Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP][Vers Semur] Fantômes, soldats ou gisants.

Herode
Citation:
RP ouvert à tous ceux qui ont une raison - et une envie - de se trouver là.
Mais quel est ce ?
En premier lieu : les campements de soldats autour de Sémur ; campements royalistes à l'heure où s'ouvre ce fil mais qui sait de quoi demain sera fait ?
Après, tout ce qui traine autour : l'hospice où sont soignés les blessés pour commencer.
Le reste, c'est à votre imagination qu'il devra peut-être d'exister.
Bienvenue à tous ceux qui le veulent, autour de Sémur, dans le respect des règles du RP


[Hospice des Gris Faillis, à une lieue de Sémur]

Ci gisent tant d'âmes oubliées que les murs pleurent et les jours et les nuits.

Certains disent que ce sont les larmes des morts.
D'autres disent : fadaises ! c'est la rosée !

La rosée.


Je sais ce que pleure le jour. Je l'ai pleuré aussi.
C'est à cela sans doute qu'il nous sert de mourir.
La nuit est noire mais oublieuse.
La nuit nous dissimule tout : la souffrance comme la beauté.
La souffrance pour commencer.

Pourtant, elle est le prix de la beauté.
Je veux dire : de la vie.

Etienne se redresse sur sa couche. Elle est faite de poussière et de foin. Le foin sous les corps souffrants des malades, des blessés, laisse jaillir dans la salle immense tendue de pierres jaunes et grises, laisse jaillir l'odeur forte et musquée des souffrances décomposées.

Il y a des râles aussi dans la grande nuit moite, puante et glacée qui roule cet hiver entre les vastes colonnes de grès sculpté.

Il y a des corps qui se tordent, des gorges qui gémissent. Des âmes qui s'évanouissent enfin dans le grand calme gris des oublis. D'autres qui brûlent et se ramassent en scories.
Elles vous envahissent les bronches, elles vous prennent à la gorge.
Leur agonie vous étouffe. Puis leur mort vous délivre.

A la droite d'Etienne, un homme a rendu l'âme. Son chant d'adieu a duré trop longtemps. Il lui a arraché la gorge et les poumons.

Libre enfin à jamais !


Je sais où tu vas, inconnu.
J'en reviens. Nous y finirons tous.
A bientôt et salut !

Etienne est secoué d'un quinte de toux. Il crache sang et vie. Se réveille parfois et alors, il écrit les fragments d'une lettre comme si elle allait le sauver.

Il l'a achevée ce matin, une des soeurs converses qui hante l'endroit l'a mise sous pli et l'a envoyée à Nevers où elle devait aller.

Etienne lui a chuchoté la destination avant de sombrer à nouveau dans la nuit douloureuse qui forme la frontière entre vie et trépas, vie et oubli, souffrances espoirs mouvements et infinis silence paix.


Il a reposé la tête sur la paillasse de foin aigre où il gît. La douleur le reprend. Fièvre en guise d'épreuve et de rédemption.

Il se rendort et il rêve. Ou perçoit.

_________________
Etienne LaHire, dit Herode
Balius
La guerre faisait rage, les corps tombaient les uns après les autres, laissant là leur vie à jamais rompue.

Balius n’avait rien à voir avec tous ces hommes qui se décomposaient tel des débris envahissant une surface pleine. Il n’avait pas combattu, trop frêle pour cela ou alors pas assez courageux, il préférait veiller sur la sœur du patron, son amie à tout jamais plutôt que d’aller ôter la vie à ses semblables.

Mais aujourd'hui il était là, sur ce campement aux âmes envolées, prêtant main forte aux sœurs débordées mais surtout cherchant un homme, cet homme à qui il devait parler.

Il scrutait chaque visage ensanglanté, certains reconnaissables et pourtant inconnus au jeune serviteur, d’autres déformés par la douleur ne lui inspirait aucunes confiance en lui, augmentant le doute sur sa présence ici.


- Venez m’aider à sortir le corps de celui du fond, il a trépassait et nous devons l’évacuer pour laisser la place aux prochains.

On venait de le sortir de ses sombres pensées, Balius obéit d’un pas rapide, et si c’était lui ? Et s’il était déjà mort ? Et s’il n’était pas ici ? Tous ce temps perdu à le chercher… Le doute et la peur l'envahissait à chaque fois qu'il s'apprétait à découvrir un visage connu, il ralentit sa cadence. D’un geste incertain et aider de sœurs plus habiles que lui, ils recouvrèrent ce corps parti au sommet des cieux pour l’entasser avec les dizaines d’autres, attendant là leur sort déjà bien sceller. Ouf, ce n'était pas lui.

Et voila déjà qu’un nouvel homme prenait place sur la poussière de tous les précédents.
Parmi_les_ombres
En ce matin du 16 février de l'an de grâces 1461, Antoine-Alexandre Barbier de l'Assomption est fort fatigué.

La nuit a été longue. L'armée royale s'est ébranlée hier en direction de Dijon pour tenter, une nouvelle fois, de briser le siège de la ville. Là-bas, les défenseurs tiennent vaillamment. Assaut après assaut, les assiégeants usent leurs forces sur les remparts que tiennent encore, contre toute attente, une vaillante poignée de soldats.

Près de l'hospice, les campements royalistes sont vides à présent, réduits à quelques tentes pour l'intendance : armée en marche ou à l'arrêt, il faut toujours approvisionner les soldats en nourriture, en eau fraîche, les montures en paille et en foin, les infirmiers en bandages frais et en pommades pour les premiers soins.

Ce matin, les soeurs converses en charge de l'Hospice finissent à la hâte de préparer des paillasses pour accueillir les prochains blessés. Ici aussi, les provisions ont été rétablies. Herbes, huiles, savons, linge fraichement lavé, pour la plupart repris sur les morts à qui l'on a ôté les chemises pour en faire de la charpie.

Dans la cour, un grand braiser crépite. La paille viciée des couches désertées est jetée là pour y être brûlée. Elle est imprégnée de la sueur des mourants, de sang, de sanie et de toutes les humeurs que peut relâcher un corps agonisant. Deux hommes tournent autour du feu en tendant les mains pour se réchauffer. Il fait humide et froid.

Le grand bâtiment encadre la cour sur trois côtés. A droite, lorsque l'on vient par la route qui serpente depuis Sémur en direction de Dijon, sont les quartiers des soeurs. A gauche, une aile délabrée dont le toit menace de s'effondrer abrite les quelques domestiques ainsi que les cuisines, les étables, une grange où s'entassent des matériaux divers : bancs, outils, une charrue, un atelier sommaire de charpentier.

An fond de la cour, une longue galerie au toit de tuiles noires qui semble garder l'entrée de la salle principale de l'Hospice.

