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[RP] Et d'aventure, en aventure...

Blanche_
    Citation:
    Cher ami,

    Comme vous me l'avez demandé, voici des nouvelles. J'ai passé la frontière. Et Lourdes. Je voyage en équipage réduit.

    Portez vous bien. *rature*

    Blanche.


    Être concise. A vrai dire, elle ne savait pas comment écrire plus de toute façon.
    Cette situation l'indisposait dans son intégralité ; ça rendait pâle sa peau et tirés ses traits. Une figure sale et fatiguée du voyage, avec la même robe depuis trois nœuds, sa superficialité lui ordonnant de changer au moins de chemise ; ce qu'elle faisait, au demeurant, car n'est pas sale qui veut l'être.
    Le climat depuis la Castille avait beaucoup changé. La langue aussi. Le catalan ne lui plaisait toujours pas, non pas qu'elle y comprenne beaucoup plus de sens qu'au castillan, mais les consonances étaient plus rugueuses. Et il y avait ce petit quelque chose en elle qui se dressait fièrement face à ce pays-là et son patois, en guise peut être d'héritage d'Astaroth. Elle le quittait et restait en elle un peu de lui, sous la forme de l'antipathie monumentale que vouaient les espagnols de l'ouest à ceux de l'est : après des années à son chevet et sa couche, elle avait un peu de lui, finalement...

    Ce genre de pensées lui venait un peu tard, près de chez son cousin, à Clermont, où elle savait qu'il logeait. Partagée entre le plaisir qu'elle aurait à le revoir, et l'utilité toute logistique de cette visite : Clermont n'était qu'un passage obligé vers le but de ce voyage, où elle espérait parvenir, donc, si l'escorte qu'On lui avait promise finissait par venir : où était elle, d'ailleurs, cette fameuse cohorte armée qui devait l'attendre soit-disant à la frontière? On lui avait dit qu'elle serait là, on lui avait promis monts et merveilles, on lui aurait donc menti ?

    Raah.

    Elle avait déjà envoyé la lettre et c'était trop tard pour une seconde. Au prix qu'on lui avait vendu ces piafs -dressés à retourner en Bourgogne- elle ne pouvait pas se permettre, pour son petit orgueil personnel à écrire une seconde ligne, une ligne de remontrances en plus, quoique certaines questions lui brûlaient les lèvres.

    Alors qu'elle arriva au lieu où On lui avait dit d'attendre le chevalier qui viendrait la quérir, elle avait au creux de ses affaires le début d'une prochaine lettre, qui s'ouvrait ainsi, ballottée entre un baluchon de fringues et de bas usagés, un ouvrage de théologie corné, et plusieurs vélins de bonne facture, vierges :

    Citation:
    Cher ami,

    J'aurais apprécié trouver plus tôt l'homme que vous m'aviez promis. Quel est-il, d'ailleurs? J'espère que vous avez choisi pour moi quelqu'un de confiance et de pas trop écervelé ; je voudrais rester discrète, je vous l'ai déjà dit.


    Il restait de la place pour le reste de ses pensées, si elle jugeait bon de les lui dire. Et si, au moment de les coucher sur le vélin, elle ne trouvait pas cela trop déplacé.
    Mais n'était-ce pas justement la base de cette situation, que le manque d'orthodoxie? On aimait bien se foutre royalement des convenances, cela, elle l'avait bien senti.


[Bonjour, bonjour,
Merci de citer la source du titre de votre RP comme cela est stipulé dans les Règles d'or du Coin des aRPenteurs.
Bon jeu et bon RP.
Modo Mahelya]

_________________

















Aimbaud
Citation:
A vous mon fidèle Aimbaud,
Salutations.


Je vous écris ce jour afin de vous confier une mission de la plus haute importance. Une marquise brito-espagnole souhaite nous rejoindre au Louvre au plus vite. Nous vous demandons donc de lui faire bonne escorte ainsi qu'à sa mesnie. Elle se nomme Blanche, vous la connaissez puisque lors d'une partie de chasse que vous aviez organisée en ma présence, elle y était.


Je saurai vous récompenser pour cela si vous me la ramenez en parfaite santé et encore riche.


Puisse Dieu veiller sur vous.

E.B.C





Citation:


    À Eusaias, Roi de France,
    Votre majesté,

    Je ferai selon vos ordres — et cela même sans réponse aux questions qui suivent, si vous jugez ma curiosité déplacée — mais je ne saisis pas votre intention. La dame da Lua se trouve-t'elle en fâcheuse posture, qu'elle soit sans escorte de Gondomar, pour l'amener jusqu'à votre cour ? S'il faut que je quitte l'armée, quand je dois être à vos côtés pour repousser les teutons qui foulent notre Bourgogne, c'est que vous n'entendez pas confier à n'importe quel soldat la charge de mener la dame au Louvre ?

    Vous êtes plus qu'un père pour moi. La confiance que vous m'accordez n'est pas vainement placée, aussi pouvez-vous m'en dire plus.

    Quelle ville dois-je rejoindre ?

      A.J.



***

Dijon — Ville libérée.
Fin d'hiver.

Dans le brouhaha du campement victorieux, notre Marquis de Nemours était en pleine discution avec un troupier de sa section qui lui expliquait l'utilité de porter des lanières à son haubert pour fixer les bourses ramassés sur les cadavres une fois la bataille menée. Il était aussi intéressé qu'outré quant à cette méthode, et s'insurgeait pour la forme à grands coups de "La guerre c'est pas pour faire du profit, CONFESSEZ-vous dans les prochaines cinq minutes, mon pauvre ami ! Oui le curé n'a pas préparé la messe, mais... M'enfin...". Il gesticulait des bras, ce qui faisait cliqueter les mailles de sa cotte, et se prenait le front, agacé par ce manque d'éthique chez les soldats de bourgogne...

Plus loin... Une naine furetait, soulevant chaque pan de tente qui passait sous sa mimine potelée pour voir si Papa n'était pas derrière. Et non, pas de Papa, juste des mecs qui pionçaient, des mecs qui affutaient leurs lames, des mecs qui ripaillaient, et des mecs qui faisaient de drôles de choses tout nus avec des dames toutes nues. Ceci dit, elle n'avait exploré que la moitié du campement, et n'allait pas se décourager pour si peu.

Et là, BIM, c'est à cet instant précis qu'entra dans son champ de vision une coupe au bol qui lui rappellait quelques souvenirs angevins. Index pointé en direction du chevelu, et comme à son habitude, de sa voix si douce, si délicate, elle gueula un tonitruant :


Hééééé mais j'te connais ! T'es l'frère à Yolanda !

