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Info:
25 février 1461. Sortie de deuil d'Ayena.

[RP] On choisit pas sa famille

Ayena
      Y a des oiseaux de basses cours et des oiseaux de passage
      Ils savent où sont leurs nids, quand ils rentrent de voyage
      Ou qu'ils restent chez eux
      Ils savent où sont leurs œufs

      Être né quelque part
      Être né quelque part
      C'est partir quand on veut,
      Revenir quand on part

      Est-ce que les gens naissent
      Égaux en droits
      A l'endroit
      Où il naissent ?



25 février 1460. Un an.

Il y a un an, Ayena s'était réveillée au petit matin. Elle allait se marier dans la journée. Le cœur qui bat, qui soupire, qui a hâte. Les froissements de tissus. Du rouge, pour se marier. Du vert pour la famille Desage. Du jaune, pour le côté festif. Un petit arc en ciel à elle toute seule. Elle rayonnait. Et son soleil l'attendait près de l’hôtel, beau comme un sous neuf. Beau, fier, majestueux. Car Ayena allait épouser le Coms de Lengadoc. Ca n'était pas rien pour cette petite Demoiselle. Charles Marie de Talleyrand, le paire d'Ayena place la main de sa fille dans celle de son beau fils : il la lui confie, il se détache de sa protégée, il offre à Adrien la responsabilité qu'il avait auparavant. Et la jeune femme passe d'une protection paternelle à une protection maritale. Mais loin d'être mal vécu, d'être subi comme une contrainte ou une servitude, cela rassure Ayena, la révèle.
Les deux frais époux vont se rencontrer charnellement pour la première fois le soir de la nuit de noce. Intimidés, amoureux. Mémorable.
Il vont vivre ensemble un Conseil Comtal éprouvant. Puis, il vont se reposer pendant deux mois. Jusqu'au jour fatidique où Adrien part en chasse avec une petite troupe... Et qu'il ne reviendra jamais. Sinon froid, sinon mort, sinon défiguré. Dans l'intervalle de sa disparition et du jour où l'on retrouve son corps en bas d'une falaise, dans un cours d'eau, Ayena a compris qu'elle était enceinte. Comme quoi le hasard fait mal les choses. Elle aura été mariée trois mois.
La jeune femme, tout juste dix sept hivers, se découvre veuve, responsable d'une seigneurie, d'une baronnie, d'un vicomté, et bientôt d'un enfant. C'est la descente aux enfers. Tout d'un coup, elle qui se laissait porter par la vie, qui commençait à se réconcilier avec les hommes, qui pensait doucement à offrir un héritier à son Adrien, se voit projeter dans un monde d'horreurs, où tout lui fait peur et surtout, où elle est seule pour affronter les épreuves de la vie et ses angoisses les plus profondes.

Avril, mai, juin.

Ayena est diminuée. Elle se laisse aller. Elle ne mange plus. Que ce soit les nausées de la grossesse ou la tristesse du deuil, qu'importent les raisons. Elle veut mourir, elle aussi. Rejoindre son Adrien.

Juillet, Aout, Septembre.

La solitude est un vain mot lorsque l'on ne l'a pas expérimentée. Aimelina fuit la Lengadoc avec son petit bâtard, elle qui était la seule amie d'Ayena. Et l'Artésienne se rend compte que seul Adrien lui permettait de se sentir chez elle dans ce comtat si grand. Elle est une étrangère. Seul Landyves lui dit le contraire. Les autres restent loin. Elle prend cela pour de la pitié mal placée, elle qui aurait besoin de soutien. Même Actarius reste aveugle à ses suppliques lors d'une cérémonie d'allégeance.
Un homme se détache du lot. Fool de Bois Hardi. Qui, finalement, a toujours été disponible. Même s'il était loin, en campagne armée, pour le service de la Licorne. Un jour, qu'il est revenu près d'elle, elle le gifle. Il devient ainsi son vassal. De cœur, seulement. Parce que la héraulderie refuse et refusera longtemps à Ayena les biens qui devraient être siens par contrat de mariage.
En réalité, elle doit faire peur. Son ventre s’arrondit à outrance, déformant son corps, aspirant sa vitalité de l'intérieur. Elle est pâle, translucide presque. Le teint parfois verdâtre. Visiblement affaiblie. Amoindrie.
Elle se retire au couvent. Soi-disant pour reposer son corps. Véritablement pour soulager son âme. Si le deuil l'accable, c'est cette petite chose qui grandit en elle qui la terrorise. Déjà parce qu'Ayena aurait préféré garder son Adrien et ne pas avoir d'enfant. Un échange malheureux qui aurait été meilleur pour la santé mentale de la jeune femme. Elle en veut à Dieu, à Christos, à Aristote, à tous les saints. Et à elle même. Ensuite parce qu'elle voudrait éviter de faire un bêtise trop tentante pour que la chose en elle s'en aille.