La salle est sombre. A chaque extrémité, venant d'on ne sait où, deux grands gisants de pierre ont été disposés sur un sarcophage de granite rugueux. Un homme et une femme, en armure tous deux. Ils sont allongés à jamais dans l'immobile sérénité des morts. Leur visage est apaisé. Aucun nom, aucune histoire ne les identifie. Ils ont toujours été là, simplement.

A leur manière, ils gardent l'espace immense et sombre de la grande salle où l'on soigne tant bien que mal les blessés. La perfection de leur silence fait contrepoids aux gémissements, aux cris et aux appels qui, souvent, roulent dans l'air glacé de la salle. Leur chair de granite a purgé toute les souffrances possibles.

Ils rêvent sans fin dans leur sommeil de pierre.

Et Antoine-Alexandre Barbier de l'Assomption, chirurgien de son état, fraichement émoulu de l'Académie Royale de Médecine de Montpellier, est fatigué.

L'abus de mauvais vin, hier, dans une taverne sémuroise, lui a gâté la nuit. Toute la matinée, il a attendu des nouvelles des armées envoyées à Dijon. Elles arriveront dans la soirée sans doute, avec les premiers blessés.

En attendant ce nouveau chargement de chairs à découper, amputer, recoudre, refermer, d'os à replacer, à scier, à redresser, il faut finir de traiter ceux qui se trouvent déjà ici. La salle est presque pleine déjà. Une partie des hommes et femmes allongés là sont simplement malades : la maladie fait souvent plus de ravages dans une armée que l'ennemi lui-même. Les autres sont les blessés des combats de la semaine dernière.

Certains luttent encore contre la mort. Ils hésitent à passer le seuil. L'un d'eux s'est réveillé tout à l'heure, a prononcé quelques paroles incohérentes avant de retomber dans les limbes. Un miraculé celui-là : percé de part en part par une lance, il aurait du périr vingt fois. Depuis son arrivée, il reprend connaissance par intervalles, parfois réclame une feuille et du papier, écrit un peu puis s'enfonce à nouveau dans les fièvres. Mais contre toute attente il semble remonter peu à peu vers la vie.

Mais pour l'heure, Barbier est plus préoccupé par le cas de cette jeune femme qu'il a devant lui. Il presse du bout des doigts le mollet noir et gonflé dont le muscle a été tranché profondément par un mauvais coup de hache. La femme ne sent plus rien mais un petit crépitement se fait entendre sous la pression. L'odeur fétide des gaz qui s'échappent de la blessure violacée en dit bien assez long sur ce qui va advenir.

Antoine-Alexandre Barbier de l'Assomption se tourne vers les deux hommes qui viennent d'entrer dans la salle. Les soeurs vont et viennent entre les couches, changeant parfois des bandages, fermant les paupières de ceux qui sont partis et depuis tout ce matin les deux gars sont commis à l'évacuation des morts de la nuit. On les porte au dehors, on les aligne dans une charrette qui les emmènera vers la grande fosse commune. Hormis quelques chevaliers de plus haute extraction qui seront confiés à leurs serviteurs pour de meilleurs funérailles.

- Vous deux, venez ici, j'ai besoin de vous !

Le chirurgien désigne la jeune femme blonde étendue devant lui. Elle est pâle comme la mort. Elle tremble et ce n'est pas que de fièvre et de froid.

- Vous, allez me demander à une soeur infirmière ce qu'il faut comme linge et onguents pour une amputation. Vous, apporter moi deux scies, une grosse et une fine, ainsi qu'un bon couteau. Et puis amenez-moi du feu, le poêle là-bas par exemple.
Après, vous restez tous les deux avec moi. Il va falloir la tenir pendant l'opération.


Sans s'occuper plus longtemps des deux gars, l'homme se penche sur la blessée. Elle a vingt ou vingt-cinq ans ans sans doute. Une écuyère tombée lors du dernier assaut.
Ses traits défaits ont pu être jolis, avant. La fièvre et la douleur ont plaqué sur son visage fin le masque blême des hideurs.

Elle respire vite et fort. Ses yeux brillent d'une lueur farouche. Celle de l'animal capturé qui a compris qu'il n'y a plus d'échappatoire. Elle sait bien ce qui va venir.

- Tenez. Buvez ça, vous sentirez moins la scie.

Il lui tend un flacon de forte gnôle. Espère qu'elle ne sèchera pas tout, il s'en jetterait bien une goulée encore pour se rafraichir l'esprit.
Enjoy
    Au crépuscule de l'hiver.

    Bien des heures après les combats. Des hommes traînent sans difficultés un brancard de fortune. Deux manches enroulés par un drap entaché de sang. Visiblement, son usage est récurent et en ce jour, il transporte cette jeune femme, fière et orgueilleuse. Lors du retour, au milieu des gueules cassées et des gémissants, ses yeux restèrent ouverts. Au seuil de l'hospice, ses paupières sont désormais closes. On la transfert dans une couche nauséabonde. Son arcade sourcilière droite est ouverte, l'hématome a réagi immédiatement et recouvre une partie de son visage. Une plaie peu profonde mais bien visible orne l'arête de son nez. Sa lèvre inférieure pleure d'un liquide écarlate qui s'écoule par intermittence de sa bouche. Son oeil gauche éclot, c'est son seul et unique témoin. Il indique qu'elle est encore consciente. Les lumières vacillent autour et viennent violer sa rétine à chaque instants. Senestre a doublé de volume et offre une teinte violacée. Tout comme le prolongement de son avant bras, fracturé, qui repose sur sa poitrine. Celle-ci monte et descend au rythme d'une respiration nonchalante. Des bleus naissent un peu partout sur le reste de son corps. La douleur la relance et ne lui laisse aucun moment de répit. Elle ressent la sensation désagréable d'un marteau qui ne cesserait de frapper contre une enclume avec entre deux, sa main amochée.

    Brisée, lasse, exténuée pour un combat d'une courte nuit. L'attente ne fut pas au rendez-vous de cette suite tristement annoncée. Son champ de vision désormais restreint tente de balayer le contenu de la salle afin d'en déceler ceux qui en composent l'assemblée. Des agonisants, des morts, des aides et non loin un médicastre qui s'improvise boucher. Sa prunelle valide observe cette jambe, objet de toutes les attentions, alors que le mot "scie" résonne à ses tympans. Même après la brutalité des combats, l'horreur la poursuit. Elle tourne la tête pour s'exempter de ce spectacle morbide. Dure, certes. Malsaine, pas encore.

    La Fougueuse souffre de milles maux qui ne lui permettent pas de trouver le repos. Une larme perle et glisse lentement sur sa joue. La chaleur d'une goutte salée qui s'étale et emporte une infime quantité de sang. Pour venir s'écrouler sur son lit de convalescente. Ses doigts encore valides cherchent sa dague. Un réflexe. Son instinct de survie refait surface. La mustélide est belle, trop, bien trop. Elle sait que dans cet état désastreux, elle devient une proie facile pour quelques badauds qui n'ont pas baisser leurs braies depuis des lustres. Les plus désœuvrés, les plus frustrés ne rechignent devant rien. Même si l'objet de leurs convoitises est une donzelle au faciès tuméfié. Serrant cette lame qui ne la quitte jamais, elle se conforte dans l'idée de ne rien lâcher. Et que le premier qui la touche subira son courroux. Justement. C'est à cet instant qu'un soldat avec le bras en écharpe s'approche doucement.


    Enjoy Corleone ?

    Sa perception n'est plus très bonne, elle décèle juste une silhouette entourée d'un halo blanchâtre, aux formes maigrelettes, une tignasse brune et une missive qui lui fait face. La furette essaie vainement de remuer ses lippes mais aucun son ne se produit. Alors, juste un timide geste donne la confirmation de son identité à ce messager. Non sans mal, elle se saisit du vélin. Les coins sont déchirés et par endroits des flammes ont du le caresser de trop près. Noirci sur toute sa longueur, on peut y apercevoir les lignes d'une écriture familière.

    « Mon Amour... »

    Ce sobriquet mielleux que s'accordent les victimes de Cupidon ne lui procure strictement aucune émotion. Si ce n'est celle d'apprendre que sa cousine est encore en vie, et en bon état. La Mort n'en veut pas, pourvu que ce statu quo dure une éternité.

    « J'espère que ces mots... »

    Sa lecture est lente et chaque parcelles de cette courte lettre la martèlent de sentiments totalement contradictoires. Ce n'est certes pas une annonce funeste, ni celle d'une rupture. Mais l'éreintement poursuit son oeuvre sans relâche et la compréhension en devient extrêmement difficile.




    Mon Amour !

    J'espère que ces mots te parviendront et que tu pourras les lire ou te les faire lire. Tu avais raison une fois de plus. Nous sommes partis nous faire tuer pour rien.

    Je t'ai perdue pendant les combats et quand la retraite a été sonnée, je ne t'ai pas retrouvée. J'ai fini par apprendre que tu avais été ramenée en arrière parmi les blessés.
    Personne ne peut me dire l'étendue de tes blessures. S'ils t'arrachent à moi, je n'aurai de cesse de les tuer tous, un par un jusqu'à ma mort.
    Mon Amour, ma Joy. Ma hache commencera sa vengeance ce soir. Je t'en fais la promesse.

    Je suis tellement désolée, j'ai choisi de risquer ta vie pour un idéal qui ne sera pas. Pardonne-moi...
    Mon aimée, je serai bientôt de retour à tes côtés, dis moi que tu n'as que quelques égratignures.

    Je t'aime

    Laell


    Ce petit mot s'achève physiquement lorsqu'elle le chiffonne pour le tenir dans le creux de sa main. Il restera là. Les phrases se succèdent dans sa tête. La mustélide émet un grognement sourd. Un soubresaut des restes de colère qu'elle n'a pu évacuer sur le champ de bataille. Bien sûr qu'elle l'avait dit. Durant des jours. Chaque soirs alors qu'ils étaient tous réunis. Déjà à Langres, son humeur se faisait passionnée à l'évocation de cette hérésie. La Famiglia avait tout à gagner à ne pas prendre part à ce conflit. Pour les raisons que l'on connait. Même esseulée et fiévreuse, elle préfère museler ses pensées assassines. Comme si elle ne voulait pas vexer sa cousine alors que cette dernière est encore sur le front, à des lieues d'elle.

    Sa mâchoire se crispe. Encore une aiguille lancinante lui signifie sa présence dans l'antre de ses membres torturés. Au moment où s'égraine cette seconde, la croisée Écossaise honte de la famille, ressasse les ténèbres qui la tourmentent. Ce manque d'acceptation, les tensions, les mésententes. Les non-dits ont pris bien trop d'importances. Si bien que l'aigreur est désormais légion. Ils ne l'ont pas écoutés, comme toujours. Ils en subissent les conséquences, comme toujours. Elle prie pour avoir tort. Pour une fois. Cette fois. La plus importante à ses yeux. Hélas, les faits lui donnent encore raison. Sa présence au sein de cette hospice en est le parfait exemple. L'Amour est une forteresse mais à la longue les remparts s'effritent. Un jour, il n'en reste plus rien, si ce n'est des ruines. Là. Soudainement, c'est la haine qui sévit. Qu'ils disparaissent tous et périssent sous une pluie de flèches. Elle n'en a cure. Sa déception est grande. Trop grande pour être soignée. Oh, la Corleone est une sanguine. Encore une réminiscence de ses origines Siciliennes. Cela passera avec le temps. Avec le temps va...

    Est-elle libre ? Pas encore.

    Un long soupir. Happée cette fois-ci par le sommeil. Les joues empourprées comme ceux d'un enfant qui aurait trop joué. Ses rêveries lui confèrent l'apaisement qu'elle recherche tant. Sa quête du Saint Graal pourrait s'achever ici et tout de suite. Lorsqu'elle pousse la porte du jardin de la Tranquillité. Encore cette vieille dame au dos courbé lui adresse un sourire enjôleur. Une invitation à la rejoindre pour gambader dans les landes brûlées. Ou bien au sein des champs de blé lors de ces interminables été. Allongée, faisant le lien avec sa soeur à ses côtés. Une chevelure auburn qui épouse la terre noire comme la nuit. A l'horizon, la gloire de tout un clan s'avance pour rejoindre leurs rustiques demeures. Des amoncellements de pierres. Le roc qui palpite dans les poitrines des écossais. Jeunette éprise d'une figure d'adonis qui ne tient jamais ses promesses. Tristesse et naïveté des primes émois. L'innocence s'efface au fil des mois. Vieux pilier de comptoir que l'on enterre lors d'une journée pluvieuse. Une mustélide façonnée dans les tréfonds des forges des Macdouggal. Pour être bien des années après, inanimée dans un hospice bourguignon. Avec les harcèlements de flash de son Italienne.

    Des heures après. Son front suintant de sueur. Des ombres s'agitent, ses sens sont en éveils. L'odorat, tout d'abord, est toujours martyrisé par les relents putrides des cadavres et des bouts de chairs à vif. L'ouïe se déchaîne et endure des plaintes égrotantes. La vue s'éclipse et bouillonne sous les mouvements brusques des personnes présentes. Le toucher grimace de la rudesse et de la moiteur des draps. Le goût n'arrive toujours pas à s'accommoder de cette salive au palais cuivré. Rien ne conserve sa pureté, tout est hideux. Et pour clore le spectacle, une voix susurre des vérités qui ne sont que des sévices. Pour les exorciser, il ne reste qu'à faire appel à...


