rendue publique. C'est un premier pas vers une réconciliation entre les membres de nostre assemblée, mais peut-estre suys-je un peu trop confiante sur ce point.

En tous cas, il faut éviter que les tensions ne deviennent insurmontables, au risque, comme vous le disiez, de perdre certains de nos membres.

Tous ces débats houleux luy rappelaient le temps, bien lointain maintenant, où elle se mêlait de politique. Les salons de l'AEF ressemblaient parfoys aux salles des conseils comtaux lors des grandes discussions...
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Héraldique

Navigius

Le sauge, excellent choix. L'italien, pour sa part, se saisit d'un peu de camomille, qui une fois infusée produisait un breuvage qui le détendait grandement, ce qui était nécessaire pour passer au travers des longues soirées de travail et des questions qui turlupinaient la conscience à tout moment, certainement en ces temps difficiles. Il continua la discussion avec grand intérêt.

- Ma foy, ce serait avec plaisir, bien que j'espère que votre herbier s'accompagne de descriptions, parce qu'en dehors de mon champ d'expertise, je dois avouer que je suis fort peu expérimenté. De même, je fais majoritairement venir mes réserves d'herbes de la part de fournisseurs, n'ayant plus la force d'aller me promener en forêt pour découvrir les pousses les plus fraîches. Je laisse cela aux jeunes.

La discussion migra sur l'AEF, un sujet beaucoup plus épineux que les fleurs, même les roses. Il songea un instant aux paroles de l'Évêque de Limoges, avant d'y formuler une réponse :

- Et bien, je vous dirais que la déclaration commune vise surtout à faire taire des rumeurs de schisme majeur dans l'Église. Toutefois, les interventions de certains zélotes manquant de modestie sont difficiles à supporter pour quelques collègues. L'AEF est une étrange créature à diriger, je vous l'avoue, la gestion des égos prend parfois tellement de temps. Je crois qu'il faut agir, pour réconcilier les factions, en gardant à l'esprit que bien qu'amoureux de la paix, le Saint-Père lui même a décrété la Croisade. Il ne nous revient pas de remettre son auguste jugement en doute, mais il nous revient de mener aux mieux l'exécution de ses décisions, n'en convenez-vous pas? Comment est perçue toute cette situation dans le Limousin?
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Et l'abbesse de hocher la teste avant toute réponse.

Vous y trouverez tout ce qu'il vous faut, soyez-en assuré ! La création de cet herbier fut réalisée en mesme temps que la création du séminaire médical cistercien, il était important pour nous de nous munir du maximum d'informations qui pourraient estre nécessaires à nos futurs élèves.

Ainsi avions-nous pris soin de répertorier, pour chaque plante, les effets, la description des parties utilisables, et les endroits où elle sont susceptibles de pousser.
Nous avons également pris le parti de faire pousser, au seing du jardin de simples de Noirlac, toutes les plantes qui s'adapteraient au climat berrichon. Ce qui réduit sensiblement le coût de production des remèdes.

D'ailleurs, vous y serez le bienvenu si vous le souhaitez !

L'abbaye était certes riche, de part les productions diverses et variées qui se vendaient régulièrement aux marchés voisins ; de part les dons de riches mécènes ; et de part les cisterciens eux-mesme, car nombre d'entre-eux léguaient la plupart de leurs biens à l'abbaye au jour de leur trépas. Mais cet équilibre restait fragile, aussi les moines veillaient-ils à assurer, autant que faire se pouvait, l'auto-subsistance.

Un sourire teinté d'un peu d'ironie erra sur les lèvres de la moniale lorsqu'il parla du dur labeur qu'était la direction de l'Assemblée.

Certainement ! Je ne suys moy-mesme guère favorable à la croisade, puisque j'ai depuys longtemps fait le choix du Verbe plutôt que celuy des Armes, mais je me range à l'avis de nostre Sainct-Père.

Et bien, officiellement le comte, Erabal de Kerry, a prononcé la neutralité du comté, mesme s'il a prêté allégeance au roy avant mesme que je ne puysse luy jeter deux mots de ce que cela luy faisait encourir pour le salut de son âme.
Et je dois dire que la situation est fort calme, il n'existe point d'affrontements entre les deux camps au seing du comté, comme cela se peut voir dans d'autres provinces. La loy martiale a tout de mesme été décrétée, vu le nombre de brigands qui rôdent sur les routes en ces heures sombres.

Adoncques, soit les limousins sont tous neutres, et souhaitent continuer à vivre paisiblement alors que d'autres provinces se déchirent ; soit ceux qui ont pris parti se taisent pour sauvegarder la neutralité du comté et leur peau...