Octobre.

Ca va mieux. Un peu. Elle prie chaque jour, recommence à se nourrir convenablement. Elle prend en rondeur, rattrapant tous ses mois de disette. C'est impressionnant.
Elle réalise que le petit monstre en elle est bien accroché. Qu'il ne semble pas vouloir mourir prématurément, comme son premier.

Novembre.

Charles Madrien Desage Talleyrand vient de naître. Il gagne chaque instant un peu plus d'espérance de vie. Il n’est pas mort trop tôt, comme son deuxième.
Non. Parce que c’est le troisième.

Décembre.

Elle revient à Saint Rémèze. Serrant son fils dans ses bras : elle est devenue une mère-hyène. Il aura tout.
Nouveau combat avec la héraulderie. On lui rirait presqu'au nez. Mais c'est mal connaître Ayena. Qui reprend du poil de la bête.

Janvier.

Non, elle n'est pas morte. On l'a oublié, ça, c'est sur. Mais elle est revancharde, la cocotte. D'ailleurs, elle prend une décision : en février, le 25, elle quittera son deuil.

Février.

Riez, riez. Mais elle revit. Elle revient des morts, des enfers. Elle a vécu des horreurs. Elle est plus forte que vous, à présent. Et puis, elle n'est plus seule. Elle est deux. Il y a son fils. Enfin... C’est ce dont elle aimerait se convaincre. Car au fond d'elle elle sent cette brèche, ces cicatrices, ces plaies tout juste refermées. Elle tente de les ignorer. Advienne ce qu'il adviendra. Une pierre pour sa forteresse.

25 février 1461.

Le matin vient de se lever. Ayena a pleuré tout son saoul, cette nuit. Pleuré sur cette année passée. Pleuré comme pour rendre un dernier hommage à son Adrien. Il est temps de se lever. Pour vivre de nouvelles aventures. Aujourd'hui elle quitte son deuil.


- Faites sonner les cloches. Que les terres Desage sortent de leur silence.

Et elle s'habille. Avec des couleurs. Aujourd'hui sera un grand jour ou ne sera pas.
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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Saviandesage
Chers lecteurs, dans cette histoire sera levé le voile obscur tendu sur l'arrivée du jeune garçon portant le nom de Savian Desage dans le comté du Languedoc. Si chez vous aussi il neige et qu'il fait meilleur au chaud, ne radinez pas sur le confort, installez-vous agréablement avec des biscuits et un chocolat chaud.

