« Et c'est un plaisir d'y être accueilli, Comtessa. »
Ses mauvaises manières ont baissé pavillon sur le seuil. Air altier qui s'incline au dessous de la ligne de flottaison de son regard acier, fuyant subrepticement derrière les arcades de ses orbites à mesure qu'il s'abaisse. Double souris aux lippes, l'amabilité est franche. Un quartier d'instant éminemment rare, qui fait disputer aux chandelles l'éclat de ses crocs de métal. Mais il ne peut s'empêcher de se demander si cette jeune créature était déjà née, pendant la nuit où fut exécutée sa mère, qui avait cru judicieux de charger une lance de Montalbanais armés jusqu'aux dents avec une armée en complète désuétude d'effectifs.
« J'ai longtemps fait voisinage avec votre mère. Assez pour connaître le nom de Lily Jane et les aspects d'une vie. Mais nos positionnements respectifs ne nous permettaient pas de nous côtoyer autrement que l'épée au clair. Aussi, nous n'étions pas intimes. J'ignorais même qu'elle avait eu une fille. Jusqu'à ce que j'apprenne qu'il existât une Comtesse qui occupait Labastide, et l'identité véritable de cette dernière. »
En bon théologien, Iohannes traîne toujours avec lui un certain nombre de textes. Mais ceux qu'il présente à son hôte n'ont pourtant rien d'une hagiographie.
« Voici les sources fiables que j'ai pu recueillir sur les principales relations officielles que j'ai pu établir avec feue votre mère, Comtessa. Vous en jugerez par vous-même. »
Et quid de l'identité du journaliste ... Magnifique cerise sur un bien vieux gâteaux.
Citation:
16-03-2010 : Échaufourrée aux portes de Castelnaudary
CASTELNAUDARY (AAP) - Dans la nuit du 14 au 15 mars, une armée toulousaine et une lance de voyageurs guyennois ont livré bataille sous les murs de Castelnaudary. Devant le petit bourg toulousain, les huit voyageurs, qui étaient menés par le réformé Sancte et allaient de Montauban à Carcassonne, ont rencontré la comtesse sortante Lily-Jane, portant bannière toulousaine. Un combat a été engagé entre les deux entités.
L'ancienne comtesse a été laissée pour morte sous les murs de Castelnaudary et son armée dispersée. Dans l'autre camp, Sancte, meneur du groupe de voyageurs, a été superficiellement blessé.
Kartouche, pour l'AAP
Citation:
21-03-2010 : Combat à Castelnaudary : entrevue avec Lily-Jane
CASTELNAUDARY (AAP) - Il y a trois jours, dans la nuit du 14 au 15 mars, a eu lieu une échauffourée entre une armée et un groupe de voyageurs guyennois (cf. la dépêche à ce sujet parue le 16 mars). Nous avons contacté l'ancienne comtesse de Toulouse Lily-Jane, capitaine de l'armée impliquée dans le combat et grièvement blessée à cette occasion, qui a bien voulu répondre à quelques questions.
AAP - Dame de Labastide Saint-Pierre, bonjour et merci d'avoir bien voulu accepter de répondre à quelques questions. Il y a deux jours, nous rapportions qu'un combat avait eu lieu sous les murs de Castelnaudary, et vous en avez été partie prenante. Qui a-t-il précisément opposé ?
Lily-Jane - Un groupe de huit personnes, dont j'ai reconnu leur appartenance au groupuscule les Lions de Juda, contre moi même, à la tête de l'armée Via Fora Los Pefons.
AAP - Et vous étiez seule dans votre armée, c'est exact ?
Lily-Jane - Oui tout à fait, la soirée était calme, et aucun danger apparant ne semblait proche de se produire. J'étais sereine et ne sentais pas l'obligation d'être accompagnée.
AAP - Et ces gens-là, ils n'auraient pas dû se trouver à ce moment sur les routes de Toulouse ?
Lily-Jane - Non, en effet. Les Lions de Juda ne sont pas les bienvenus en terres toulousaines. En plus de cela, nos frontières sont fermées et ils n'avaient aucun laisser-passer. Ce qu'ils n'auraient pas eu même si la demande en avait été faite.
AAP - Et c'est pour cette raison que vous avez engagé le combat, malgré la criante infériorité numérique dont vous souffriez (car je crois que c'est bien vous qui les avez attaqué en premier) ?