    Laell...

    Gémit-elle tout en se tortillant. Révoltée. Rebelle jusqu'au bout. Ce n'est pas milles supplices qui vont la crucifier à cette paillasse. Courage et défaillance se font faces. Pour une nouvelle bataille sur le champ chaotique de son âme et de son corps enflammés par le tourment.

_________________
Gretelle
[Une chambre dans le quartier des soeurs ...]


Le corps inerte de la rouquine repose sur une des couches austères normalement réservées aux soeur ... seules traces du combat de la veille ... une atèle au bras et une tempe salement tuméfiée ... ses joues sont pâles , elle semble sans vie ... pourtant , elle peut sentir l'odeur de la cellule humide ... elle entend les conversations autour ... sans pouvoir réagir ....

Elle s'est reveillée ?

Non .... si son coeur ne continuait pas à battre , on pourrait la croire morte ...

Ainsi , elle n'est pas morte ? mais pourquoi elle n'arrive pas à ouvrir les yeux ... pourquoi, elle n'arrive pas à remuer les lèvres pour demander ou est Guerin ... Guerin ... pourvu qu'il soit en vie ...

Une larme perle au coin des paupières closes ... roule sur sa joue ...

Est ce son tambour qu'elle entend ? pourquoi joue t il si fort ? ça raisonne dans sa tête .... ça fait mal ... et pourtant ... si elle pouvait , elle sourirait ... parce que c'est tout Guerin ça ! fanfaronner et jouer bien trop fort ... elle l'imagine torse bombé , fier comme un paon ...

Joue Guerin ... joue encore ... c'est ce qui me tiens en vie ....
Balius
[En plein cauchemar]

Blanc comme le linge qu'il tenait en main quelques secondes avant de vivre un cauchemar éveillé. Il avait amené comme prévu le matériel demandé chassant l'utilité que les scies auraient. Il était venu le voir, s'assurer de son état, et pour toutes réponses, il se retrouvait à tenir le corps de l'âme qui voulait prendre la fuite.

Elle se tordait de douleur, alors que le jeune homme passait ses mains tremblantes le long de son crâne humide par sa peur et sa fièvre, il voulait l'apaiser mais savait ce geste inutile.

Balius luttait pour ne pas s'effondrer, terrifié par ce qu'il avait sous les yeux, il tenait fermement la jeune femme, suivant les conseils du chirurgien, il commençait à regretter le pourquoi de sa visite. Nevers était bien plus sécurisant. Le regard loin de l'horreur qui se déroulait devant lui, le cœur lui remontait quand meme au bord des lèvres en entendant la chair se découper.

Il aurait mieux fait de rester loin de tout ça. Je vous jure, les lubies féminines parfois!
Elwenn
Elwenn ? Elweeeen ?

Elle aurait pu entendre la voix d'Amalio à quelques instants près, elle l'aurait reconnu dans le vacarme qui lentement s'étiolait.
Il se serait occupé de sa blessure, il en avait les capacités, elle aurait préféré que les choses se passent ainsi ... mais tout est différent.

L'endroit est glauque, un rat s'y ferait des frayeurs.
Un charognard affamé n'oserait y entrer tant les plaintes à l'intérieur sont insupportables.
L'odeur qui flotte dans l'air est écœurante, mélange de sang, de peur et la plus redoutée, celle de la mort, ça empeste, c'est irrespirable.
Le nez est plissé, un haut-le-cœur lui tord l'estomac.
La Corleone sort violemment de son état léthargique, confrontée à l'horreur qu'a engendré ce conflit où elle a pris part avec les siens.
Où est elle? Et eux où sont ils?
S'appuyant sur ses coudes, elle tente bêtement de soulever son buste pour scruter la pièce, en vain.
Relâchant son effort, elle serre les dents pour éviter que sa voix ne se joigne à celles qui chantent sans relâche.
La douleur se tait, elle ne franchira pas la barrière de ses lèvres.
Sa faible tentative n'est pas passée inaperçue néanmoins, deux hommes aux frusques tachées de sang s'approchent en trimballant tout un barda.
L'italienne les observe sans un mot.
L'un se perche au dessus d'elle, l'autre se penche et après avoir repousser les lambeaux de la chemise, elle sent une main froide se poser sur sa peau meurtrie.
Ce contact est insoutenable, il brise son silence, le ventre se contracte et relance la douleur.
Les noisettes scrutent ce visage inconnu tandis que sa menotte repousse l'étranger avec faiblesse.
Il secoue la tête.


Ce n'est pas très grave, on va s'occuper de vous, ça ne prendra pas longtemps vous allez voir.

Hors de question qu'il la touche à nouveau.
Les traits de son visage se durcissent.

Non!
Mon cousin s'en chargera, il ne va pas tarder, j'en suis sure ...


Un jour ... Rikiki lui avait dit qu'elle était utopiste et il avait raison ...
L'homme balaye la salle d'un revers de main en affichant une grimace.


Quand bien même il venait à être ici, c'est parce qu'il serait blessé et ne pourrait rien pour vous ma pauvre ...

C'est une gifle de plein fouet qu'elle reçoit en songeant à cette éventualité.
L'angoisse la submerge et lamentablement elle éclate en sanglot sous les regards noirs qui la dévisagent.


Buvez donc ceci, cela vous aidera à vous tenir tranquille.

On lui tend une gourde, l'odeur du liquide qu'elle contient lui rappelle cette horreur qu'Arnan boit à longueur de temps, la Corleone capitule, ravale honteusement ses pleurs, elle connait le sort qui lui est réservé et d'une traite vide le flacon.
L'épreuve l'a éreinté, l'alcool l'a achevé mais avant de sombrer dans la torpeur la rouquine formule une demande, celle qu'on retrouve Amalio parce qu'il est forcement en vie, il ne peut en être autrement et qu'on lui transmette les quelques mots qu'elle leur souffle mollement.

_________________
Parmi_les_ombres
[Dans la grande galerie]

Des bruits de voix et de pas résonnent dans la cour. Un cheval qui hennit, la roue d'une charrette qui claque sur le sol endurci par le gel de la nuit : autant de détails qui annoncent un nouvel arrivage de blessés. Sous les murs de Dijon, la guerre a encore prélevé son tribut. Vies brisées, membres brisés, et toute cette charpie qui arrive à présent mêler ses gémissements aux soupirs des convalescents.

Maintenant, il faut en plus répondre aux questions des paysans qui viennent à lui, ne sachant quoi faire à présent de leur chargement de gueules cassées et de corps en charpie.

- Portez ceux-là au fond, là, les mourants près de la porte, on les évacuera plus vite. Et les moins atteints dans les cellules libres de l'aile droite !

Scène banale d'un hospice en temps de guerre. Rien donc qui puisse émouvoir spécialement Antoine-Alexandre. Le chirurgien, anciennement barbier de son état, en a vu d'autres et de bien pires.