Une mouche sembla avoir picoté le côté droit du visage d'Aimbaud, quand il entendit une voix suraigue l'appeler. Il pivota pour observer le cheval de guerre qui passait, tirant derrière lui les roues d'un trébuchet à monter en kit... Baissant le regard, il tomba sur la petite blonde à l'accent aux herbes de provence qu'il a vu jadis trainer sur les tapis de Château-Gonthier. Alina, Alessandra, Alicette, un truc dans le genre...

Que fais-tu là, toi ?

Coucou ! J'viens voir mon Pôpa ! Il est dans les chevaliers du titanic, et il est venu pour guerroyer ouais ! Il a fait touuuuuuut le chômin depuis Grimaud et tu sais c'est un trèèèèès long chômin, moi j'le sais parce que j'l'ai fait pour aller à Château-Gontier toussa, c'est presque à côté d'ici en fait je crois, mais pas trop vraiment, parce qu'il a quand même fallu faire beaucoup de jours de voyage pour venir, mais bon, en gros, je cherche mon Pôpa.

Mais j'le trouve pas.


N'écoutant pas vraiment le flot de parole de la fillette, tiquant toujours un peu près de la paupière, Aimbaud congédia le soldat d'une tape au bras, sur un dernier mot :

... Porte ma lettre au roi, et n'oublie pas d'aller à l'élise.

Puis il se campa sur ses jambes, appuya une main sur chaque genou en baissant les épaules pour aviser la gamine.

Qui est-ce, ton "PÔ"pa ?
C'est Mateù ! Et son nom c'est Sabran, comme moi !
Je ne connais pas de Mateù dans cette armée. Tu es venue seule ?
Ben non, avec des gens, y z'étaient un peu drôles, mais c'était rigolo. Y'avait Bernard, et puis Lucien, Georgina et Alphonse le vieux qui pue du cul.
Ma soeur sait que tu es ici ?
Ben ouais ! J'ai écrit une lettre toussa toussa ! Et toi tu fais quoi ? Tu fais la guerre et tout ?


Les grandes mirettes de la môme s'ouvraient, impressionnées. Aimbaud lui écrasa le nez du bout de l'index.

On dit pas "tu".
Ah ouais c'est vrai. J'avais oublié. T'es une personne importante toi ?


Le jeune marquis se redressa et soupira, en regardant autour. Puis il fit signe à Aliénor, puisque c'était elle, de le suivre vers la tente de commandement :

C'est difficile de répondre à tes questions. Bon vient, allons chercher ton père. Décris-le moi en chemin.


Écrit à quatre mains avec Alienor_de_sabran.


[Bonjour, bonjour,
Image (signature du premier courrier) retirée par mes soins car hors norme (supérieure à 250 p x 250 p). HRP qui n'a pas sa place dans le RP également supprimé. Merci de prendre connaissance des règles d'or du coin des aRPenteurs.
Bon jeu, bon RP,
Modo Mahelya]

_________________
Alienor_de_sabran
Ben... Il est grand comme un Papa ! Et puis il a des cheveux gris et un peu des cheveux noirs, mais pas beaucoup, et il a un gros bidon aussi (j'aime bien jouer avec mon choval sur son bidon ça fait comme une montagne ronde) et puis aussi il a des lorgnons sur son nez !
Des lorgnons, voyez-vous ça...


Et ils allèrent, cheminant entre les soldats boueux qui se font griller du gibier douteux sur de petits feux, ou qui trimballent des pièces d'artillerie. Notons particulièrement la fierté d'Aliénor, qui trottine aux côtés du Marquis.

Quelles sont les couleurs du drapeau qu'il suit ?
Euh... Ben... Blanc je crois. AH OUAIS ! Avec une croix noire même ! Une grosse croix noire ! Elle fait comme ça et comme ça !


Illustrant son propos, elle plaça ses bras en croix. Aimbaud s'arrêta, regardant la gamine, puis chopa une écharpe ensanglantée de teutonique accrochée à une pique (la tête qui y était juchée étant tombée et séchée quelques jours plus tôt) près de la tente de commandement.

Comme ça ?
OUAIS ! Tout pareil ! Bwaaaah y'a du sang de la gueeeeerre !
en mode groupie d'la guerre.

Le marquis de Nemours de relâcher l'étoffe, pour frotter ses mains gantées de gros cuir sur son gambison, avec une mine contrariée.

Oui... Euh. S'il est sous ce drapeau, c'est que ton père est très occupé en ce moment même, alors... Il va falloir attendre un peu pour... Hum, attends.

Il s'interrompit en voyant revenir le soldat de tout à l'heure, qui lui tendit une réponse à sa missive. Il décachèta le sceau lyssé et parcourut les trois lignes qu'ils renfermait.


Citation:
Aimbaud,
Salut.

La marquise se trouve en fâcheuse posture, visiblement elle fuit son époux, cela explique la non-escorte. Si je vous contacte vous, c’est bel et bien que vous êtes un peu comme mon fils et de ce fait j’ai confiance en vous et donc oui je ne veux pas envoyer n’importe qui.

La Marquise m'a toujours pris pour un gros rustre belliqueux et impulsif, autant lui donner tort en n'envoyant pas des reitres rustres et impulsifs.

Lourdes sera votre destination.

Portez vous bien Marquis.

E.B.C




Bon, alicette. Fais la queue devant cette tente pour trouver quelqu'un à te prendre sous sa charge. Je dois partir.
Aliénor ! Tu vas où ?
À...


Il remit le parchemin sous son nez pour être sûr.

Lourdes.
Pour faire des trucs de chovalier ?
Hin hin, oui, ça va être vachement chevaleresque.
HAN TROP BIEN ! Diiiiiiis... J'peux venir avec t...


Une grimace, elle se concentrait.

... vous ? Je voudra être un chovalier quand je sera grande !
Certainement p...


Il la regarda de haut en bas, par dessus la missive.

Quelle était ta fonction, déjà, auprès de ma sœur ?

Aimbaud plissa alors les yeux et rangea le parchemin à sa ceinture, réfléchissant qu'au fond il n'avait plus de valet depuis une semaine, et qu'il était bien en peine de faire tout lui-même..

Euh... Damoiselle de compagnie j'crois.
Es-tu serviable et obéissante ? Portes-tu de lourdes charges ? Brosses-tu bien les chevaux ?
Euh... Ouais !


Bon, pour les charges, on repassera, pour l'obéissance et la serviabilité aussi d'ailleurs, mais ce n'étaient là que de légers détails techniques.

As-tu un cheval ?
Ouais !


"Emprunté" à Château-Gontier pour le voyage, d'ailleurs.

Alors tu es un cadeau du ciel, sers-moi jusqu'à Lourdes et porte mon casque.

Il lui balança ledit casque dans les pattes, avant de se diriger vers sa propre tente pour faire son paquetage.

Qu'est-ce que tu lambines ? On part.

Et la mioche d'attraper le casque à la volée, et d'accourir derrière lui.