Conformément aux indications précédentes, l'action se déroule le 25 février de l'an 1461, aux confins de la vallée du Rhône et des gorges de l'Ardèche, sur le Plateau des Gras, au milieu de garrigue, vignes et forêts de chênes verts, au village de Saint-Rémèze. Et pendant que l'on sonnait les cloches de la chapelle Saint-Rémi et que dans la tour seigneuriale, la vie se trémoussait, faisons un petit détour un peu plus au nord, sur le sommet d'une falaise que l'on nomme la Dent de Rez et qui culmine par dessus les pâturages, bois et forêts, tout le Plateau du Laoul et la vallée du Tricastin.
Il y avait là haut, dans cet endroit majestueux et vénérable, campés sur la roche et affrontant la bise légère mais glaciale, tout un petit équipage constitué d'un homme à cheval, d'une charette menée par un cocher et deux garçons qui devaient-être des commis, des serviteurs, des garçons de chambre, ou quelque chose de cette sorte, ainsi enfin que deux hommes à pieds engoncés chacun dans un manteau - le même - long au col relevé et qui leur masquait tout le bas du visage.
L'homme à cheval était Argueros, le seigneur déchu de Bourriège, qui avait gardé toute sa noblesse de port. Le robuste homme d'arme portait à présent les couleurs d'Ayena de Talleyrand, la vicomtesse de Saint- Rémèze et baronne de Crussol, dame d'Alquines. C'était lui qui menait la troupe. Le cocher était un homme gras, au faciès naturellement jovial, mais qui depuis le début de ce voyage était déformé par un rictus de rancoeur, de jalousie et de haine mélangée. L'épisode de l'Hospice Saint-Martin lui était resté dans le fond de la gorge et avait fait naître en lui quelque pourriture de l'esprit qui vous donnent des idées noires.
Des deux garçons-commis nous ne parlerons guère, car ils n'étaient pas de nature remarquables. Ils étaient bien sagement assis sur l'attelage.
Les hommes à pied enfin, étaient le duo formé par le grand maure Salah Zaher et le jeune homme prétendant se nommer Savian Desage.
Tout cet équipage entamait la descente de la crète vers le col d'Eyrole, en direction de Saint-Rémèze. La Dent de Rez était une sorte de table de roche posée sur le plateau des Gras et offrait une vue lointaine sur celui-ci.


- Il fait clair! s'était exclamé l'un des garçons-commis. On voit la Tour de Gaud là bas! Saint-Rémèze nous voici!

Salah Zaher, plissa les yeux, mis sa main en casquette sur son front, et retroussa son nez arqué:

- Je ne vois que des arbres. Quelle essence est-ce, votre tour? Un mélèze? Un pin? Un chêne? maugréa-t-il ironiquement.

Une bourrasque souffla. Les chevelures denses et bouclées de Salah et de Savian s'envolèrent et, parce qu'ils le valaient bien, attirèrent l'oeil des garçons-commis. Le mélancolique Savian Desage sentait poindre en lui quelques douleurs que l'anxiété peut causer lorsqu'elle nous submerge et que l'on a pas d'exutoire. Son compagnon l'avait senti et posa sur son épaule une main basanée, une main ferme et amicale. Depuis l'épisode de l'Hospice Saint-Martin, leur relation avait pris une autre dimension. Savian semblait avoir retrouvé ses esprits et cela devait y être pour quelque chose.

- Mon ami, si ces hommes ne nous jouent pas un mauvais tour, ta vie prendra bientôt un sens et l'horizon te sera dévoilé. Je crois qu'alors je t'aurai payé ma dette...

Le jeune homme leva vers le maure des yeux pleins de gratitude.

- Voilà bien longtemps que tu ne me dois plus rien Salah, et c'est moi aujourd'hui qui te seras redevable. Mais si la chance nous accompagne, la vicomtesse de Saint-Rémèze nous aidera tous les deux.

Et, levant les yeux vers le seigneur Argueros, le jeune homme continua:

- En sommes-nous loin, senher Argueros?

Il restait sommes toutes, trois heures de marche, car ils devaient faire un détour. L'étroite sente qui traversait une forêt clairsemée, ne permettait pas à la charette de descendre la barre rocheuse de manière directe. C'était donc vers le midi, que la petite compagnie allait se présenter devant la Tour de Gaud et sa dame...
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Argueros
Argueros menait le petit groupe vers la Tour de Gaud.
Suite à une conversation rapide avec Savian, à l’hospice, Argueros avait décidé qu’il fallait mieux le mener auprès de la Vicomtesse pour élucider cette histoire de famille. Il avait connu Adrien , mais il n’avait jamais abordé son passé en sa présence. Sa famille avait été, pendant de longues années, l’Ost Languedocien , où il avait mené une grande carrière militaire, avant de devenir Comte. L’arrivée de cet étranger chamboulait un peu les convictions d’Argueros. Pouvait-t-il lui faire confiance ? Est-il vraiment celui qu’il prétendait être ? Le neveu d’Adrien !
Il se tourna vers lui pour répondre à son interrogation.