Lily-Jane - Et bien, j'ai vu en prime abord le déDuché de Guyennemé Sancte. Je lui ai dit qu'il n'avait rien à faire en terre toulousaine, et je lui ai ordonné de partir. Il a refusé. Je l'ai donc forcé à exécuter cet ordre en le bousculant quelque peu. Puis ses amis que je n'avais point vu sont arrivés afin de le défendre, si l'on peut dire ainsi. J'étais seule contre huit.
AAP - Donc d'après vous, ils ne se promenaient pas tous ensemble. Vous avez été laissée pour morte au terme du combat : savez-vous combien de personnes vous ont porté des coups, et combien de vos adversaires vous avez blessé ou tué ?
Lily-Jane - Disons que Sancte était en tête du groupe, les autres devaient être en retrait, et je ne les ai pas vu de suite. Pour le combat en lui même, je vous avoue avoir du mal à m'en souvenir exactement. Ce fut douloureux, une expérience que je ne souhaite à personne, exception faite des enfants du sans Duché de Guyenne. Ce dont je me souviens, c'est avoir bousculé Sancte afin qu'il s'en aille, puis ensuite, tout est allé très vite. Ils étaient si Duché de Guyennebreux. Sancte était quelque peu assomé par le coup que je lui ai porté et le reste est arrivé... Je me souviens surtout... De la lame d'un deux qui m'a transpercé le ventre, puis ce fut la chute et j'étais entre conscience et inconscience. J'ai senti le feu, mon armée qui brûlait par leur soin. Puis je me suis évanouie. Il parait que mon coeur s'est même arrêté de battre quelques secondes, mais, Loué soit Aristote, les secours sont arrivés à temps.
AAP - Comme nous l'avons évoqué au début de l'entrevue, vous protiez une bannière toulousaine : agissiez-vous en mission pour l'armée régulière ? Saviez-vous que ce groupe allait passer par là ?
Lily-Jane - Mon armée était bien règlementaire et agrée par le Comté, mais dans l'instant, je rentrais juste chez moi et m'apprêtais à repartir le lendemain. J'ai donc était surprise, car la route devait être sure.
AAP - Est-ce qu'il est fréquent que vous -ou d'autres capitaines toulousains- patrouillent sur les routes en effectif très réduit, tout en prêt à engager le combat contre des ennemis qui sont réputés pour ne pas être des enfants de coeur ? Stratégiquement, n'est-ce pas un peu trop risqué ? Que doivent penser les Toulousains des choix militaires de leurs autorités ?
Lily-Jane - Si j'étais en effectif réduit, c'est parce que, comme je viens de le dire, je venais de rentrer chez moi et repartais le lendemain. En ce qui concerne les choix militaires, cela regarde uniquement les autorités compétentes. Et le Comté n'a jamais eut à se plaindre de sa belle armée.
AAP - D'accord, merci. Finalement, avez-vous un commentaire à ajouter ? Voyez-vous un point que j'ai oublié de mentionner ?
Lily-Jane - De rien. J'ajouterai juste que je remercie le Très Haut de m'avoir permit de survivre à cette terrible épreuve. Cela grâce également à mes frères et soeurs de l'Ordre Teutonique, qui m'aident pendant ma convalescence.
Propos recueillis par Kartouche, pour l'AAP
Citation:
21-03-2010 : Combat à Castelnaudary : entrevue avec Sancte
CASTELNAUDARY (AAP) - Il y a trois jours, dans la nuit du 14 au 15 mars, a eu lieu une échauffourée entre une armée et un groupe de voyageurs guyennois (cf. la dépêche à ce sujet parue le 16 mars). Nous avons contacté Sancte, meneur du groupe impliqué dans le combat, pour lui demander de répondre à quelques questions.
AAP - Messer Sancte, bonjour. Il y a trois jours, vous avez été impliqué dans un combat contre l'ancienne comtesse de Toulouse Lily-Jane. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs ce qui s'est précisément passé ?
Sancte - Messer, bonjour. Il y a trois jours, mes compagnons de route et moi-même avons effectivement été agressés par une sauvageonne qui semblait se prendre pour un agent de la maréchaussée. Naturellement, au regard de son agressivité et de ses manières quelque peu discourtoises, nous avons immédiatement pensé à une attaque de bandits de grands chemins. Ce n'est que lorsque nous avons aperçu l'oriflamme toulousain que nous avons compris le caractère officiel de cette embuscade quelque peu maladroite, puisque ladite demoiselle nous a ordonné de faire demi-tour, sans jamais avoir voulu nous laisser la possibilité de le faire. Pour résumer : elle n'a jamais renoncé à l'idée d'en découdre et constatant que nous ne répondions pas à ses provocations papistes, s'est finalement décidée à charger. Mal lui en a pris, comme tous ont pu le constater.
AAP - Effectivement, puisque dame Lily-Jane s'est retrouvée à deux doigts de mourir. Si j'ai bien compris, c'est elle qui a engagé le combat : comment expliquez-vous que, seule, elle s'en soit prise à un groupe de huit personnes ?
Sancte - L'incompétence et l'irresponsabilité des officiers toulousains n'est pas de mon ressort. Je pense qu'elle seule sera à même de répondre à cette question, avec toute la mauvaise foi qui caractérise ce genre de personnages lorsqu'ils se prennent une peignée.
AAP - Normalement, vous n'aviez pas le droit de vous trouver sur les terres du comté de Toulouse : pourquoi avez-vous tout de même entrepris ce voyage ? Saviez-vous que vous risquiez de vous faire attaquer par Lily-Jane et que vous pourriez avoir l'occasion de lui infliger une défaite ? En d'autres mots, était-ce une mission sciemment préparée en ce sens ?
Sancte - Je n'étais aucunement au courant de la situation du comté de Toulouse avant mon départ. Cette province à la réputation prestigieuse n'est troublée par aucune guerre civile ou aucun autre conflit à ses frontières qui justifieraient une telle décision. Je savais néanmoins qu'en ma qualité de Sicaire du Lion de Juda, j'encourais des risques en traversant le territoire Toulousain. Ces risques je les ai endossés, mais il serait fort malhonnête de penser que je dirigeais une expédition pour sanctionner ladite dame que je ne connaissais absolument pas et envers qui, à priori et en dépit de sa réputation de papiste zélée, je ne nourrissais aucune sorte de griefs.
AAP - Et vous pourriez nous éclairer sur la raison de ce voyage, ou bien cette dernière est-elle confidentielle ?
Sancte - Je n'ai pas grand chose à cacher pour peu que l'on soit assez urbain pour venir me poser les bonnes questions, avec l'amabilité que commandent les bonnes moeurs. Pour vous répondre, je suis étudiant en voie de l'Eglise et comme chacun sait, cette vocation me pousse à parcourir les Provinces de notre Royaume en quête d'ouvrages rares dont seules certaines bibliothèques disposent. D'où la nécessité plus ou moins impérieuse de mes déplacements. Mais si la damoiselle Lily-Jane souhaitait faire don de plusieurs volumes théologiques à l'Université de Guyenne pour raréfier les déplacements des Réformés de Montauban, je pense que nous recevrons son geste avec la plus grande bienveillance.
AAP - Voilà qui est limpide : dame Lily-Jane sais ce qu'il lui reste à faire pour se réconcilier avec vous. Messer Sancte, merci d'avoir bien voulu répondre à ces quelques questions, nos lecteurs en seront assurément éclairés. Avant de terminer, avez-vous un commentaire à ajouter ou voyez-vous un point important que vous aurions oublié de soulever ?
Sancte - Effectivement. J'ai pu apprendre que certains représentants de l'Eglise ont fait passer Lily-Jane pour une victime des attaques du Lion de Juda. Ces propos sont aussi trompeurs qu'absurdes, chaque officier d'état-major sachant très bien qu'une simple lance ne peut partir à l'assaut du fortin d'une armée. Si il y a trois jours, Toulouse a perdu une armée, c'est parce que celle qui la dirigeait a commis la bêtise de se promener sur le territoire en quête d'offensives à mener sans avoir les renforts pour se le permettre. De même, j'ai ouï dire que la Guyenne s'était excusé auprès de Toulouse pour cet incident. Mais s'excuser de quoi ? Du fait que des Guyennois ne se laissent pas taper dessus sans réagir ? En vérité, chacun comprendra que cet incident accouche de trois conclusions limpides :
- Le comté de Tolosa confie le commandement de ses armées à des fillettes incompétentes.
- L'Église Aristotélicienne déforme toujours les faits à son avantage, pour rejeter ses turpitudes internes sur le dos d'hérétiques au bellicisme fantasmé.
- La diplomatie guyennoise conserve le doigt sur la couture de son pantalon : politique de génuflexions et éternelle posture de paillasson. Advienne que pourra, la Guyenne brillera. Jamais dans le présent, hélas.
Propos recueillis par Kartouche, pour l'AAP
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