Ouais chuis prête ! J'le met où le casque ?J'en ai un à moi aussi de casque d'abord !
Ficelle-le toi au cul si tu veux, et aide moi à seller mon cheval. On doit être aux frontières de la Bourgogne avant la nuit...


Ecrit à six mains



[Bonjour, bonjour,
Même chose que le post précédent.
Image (signature du courrier) retirée par mes soins car hors norme (supérieure à 250 p x 250 p). HRP qui n'a pas sa place dans le RP également supprimé. Merci de prendre connaissance des règles d'or du coin des aRPenteurs.
Bon jeu, bon RP,
Modo Mahelya]

_________________
Aimbaud
Nous rejoindre au Louvre... Nous rejoindre au Louvre... Le Louvre, soit. Rejoindre, bon, à la rigueur. Mais "nous" rejoindre au Louvre... "Me" la ramener. La ramener, forcément que je le veux bien, la ramener... Mais "Lui" ramener ? Et fuir son mari, pourquoi fuir son mari ? Pour "le" rejoindre au Louvre ? C'est... franchement. C'est à n'y rien comprendre...

Aimbaud parlait seul, à mi-voix, en joignant ses mains autour de sa médaille aristotélicienne, qu'il tournait et retournait dans l'obscurité, envoyant de-ci de-là un reflet de lune s'éclater en rayon contre le mur de sa chambrée d'auberge. Il marmonnait sans vraiment s'en rendre compte, allongé sur le dos contre un coussin de paille, ses yeux humides de sommeil levés vers le plafond. Les paroles s'égrainaient sur ses lèvres comme une prière. La chaîne de la médaille s'entortillait autour de ses doigts rendus rêches par le froid cassant de ces derniers mois d'hiver, et le maniement de l'épée.

Dans le fond de la pièce, on entendait le souffle régulier du page en culottes courtes, qu'il avait fait coucher sur une paillasse voisine, près des paquetages. La gamine avait tenu bon durant toute la chevauchée du premier jour de voyage, avait partagé son repas au rez-de-chaussée de la taverne avec force "Shhlurp..." et "BrÔp !" puis s'était visiblement écroulée de fatigue sous une couverture de laine bouillie. Le jeune marquis n'avait pas pris la peine de choisir une auberge de bourgeois pour passer la nuit ; il était pressé, aussi avait-il vu cette ferme branlante convertie en distillerie pour les bandits de grands-chemin, sans doute infestée de souris, comme un endroit passable pour récupérer quelques heures, et repartir avant le lever du soleil.

Mais voilà, il ne récupérait pas.
Il se triturait la cervelle, en sentant son coeur augmenter ses secousses lorsqu'il expirait, la pensée pleine des souvenirs de Blanche... Puis son coeur s'arrêtait, quand il imaginait les mauvais desseins qui pouvaient pousser le Roi à prendre une noble dame esseulée sous son aile. Elle était en détresse, il lui proposait son aide... Comme son fils, Aimbaud aimait Eusaias. Et parce qu'il était comme son fils, Aimbaud connaissait Eusaias mieux que d'aucuns. Il savait ses travers... Et sa fertile imagination d'amant jeune et vite enflammé par la jalousie, lui chuchotait d'abominables craintes, quant au pressentiment d'une Blanche mise sous clefs dans les appartements privés du Roi...
Étaient-ils déjà amis ?
Eusaias avait-il eu vent des charmes de la Castillane, et la voulait-il à sa cour ?
Fuyait-elle son époux pour obtenir consciemment les grâces du Roi ? Était-ce elle, la traîtresse comploteuse, qui avait soumis l'idée au Roi de l'envoyer, lui, comme émissaire de sa nouvelle histoire galante ?

Il se retourna dans le tissu râpant pour s'abimer la figure contre son oreiller, et masquer au regard de la nuit, sa grimace d'anxiété... Le sommeil appuya sur ses épaules pour les relâcher.

Mais ses rêves ne furent pas tendres.

_________________
Aimbaud
***

Tu foules au pied les faubourgs une ville sainte, fillette. Adresse toutes tes prières au Très-Haut, elles seront entendues ici mieux qu'ailleurs !

Les mains du marquis plongèrent dans l'eau de source que vomissait une fontaine. Elle était limpide, et tellement froide que toutes les phalanges d'Aimbaud lui parurent être écrasées sous une meule. Il souffla en retenant des jurons, envoyant à la ronde des éclaboussures, sur la tête de sa voisine (qui arrivait juste à hauteur de pierre) et sur les pavés de Lourdes. Enfin, n'écoutant pas sa douleur, il porta à sa bouche de grandes gorgées gelées qu'il avala à la coupe de ses mains, avant de relâcher les bras pour mieux sauter sur place en clamant qu'il n'avait jamais rien bu d'aussi froid. Il faut dire que quelques morceaux de givre flottaient encore à la surface du bassin. Pour un peu, le Bourguignon en gobait une ou deux lames...

Essuyant son visage en claquant des dents, il fit tomber les gouttes qui s'accrochaient à sa jeune barbe, ou plutôt à la quinzaine d'invisibles picots noirs qui lui repoussaient sur le menton ainsi qu'au coin des lèvres.


Bois ! Elle est bénite. Et passe un coup sur le nez, tant qu'à faire... Si ma soeur te voyait noire comme ça, elle m'incendierait en disant que je ne prends pas soin de ses affaires.

Il sermonnait Aliénor, en désignant ses joues que la poussière des routes avait maquillées d'une couleur crasse... Elle, comme lui, n'étaient pas au mieux de leur hygiène. Ils avaient tous deux les cheveux sales, et le cuir de leur vêtement, comme les pièces d'armure d'Aimbaud, étaient parsemés de projections de boue, témoignage de leurs galops débridés sur les chemins.

Malgré tout, la petite avait une mine excellente. Elle ne semblait pas se scandaliser du peu de bain qu'ils avaient pris durant cette semaine de voyage, aussi fallait-il souvent lui rappeler de se laver les mains après les avoir trempées dans sa soupe pour y pêcher les bouts de viande, ou la prier d'attacher ses cheveux afin qu'ils ne se coincent pas dans les charnières du casque qu'il lui faisait souvent porter pour rire. En somme, la vie de chevalier errant avait l'air de lui convenir, tout comme il lui convenait, à lui, d'être suivi par un esprit espiègle dont il écoutait le naïf langage — et les chansons graveleuses — avec surprise, pour se laisser ensuite vite prendre au jeu et à la surenchère. Ainsi avaient passé les jours, rythmés par une voix suraigüe au petit accent de Provence...

Et Aimbaud songeait, que si Clémence parvenait un jour à lui donner un enfant, il ne serait pas mécontent qu'il ressemblât à cet esprit-là.


Il faut faire bonne figure. Désormais, laisse-moi parler en premier.