Pour l'heure, la femme devant lui requiert toute son attention. Elle avale d'un trait la rude liqueur qu'il lui a offerte puis se laisse retomber sur la paillasse. L'homme vérifie l'assise du siège opératoire où on va bientôt la placer. C'est mieux s'il n'est pas trop bancal compte tenu des mouvements que font toujours les opérés.
Quelques réglages plus tard, le siège semble avoir trouvé sa place et les deux acolytes reviennent avec le matériel indiqué. Antoine-Alexandre Barbier de l'Assomption claque dans ses mains comme le ferait un maître de ballet pour lancer un mouvement.


- Merci jeunes gens ! Bon, en place à présent. Installez-moi celle-ci dans le siège. Serrez bien les courroies qu'elle ne bouge pas trop. Vous, vous lui placez le bâillon entre les dents et vous vérifiez qu'elle ne s'étouffe pas pendant que je travaille. Si elle avale sa langue, vous avez une spatule et une pince à crochets ici pour la ramener devant et lui dégager la gorge. Serrez pas trop avec la pince sinon vous allez la lui déchirer.
Et vous, vous bloquez bien le siège pour qu'il bouge le moins possible pendant que je travaille. Compris ?


Les deux acolytes obtempèrent en silence. L'un semble fort pâle et tremblant.

- Pourvu que celui-là ne vienne pas me dégobiller dessus tout à l'heure... marmonne le chirurgien en préparant ses instruments tandis que la jeune écuyère est installée sur le siège.

[Un peu plus plus tard]


Antoine-Alexandre regrette bien à présent le manque de moyens de l'hospice. A Montpellier, qui est une Faculté de médecine très réputée, les théories les plus avancées sont librement enseignées par les maitres et Antoine-Alexandre en a fait son meilleur miel. Il a retenu les différents moyens de soigner les plaies et les brisures, science fort utile en temps de guerre - d'autant que les soeurs et moines, depuis le Concile de Tours, font de leur mieux pour éviter toute opération des chairs. "Ecclesia abhorret a sanguine" : maxime qui, pour éviter à nos clercs un bien fâcheux péché, ne soulage guère pour autant la douleur des navrés.

Aussi les homme qui embrassent l'art de la médecine et se font chirurgiens comme Antoine-Alexandre, toujours laïcs, souvent redoutés à l'instar des bourreaux, trouvent-ils en ces temps troublés de quoi employer largement leurs talents.

Dans la mesure, donc, des moyens disponibles. En l'occurrence, la merveilleuse technique suggérée par Rhazen et d'autres savants andalous, consistant à imprégner une éponge chez les Arabes - quelque tissu absorbant en Europe, du lin le plus souvent - d'esprit de pavot, d'alcool et de quelques autres substances soporifiques destinées à alléger la douleur, restera-t-elle aujourd'hui ignorée faute de matériel.

- Dommage, grogne Antoine tandis que le fer de la scie crisse sur le fémur.

L'os est bien visible à présent malgré les ruisseaux de sang qui dégoulinent le long de la lame. Les amputations, selon la "Magna Chirurgia" du grand Guy de Chauliac, peuvent se faire en plusieurs endroits. L'articulation est recommandée si possible tant il est plus facile de ci trancher peau et tendons que muscles et os. En outre, les saignements sont bien plus faciles à contrôler une fois la section achevée.
Evidemment, l'endroit exact où s'opère la partition des chairs et os dépend beaucoup de l'état desdites chairs.

Saines ? la décision se prend facilement.
Corrompues par les humeurs morbides comme celles-ci ? La question se pose.

Il y a à Montpellier même une école recommandant d'amputer à l'articulation même en cas de gangrène, escomptant que le patient et la cautérisation sauront ensuite repousser les esprits fétides qui leur pourrissent le sang. Antoine-Alexandre, lui, en tient pour l'autre école : trancher au delà de la zone putréfiée, tant-il est vrai que les miasmes se répandent facilement dans les chairs saines.

Aussi, compte-tenu de l'avancée de la gangrène qui gonfle déjà le genou, Antoine-Alexandre a-t-il décidé aujourd'hui de scier le fémur une quinzaine de centimètres en amont vers la hanche.

Quelques coups de couteau bien ajustés ont séparé les chairs, la rétraction des muscles permettant naturellement de découvrir l'os autour de l'incision.

Le problème est que le fémur est un os assez solide, ma foi, et celui-ci grince désagréablement sous la scie.

Un flot de sang accompagné d'un geste spasmodique de la patiente vient soudain recouvrir la lame, brouillant fâcheusement le champ opératoire.

- Mais tenez-là, bon sang ! crie le chirurgien pour couvrir les râles de la patiente.
Le bâillon vient de rouler à terre, coupé en deux ou presque par la pression des dents.


- Elle s'en va, monsieur, elle s'en va !

Ignorant les appels désespérés de la patiente qui ne fait plus que gémir et de son acolyte qui semble souffrir autant qu'elle, Antoine-Alexandre redouble d'ardeur pour finir son travail au plus vite. De toutes façons, les plaintes sont inutiles. Il ne les entend plus. Seule la vibration de la lame, la marée montante et descendante du sang, les secousses de la chaise lui parviennent à l'esprit. Faire au plus vite, c'est faire au mieux. Après, il faudra appliquer sur le moignon la lame du couteau portée au rouge dans le brasier, le feu est une aide puissante aux saines rémissions. Après, il faudra emmailloter la blessure pour limiter la souffrance, puis...

- Monsieur, monsieur !

Le chirurgien vient de faire claquer la dernière esquille d'os, le moignon amputé tombe enfin. C'est fini !

Mais les cris de la femme se sont fait simples plaintes, puis les plaintes soupirs, et les soupirs se sont déjà éteints.

- Quoi ? Elle a tourné de l'oeil ?

- Monsieur, oui, l'oeil, monsieur !

L'acolyte est blanc comme neige. Il semble prêt à pleurer.

C'est vrai qu'elle était belle.

La fille à la tête renversée en arrière. La bouche ouverte encore, les cheveux collés au front par la sueur. Ses yeux sont grands ouverts.

Elle a l'air apaisée.

- Monsieur, elle ne respire plus ?

Antoine-Alexandre laisse retomber son bras.

Tous ces efforts pour rien.

Quelques secondes de silence roulent soudain sous les voûtes qui tremblaient encore tout à l'heure sous le fracas des cris.

Au loin, un malade gémit. A peine. Quand une âme se libère, chacun le sent et chante avec elle en silence pour l'élever aux cieux.
Là haut, Lune ou Soleil selon tes mérites et ta vie.

Elle ne respire plus ?

- Tant pis. Portez-là au dehors, on a des nouveaux clients. Installez-les rapidement, je vais me reposer un peu.

La fille avait tout bu, malheureusement. Il ne reste plus rien dans le flacon pour oublier un peu.

Antoine-Alexandre Barbier de l'Assomption se sent bien fatigué.
Et il y a tant d'autres blessés à traiter...

- Après, ramenez-moi des linges propres. On va changer les bandages de ceux-là.

Il désigne du doigt une série de blessés récents : le Nivernais cloué par une lance et qui hésite encore entre la vie et la mort ; le vieux soldat de Cosne à sa droite qui va perdre sans doute la vue après un coup d'épée mal placé. Une mercenaire ici au visage marqué de coups et au caractère assurément grognon. Elle vient d'arriver.

Et quelques autres.

Pour sûr, la guerre a ses vertus. Le chômage n'y prospère pas au détriment des barbiers.
Gretelle
[Aile droite quartier des soeurs ... ]


Un cri déchirant glace les sangs de la rouquine ... un cri lointain , mais terrifiant ... puis le silence ... elle ne perçoit plus que les battements sourds de son coeur ... prisonnière de son corps , l'angoisse la tenaille et si elle ne se réveillait jamais ...

Puis des pas ... Elle s'apaise, elle n'aime pas rester seule avec ses pensées ... une main fraîche se pose sur son front brûlant ...


Il va quand même falloir ouvrir les yeux ...

J'voudrais bien ...

Bruit de papier que l'on froisse légèrement ...


D'ailleurs .... si vous voulez lire votre lettre .... c'est le seul moyen ...

Une lettre ! Guerin ...

La nonne tend le bras par dessus la rouquine .... des effluves de transpirations lui chatouillent désagréablement les narines ... elle pose la lettre à côté de sa main valide ... si près et pourtant inaccessible ...


Je reviens tout à l'heure ...

Non ... non .... revenez .... lisez moi la lettre ! Elle hurle en silence ... déjà les pas s'éloignent ...

De l’extérieur lui parvient le bruit de l'incessant va et vient de charrettes ... De toutes ses forces elle essaye de tendre le bout de ses doigts vers le vélin ...
Enjoy
    La douleur est temporaire. Du moins, c'est un adage courant. Hélas, sa véracité souffre de quelques altérations. Ses maux actuels n'avaient rien de momentanés. Chaque instant était pire que le précédent. C'était comme gravir l'échelle des cents supplices. Sa raison se recouvre d'un voile. Un linceul. Elle vagabonde dans un monde cauchemardesque où plus rien n'a de sens. Torturée sans relâche. Ses membres se brusquent au rythme de ses péripéties imaginaires. Sa mâchoire se resserre, ce qui provoque le son inquiétant de dents qui s'entrechoquent. Son front est brûlant, de la sueur perle et des gouttes s'écoulent doucement sur ses tempes. Les battements de son coeur se ressentent bien ailleurs que sur les mouvements de sa poitrine. Mais aussi, le long de son poignet. Ils oscillent lors des soubresauts de son épiderme humide. Fiévreuse et désemparée, elle lape cette atmosphère pesante. La mustélide se tortille durant des heures jusqu'à sombrer dans un sommeil profond.

    Puis deux jours s'écoulent. Ses réactions sont confuses. Cela flirte entre réveils difficiles lui permettant de s'hydrater, puis d'absences prolongées. L'intérêt ne réside pas dans ce qu'elle a retenu de la perception abstraite qu'elle en a eu. De ses songes bizarres dans lesquels les êtres étaient difformes. Encore emprise sur le champ de bataille jouxtant Sémur. Là où en cette heure, les cadavres s'amoncellent et les corbeaux viennent y faire ripailles. Les entrailles des valeureux se mêlent à la boue. Sur une terre piétinée par des passages trop conséquents pour être dénombrés. Ceci n'avait plus vraiment d'importance.

    Un homme aux traits fatigués était venu épisodiquement l'ausculter, prendre des nouvelles de ses constantes. Puis avec une fourberie indigne avait rompu toute forme de civilité en remettant son avant-bras en place. Lors d'un de ses rares moments de lucidité. Rageuse. La furette lui aurait fait bouffer ce qui lui sert à enfanter. Elle n'a pas pleurée mais il semble bien que toutes les injures qui peuplent son vocabulaire fleuri ont dû y passer. Le pauvre. Alors qu'il venait juste rendre service. Elle le savait pertinemment. Mais la Fougueuse aurait préféré s'en charger seule. Comme à la vieille époque, encore relativement récente, où elle devait se soigner par ses propres moyens. Se concoctant des onguents hasardeux pour ensuite se les étaler sur ses plaies. Bien entendu, elle dégustait. L'expérience est le meilleur professeur qui soit. Mais là, on ne lui avait pas laissé le choix. Pour être belle, il faut savoir souffrir. C'est aussi pour cela qu'elle a si mal, c'est proportionnel à sa beauté, dira-t-on.

    Ses onyx se perdent sur le reste de la pièce. Rien a changé. Senestre apparaît dans un bandage qui lui entoure l'épaule. Immobilisée. Il ne lui reste qu'un bras de valide. Un peu comme ses yeux, sauf que son visage a déjà commencé à dégonfler. Aussi, elle peut à l'occasion ouvrir cette prunelle blessée. Son corps se redresse lentement, sa ceinture abdominale la relance. Si bien que plusieurs essais sont nécessaires. D'une position horizontale à une assise, bien aidée par dextre qui reprend de sa vigueur. La mustélide hèle une aide pour lui faire parvenir un nécessaire d'écriture. En attendant le retour de la commise, elle peut s'attarder réellement sur ce qu'il se passe. A sa droite, un type a la tête entièrement recouverte de tissus. Sur lesquels figurent bien des taches carmines. A sa gauche, une femme en pleurs aux côtés de son défunt époux. La mustélide finit par lâcher un soupir, accompagné de ce qui semble être un léger grognement.

    Comment avaient-ils pu en arriver là ?

    Au fond, allait-elle s'en plaindre réellement ? Ceci fait un peu parti de son métier. Même si elle préfère ouïr la douce mélodie des écus qui terminent dans sa bourse. Que les cris plaintifs des éclopés. Normal et logique.

    Elle se lève avec précaution, un pas en avant est fait. Des courbatures multiples l'étreignent. Une grimace sculpte son faciès. Qui est très vite suivi d'une toux étouffée. Ses pieds traînent vers une ouverture. Il est temps de scruter autre chose que les victimes. N'ayant même pas franchie la poupe de son lit que ce qu'elle a réclamé, est apporté et déposé sur sa couche. Un signe discret en guise de remerciement. Elle se rassoit et coince, avec les moyens du bord, le vélin. La plume vient l’érafler. Très peu soucieuse de la forme. Les circonstances ne sont pas à se mettre aux enluminures.