On arrive bientôt !!Vers midi, je pense.

A ce moment précis, une troupe d’hommes portant les couleurs Desage vinrent à leur rencontre. Ils étaient en patrouille suite à des rumeurs concernant un groupe de brigand sévissant dans les environs. Argueros demanda qu’un garde rentre à toute vitesse à la Tour prévenir la Vicomtesse Ayena de leur arrivée.

Dites à la Vicomtesse que je suis de retour . ..accompagné du neveu d’Adrien , un certain Savian.
Et que la livraison de pains pour l’Hospice s’est déroulé comme prévue.


Un des gardes fit demi-tour à son cheval et prit la direction d’où il venait. Les autres soldats continuèrent leur patrouille sans mot dire. Argueros avait été vite accepté, bien qu’étant nommé récemment à son poste.

Le convoi put reprendre sa marche tranquillement . Quelques heures après, ils arrivèrent en vue des portes d’accès à la Tour . Le son des cloches raisonnait dans l’air.

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Ayena
Et elle passa une chainse blanche écarlate, neuve, jamais portée. Les autres chemises, symboles d'une vie passée avaient été données aux dames de compagnies ou autres servantes. Sur ce dessous, on installa une cotte rouge vif, mettant en valeur la poitrine avantageuse par un amigaut largement ouvert, telle celui d'une épouse. Les seins généreux, qui étaient habituellement et traditionnellement modelés par un bandage de tissu étaient libres : Ayena, fière d'allaiter son petit héritier prenait de jolies latitudes quant à la bienséance. Et puis, c'était aussi bien plus pratiques pour calmer rapidement l'avide appétit de l'enfançon. Sur la cotte, trois tours blanches avaient été brodées, pour représenter Alquines, fief premier de la jeune femme. Quelques perles, telles un collier, parsemaient l'ouvrage. Ce fut le tour de la surcotte, d'un bleu plein et presque royal sur laquelle ont avait dessiné à grand renfort de fil d'or un immense Saint Rémèze. Et pour conclure l'ensemble, une sorte de surjupe, barré de vert et d'or, pour Crussol. Le résultat, plus que coloré, était frappant. Mais c'était la seule façon de porter autant de couleur sans choquer qui que ce soit et sans manquer trop de goût. Ayena devenait à elle seule son propre blason.
Pour cacher ses cheveux, elle posa une hennin tronqué sur le sommet de son crane, puis se couronna d'or. Enfin, une guimpe finalisa la mise, ornant le visage blanc, cachant le cou et les dernières mèches brunes... Et signifiant le veuvage. Ayena fut ainsi fin prête pour affronter cette journée et c'est après avoir bu sa bière matinale, habitude artésienne, que la veuve sortit de sa chambre. Les cloches sonnaient.




Comme cela avait été planifié la veille, on fit monter la Vicomtesse jusqu'au sommet de la tour, dans un silence quasiment religieux. C'est elle qui enleva le dernier oriflamme noir et qui déplia les armes de Saint Rémèze qui se mirent à flotter dans l'air peu de temps après. Ayena fit un tour sur elle même, parcourant rapidement des yeux ses terres, vivifiée par le froid cinglant qui régnait à cette hauteur. Puis elle sourit, et se fut le signal : les gardes et autres domestiques respirèrent plus librement, comme soulagés d'ils ne savaient quel poids. On la raccompagna dans les étages de vie commune en la soutenant : les escaliers étaient pour elle une véritable épreuve car si elle était handicapée avant sa grossesse, celle-ci avait amplifié les douleurs.

Enfin, une servante l'aida à s'installer dans son fauteuil près d'une fenêtre étroite.


- Mercé. Que l'on m’amène mon fils à présent. Et n'y aurait-il point un troubadour dans les environs ? Nous écouterions bien de la musique. Du bruit. De la vie.