Il remit sur sa tête mouillée, le heaume et la visière. Une courte-échelle pour hisser la môme à l'étrier... Puis il alla lui-même, juché en selle, prendre la bannière fleurdelisée qu'Aliénor lui désignait, posée contre la fontaine. Les sabots des chevaux firent toquer les pavés dans un demi-tour. Il s'engouffrèrent au pas dans les rues lourdaises, à la recherche de l'auberge qu'on allait leur indiquer...
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Blanche_
...Et dans l'auberge elle s'y trouvait déjà.

La journée n'avait pas été assez remplie à son goût. Les visites et les promenades sans but, au milieu de cette ville connue seulement comme un mythe avaient nourri sa curiosité plus de deux jours de suite... Mais déjà une semaine qu'elle se traînait à Lourdes en ingurgitant plus de piété et de religion que son être était capable d'avaler. Comme contre une carapace, les sermons lui échappaient, elle n'avait pas l'Eglise de Lourdes et y trouvait déjà toutes les imperfections architecturales qu'un esprit ennuyé est apte à déceler en levant les yeux de son missel.
Sous prétexte qu'elle était la première ville après la frontière, on s'y arrêtait pour retrouver la foi ; Blanche elle n'y obtenait que des doutes, confrontant les raisons de son retour en France à l'abominable exigence de piété parfaite que l'évêque de Lourdes exigeait. A l'évidence, c'était pour toutes ces choses qu'Eusaias s'éloignait des curés, ne goûtant à leur âpre et sévère vision de la vie aucun plaisir. Pour sa part, elle délogeait ses illusions saintes de son esprit à mesure qu'elle se rapprochait du roi, consciente qu'elles seraient fortement malmenées.

Au soir il fallut rentrer à l'auberge, où elle s'était fait connaître pour son accent. Elle n'avait pas donné son véritable nom, ayant encore peur d'Astaroth, mais seulement son nom de jeune fille et c'est par celui-ci qu'elle était accostée dès son passage sous le petit porche qui y menait ; Mademoiselle Blanche, outrageuse condition de vieille fille, Madame parfois lorsque le badaud avait l’œil plus averti et observait l'annulaire marié d'or. Sous un nom ou l'autre, elle allait s'asseoir au fond de la salle le temps de choisir son menu et de payer à l'hôtesse, puis faisait monter son repas du soir, grosse pitance de riches, jusqu'à sa chambre qui embaumerait ainsi toute la nuit la volaille en sauce ou les lentilles, jour où le gibier manquait. Et ce n'était pas les quelques fruits qui trônaient constamment sur une table contre sa fenêtre qui camouflaient le tout.
Ce soir là, comme de coutume, elle monta l'escalier en colimaçon et grimpa au premier étage, où, par exigence due à son rang, l'aubergiste avait eu politesse de lui confier plusieurs chambres au fond du couloir.
Elle y attendait, avec une impassibilité cachant fort bien son impatience, ce que le roi lui avait promis : escorte de taille à l'accompagner jusqu'au front.

Si elle avait seulement su, que c'était ce bourguignon-là, dont il avait été question....
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Alienor_de_sabran
Les voyages, ça fait mal aux fesses. C'est surtout ce que la mioche retiendrait de la chevauchée sur le dos de Vanille (le choval en question), dument renommé Éclair, même si la bestiole était loin d'être une foudre - vu son âge avancé - car décidément Vanille c'était trop exotique pour elle.

Mais ils étaient finalement arrivés, et à sept ans, Aliénor pouvait désormais se vanter d'avoir (quasiment) traversé deux fois la France du Nord au Sud, ce qui n'était déjà pas mal pour un tel microbe. Ceci dit, Lourdes n'était pas la Provence, et elle fut bien en peine de ne voir aucun des signes distinctifs de sa contrée natale, et de faire en râlant une croix sur la fougasse aux olives qui lui faisait tant envie. Et, parti comme c'était, elle aurait du mal à convaincre Aimbaud de pousser plus à l'Est afin de lui permettre de satisfaire ses fringales.

Donc... C'était ça une ville sainte ? Genre un endroit où il fallait boire de l'eau glacée et aller encore plus que d'habitude à la messe ? "Ben j'aura su, j'aura pas v'nu !".


- Alors j'vais prier pour que l’œil de Yolanda y soit guérite !

Parce que Yoli, c'était Yoli, un peu comme la Maman qu'elle n'avait jamais eu. Pour sa propre mère, elle ne s'en faisait guère, croyant mordicus qu'elle avait les fesses posées tranquilou sur le Soleil et qu'elle l'observait d'en haut, quant à Pôpa, elle n'avait jamais cru bon de s'inquiéter pour lui, après tout c'est un chovalier, et c'est le plus fort. Alors, pendant qu'Aimbaud se désaltérait, la naine se tourna vers La Mecque... Euh, mea culpa, le Soleil, et récita une prière de son cru, les mains jointes en ce qui lui semblait une attitude très pieuse.

- Sitoplé le Très-Haut, et Aristote (mais le vieux pas mon fiancé) et Christos et Obiwan le premier des hommes et tous les autres là, les chefs des anges et puis les saints et tout le tralala, sitoplé, je voudrais que Yolanda elle soit guérite de son œil qui voit plus clair. Voilà. Merci, heingh'.

Parce qu'une petite fille polie dit toujours merci.

Et, parachevant sa profession de foi, elle plongea sa main droite dans le bassin - en jurant, parce que macarelle, c'est froid, peuchère - renversa la moitié de son contenu au passage, et finit par boire les quelques gouttes qui restaient dans sa paume, avec l'air de croire fermement que cela guérirait la jeune Duchesse de Château-Gontier. Puis, profitant que sa mimine fut encore humide, elle obéit aux instances du marquis, et frotta vigoureusement ses joues... Ce qui n'eut d'autre effet que d'humidifier la poussière en question, la rendant encore plus visible qu'auparavant.

Ceci dit, être crapie ne la dérangeait absolument pas, ravie comme elle était que personne ne lui interdise de porter des braies, ou ne la sermonne parce qu'elle essuyait son nez morveux sur sa manche de chemise. A présent elle goûtait une liberté différente de celle connue lors de son enfance, une liberté plus absolue encore, car elle n'était plus la petite fille qui subissait le trop grand laxisme paternel, entre deux rares leçons de religion dispensées par son cousin, mais elle s'était engouffrée dans la voie qu'elle s'était choisi, celle de la chovalerie. Même si ça consistait à aller faire les courses du roy de France.