    Laell,

    Comme l'atteste ma réponse, j'ai bien reçue ta missive. Afin de te rassurer, je vais bien. Convalescente dans un hospice proche de Sémur.
    Mes blessures ne sont que des égratignures. Rien de bien grave. J'espère que tu te portes aussi bien que moi.

    *Un mensonge pour ne pas l'inquiéter. Alors qu'elle cherche continuellement une position confortable pour continuer d'écrire.*

    Ta présence me manque. Il faut que tu me reviennes du front saine et sauve. Je n'ai pas eu de nouvelles des autres. Je crois bien qu'ils s'en foutent.
    Je n'irai donc pas en quérir les concernant. Il n'y a que toi en ce bas monde qui se soucie de moi. Alors fais-moi la promesse de tenir bon.

    Tu es une Corleone. Tu vaincras !


    Mes sentiments sont les tiens,

    Enjoy


    Pas de "Je t'aime". Pas de preuves dégoulinantes de mièvreries pour lui indiquer la teneur de ses émotions. De l'amour qu'elle lui porte. Et ceci pour deux raisons. Les courriers sont filtrés avant d'être reliés au paquet. Afin de se prévenir des espions et des éventuels renseignements stratégiques. Ensuite parce qu'il n'y a pas que son corps qui fut brisé mais aussi tout le reste. Ce sont des stigmates. Des cicatrices sur des pensées, sur des ressentis. La mustélide n'en veut aucunement à son Autre. Mais il faut laisser passer la déconvenue actuelle. Digérer la décision qui fut prise. Accepter que son statut est égal à celui d'un chien à l'agonie. Son opinion glisse sur le manteau de leur indifférence. Alors à quoi bon l'exprimer. Puisque de toute façon, sa fonction est de suivre sans jamais rechigner.

    Les jours s'effacent. Sa présence au sein de l'hospice se fait de plus en plus rare. Elle ne vient que pour changer ses pansements. Fuir. Fuir l'antre des maladies et du sang. Histoire de ne pas en contracter d'une part et d'autre part son utilité est semblable à celles des amochés. Après un brin de toilette et des frusques changées, son allure est bien différente. Le phoenix renaît finalement de ses cendres. Seulement bien des reproches l'éprouvent encore. Ultime fois où son ombre jonche les dalles ensanglantées, Corleone quitte les lieux. Prête à repartir pour occire avec férocité.

_________________
Parmi_les_ombres
[Une chambre dans le quartier des soeurs ...]


L'une sort de la pièce tandis que l'autre y entre. Toutes deux sont d'ocre et de gris vêtues. La robe simple coupée droit, la coiffe tombante qui leur couvre tête et épaules enveloppent également leurs corps et gomment les différences. Seul demeure le visage au don de la lumière, à l'offertoire du monde.

Les soeurs ne sont plus que visage, et plus qu'ombres glissant dans les couloirs.

A vêpres et à mâtines, elles sont aussi une voix pure qui monte vers la voûte. La chapelle est trop immense pour enfermer leur âme, mais trop étroite pour éteindre l'envol des voix. Au delà de la voûte, et surtout aux mâtines quand la promesse du jour donne aux vitraux noircis dans le charbon des ténèbres, donne aux vitraux une étrange phosphorescence.

Le soir c'est différent. Les voix s'élèvent encore mais au lieu de percer la voûte, elles semblent creuser la pierre. Pierre d'église, pierre de solitudes, et puis derrière cette croûte de pierre l'infini noir de l'espoir.

Maintenant c'est le jour et on ne chante plus. Chacune vaque à sa tâche. Soeur Victoire quitte la cellule où git une blessée récemment arrivée. Une mèche de cheveux bruns déjà teintés de gris s'échappe sous sa coiffe. laquelle est posée légèrement de guingois. La robe grise elle-même est froissée, comme si elle avait servi mille fois déjà dans la journée. Aussi curieux que cela puisse paraître, soeur Victoire a toujours l'air un peu défaite.

Elle est serviable pourtant, et elle incline la tête en silence en croisant Soeur Marie des Cendres.

En silence car pendant la journée, aucune parole entre elles ne s'échange. Seuls les malades ont droit à leur voix.

Et les morts.

Soeur Marie des Cendres pousse la porte. Elle porte un bol de feuilles saule macérées dont on fait des cataplasmes contre la fièvre. Au fond de la cellule, deux lits occupent les murs. l'un est vide pour le moment. Sur l'autre gémit une soldate amochée.

Une lettre est entre ses doigts.

Soeur Marie des Cendres pose le bol au chevet de la couche. Ses mains mesurent la fièvre qui ronge la jeune femme.

- Calmez-vous, mon enfant, calmez-vous. Le Très-Haut vous a guidée ici où vous ne craignez rien.

Rien d'autre que le temps qui passe et la nuit.

Mais Soeur Marie des Cendres ne parle jamais de la nuit.

Son feu à elle brûle auprès de ceux qu'elle soigne. A ce feu là il n'est jamais de nuit.

- Parlez-moi, parlez-moi de vous. Comment vous appelez-vous ?
Gretelle
C'est une forte odeur de plante qui l'avertit de la présence d'une autre soeur ... Celle ci a le pas plus léger ... Une main de nouveau se pose sur son front ...

Se calmer ... difficile, elle vient juste de reussir à remuer les doigts , caresser la lettre convoitée ... elle s'agite au contraire, gémit légèrement parce que sa tête lui fait horriblement mal et pour cause le côté droit de son visage est tuméfié , un camaïeu de bleu , de vert .... de jaune se dispute la peau blanche ...

Elle remue à nouveau les doigts, les resserrent sur le papier ... une intense chaleur lui monte dans tout le bras .... se propage à tout son corps, la voix de la soeur raisonne moins fort dans son crane, l'odeur du saule se fait moins entêtante ...

Les sourcils de la rouquine se froncent ... elle gémit à nouveau .... mieux vaut ne pas tenter d'ouvrir l'oeil droit, enflé comme un fruit trop mûr ... d'abord une fente mince .... la lumière l'ébloui ... la paupière se referme pour s'ouvrir à nouveau sur un iris clair ... battement de cil ... le visage de la nonne se fait plus précis ... un visage apaisant ...

Les lèvres de la jeune fille qui ont reprit un peu de leur teinte rosée , remue sans qu'aucun son n'en sorte ... son bras valide se replie, la main qui serre le vélin se pose sur son coeur ... comme si sa vie tenait a ce bout de papier ... elle déglutit et les lèvres remuent à nouveau ...


