Volkmar
Paris, dans une aube d'hiver qui avait vu les portes ouvrir avant même l'apparition des premiers rayons du soleil. Il faisait... Frisquet. Pour ne pas dire qu'on se les caillait. Même avec une épaisse fourrure offerte par sa dulcinée sur le dos, le Rouge n'avait qu'euphorie à envisager une bonne flambée et un gobelet de vin chaud, pour l'arrivée du périple. Par instant, lâchant les rênes de sa monture, il se frottait les mains pour les réchauffer. De loin en loin, les rues froides résonnaient encore des premiers bruits d'éveil, dans une atmosphère gelée par le givre et les rafales de vent dans les traverses trop droites et trop longues. Dans le petit groupe autour du Bouillonnais, une demi douzaine de personnes. Soldats, reîtres, tous peu recommandables et pourtant chaudement recommandés et pour les mêmes raisons.
Et un homme sans tête.
En fait, il en avait toujours une, grâces en soient rendues à Deos. Mais le sac de toile qui la recouvrait masquait ses traits au monde extérieure aussi bien qu'il masquait le dit monde au regard de ce qui était, manifestement, un prisonnier.
Un prisonnier mis à part cela vêtu chaudement, mais sans marque distinctive d'aucune sorte, et lié à sa monture par les jambes et les mains liées elles mêmes entre elles. Il ne s'agissait ni de lui laisser du champ, ni de le laisser tomber... Au sens propre, car manifestement, sa bonne étoile l'avait abandonné pour qu'il se retrouve ainsi saucissonné en la capitale.
Sa monture était menée par le cavalier juste devant, au licol. Là encore, ça n'avait pas forcément été une partie de plaisir. Si il n'avait pas fait tout le voyage encagoulé, une partie en avait néanmoins été faite en travers d'une monture comme un sac de grain, pour presser l'allure. Et chaque traversée de ville lui avait valu d'être coupé de tout moyen d'échange.
Dans l'ensemble, le trajet s'était ainsi plutôt bien déroulé. Pas de brigands notoires pour intercepter ce groupe d'épéistes manifestement aguerri et sans remords pour un couillon de bandit de grand chemin.
Pas de zélote aristotélicien pour avoir la bêtise de tenter la libération du prélat qu'on emmenait à des fers plus proches de son condamnateur. On avait tout fait pour que ce prélat ci ne voit pas son épopée se diffuser outre mesure, passées les frontières du Béarn.
On avait même fait en sorte que durant les quelques longues journées de cette remontée du royaume, le prisonnier ne meurt ni de faim, ni de soif, ni de froid, de fatigue ou d'ennui, par une générosité assurément digne d'éloge. Surtout qu'à voir l'état du prélat en sortant des geôles du Béarn, il avait peut-être été mieux nourri sur la route qu'au fond du trou. Si l'on voulait le juger, il valait mieux qu'il parvienne vivant à destination.
Le vermeil tira sur le mors, et vint caler son allure sur celle de son petit protégé, avant de prendre le parole sur le ton affable auquel il s'était accoutumé depuis le départ.
"Monsieur, nous en avons bientôt fini de votre déménagement. Votre nouvelle demeure est en vue. J'espère que vous ne nous saurez pas trop grief l'inconfort du voyage, mais vous savez.. Avec la gangrène qui touche l'Eglise corrompue de toute part et toutes sortes de manières, comment s'étonner que le reste du monde n'en soit que plus instable."
Un léger rire lui échappa, moqueur. Avec la croix de Genève qui ornait ostensiblement le col du Rouge, et les prières quotidiennes qui s'en trouvaient amplifiées par l'arrivée du vendredi, il n'avait pas pu échapper au "monsignore" sous escorte que son nouveau geôlier était réformé. Celui là n'avait d'ailleurs rien fait pour le cacher, à parler de Deos et se moquer de Rome. Et ses hommes, sans exception, avaient été choisis pour leur propension à mépriser la ville "éternelle"... ment souillée par linfamie.
Le moustachu donna une claque amicale sur l'épaule de l'anonyme.
"Deos vous garde, "monsignore", c'est là que je vous laisse. Je saluerai le roi pour vous, si vous le voulez. Oh. Pendant que j'y pense. Nous avons pris avec nous quelques uns de vos biens, livres, vêtements, mais.. Je crains que nous ayons égaré votre nécessaire à écriture. C'est une chose qui advient, lors des déménagements.."
Encore un léger rire, et le moustachu, plutôt content de lui, pressa le pas de sa cabale pour reprendre la tête. Les rues s'animaient désormais, et il lui tardait d'arriver. Il avait fait une pause la veille dans le seul but de parvenir en la ville avant que tout ne s'excite, avant que Paris ne s'éveille. Et même calculé au poil, ça avait été juste.
Enfin, les murs du Châtelet s'étendaient au dessus de sa tête. Un peu de boucan attirerait sans doute quelque garde pour ouvrir la porte. Un signe à un reître, et...
"Ohééé, du châtelet ! Un paquet pour le roi !"
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Et un homme sans tête.
En fait, il en avait toujours une, grâces en soient rendues à Deos. Mais le sac de toile qui la recouvrait masquait ses traits au monde extérieure aussi bien qu'il masquait le dit monde au regard de ce qui était, manifestement, un prisonnier.
Un prisonnier mis à part cela vêtu chaudement, mais sans marque distinctive d'aucune sorte, et lié à sa monture par les jambes et les mains liées elles mêmes entre elles. Il ne s'agissait ni de lui laisser du champ, ni de le laisser tomber... Au sens propre, car manifestement, sa bonne étoile l'avait abandonné pour qu'il se retrouve ainsi saucissonné en la capitale.
Sa monture était menée par le cavalier juste devant, au licol. Là encore, ça n'avait pas forcément été une partie de plaisir. Si il n'avait pas fait tout le voyage encagoulé, une partie en avait néanmoins été faite en travers d'une monture comme un sac de grain, pour presser l'allure. Et chaque traversée de ville lui avait valu d'être coupé de tout moyen d'échange.
Dans l'ensemble, le trajet s'était ainsi plutôt bien déroulé. Pas de brigands notoires pour intercepter ce groupe d'épéistes manifestement aguerri et sans remords pour un couillon de bandit de grand chemin.
Pas de zélote aristotélicien pour avoir la bêtise de tenter la libération du prélat qu'on emmenait à des fers plus proches de son condamnateur. On avait tout fait pour que ce prélat ci ne voit pas son épopée se diffuser outre mesure, passées les frontières du Béarn.
On avait même fait en sorte que durant les quelques longues journées de cette remontée du royaume, le prisonnier ne meurt ni de faim, ni de soif, ni de froid, de fatigue ou d'ennui, par une générosité assurément digne d'éloge. Surtout qu'à voir l'état du prélat en sortant des geôles du Béarn, il avait peut-être été mieux nourri sur la route qu'au fond du trou. Si l'on voulait le juger, il valait mieux qu'il parvienne vivant à destination.
Le vermeil tira sur le mors, et vint caler son allure sur celle de son petit protégé, avant de prendre le parole sur le ton affable auquel il s'était accoutumé depuis le départ.
"Monsieur, nous en avons bientôt fini de votre déménagement. Votre nouvelle demeure est en vue. J'espère que vous ne nous saurez pas trop grief l'inconfort du voyage, mais vous savez.. Avec la gangrène qui touche l'Eglise corrompue de toute part et toutes sortes de manières, comment s'étonner que le reste du monde n'en soit que plus instable."
Un léger rire lui échappa, moqueur. Avec la croix de Genève qui ornait ostensiblement le col du Rouge, et les prières quotidiennes qui s'en trouvaient amplifiées par l'arrivée du vendredi, il n'avait pas pu échapper au "monsignore" sous escorte que son nouveau geôlier était réformé. Celui là n'avait d'ailleurs rien fait pour le cacher, à parler de Deos et se moquer de Rome. Et ses hommes, sans exception, avaient été choisis pour leur propension à mépriser la ville "éternelle"... ment souillée par linfamie.
Le moustachu donna une claque amicale sur l'épaule de l'anonyme.
"Deos vous garde, "monsignore", c'est là que je vous laisse. Je saluerai le roi pour vous, si vous le voulez. Oh. Pendant que j'y pense. Nous avons pris avec nous quelques uns de vos biens, livres, vêtements, mais.. Je crains que nous ayons égaré votre nécessaire à écriture. C'est une chose qui advient, lors des déménagements.."
Encore un léger rire, et le moustachu, plutôt content de lui, pressa le pas de sa cabale pour reprendre la tête. Les rues s'animaient désormais, et il lui tardait d'arriver. Il avait fait une pause la veille dans le seul but de parvenir en la ville avant que tout ne s'excite, avant que Paris ne s'éveille. Et même calculé au poil, ça avait été juste.
Enfin, les murs du Châtelet s'étendaient au dessus de sa tête. Un peu de boucan attirerait sans doute quelque garde pour ouvrir la porte. Un signe à un reître, et...
"Ohééé, du châtelet ! Un paquet pour le roi !"
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