En tous cas, je suys heureuse de pouvoir dire que ces évènements ne font point reculer la foy, puisque j'ai récemment pu nommer un curé à Limoges. J'ai également un sacristain en attente de nomination sur Tulle, et deux clercs potentiels pour Ventadour.
Du côté des fidèles, ce début d'année semble fertile, puisque j'ai procédé aux épousailles du comte en exercice, et enseigné la pastorale à une demy-douzaine de croyants.
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Héraldique

Navigius

L’avignonnais eût une expression de ravissement devant le degré de complétion de l’herbier dont il était question. Il aurait enfin la chance de s’instruire en la chose et d’agrandir son savoir. La connaissance, même lorsqu’âgé, demeurait inestimable.

- Ma foy, j’ai grande hâte de pouvoir consulter cet herbier. Pour ce qui est d’une visite à Noirlac, il faudra bien organiser cela, j’y suis allé jadis, mais pas dans les récentes années. Lorsque la situation se sera calmée, il me fera grand plaisir de visiter et Noirlac et Limoges! Mais pas avant que j’aie réussi à vous attirer à Avignon. Je ferai venir des nougats de Montélimar, ma paroisse du Dauphiné, afin de vous convaincre de venir au printemps.

Il écouta le résumé de la situation en Limousin avec grand intérêt, prenant quelques notes mentalement afin de formuler une réponse à la fois compréhensive et sage. Lorsque la moniale eût terminé, il répondit doucement :

- Et bien tout d’abord, je crois que vous faites un excellent travail. Ne vous laissez point juger par la réaction de votre comté. Cultivez les alliances, cultivez l’amitié du peuple, et vous serez protégée contre une tentative de vous déstabiliser. Pour ce qui est de la politique, introduisez le concept que le Limousin souffrira des conséquences de cette guerre même s’il demeure neutre, le Roy cherchant à s’approprier le pouvoir spirituel et les généreux votes qui viennent avec lui lors d’éventuelles élections royales, s’il venait à trépasser. Il pourrait donner à sa faction le pouvoir pour des siècles à venir. Continuez votre travail pastoral, c’est notre première et plus importante mission.

Il passa sur un sujet plus épineux, avec une question fort simple.

- Dites-moi, j’apprécie votre avis sage, que pensez-vous de la polémique se dessinant autour de Monseigneur Aurélien? Je vous avoue en avoir le cœur embrumé, tant j’ai grande amitié pour lui, avec qui j’ai gravis les échelons du clergé pratiquement en même temps.

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Eloin

Un sourire amusé égaya le visage ridé de l'abbesse à la réponse du Primat. Ce dernier ne manquait point de ressources pour la convaincre de voyager jusqu'en Avignon !

Ma foy, donnons-nous rendez-vous au printemps, j'ose espérer que la situation se prêtera plus aux voyages d'agrément d'ici-là ! Et je serais curieuse de goûter ces fameux nougats. Vous estes le second à m'évoquer ces douceurs que je n'ai encore jamais vues...

C'est le père Bardieu qui serait ravi si elle parvenait à faire venir le Primat au seing mesme de leur abbaye ! Songea-t-elle, tandis que Navigius l'abreuvait de conseils pour son diocèse.

Je ferais de mon mieux, monseigneur, mesme si je sais que ce ne sera guère simple de faire ouïr la voie du Très-Haut à certains.
Le Limousin a longtemps été une terre peu croyante, et monseigneur Angelo, mon prédécesseur -comme vous le savez, déploya une grande énergie pour redonner de la visibilité à une église un peu ternie par les absences régulières de celuy qui fut évesque de Limoges avant luy. Je n'ai rien à reprocher à monseigneur Childebert, je ne me permettrais point de jeter opprobre sur un homme que l'on dit presque centenaire, mais il faut bien avouer que le diocèse n'était guère au mieux lorsque monseigneur Angelo en hérita...

Je ne laisserais point tomber l'oeuvre pastorale, c'est le plus agréable de mon travail ! Je reste avant tout une humble servante du Très-Haut et, en cela, je préfères amplement enseigner la pastorale ou unir deux fidèles, plutôt que d'assister à certaines discussions pesantes...

Point besoin de préciser qu'elle évoquait ainsi les dernières escarmouches ayant eu lieu au seing de l'AEF, nul doute que l'esprit perspicace du Primat ferait le lien.