Et hop, prête à prendre la direction de l'auberge, remontée sur le dos de Vanille-Éclair (Éclair à la Vanille si l'on veut), après avoir posé un vague assentiment aux paroles d'Aimbaud. Ne pas parler, oui oui... Vite dit, et vite oublié, car une fois arrivés à destination, et confié leurs montures au garçon d'auberge, la première chose qu'elle fit après avoir passé la porte du bouge fut de beugler, de sa voix stridente :


- Coucou ! C'est nous ! On vient chercher la Dame du Roooooyyyy !
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Aimbaud
Le jeune Nemours accueillit l'annonce d'Aliénor avec un massage méthodique du front. Tout du moins, il avança la main dans cette direction, pour se heurter au fronton de métal de son casque. Un bruit de gong sourdit, suivit d'un juron soudain mâchonné entre ses dents.

Holà ! Aubergiste. Rectifia-t'il aussitôt, oubliant de se scandaliser quant aux mauvaises manies de sa jeune écuyère. Au nom du Roi, priez pour moi la marquise de Gondomar de descendre. Préparez ses paquets, et m'annoncez l'ardoise de son logement, que je m'acquitte de la dette.

Le cheval d'Aimbaud exécutait quelques pas de travers, attiré par les sacs de grains que des marchants chargeaient sur une charrette, dans cette cour d'auberge bourgeoise parsemée de paille fraîche. Le Bourguignon maintint les brides autour de son poing, et redressa sa bannière blanche au lys d'or pour avoir plus fière allure. Son cheval devait sentir à pleins naseaux sa nervosité. Car même s'il tentait de mener droit ses pensées, de ne s'intéresser qu'au paiement des frais de chambrées ou à l'indocilité de son page en jupettes, tout son sang lui aboyait dans les tempes qu'il allait revoir Blanche de Castille dans les minutes qui suivraient, et qu'il pourrait lui adresser une parole... Son excitation rendait ses gestes nerveux, ses yeux s'ouvraient en grand, il voulait respirer fort. Mais tout cela, contraint par lui à ne pas exister, restait sagement ligoté dans sa conduite.

Le destrier donnait des coups de museaux dans son licol. Aimbaud appuyait sur le cuir pour le contraindre, tandis que son coeur s'emballait. Lugh n'en finissait pas de jouer au plus malin, quand son cavalier exigeait qu'il soit calme ! Franchement, il l'aurait battu...

Et tandis que les brides se secouaient toujours par a-coups, le Josselinière desserra sa main en sentant qu'au dessus de lui des yeux se penchaient, et lui soufflaient un doux besoin de relever la tête. Il s'étonna lui-même d'avoir sentit cette présence. Puis il observa, sous sa visière, les volutes de soie claires qui se gonflaient au chambranle d'une fenêtre de l'hostellerie, traînes d'une coiffe qu'un vent paresseux enroulait vers le dehors. Et dans cette étoffe, le front blanc de son premier amour, qui portait le regard sur lui...

Les mauvais yeux d'Aimbaud ne lui permettaient pas de la voir avec clarté, cependant, il les plissait avec ferveur pour mieux deviner les contours de ses traits, et l'expression sur son visage. Ses joues déjà s'empourpraient d'enthousiasme, il voulait l'appeler.

Mais un brusque coup d'oeil à sa bannière lui rappela la solennité de sa venue. Il s'éclaircit un instant la voix, avant d'annoncer à forte voix :


Votre magnificence, sur ordre de sa majesté, Eusaias Roi de France, je viens vous conduire jusqu'à Paris.
_________________
Blanche_
Blanche.
Livide en fait, plutôt. Là-haut, de ce premier étage où se trouve ses "quartiers", la colombe de Della a fait un bond en arrière à la vue de ce qui se tramait au rez-de-chaussée. Elle attendait, Eusaias lui avait promis, l'escorte pour aller jusqu'en Bourgogne, et voila que, misère, l'escorte n'était autre...qu'Aimbaud.
Ah, la boulette!
Elle laissa la parole à l'aubergiste en bas, tandis que, toujours pâle, elle remettait en place son voile avant de descendre.


* * *

Monsieur?


Ah, Dieu, c'était un homme beau, et puis bien fait, bien riche. Un peu jeune, m'enfin il avait la belle bannière c'était obligé qu'il venait de la guerre, c'lui là.

Messire chevalier ! C'est un honneur, que dis-je, nous sommes honor.. La...La marquise de Gomdo...ar? Ah, mais c'est que, Messire chevalier, nous n'avons point eu de Marquise de... du tout! Du tout, dis-je! Pour sûr, si on en avait une j'vous l'amènerais, c'est juré, et pis même si elle voulait pas, ah, dam! c'est juré! Mais point de Marquise z'ici, Seigneur. Dieu, on en a bien eu une une fois... Mais c'tait y'a bien une année. La même époque que j'avais acheté du vin de messe qu'on m'avait refourgué bien contre ma volonté, et puis qu'elle aimait pas la bougresse! Ah ça, j'vous jure Messire chevalier!

L'homme leva les yeux et appela l'étage, où la jeune dame blonde, de Bretagne même, tenait son minois sec au bord de la fenêtre. C'était peut être elle, en tous cas c'était ce qu'il croyait.
Qu'est ce que j'en savais, moi ? Y'm'font point de confessions les nobliots, sacré nom de...!


J'y fais ça Messire tout de suite Messire.


Courbette. Courbette. Courbette. Ah putain la main dans la merde, saleté d'hiver. Il est où mon torchon là
Gisèèèèèle! Ramène toi! Et prends un truc pour m'y essuyer l

Porte qui claque.


* * *

Elle descendait un peu lentement, la bretonne dame. Elle avait les yeux baissés vers le sol, mais elle évita très bien les tables et les chaises disposées en terrain miné dans cette grande pièce vide, à distance du dernier repas dont seuls témoignaient encore quelques gobelets vides, en bois, qui bavaient leur reste de vin.
Elle mit ses gants en même temps qu'elle sortait, quittant l'obscurité de la tanière "Aux breuvages exquis" en fuyant la lumière des yeux. Elle bougeait les paupières dans tous les sens, ouvertes, fermées, ouvertes, fermées, tant et si bien qu'Aimbaud et son cheval n'apparaissaient plus que par images entrecoupées d'un voile noir.


Bonjour, dit-elle sans s'incliner.
Elle avait failli, mais son genou n'avait pas cédé, bloqué dans cette révérence tant elle en était incapable. Elle regardait encore vers le sol, que dire, d'ailleurs? Vous avez une fourmi qui essaye de monter sur vos pieds? Vous avez de la boue à l'arrière de vos mollets?


Heum...


Silence gêné.
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Aimbaud
Le cavalier mit pied à terre quand il vit la jeune-femme descendre les marches de l'auberge. S'appuyant sur la bannière qu'il avait fichée en terre, il lui fit révérence en répondant à son salut. Son genou ploya le temps nécessaire...

Bonjour...

