Alors qu'il entra dans la cathédrale, il vit que les paroissiens s'étaient installés ici et là, épars dans les diverses rangées. Il y avait bien un petit agglutinement en avant, mais somme toutes, l'endroit offrait l'espace nécessaire pour permettre à ceux préférant la discrétion de trouver leur pitance. Comme à chaque messe qu'il célébrait, l'ecclésiaste italien avait fait débarrer une porte qui donnait sur le côté de l'édifice, par laquelle les personnes moins recommandables pouvaient venir assister à l'office sans être reconnus. C'était là la mesure de l'esprit aristotélicien de l'homme, un esprit que l'on pouvait effectivement compter en voie de disparition tant l'Église de France était secouée par des querelles et un manque cruel de vocation. Néanmoins, tant qu'il avait le souffle, il continuait, imperturbable dans ses convictions.
Sortant de ses pensées, il fit un bref signe de la main à Soeur Justine, qui était arrivée du couvent lescurien de Rouen quelques jours auparavant afin de prendre charge de la chorale des enfants de Tarbes, une initiative qui était fort appréciée pour agrémenter les longs offices. Cette dernière, sérieuse, fit signe aux choristes dont la voix empli très rapidement la Cathédrale, proposant un quantique grégorien mélodieux aux paroissiens.
Flanqué de deux enfants de choeur, portant chacun des cierges, il descendit l'allée, au rythme de la musique et au son caractéristique de sa canne frappant le roc du sol. Souriant et affable, il salua d'amples gestes les personnes qu'il croisa, s'arrêtant un bref instant à la hauteur de Dame Ermelina et de son conjoint, fort heureux de les savoir présent, ayant été informé de l'état de santé précaire de la diaconesse. Il leur sourit et eût un hochement de tête de sympathie à l'égard d'Enguerrand, lui témoignant son estime pour le support qu'il offrait à sa femme. Il reprit la descente de l'allée puis fit une pénible génuflexion, âge oblige, devant le choeur, avant de monter près de l'autel. Il se retourna, et débuta ainsi l'office, par ces mots qu'il avait fait résonner dans plusieurs églises de France, de l'Artois à l'Armagnac, du Lyonnais-Dauphiné à l'Anjou :
- Fratelli e Sorelle! Frères et soeurs! C'est ainsi que nous débutons toute célébration, en guise de rappel qu'entre ces murs, nous sommes tous et toutes égaux. Égaux devant Dieu, égaux de dignité, profitant de manière égale de son amour et de notre qualité d'enfants du Très-Haut. Nous sommes réunis aujourd'hui afin de témoigner au Très-Haut notre amour et notre gratitude, à nous, ceux choisis parmi les créatures de toute la Terre, puisque notre nature tend vers lui et son amour. Aujourd'hui, 29 novembre 1460, nous célébrons aussi la fête d'un Saint, Nicholas V, éminent pape et homme de grande foy. Nous le découvrirons ensemble, afin de nous inspirer de son exemple et de chercher comment améliorer nos vies en misant sur ses qualités et ses défauts, progressant ainsi vers l'exercice dans nos vie d'une vertu plus parfaite.
Il se déplaça quelque peu vers un lutrin, où se trouvait l'imposant livre des vertus. Il regarda l'assemblée, scrutant les fidèles les uns après les autres, avant de dire d'une voix calme.
- Se trouverait-il d'entre vous qui aimeraient venir faire la lecture du premier texte de cette messe? Un courageux où une courageuse sachant lire, où alors une personne ne sachant pas lire à qui je pourrais souffler les mots?
Il se demanda un instant qui oserait. (Envoyer MP si intéressé).
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Archevêque Suffragant d'Avignon
Primat de France
"Sic nos sic sacra tuemur"