Le visage pâle et fatigué de la jeune mère s'éclaira à la vue du petit tout emmailloté qu'on lui apporta. Il dormait, déjà rassasié par la nourrice qui complétait l'apport en lait de la mère, dans l'ombre.

- Bonjorn, jeune Charles Madrien Desage Talleyrand, entonna d'une voix douce la mère qui en avait fait un rituel.

Mais il dormait. Alors elle s'extirpa de son fauteuil et claudiqua jusqu'à un couffin où elle le coucha.

- Plan. Mon fils dort, mes gens sont occupés et je suis seule. Si je ne trouve pas tout de suite une occupation, je vais continuer à parler de la sorte et on va me trouver folle...

Hum. Serrant et desserrant les mains, signe indiscutable d'angoisse, Ayena réalisa qu'elle ne savait plus rien faire d'autre que de faire la veuve. Une boule se forma dans sa gorge. Tout de même... Avant, elle faisait autre chose que pleurer... Il fallait se souvenir d'avant. Bien. Alors. Heu... Elle cousait. Oui. Mais Ayena venait aussi de passer un mois entier à reprendre ses anciennes tenues pour pouvoir les porter à nouveau. La couture, boaf. Quoique, un petit voyage à Paris pour aller inspecter les troupes de l'atelier... Pour rendre visite à Elisel d'Andéol, son amie devenue Maitre de la Garde Robe... Oui, pourquoi pas. Mais était-il raisonnable d'emmener Madrien ?
L'homme qui entra dans la pièce la trouva ainsi plongée dans ses pensées, penchée sur la couche de l'enfant.


- Donà ?

Évidemment, elle sursauta.

- Oc ! Qual siás  ?
- Un armant.*


Faisant semblant de ne point être prise au dépourvu, elle prit place dans son fauteuil.

- Et bien ? Parle ! Dis-moi ce qui t'amène ! Je n'ai pas tout mon temps !, dit-elle en priant le Très Haut pour que l'affaire l'accapare aussi longtemps que possible.

- La livraison de pain s'est bien passée.
- Ha. Cap Argueros est revenu ? Fais-le monter, je veux le voir.
- Non, non...
- Et bien ?
- Il est en route...


Ayena sentit de ces choses que l'on explique pas prendre consistance en elle. Comme une intuition féminine. Comme le pressentiment d'un danger auquel on ne fait pas encore face.

- Avec des visiteurs.

Devant le mutisme de sa maîtresse, dont le visage avait une nouvelle fois perdu tout semblant de vie il hésita.

- Deux hommes... Dont l'un a une couleur étrange, d'ailleurs... Il dit être un Desage. Un neveu.

Avez-vous déjà lancé une pierre dans un lac ? Cela fait un bruit de plongeon et la surface est parcourue ensuite de rides qui s'amenuisent au fil du temps.
Avez vous déjà lancé un rocher dans une flaque ? Cela fait le même effet que d'annoncer à une veuve qu'un homme du même nom que son mari avance tranquillement vers elle. Sa respiration se bloqua, son cœur rata quelques battements. Et, croyant à une horrible blague, elle puisa dans des ressources inespérées et se leva, dressant un doigt menaçant à l'encontre du garde, pauvre messager qui n'y était pour rien. C'est d'une voix puissante qu'elle hurla alors :


- Sors de là ! Sors de chez moi ! Ou je te fais écarteler ! Étriper vivant !

Visiblement, la réaction du gardes à l'Hopice était de famille avec celle de la Vicomtesse.
Le garde sorti, elle s'écroula aux pieds de son fauteuil, et se mis à sangloter comme la femme perdue qu'elle était. Pourquoi lui voulait-on tant de mal ?


Une patrouille de servantes, aussi curieuses qu’apeurées d'avoir entendu ce qui avait été crié, entrèrent pour se retrouver devant ce misérable spectacle.



* Oui ! Qui es-tu ?
Un hommes d'armes.

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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Saviandesage
Et comme prédit, un peu avant le zénith, le petit équipage passa devant les premières maisons du village. Saint-Rémèze n'était pas un bourg de grande importance, mais les quelques maisons étaient fortes, hautes, faites de bonnes pierres. Ici, les habitants étaient pour la plupart de riches cultivateurs et bourgeois de campagne. Le ciel était clair et Savian ne détâchait pas son regard de l'horizon, vers le Levant et les haut pics des Alpes. Il puisait de la sérénité dans leur majestuosité et leur grandeur. Si lointains et pourtant si proches. Un coup de coude le ramena à l'instant présent:

-Nous y voilà. C'est là que ton voyages s'achève. J'avoue que pour toute grandeur, je m'imaginais quelque chose de plus joyeux, de plus doré, de plus confortable. Vous autres francs et romains, n'avez aucun sens de la vraie richesse, par tous les djinns du désert!

Le maure n'avait pas tort. La Tour de Gaud était une imposante batisse, dont le dessein était plus d'impressionner par sa dimension et sa force que par sa richesse et son faste. Il fallait imaginer une tour bâtie de pierres sombres, massive, sans fioriture. Saint-Rémèze ne possédait pas de muraille, ni fossés. Le logis seigneurial étant le seul élément de défense, ses dimensions étaient faites pour combler le manque d'édifices. Il n'y avait de toute façon pas de vocation défensive sur ce vaste plateau ouvert sur le Rhône.
Savian leva le nez vers la bâtisse et sur les oriflammes qui claquaient au vent. Leur bleu était aussi immaculé que celui du ciel ce jour là. Ce qui rendait le Saint-Rémi parfaitement impérial, comme s'il était là, flottant dans les airs et surveillant lui-même le village et ses habitants.
Le jeune homme était confiant et surtout plein d'espoir. Ils arrivaient devant la grande porte et la charette les avait laissés déjà depuis un moment, pour se rendre dans une grande ferme carrée. Le seigneur Argueros les laissa là, et entra seul d'abord, comme les convenances semblaient devoir l'indiquer.

Savian se tenait droit, mains jointes devant lui. Il avait ce même regard mélancolique qui ne le quittait jamais, mais une étincelle y brillait. Son col était dressé jusqu'au menton et si le tissu bleu de son manteau n'avait été usé aux bouts des manches et aux épaules, on eu dit un tout jeune officier de quelques garde parisienne. Lui n'en était pas conscient, mais quelques gens s'étaient retournés sur lui. Cette tignasse brune et bouclée, aux reflets parfois dorés, parfois sombre n'était pas sans rappeler quelqu'un aux gens du pays... Savian était jeune et son visage, malgré qu'il soit mal rasé, n'y trompait pas l'observateur. Alors après que l'on eut cru à une apparition, les murmures se faisaient plus curieux encore. Ce n'était pas sans déranger Salah Zaher, qui avait une sainte horreur de se sentir épié.


- Par le saint croissant, si on nous jette, je me bas! maugréa-t-il.

Mais que se passait-il dans la Tour de Gaud? La maîtresse allait-elle enfin sortir?
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Argueros
Argueros fut mis dans le bain immédiatement. Il venait à peine de franchir les portes qu’un homme d’armes lui demanda d’agir au plus vite. On lui résuma la situation. Le garde qui avait pour mission d’annoncer son arrivée, venait de s’enfermer dans la réserve de nourriture l’épée à la main en prenant un pauvre palefrenier comme otage. La Vicomtesse voulait le faire écarteler. Il demandait un cheval et nourriture pour quitter la région. Argueros lui promit que tout allait s’arranger et qu’il ne risquerait rien. Il lui donna sa parole, mettant son poste en jeu.
L’homme céda rapidement quand Argueros lui ordonna de sortir,. Une bonne chose de faite !! si la Maitresse de ces lieux ne lui demandait pas sa tête. Il espérait qu’elle n’était pas devenue folle.
Cela confirmait ce qu’il avait malheureusement redouté. La Vicomtesse avait assez mal vécu l’annonce de l’arrivée du neveu d’Adrien.
Argueros se rendit ensuite auprès d’Ayena. Il grimpa les marches deux par deux pour se retrouver nez à nez…face à la porté fermée.
Il frappa violemment pour qu’on lui ouvre.

Bang !!Bang!!