Gretelle .... je m’appelle Gretelle ...

elle n'est pas consciente encore de la chance qu'elle a de s'en être sortie avec un bras cassé et une tête en balle de soul ... pour l'instant son oeil ouvert va du visage de la soeur .... au rai de lumière qui filtre par la fenêtre et dans lequel on peut voir des particules de poussières danser ... celui ci lui fait comme une auréole ...
Herode
[Dans la grande salle de l'Hospice]
(Trois figures du Passeur)

Etienne va et vient entre rêves et conscience, entre absence et douleur. Il s'éveille, se bat pour respirer malgré le pieu de fer porté au rouge qui lui fouaille les côtes et les poumons. Replonge dans l'inconscience. Se tord sur sa couche de paille. Ses vêtements sont déchirés.

Une fois par jour, quelqu'un vient essuyer la poussière qui colle à sa sueur, changer ses pansements puis lui glisser entre les lèvres de l'eau sucrée, une pomme écrasée mêlée de farine et de lait.

- Te revoici. Que fais-tu ? Tu ne sais donc plus où tu vas ?

Je me tourne vers lui. Le Passeur domine l'eau noire qui songe et roule entre la rive et la Ville Blanche au fond du ciel.
Sa crinière est un rouleau de brume.
Sa langue luit entre ses dents.
Serpent.

- J'ai voulu redescendre, mais...

Le chemin se dérobe. Trois pas sur la sente qui dévale le flanc abrupt de la montagne et les pierres qui basculent devant moi. Elles me rejettent sans fin.

Une femme passe à côté de moi. Sa blonde chevelure enflamme la nuit épaisse qui suinte de nos bras.
Elle me rappelle quelqu'un.
Un amour lointain.
Un amour plus proche.

Du passé.
Du passé.

Elle sourit, apaisée.

- J'en viens. Remonte donc mes pas.

Dit-elle et de son bras elle lève un coin de toile blême entre deux plis de ciel.
Des escaliers descendent là.

Je les suis.

Une porte tout au bout.

- Adieu Passeur.

- A bientôt.


Etienne sursaute, ouvre les yeux. Un spasme de toux le tord, la douleur fuse dans sa poitrine percée. Goût de sang sur ses lèvres : c'est le premier don de la vie qui s'accroche à sa gorge comme un renard au cou de sa proie.

Il y a des échos dans la salle. Des plaintes, des soupirs. Une voix douce lui parle. Il ne comprend pas ce qu'elle dit mais il sent sur sa langue la fraîcheur vivante d'un fruit.

Il se rendort.

Plus tard, il fait jour. Il ouvre enfin les yeux. Bien au-dessus de lui, la voûte de pierres ocres condense des marées d'ombres entre ses colonnades.

La lumière qui coule des fenêtres étire tous les contours.

Il tourne la tête. L'écuyère blonde qui était installée non loin de lui n'est plus là. Un homme la remplace. Il a les mains croisées sur la poitrine, il respire lentement.

Plus loin, une femme à demi-dressée sur sa litière, qui écrit.

Deux soeurs remontent à pas très lents la travée qui sépare les deux rangées de lit de ce côté de la salle immense qui s'étire entre les deux gisants de pierre. On dirait qu'elles glissent sur le sol de terre durcie et battue.

A la limite de son champ de vision, un homme semble chercher quelqu'un. Il soulève un drap, le repose. Repart.

Etienne se tourne lentement sur le côté. La douleur est terrible qui lui coupe le souffle, il semble que la lance ennemie le transperce à nouveau.
Un mouvement près de lui puis une main douce mais ferme le ramène sur le dos.

- Ne bougez pas tant, vous allez rouvrir la blessure.

Il reconnait cette voix, c'est la même qui l'a nourri et abreuvé quand il brûlait sur le haut flanc de la montagne.

Dans la pénombre, le visage de la femme fait un ovale indistinct. On ne voit que le trait des lèvres qui brille et le double puits noir des yeux.

Etienne acquiesce en silence. Il roule entre ses doigts les brins de paille empoussiérée qui sont son matelas.

- C'est bien, la fièvre vous quitte enfin dit la voix.

Il sourit pour la remercier.

D'autres mouvements troublent l'air, il les distingue à peine entre ses paupières refermées.
Il respire et écoute, il guette la moindre poussière à effleurer sa peau.
La mesure du monde.


- J'ai soif.

L'eau fraîche qui coule sur ses lèvres est aussi piquante qu'un baiser.
Il sera temps bientôt de se lever. Il reste tellement de choses à faire.

_________________
Etienne LaHire, dit Herode
Gretelle
Il est temps pour la rouquine de quitter l'hospice .... son visage porte encore les traces du coup reçu à la tempe , elle gardera le bras en écharpe quelques temps encore , mais elle a repris suffisamment de force que pour se débrouiller toute seule ....

Elle remercie chaleureusement les soeurs qui ont pris soin d'elle ... Elle n'oubliera jamais cet endroit , l'odeur de la mort , la souffrance et les cris ... Elle n'oubliera jamais non plus la bonté, le dévouement et le courage de ces femmes ...

Sans se retourner , elle se dirige vers Sémur ou elle terminera sa longue convalescence et après ... après ... elle ne sait pas ... elle a lu la lettre de Guerin .. y a répondu ... et puis la longue attente d'une autre lettre qui n'est toujours pas venue ...

Allez ... haut les coeurs Gretelle ... un jour après l'autre ... aujourd'hui , il faut trouver un toit et un travail accessible à une éclopée ... et ça ne va pas être une mince affaire ...
Balius
Balius n’en pouvait plus, toute cette souffrance lui remontait les entrailles. Mais il avait une mission, il devait le trouver pour rapporter de bonnes nouvelles. Peut être était il déjà mort ? Pourtant on lui avait indiqué ce lieu, il suffisait de chercher.

Quand on lui demanda encore d’apporter son aide, cette fois il refusa, préférant se concentrer sur sa tache. A quoi bon demander si quelqu’un connaissait Etienne ? Il était quasiment sûr que les sœurs et médicastres qui donnaient de leur temps ici ne connaissaient pas l’identité de la moitié des agonisants.

Alors, il soulevait les draps, il ferait tous les lits, il chercherait jusqu’à épuisement, mais il trouverait, fois de Balius.

Il était là, déformé par la souffrance mais bien là.
Machinalement, Balius posa sa main sur la sienne et scruta la silhouette a demie perdu dans les profondeurs de la mort. Non, il avait plus l’air vivant que mort ? Quoique ? Le doute submergea le jeune homme, puis l’espoir, il l’avait trouvé.


- Etienne ? Doucement, non, il parlait encore trop fort, il baissa encore d’un ton et murmura près de son oreille alors qu’il lui épongeait le front d’un linge humide.

- Etienne… ça va aller… il ne savait pas quoi lui dire en fait, il devait juste savoir si il allait bien, et là, il n’avait pas l’air d’aller du tout…

- Etienne… je suis là… je vais vous aider… non il ne le laisserait pas dans cet état, il avait reçu des ordres !
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)