Et la moniale retint un soupir ennuyé lorsqu'il luy manda son avis sur un nouveau sujet. Au bout d'un bref silence, elle expliqua du mieux qu'elle le pouvait son point de vue, le regard rivé sur le paysage qui se devinait par la fenêtre.

Il m'est difficile d'évoquer l'attitude du Grand Aumônier et le remous que cela cause en nos salles de débat...

Monseigneur Aurélien est un prélat pour lequel j'éprouve un grand respect, tout d'abord parce qu'il a le courage d'assumer ses opinions. Il n'hésite point à prendre parti contre une majorité, au risque d'estre hué, comme c'est actuellement le cas.

C'est luy qui me permis d'estre diaconesse, puys abbesse de Bordeaux, alors que je venais juste de m'installer en cette cité après avoir vécu la première partie de mon existence en Maine, sous l'égide, principalement, de monseigneur Zabouvski.

J'ai toujours admiré la prestance de celuy qui était alors archevesque de Bordeaux, et sa volonté de combattre tous les opposants de l'église, qu'ils soient réformés ou simplement simples d'esprit. C'est d'ailleurs pour cela que je fus honorée d'apprendre qu'il souhaitait estre le second prélat à officier pour mon intronisation épiscopale, aux côtés de monseigneur Bender.

Le connaissant, je comprends sa position actuelle. Je pense qu'il s'imagine pouvoir encore raisonner Eusaïas, parce qu'il est dans sa nature de ne jamais s'avouer vaincu...
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Héraldique

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L'avignonnais acquiesça gravement de la tête devant le diagnostic porté par l'Évêque de Limoges au sujet de l'Archevêque Métropolitain de Reims. Il partageait les constats entièrement, son respect pour son vieil ami étant demeuré intact pendant les années. Il répondit par de courtes paroles.

- Chère amie, vous parlez avec sagesse de notre cher Aurélien. J'ose espérer que le tumulte actuel n'aura point raison de lui, tant j'estime son conseil et ses opinions divergents. Le débat a pris une tournure acide très détestable, je crois qu'il faudra ramener un peu de raison en tout celà.

Il prit une légère pause, puis reprit.

- Chère amie, je crois qu'il est temps de ramener dans le droit chemin notre assemblée qui s'est éloignée à la foy des vertus de compassion et d'entraide mais aussi de la plus élémentaire politesse et déférence. J'ai besoin de votre calme, j'ai besoin de votre sagesse. Comme vous le savez, le mandat primatial se termine dans un mois. Je comptes offrir ma candidature à nouveau à l'appréciation de nos collègues, mais j'aimerais que vous vous joigniez à cette éventuelle équipe primatiale comme Vice-Primat. Qu'en dites-vous? Aimeriez-vous ce défi civique et spirituel?
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Eloin

Un bref hochement de teste approuva le diagnostic du Primat.

Certes. Il me déplaît également de voir comment certains de nos frères se disputent au moindre mot lancé de travers. Le pire, selon moy, ce sont les sous-entendus qui semblent fuser telles des étoiles filantes...

A l'amorce de la proposition émise par le prélat, l'abbesse haussa tout d'abord un sourcil, avant d'en rester bouche bée, littéralement. Mais ce fut bref car, ne voulant point donner l'image d'une carpe tout juste pêchée, Eloin referma prestement la bouche, réfléchissant à ce que cela pourrait engendrer dans les moys à venir.

Elle, si discrète, si mesurée, oserait-elle s'opposer à certains agités de l'Assemblée pour tenter de ramener le calme, comme l'avait fait leur homologue de Nevers durant l'emprisonnement du Primat ? Rien n'était moins sur, il était des moments où elle préférait amplement se terrer derrière le premier pilier disponible !

Et bien... C'est une proposition fort honorable, monseigneur, mais... Je ne sais si je serais à la hauteur de ce que demande pareille charge...

Je ne serais point premier Vice-Primat, cela est certain. L'expérience au seing de cette assemblée me manque, pour pouvoir seconder sereinement son guide.
Mais peut-estre second Vice-Primat ? Il me faut y réfléchir un peu !

La cistercienne porta la tisane fumante à ses lèvres, et en savoura quelques gorgées, avant d'engager la conversation sur un nouveau sujet. Après tout, autant en profiter tant qu'elle était au calme avec le Premier des Evesques de France !

J'aurais une situation d'ordre plus... local, à vous exposer. Vous savez peut-estre que l'une des paroisses de mon diocèse, La Trémouille, se trouve en comté de Poitou.

