La foule grossissait à vue d'oeil, le vacarme monta d'un cran. Maë avait réussi son pari, en attisant quelques curiosités. Sa fille regardait tout ce brouhaha d'un air ravi, et Arthur se prit à songer à ces mêmes yeux d'émeraude pailletés d'or qui, quelques années auparavant, se posaient avec le même émerveillement, quoi qu'un peu plus enfantin, sur tout ce qui bordait les routes qu'elle arpentait.
Sa fille avait hérité de lui ce regard observateur posé sur le monde. Et de sa mère, sa capacité à se plonger à corps perdu dans ce même monde, ce que lui-même éprouvait toutes les peines du monde à réaliser.
Et c'était une fois encore perdu dans des songes qui n'appartenaient guère qu'à lui qu'il se trouva entraîné par le bras de sa fille glissé sous le sien. Et ils se trouvèrent au devant du cortège, côte à côte avec Maë, nez à nez avec Beths.
A peine le temps de saluer son amie, que Khoryan, leur capitaine presque auréolé de la plus grande gloire que pouvait récolter un meneur d'équipe à la soule, se lança dans un de ces grands discours dont il avait le secret.
Arthur l'écouta, sourire au coin des lèvres, dire sa joie d'être ici, de représenter une équipe qui alliait si bien jeunesse et renouveau, et noyau dur d'anciens. Anciens dont il faisait partie, comme lui rappela Khoryan, lui posant une sacrée colle.
Un hymne officiel? Je n'en ai pas souvenir. Quand Anyenka a recréé l'équipe, elle nous a collé ces tenues auxquelles nous nous sommes, contre toute attente, attaché... Il a même été brièvement question d'une danse, qu'on a réalisé sur trois ou quatre matchs, mais l'idée a fini par se perdre dans l'oubli, à ma grande joie pour tout dire. C'était May qui avait lancé ce truc. Mais un hymne... s'il en a existé un, c'est avant la recréation de l'équipe par Anyenka. Je fouillerai dans les archives, ça peut valoir la peine d'y chercher... Mais l'idée d'un concours pour choisir l'hymne est très bonne, même si l'on retrouve un vieil hymne, ça peut être très intéressant d'avoir deux hymnes: un antique et un récent.
Puis Khoryan, lancé dans sa veine lyrique, s'adressa à la foule. Arthur l'écouta rappeler le nom de chaque équipe du BA, rendu honneur aussi à leurs coéquipiers, ceux avec qui ils avaient partagé l'aventure du championnat inter BA. Khoryan évoqua aussi le GFC et leur incroyable victoire. Oui, la soule coulait dans les veines du Bourbonnais-Auvergne, comme la lave de ses volcans. Eruptive, incontrôlable...
Un sourire naquit au coin des lèvres d'Arthur comme une idée germa dans sa tête. Une idée soudaine, spontanée, comme une évidence, en fait. Il jeta un coup d'oeil à Maë, instigatrice de l'évènement, mais elle était occupée, comme Ili, à faire la conversation à Beths. Arthur repéra alors Hulrika. La compagne idéale pour ce genre de projet. Et au regard qu'il échangea avec la jeune femme, Arthur sut qu'une idée identique avait traversé l'esprit d'Hulrika.
Comme si le moment lui-même leur avait dicté la conduit à suivre. En quelques pas, il rejoignit la jeune Moulinoise, et murmura:
Notre capitaine mérite bien qu'on le porte aux nues, tu ne crois pas? Tu prends la jambe droite, moi la jambe gauche.
Et sans un mot de plus, il arriva dans le dos de Khoryan, qui terminait à peine son discours, s'agenouilla et, d'un coup d'épaule bien dosé, fit basculer Khoryan en arrière, et le jucha en hauteur, se relevant en même temps qu'Hulrika, qui avait opéré de manière similaire de l'autre côté.
Et avant d'avoir pu protester, Khoryan se retrouva porté en triomphe.
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"Je vivais à l'écart de la place publique
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique."