Evil_erin
14- Sarlat, quand la fin est un commencement, ou un renouveau ...
Toi qui es la lune et le vent
Tu me donnes ta lumière
Tes yeux caressent mes yeux
Et sans toi le souffle me manque
Et je meurs...
Mais si je ferme mes bras
Tu glisses et fuis, tu n'es plus là
Je ne peux saisir ta lumière
Elle est sur moi et loin de moi
Tu me regardes et peu t'importe
Qui je suis...
(Les Dames a la Licorne. R.Barjavel.)
Nous avions rejoint le Périgord Angoumois. Nous aurions du continuer vers la Bretagne, mais il y a toujours des raisons qui font que les plans ne tournent pas rond. J'avais donc ré-ouvert la petite maison à la tour, en dehors de la ville de Sarlat. Juste en sortant des bas-fonds de la ville, il suffisait de suivre la route qui menait à la mine, puis d'obliquer vers la foret avant la grand'route. Elle était là, toujours debout, un peu malmenée par l'hiver qu'elle avait passé sans vie, mais il suffirait de peu pour la remettre en état.
C'est là que le prochain Lochlainn verrait le jour. C'est là que Lui devrait construire sa barrière, comme il l'avait dit. C'est là que la naissance devait permettre la renaissance. Y croire était tellement absurde.
Eileen, Leony, l'Ombre et moi, la maison était assez grande. Selena était passée nous rendre visite avant de repartir pour Bergerac, puis pour plus loin. Eiko se remettait difficilement et elle préférait rester à l'auberge, s'isolant un peu plus de jour en jour. Quant à Nesa, mon cher chasseur, je lui avais offert hébergement dans la tour. Perche là haut, juste sous les dernières poutres qu'il affectionnait tant, il trouverait surement l'inspiration. Cependant, il n'avait toujours pas répondu à mon invitation.
Après seulement quelques nuits, les cauchemars étaient revenus. Plus forts, plus violents, plus troublants que jamais. Impossible de les chasser. Impossible de se défaire de cette sensation malsaine, presque douloureuse qu'ils laissaient dans ma mémoire. Impossible de ne pas croire qu'ils étaient vrais ... Et si ils l'étaient ? Et si ce n'était pas de simples mauvais rêves, mais plutôt un genre de vision, de prémonition ? Ca m'était déjà arrivé, j'avais déjà vécu cela, et la peur n'en était que plus effrayante.
La première lueur de l'aube n'était pas encore née. Elle serait sans doute en retard, ou bien d'humeur grise, au vu du ciel chargé de nuages. Mais je n'en avait rien à faire. Mon épée glissée sous ma cape, la capuche rabattue sur ma tête, j'embrassais ma fille avant de filer discretement hors de la maison.
Ce que j'allais faire ? Je n'en savais trop rien. Comment je me sentais ? Mal, avec toujours cette sensation désagréable collée à la peau. Il fallait que je me batte, que je combatte cette force obscure et invisible qui m'empêchait de vivre. Mais en avais-je la force, était-je vraiment capable de l'affronter, n'était-il pas déjà trop tard, tout cela n'était-il pas vain et inutile ...
Je ne pouvais pourtant pas laisser cette "chose" gagner, encore moins par abandon. A vrai dire, je ne savais même pas ce que c'était. Longtemps j'avais cru qu'elle était la Mort, froide et déterminée à venir m'enlever ma source de vie. A présent, elle me semblait prendre une autre forme, plus sournoise, plus perfide.
A peine avais-je franchi la limite de la route de la mine, que la pluie s'était mise de la partie. Lente, régulière, pénétrante, comme si elle voulait me convaincre de faire demi-tour. Mais c'était mal me connaitre. C'était mal connaitre mon entêtement.
Une petite clairière, qui n'en était pas vraiment une, une simple trouée causée par l'abattage d'une grande quantité d'arbres, et je fermais les yeux, rabattant ma cape en arrière et laissant la pluie inonder mon visage. Un long cri, venu du fond de mon être, le besoin d'extérioriser, de jeter hors de moi cette douleur incessante, brulante, qui me marquait depuis plus de deux ans au fer rouge.