Soeur Malone, la diaconesse, m'a récemment informée de ce qu'elle avait reçu demande de plusieurs poitevins souhaitant se marier ou se faire baptiser à La Trémouille.

Elle a accepté pour une personne seulement, dont elle est proche, et après avoir reçu l'aval de monseigneur de Poitiers. Mais elle se demande si elle doit procéder de mesme pour tous ceux qui prennent contact avec elle, au risque de détériorer les relations entre mon diocèse et celuy de Poitiers ; ou s'il luy faut tout refuser, au risque cette foys de provoquer l'incompréhension et/ou la colère des fidèles.

J'aimerais vostre avis sur le sujet...

Parce que bon, passait encore de s'estre presque ridiculisée en soutenant la première idée de Minlawa sur l'affaire d'Angers ; mais maintenant qu'elle savait qu'il avait outrepassé ses droits, il était hors de question qu'elle aille inventer similaire ânerie au seing de son diocèse !
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Le Primat de France observa la réaction de l'Évêque de Limoges avec grand intérêt. Certes, il savait que l'offre qu'il venait d'avancer sur la table bousculait fort probablement la conception de celle-ci par rapport à son propre ascendant dans l'Assemblée. Les dépositaires de la force tranquille forgée par un caractère circonspect, pieu et sage prenaient généralement plus de temps à s'épanouir à son avis, que ceux agités par la conviction profonde de détenir la vérité. Trait de caractère, assurément. Toutefois, il voyait en elle la marque d'un grand esprit et surtout un gage sure d'une personne qui ne risquait pas de devenir une créature indolente avec le peu de pouvoir à sa disposition. Il sourit puis répondit à ses observations sur un ton calme et amical.

- Vous doutez de vos capacités chère amie, et je vous avoue que cette réaction me conforte dans la qualité de mon jugement à vous faire cette offre. Je vous sais humble, le doute est normal, mais je crois que vous avez en vous la force de faire un travail honnête. J'ai toujours un oeil sur le futur, je ne me crois point éternel, si bien qu'il me faille songer à cultiver les prélats de l'Assemblée tel un jardinier et chercher à faire s'épanouir ceux qui sont destinés à faire les plus belles et vertueuses fleures. Je comptes bien entendu, offrir à Monseigneur Fitz de demeurer Premier Vice-Primat, sa conduite honorable dans les récents mois lui valant assurément cette distinction. Je comptes aussi approcher notre collègue Monseigneur Nono, Évêque de Rodez, afin de compléter le trio vice-primatial. Je crois que cela ferait une équipe de qualité, alliant jeunesse et expérience, ayant comme fil conducteur un profond respect pour la paix, la concorde et le respect. Si vous acceptez, nous devrons rapidement deviser sur un programme primatial, les élections approchant rapidement. J'aimerais des engagements sur lesquels vous seriez intéressée à travailler, simples et réalisables, trop de programmes lourds ne voyant pas le jour, le mien au premier chef, mea culpa.

Il laissa ses paroles faire leur effet, écoutant en retour la situation particulière qui émanait des relations entre l'évêché de Limoges et celui de Poitiers. Il était fort attristé de la longue absence et possible disparition de l'Évêque Forth_With, qu'il tenait en haute estime pour sa politique d'éviter Rome et de demeurer fort actif en son diocèse, une sorte de provincialisme qui frappait une corde aimante dans le coeur de l'italien. Hélas, face aux sentiments, la réalité, elle, commandait une action.

- Voilà une situation intéressante, puisqu'elle demande à la fois rigueur et flexibilité. Il faut à tout prix éviter ingérence dans le diocèse d'un autre prélat, il s'agit d'un concept malsain et dangereux, même lorsque bien intentionné. En ce sens, il ne m'apparait pas problématique qu'elle desserve les paroissiens du diocèse de Poitiers, si chaque fois, autorisation en bonne et due forme est obtenue. En l'absence de réponse de Monseigneur Forth_With, je recommandes que vous obteniez la permission de son Métropolite, l'Archevêque de Bordeaux. Celà me semble en concordance avec la hiérarchie ainsi que le respect de la non-ingérence. Toutefois, je sais la situation pénible et engendrant des étapes supplémentaires qui peuvent allonger le processus. C'est pourquoi je comptes relancer la situation de Poitiers rapidement. J'attends un avis de Monseigneur Lyonnis avant de procéder, j'aimerais que nous trouvions au moins un candidat pour Poitiers avant de proposer la révocation de Monseigneur Forth_With, une cathèdre vide étant trop alléchante pour certains opportunistes ces mois-ci. Qu'en pensez-vous?

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