Elle semblait loin d'être ravie de le revoir, et refusait de s'incliner devant lui, ce qui imposa entre eux un rideau de froideur qui confirmait les craintes d'Aimbaud. La Marquise avait autre chose en tête... C'était le Roi, visiblement. Il sentit combien l'enthousiasme qu'il avait de la revoir était déplacé, comme toujours, et s'efforça à la neutralité. Feindre lui était devenu coutumier, depuis qu'il était marié.

Êtes-vous prête à partir aujourd'hui ?

Demanda-t'il en levant le ventail de son casque pour abaisser sur elle un regard rigoureux. Il guettait, sur le blanc visage de la Castillane, l'impatience qu'il était certain de voir apparaître... Un coin de sourire, une étincelle dans les yeux ! Si elle était empressée, c'est qu'elle était l'amante du Roi... Si elle était lassée, elle ne s'y rendait que pour affaires... Si l'expression était indéchiffrable, il se rongerait les sangs tout le long du trajet pour tenter de comprendre...
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Blanche_
L'échange lui paraissait irréel.
Elle en vint même à prendre un temps inhabituel pour chercher sa réponse, comme si dix ou douze secondes pour trouver ses mots lui étaient nécessaire. Mais quand on réussit à l'entendre...

Boaarf... fit-elle très dignement d'une petite voix. J'aime autant qu'on expédie ça tout de suite.

Comme un pansement, à retirer vite pour que ça ne fasse pas mal.
Elle était empressée, mais pas peu lasse non plus. C'était peut être dilemme à hauteur de l'esprit d'Aimbaud ? Ça n'était pas pour autant pour lui causer du tort ou du tourment, elle minimisait ses mots car elle n'en trouvait pas de bons à dire. Et si elle avait des envies elle les savait informulables, perdues d'avance, elle avait appris à les taire et à les brider, ça n'était pas pour gâcher ce long apprentissage aux cotés d'Astaroth dès sa première permission hors de cette galère! La pénitence avait été rude, et c'est la face baissée d'une pécheresse se sachant en faute qui répondait au marquis, bon gré mal gré, pauvre de mots mais riche en émoi.

Voulez-vous que l'on reparte tout de suite, vous ?

Grise mine, dansant d'un pied sur l'autre sans que cela se voie sous cette hauteur de mantel qui tombait jusqu'au sol, elle se serait bien arrêtée aux breuvages exquis pour une rasade de tout alcool disponible, même du vin de messe, elle n'aurait pas fait la difficile. Et puis, fort marrie de devoir côtoyer un anarchiste athée -ou peu s'en fallait- elle s'était fait une raison, et n'était pas à ce péché-près. Une Ostie plongée dans un calice et léchouillée sur l'autel de ses fautes, ça n'était pas la mer à boire.

Mais quasiment.
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Aimbaud
Oui. Nous avons fait étape à quelques heures de là, nous ne sommes pas fatigués et la journée est encore longue. Partons.
— D'accord, oui. J'ai quelques affaires à régler avant de partir. L'ardoise et... La lettre pour prévenir... A moins que vous ne l'ayez déjà fait? Le... Roi. Non ?


Si elle semblait se plier à la décision d'Aimbaud, Blanche bafouillait un peu dans sa réponse, hochant une tête dont la riche coiffe qui l'embellissait suivait les allées chaotiques. Le jeune marquis la regardait avec agacement. Il vit dans cette lettre une cachoterie, ce qui lui appuya une douleur froide à l'estomac comme un point de côté. Il répondit simplement.

Je règlerai la note pendant que vous lui écrirez.

Puis de la contourner pour entrer dans l'auberge, de se mettre au comptoir, et d'adresser quelques mots bas à l'aubergiste en dénouant les cordons de sa bourse. Pendant ce temps, les paquets semblaient se préparer en haut des escaliers. À deux pas de là, la main blanche de la Castillane noircit silencieusement trois lignes fines sur un velin qu'elle cira avec dextérité pour le plier sous sa bague. Le Josselinière observait ses gestes du coin de l'oeil, tout en dispersant dans sa main gantée la monnaie que lui rendait le bourgeois. Il plaça les piécettes dans une poche à son côté, pour boire à la prochaine étape.

Enfin, il aida un des garçons de l'auberge en se saisissant d'un paquet (visiblement du drap) qu'il alla ficeler derrière Aliénor pour mieux caler les fesses de la gamine sur sa selle trop grande pour elle. Tournant la tête vers Blanche, il rumina en voyant qu'elle ne semblait pas se préparer mieux que cela, attendant bêtement qu'il finisse, et il demanda sans prendre la peine de porter les yeux sur elle :


Avec-vous un coche, un valet, une suivante qu'il ne faille oublier ?
— Non, ils restent ici tous les deux.


Ses petites lèvres pincées de marquise ne lui révèleraient décidément pas les raisons de cette étrange organisation. Il resserra une sangle derrière Aliénor, d'un geste sec. L'idiote... Si elle croyait pouvoir se vêtir seule, une semaine durant, sans dame de compagnie pour lui tenir le peigne et le baume à lèvre, elle se fourrait le doigt dans l'oeil... Il la connaissait, et il l'entendrait déjà geindre à la première heure de voyage. Elle allait l'exaspérer... Il poursuivit l'interrogatoire, froidement :

Monterez-vous à cheval ?
— Je ne suis pas encore assez fatiguée pour ne plus savoir monter correctement. La voiture attendra mes fils de toute façon !


Il la regarda cette fois-ci, surpris.

Vos fils doivent nous rejoindre ?

Elle tourna les talons, visiblement aussi agacée que lui, s'en allant vers l'écurie, indifférente, et se contentant d'un vague geste en l'air, l'air de dire qu'elle ne voulait pas en parler. Le Bourguignon serrait les poings et les dents, furieux de ne pas pouvoir poser de questions. Mais en présence d'Aliénor, il se contint, fit montre d'un sang-froid exemplaire et remonta en selle, sa bannière en main, qu'il secoua pour se dépêtrer l'épaule du tombant de l'oriflamme...
Sans autre mot désormais, ils ne tardèrent pas à franchir les portes de la ville pour emprunter la route de Tarbes.

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Blanche_
Blanche avait du retard dans cette chevauchée, car l'esprit hagard, elle trainait et ne talonnait son cheval que très rarement. Elle avait de toute façon, gagné une façon de monter à cheval très différente depuis qu'elle avait habité en Castille. Non pas à l'andalouse, de façon plus bretonne, plus celte finalement. Il suffisait comme lui avait enseigné le maitre d'escrime d'Arousa -à défaut d'un écuyer, il servait à la Marquise en d'autres circonstances- d'apprendre à sa monture à ressentir les variations dans la musculature de son cavalier. Si elle serrait, le cheval bondissait, et s'il faisait bien, elle deserrait son étreinte et le laissait aller plus lentement.
Enfin... tout cela fonctionnait bien avec un cheval aguerri, comme l'étaient les deux seuls qui lui appartenaient en Espagne. Elle n'avait pas pu les emmener... Malheureusement.