J'extirpais alors mon épée de ma hanche. Elle me paraissait tellement plus lourde ces derniers temps, tellement plus difficile à manier. Je commençais par faire quelques moulinets, garde haute, garde basse, puis les pas de "danse" accompagnèrent les bras, je retrouvais mes réflexes d'entrainement. L'espace d'un instant, un éclair se fit. Il tomba au sol, tout pres, alors que je fendais dans la même direction. Ma voix s'éleva, arrogante, et maudissant en direction du ciel assombri.
Je te vaincrais un jour .... Je jure que je te vaincrais !
Mes bras retombèrent lourdement, je sentais ma force disparaitre rapidement, plus rien n'allait, je n'avais rien retrouvé dans ma fuite, tout était encore là-bas. J'étais seule.
Lasse, presque incapable de mettre un pied devant l'autre, et trempée jusqu'aux os, je réussis à me diriger vers un arbre immense. Il me protégeait presque complètement de la pluie.
Je sentis alors mon corps affaibli trembler de la tête aux pieds, jusqu'à mes dents qui claquaient en cadence, pour finalement tomber dans une complète inertie, totalement engourdie par le froid et l'humidité.
La voix ... Elle disait des mensonges ... La voix ... Elle voulait quoi au juste, que je me reveille, mais moi je ne voulais pas ... La voix ... "Je viens à toi, sois" ... La voix ... Elle me faisait mal.
Étincelante ... Étincelante ... Était-ce encore moi ?
Je ne sentis qu'une presence, rien d'autre, elle me bougeait, m'obligeait à réagir contre mon envie. Remuer. Faire un pas, puis un second, et sentir presque mon sang dégeler dans mes veines, le sentir presque se remettre à courir dans tout mon corps. Mais ce n'était pas ce que je désirais, pas comme ca !
Incapable de parler, incapable de m'opposer. C'est faiblement que je cherchais à leur échapper, toujours je tenterai, même en vain. La voix de la rousse me parvint, apeurée mais directive, envoyant Eileen et Leony au fin fond de la cuisine, alors qu'avec l'aide de l'Ombre, ils me trainaient jusqu'à la chambre. Elle ne mit pas longtemps à retirer les oripeaux détrempés, à me passer une simple chemise propre et me glisser sous les draps.
Que je détestais ce traitement maternel ! Comme je les détestais, tous, eux, Lui, pour tout ce mal ! Comme j'avais envie de leur en faire, si seulement ca pouvait diminuer ma propre douleur !
L'odeur dans le lit était celle de ma fille, uniquement, comme un calmant à ma frénésie.
Eileen ... Eileen ...
Tout disparu alors que je sombrais dans un profond sommeil sans reve, enfin.
Qu'on me laisse finir dans l'indifférence, qu'on me laisse mourir dans l'absence.
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Toi qui es la lune et le vent
Tu me donnes ta lumière
Tes yeux caressent mes yeux
Et sans toi le souffle me manque
Et je meurs...
Mais si je ferme mes bras
Tu glisses et fuis, tu n'es plus là
Je ne peux saisir ta lumière
Elle est sur moi et loin de moi
Tu me regardes et peu t'importe
Qui je suis...
(Les Dames a la Licorne. R.Barjavel.)
Nous avions rejoint le Périgord Angoumois. Nous aurions du continuer vers la Bretagne, mais il y a toujours des raisons qui font que les plans ne tournent pas rond. J'avais donc ré-ouvert la petite maison à la tour, en dehors de la ville de Sarlat. Juste en sortant des bas-fonds de la ville, il suffisait de suivre la route qui menait à la mine, puis d'obliquer vers la foret avant la grand'route. Elle était là, toujours debout, un peu malmenée par l'hiver qu'elle avait passé sans vie, mais il suffirait de peu pour la remettre en état.
C'est là que le prochain Lochlainn verrait le jour. C'est là que Lui devrait construire sa barrière, comme il l'avait dit. C'est là que la naissance devait permettre la renaissance. Y croire était tellement absurde.
Eileen, Leony, l'Ombre et moi, la maison était assez grande. Selena était passée nous rendre visite avant de repartir pour Bergerac, puis pour plus loin. Eiko se remettait difficilement et elle préférait rester à l'auberge, s'isolant un peu plus de jour en jour. Quant à Nesa, mon cher chasseur, je lui avais offert hébergement dans la tour. Perche là haut, juste sous les dernières poutres qu'il affectionnait tant, il trouverait surement l'inspiration. Cependant, il n'avait toujours pas répondu à mon invitation.
Après seulement quelques nuits, les cauchemars étaient revenus. Plus forts, plus violents, plus troublants que jamais. Impossible de les chasser. Impossible de se défaire de cette sensation malsaine, presque douloureuse qu'ils laissaient dans ma mémoire. Impossible de ne pas croire qu'ils étaient vrais ... Et si ils l'étaient ? Et si ce n'était pas de simples mauvais rêves, mais plutôt un genre de vision, de prémonition ? Ca m'était déjà arrivé, j'avais déjà vécu cela, et la peur n'en était que plus effrayante.
La première lueur de l'aube n'était pas encore née. Elle serait sans doute en retard, ou bien d'humeur grise, au vu du ciel chargé de nuages. Mais je n'en avait rien à faire. Mon épée glissée sous ma cape, la capuche rabattue sur ma tête, j'embrassais ma fille avant de filer discretement hors de la maison.
Ce que j'allais faire ? Je n'en savais trop rien. Comment je me sentais ? Mal, avec toujours cette sensation désagréable collée à la peau. Il fallait que je me batte, que je combatte cette force obscure et invisible qui m'empêchait de vivre. Mais en avais-je la force, était-je vraiment capable de l'affronter, n'était-il pas déjà trop tard, tout cela n'était-il pas vain et inutile ...
Je ne pouvais pourtant pas laisser cette "chose" gagner, encore moins par abandon. A vrai dire, je ne savais même pas ce que c'était. Longtemps j'avais cru qu'elle était la Mort, froide et déterminée à venir m'enlever ma source de vie. A présent, elle me semblait prendre une autre forme, plus sournoise, plus perfide.
A peine avais-je franchi la limite de la route de la mine, que la pluie s'était mise de la partie. Lente, régulière, pénétrante, comme si elle voulait me convaincre de faire demi-tour. Mais c'était mal me connaitre. C'était mal connaitre mon entêtement.
Une petite clairière, qui n'en était pas vraiment une, une simple trouée causée par l'abattage d'une grande quantité d'arbres, et je fermais les yeux, rabattant ma cape en arrière et laissant la pluie inonder mon visage. Un long cri, venu du fond de mon être, le besoin d'extérioriser, de jeter hors de moi cette douleur incessante, brulante, qui me marquait depuis plus de deux ans au fer rouge.
- L'eau ruisselait doucement sur le chemin. Bon dieu ! Ce qu'il pouvait pleuvoir dans ce coin !
Parfois les branches le heurtait mais l'Ombre ne paraissait pas s'en apercevoir. Le pas était rapide, pressé même, il écrasait tout sur son passage sans se soucier de ce que cela pouvait être.
Quelques grommellements sortaient parfois d'entre ses lèvres. Il maudissait l'homme par qui tout arrivait. Il était en colère contre Elle, contre ces sentiments qu'elle n'arrivait plus à contrôler, cet état qui la rendait si vulnérable. Et il fonçait au cur de la foret, persuadé de savoir où la trouver.
Un cri d'animal lui fit tourner rapidement la tête mais il ne vit qu'une ombre s'enfuir dans les fourrés. Il pesta, il était sur de se diriger dans la bonne direction, mais se laisserait-elle trouver, c'était moins sur.