Le chemin était long dans ce silence... Par effort elle alla jusqu'à lui, repensant aux chevaux, à la Castille, et à ses fils. Ils passèrent sans un mot vers le nord, trouvèrent de la boue et des bâtisses de pauvres paysans devant lesquelles ils ne s'arrêtèrent pas. Blanche, inquiète, jugea la petite Aliénor qui trainait derrière eux en chantant des chansons paillardes, se demandant si elle serait en sécurité entre eux deux. La femme inapte à la guerre, et l'homme qui n'aurait jamais assez de deux bras pour les défendre s'ils se faisaient attaquer. Oh, vraiment, Eusaias avait de ces... idées...


Vous avez appelé? demanda Aimbaud. En effet, elle lui demandait, voix couverte par le vent, s'il lui en voulait de l'avoir fait quitter le front. Elle reprit.

Je suis fortement navrée de vous ennuyer à vous faire quitter le front. On ne m'avait pas dit que ce serait vous, je peux vous en assurer!

Ce n'est rien, répondit-il. J'ai de l'eau si vous avez soif.

Je vois pourtant bien que vous êtes fâché, vous n'avez rien dit depuis des heures, et...
Mais sa voix fut stoppée net.
Je ne suis pas fâché. Je suis soucieux de vous faire arriver à bon port. Allons à plus douce allure, si vous voulez.
Défaite, la castillane tourna la tête vers l'enfance d'Aliénor, qu'elle jugea inconsciemment moins prompte à la rabrouer. Ca n'était qu'une enfant... Aimbaud n'en était déjà plus un. Etait-il devenu comme tous les hommes si dur et si froid? L'insensibilité qu'on enseignait aux petites nonnes dans leur éducation cléricale, celle-là même que Blanche avait reçu avant de se marier l'avait pourtant avertie : un homme reste un homme, peut importe le minois ou la voix douce.

Arrêtons nous. S'il vous plaît, dit-elle tout en gardant un visage baissé vers le sol, menton à moitié caché dans son col ; elle avait le front couvert par son voile, et les sourcils froncés. Les rides de son front, que l'on ne voyait pourtant jamais, perçait ce duvet de velours blanc en disparaissant à chaque fois qu'elle fermait les yeux. On eût dit de douces vallées peu profondes, tracées par les soucis des ans ou de grands chagrins, mais que la miséricorde rendaient peu immuables. Sitôt parus ils disparaissaient, creusés sur le front et entre les sourcils, parmi les tâches de son.
J'attendrai à dix pas. De ce côté.
Quoi? Quoi?! Quoi? Attendre quoi?
Vous avez besoin de...? Non ?
De QUOI?
Mais de faire ce que l'on ne dit pas, voyons.
Justement vous vous ne dites rien. Vous faites la tronche là, pour on ne sait quelle raison et vous... Vous... Ah, défection alors!

Et elle descendit de cheval.
Non pas pour pisser comme il le supposait.
Non pas pour boire de l'eau comme elle en avait ressenti la soif.
Mais pour décapiter des herbes hautes en leur donnant avant de les tuer le doux nom de Josselinière.


Ma dame, vous oubliez que je viens vous conduire à Paris, pas faire la conversation.


Elle massacra une famille de blé vert, une rangée de merles s'envola en piaillant leur déconfiture. Ah, mourrez, mourrez! Paris? Mais je ne veux pas aller à Paris! Le roi m'a demandé d'aller directement au front, c'est là qu'il se trouve n'est ce pas? Quel intérêt d'aller à Paris...? Mais qu'il était con! Qu'il était con! Complètement décapité! Tiens, tiens, Raaah, RAAAH !

Où voulez-vous aller ? Au bout de ce champ ?
LOIN!
Votre magnificence, Paris est loin... Nous ferons une étape à Tarbes. Mais ici, il n'y a ni table ni lit, alors avançons.
JE vAIS en BOURGOGNE!
C'est au Louvre que le Roi m'a dit de vous mener.
Le roi m'a dit la bourgogne, j'irai et même sans vous s'il le faut.
La Bourgogne est en guerre, le Roi aura voulu vous protéger en vous menant l'attendre à Paris.
Mettons. Écrivez lui. Il vous le dira lui même. Je n'ai pas l'intention de me battre, de toute façon, et le camp n'est pas pénétré par les ennemis si?
Vous lui écrirez à Tarbes. Les armées de l'Empire ont pris Dijon et plusieurs villes bourguignonne.

Elle blêmit.

Quoi ?
_________________
Aimbaud
La Bourgogne est occupée.
Mais... Eusaias va bien ?

L'inquiétude éplorée de Blanche, son ton soudain familier à propos de leur souverain, fut comme un lent coup de couteau transversal dans la gorge du Bourguignon. Il ravala une moue douloureuse en baissant la tête.

Le roi se porte bien. Nos alliés sont nombreux, nous reprendrons vivement le dessus sur les armées déloyales. Parlons, s'il vous plait, à cheval.

La capricieuse obtempéra en rejoignant penaudement sa monture, sur laquelle elle tenta de se hisser, avec peine. Les yeux froids d'Aimbaud l'observèrent galérer, sans pitié, ni lever de petit doigt... D'un coup de talons, il prit un peu d'avance.

Vous même, lui avez vous beaucoup parlé ? Fit-elle en le rejoignant, à retard.

Il se mit à la haïr, de revenir ainsi à la charge, de le faire aller sur un terrain qu'il ne voulait pas connaître, celui des nouvelles amours de Blanche avec le Roi de France. Il préférait les premiers chapitres, Blanche à la plage, Blanche chez les ducs de Bourgogne. La nouvelle saison, Blanche en Castille, était déjà médiocre. Et il fallait, suivant le bon vouloir de madame, qu'on la distraie par les récits glorieux de son nouvel amant fleurdelysé... À croire qu'elle ne cessait de choisir plus haut, dans l'échelle sociale de ses conquêtes.

Non, je ne suis pas dans la même armée. Je ne l'ai revu depuis son rétablissement à Essoyes, il y fut blessé légèrement.

Elle baissa les yeux, peut-être déçue d'avoir été tenue dans l'ignorance. Dans le rabais de ces paupières blondes, Aimbaud, lui, ne vit qu'un signe de plus de l'attachement de Blanche pour son très estimé suzerain, et de la peine qu'il lui en coûtait, de l'imaginer tomber sur le champ de bataille...

Comment en vouloir au Roi ? Il était tout pour Aimbaud, il lui avait offert sa première lame, lui avait appris la guerre, lui avait ouvert toutes les portes de la cour, il avait été pour lui un père, quand le sien sombrait dans l'absence et la folie. Son admiration pour Eusaias n'avait pas de frontières, il lui pardonnait ses partisans huguenots, sa colère envers les cardinaux et son goût pour les femmes des autres. Il n'y avait pas de grands hommes sans défauts ! Le Roi de France n'échappait pas à la règle, et Aimbaud en venait même à admirer ces travers, qui étaient tant preuve de force de caractère. Il n'aspirait qu'à marcher dans les pas du Balbuzard. Mais voilà que c'était ce dernier justement, qui venait poser le pied sur ses plates-bandes...

Hors ça, il n'était pas le premier, et sûrement pas le dernier, à entreprendre la fameuse Môme... alors... Mieux valait celui-là qu'un autre. Mais toute la rancoeur que le jeune marquis ravalait, se re-dirigeait vers l'objet de toutes les convoitises. Aguicheuse, manipulatrice, dépravée, courtisane, immorale, corrompue, autant de mots dont il la peignait en silence. Il se la noircissait, en broyant ses pensées dans sa bile, quelque part sous le sternum...

Elle voulut, au cours du voyage, lui poser quelques questions dont il jugea le ton trop personnel. Il y coupa court en plaçant entre eux distance et allure. Ils chevauchèrent ainsi toute la fin de la journée, le temps d'atteindre Tarbes où ils expliquèrent leur passage aux hommes de douane, et déambulèrent à la recherche d'une auberge fréquentable. Jusqu'alors, ils pouvaient se permettre de dormir sur du foin dans des rades miteux, mais la présence de Blanche exigeait présentement, au moins une couche confortable, et des draps bien blancs.


***

Aliénor, roupillant en selle, fut déposée sur une paillasse, dans la chambrée d'une petite maison tarbaise où Blanche devait aussi dormir. L'hiver n'était plus très rude, dans ces régions, mais un vent glacé sévissait en passant sous les portes, aussi Aimbaud paya le double de couvertures. Repas chauds et carafes de vin furent mises en table.

Mais Blanche, les yeux vers le sol, les joues rouges, et souffrant visiblement d'une grande fatigue, se refusa à manger. Oubliant son rôle d'escorte, Aimbaud n'alla pas la contredire, lorsqu'elle s'éloigna sur quelques mots colériques et capricieux, qu'il mit sur le compte du voyage éreintant. Il mangea seul, près de ses pièces d'armure de jambes, jetées sur un banc pour mieux se reposer. La tête vide et la bouche pleine, bouleversé par ces retrouvailles.

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Blanche_
En remontant se coucher, loin de lui, un nœud serrait sa cape et son estomac. Dans l'obscurité de la chambre qu'elle partageait avec la petite fille, la marquise défit toutes les couches de riche qu'elle portait sur le dos, qui avaient perdu de leur superbe sous la poussière du chemin, et la pluie qui l'avait inscrite entre le tissage d'or pour la rendre indélogeable. Ces effets indésirables faisaient que Blanche avait toujours détesté les voyages, et ce depuis qu'elle était toute petite. On allait souvent de Saint Père en Retz à Roc'han, pour joindre son père ou sa mère, dans ce couple si instable et particulier du duc et de la duchesse du Rohannais ; et très vite elle avait associé, sans trop s'en rendre compte, les pérégrinations équestres et la poussière au remue-ménage parental, et avait détesté l'intégralité de ce trio.
Pleine de cette colère habituelle, elle défaisait sa cape et la pliait sur le dossier d'une chaise, la recouvrait de gants, de ceinture lourde de tout ce qu'elle y avait accroché, de sa bourse, d'un petit coutelas, de toute son amertume.


    Vous avez bu, vous êtes ivre.


Le souvenir de ses propres mots résonna dans sa tête ; à la manière d'un écho rempli de tristesse et de regrets. Elle s'était montrée prompte à le juger et à casser sa superbe, alors qu'il n'avait pas même montré le moindre orgueil ; c'est tout juste s'il lui donnait des conseils. Des ordres? Jamais. Elle ne se souvenait désormais même plus s'il avait réellement manqué à son rang ou si elle l'avait imaginé, empressée d'en finir et d’exécuter sa colère contre lui. Calme, elle s'en voulait d'y avoir cédé, quoique cachée au milieu de l'obscurité de la chambre, n'entendant plus que le souffle d'Aliénor et les sabots des chevaux au dehors, elle se savait condamnée à ne jamais lui dire pardon.

De la ferraille d'homme et d'armes fit du bruit dans le couloir. Elle sortit pour jeter un oeil - c'était bien idiot-. Et puis osa.


Aimbaud?
Il fallut l'appeler deux fois pour qu'il sorte le museau. Et elle, incapable de le domestiquer, voulut lui expliquer, lui demander pardon. Elle se perdit dans toutes ses dimensions, toutes ces directions que prenait ses excuses pour se justifier. Demander pardon revenait à demander pardon pour tout, mais elle n'y arrivait pas. Elle ne parvint qu'à le fâcher encore plus ; ce qu'elle crût tout du moins.
Cet échange lui plût, dans le sens où il montra, crut-elle, qu'elle faisait amende honorable. Ils parlèrent, chuchotèrent au milieu de ce couloir sans qu'il fut important d'en énoncer tous les mots, ils n'abordèrent aucun sujet d'importance et ne conclurent rien. La narration pourrait se contenter de dire qu'ils se tinrent proches l'un de l'autre tout le temps qui suivit la marche lente de Blanche vers Aimbaud, l'on pourrait dire qu'elle avait défait sa colère et sa cape comme il avait baissé ses armes ; qu'elle était fatiguée autant qu'il était ivre, et que c'était cela, peut être, qui les rendait plus jeunes tous les deux de quelques années. Deux, peut être. Peut être autant que l'âge de Lestan da Lua.
Quand la voix de Blanche se fit entendre, elle n'était qu'un souffle. Une petite mélodie qui montait parfois en ton et intensité quand quelque chose ne lui plaisait pas ; mais une musique tout de même. Voyez que leur dialogue importe peu ; il suffit de savoir que Blanche chantait pour Aimbaud une sorte de sérénade au couloir, puis qu'elle se tut et retourna à sa chambre. C'est lui, alors, qui retourna la voir, ce qui aurait fait tressaillir d'impatience n'importe quel témoin les observants : à leurs gestes et visages on les aurait dits amants, si l'on n'écoutait pas ce qu'ils disaient, bien évidemment.
Le garçon retourna vers la fille alors qu'elle était dans sa chambre. Un peu plus réveillé de son vin, elle, les joues rouges comme venant de boire le même breuvage. Revigorés, en tous cas, tous les deux face à face au bout du couloir, discussion couverte par le bruit des convives au rez-de-chaussée, puis plus rien.
La lourde armure s'en retourna à sa chambre, la robe de velours vert ferma sa porte.
Et leurs souffles s'alignèrent à celui d'Aliénor pour dormir déjà.

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