J'extirpais alors mon épée de ma hanche. Elle me paraissait tellement plus lourde ces derniers temps, tellement plus difficile à manier. Je commençais par faire quelques moulinets, garde haute, garde basse, puis les pas de "danse" accompagnèrent les bras, je retrouvais mes réflexes d'entrainement. L'espace d'un instant, un éclair se fit. Il tomba au sol, tout pres, alors que je fendais dans la même direction. Ma voix s'éleva, arrogante, et maudissant en direction du ciel assombri.
Je te vaincrais un jour .... Je jure que je te vaincrais !
Mes bras retombèrent lourdement, je sentais ma force disparaitre rapidement, plus rien n'allait, je n'avais rien retrouvé dans ma fuite, tout était encore là-bas. J'étais seule.
Lasse, presque incapable de mettre un pied devant l'autre, et trempée jusqu'aux os, je réussis à me diriger vers un arbre immense. Il me protégeait presque complètement de la pluie.
Je sentis alors mon corps affaibli trembler de la tête aux pieds, jusqu'à mes dents qui claquaient en cadence, pour finalement tomber dans une complète inertie, totalement engourdie par le froid et l'humidité.
- La pluie fine et harcelante cessa presque lorsqu'il se trouva au couvert de gros arbres.
Elle était là, recroquevillée entre les racines d'un chêne centenaire, peut-être dormait-elle, ou peut-être pas. Son épée était plantée en terre, à quelques centimètres d'elle.
Qu'avait-elle voulu faire encore ? S'entrainer ? Dans son état ? Insupportable inconsciente, saleté de caractère qui résistait à chaque main tendue, mais même lui était bien incapable de la faire changer.
La voix ... Elle disait des mensonges ... La voix ... Elle voulait quoi au juste, que je me reveille, mais moi je ne voulais pas ... La voix ... "Je viens à toi, sois" ... La voix ... Elle me faisait mal.
Étincelante ... Étincelante ... Était-ce encore moi ?
- Il s'agenouille pres d'elle, tire légèrement ses cheveux vers l'arrière avant de la redresser.
Bon sang l'Étincelante ! Qu'est ce que t'as foutu encore ?!!
Je ne sentis qu'une presence, rien d'autre, elle me bougeait, m'obligeait à réagir contre mon envie. Remuer. Faire un pas, puis un second, et sentir presque mon sang dégeler dans mes veines, le sentir presque se remettre à courir dans tout mon corps. Mais ce n'était pas ce que je désirais, pas comme ca !
- L'examinant d'un coup d'il rapide, il l'aide à se relever. Son autre main attrape l'épée et la glisse à sa ceinture. La capuche est remontée sur les cheveux blonds dégoulinant. Ils entament le retour, lui la soutenant, elle silencieuse, et bientôt la petite maisons se profile dans leur horizon trouble par la pluie.
D'un coup de pied, il ouvre la porte et sa voix gronde dans le brouhaha des femmes.
Qu'on m'aide ! Déshabillez la et mettez la au lit !
Il la sent se redresser, se raidir contre lui, elle va s'opposer à ses ordres, il le sait, mais peu importe.
Incapable de parler, incapable de m'opposer. C'est faiblement que je cherchais à leur échapper, toujours je tenterai, même en vain. La voix de la rousse me parvint, apeurée mais directive, envoyant Eileen et Leony au fin fond de la cuisine, alors qu'avec l'aide de l'Ombre, ils me trainaient jusqu'à la chambre. Elle ne mit pas longtemps à retirer les oripeaux détrempés, à me passer une simple chemise propre et me glisser sous les draps.
Que je détestais ce traitement maternel ! Comme je les détestais, tous, eux, Lui, pour tout ce mal ! Comme j'avais envie de leur en faire, si seulement ca pouvait diminuer ma propre douleur !
L'odeur dans le lit était celle de ma fille, uniquement, comme un calmant à ma frénésie.
Eileen ... Eileen ...
Tout disparu alors que je sombrais dans un profond sommeil sans reve, enfin.
Qu'on me laisse finir dans l'indifférence, qu'on me laisse mourir dans l'absence.
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