Vicomtesse !! Ouvrez cette porte.
C’est Argueros. Nous devons parler


Le ton était autoritaire. Il risquait gros, mais il fallait être direct pour sortir de cette situation.
Il ne connaissait pas suffisamment la jeune femme. Vu la réaction à l’encontre du garde, elle pouvait commettre un geste irréparable.

L’instant présent lui parut une éternité.

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Ayena
Ce qu'Argueros ne savait pas, pour n'avoir pas vécu au près d'Ayena et de toute la maisonnée durant le deuil, c'est que la Vicomtesse était une femme faible, soumise à ses émotions. Si le calme pouvait être apparent, la moindre évocation de son mari créait chez elle un saisissement incroyable lorsqu'elle n'y était point préparée. Ce qui venait d'être le cas. Les sanglots qui venaient de s'emparer d'elle étaient la preuve que la fin de ce deuil n'était pas la fin des souvenirs.
Les servantes maudirent le garde et mirent une longue heure à ré-installer leur maitresse dans son fauteuil. Cet Argueros était un homme maladroit, ça c'est sur. Quelle idée de faire porter un tel message !
On venait de couvrir Ayena d'une couverture de laine lorsque Charles Madrien se mit à pleurnicher. La mère sembla alors se réveiller du cauchemar dans lequel elle s'était plongée et se redressa en demandant qu'on le lui apporte. Lorsqu'Argueros arriva tel un conquérant en exigeant qu'on lui ouvre, c'est de nouveau cette colère froide qui envahit le corps de la jeune femme. Il allait tâter de son autorité. Mais il fallait auparavant qu'elle se reprenne sinon quoi elle allait de nouveau appeler la pitié des uns, le dédain des autres.

- Aider moi à me déshabiller. Mon fils à faim.

Les domestiques se regardèrent avec circonspection : nourrir l'enfançon était généralement un acte pudique qu'Ayena gardait pour les moments de calme. Souhaitait-elle s'en servir ici comme d'une arme ? Le regard bleu dur affirma la chose : le but était de placer Argueros en position de faiblesse en le gênant, en l’embarrassant, en le troublant. On se bat avec les armes que l'on a.

- Ouvrez-lui et laissez nous. Nous avons à causer.

Les servantes se retirèrent, se demandant si un jour, la maison retrouverait le clame d'antan. C'était pas gagné, avec une maitresse complètement folle...

- Alors, dites moi tout, Cap. J'ai cru comprendre que vous étiez pressé de m'entretenir.

La voix mielleuse signifiait bien qu'il marchait sur des œufs : si l'amour peut faire perdre la raison, le deuil met tout cela en exergue.
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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Argueros
La porte s’ouvrit. Il s’approcha de la Vicomtesse et comprit qu’Ayena avait repris le contrôle à son grand soulagement.
Elle était devant lui dans toute sa splendeur de femme –mère, allaitant son fils .Sa peau d’une blancheur éclatante faisait ressortir ces yeux bleus verts. Sa nudité ne pouvait laisser insensible aucun homme sensé. Elle était magnifique. Mais Argueros avait appris beaucoup au contact de la famille Shaggash. Il maitrisait parfaitement ces sentiments et ne laissa rien paraitre. Cela faisait parti intégrante de son poste Il avait tout connu avec le jeune Djahen.
Il s’inclina respectueusement pour la saluer avant de prendre la parole.

Je voulais m’assurer que vous alliez bien… On m’a rapporté que vous aviez eu une altercation malencontreuse avec un garde. Il sera blâmé pour ça.

Il enchaina sur le champ vers le sujet qui avait été à l’origine de sa colère.
Il devait crever l’abcès immédiatement. Elle devait reprendre son rôle de Vicomtesse et assumer ces responsabilités. Il savait que cela était une épreuve terrible pour elle et terrible pour lui de lui demander. Mais avaient-ils le choix ?


Un homme attend pour vous entretenir. Il est prétend être le neveu d’Adrien.
Je ne connais pas suffisamment son passé pour affirmer que cela soit vrai.
Mais la ressemblance peut être troublante si on y regarde de prêt.
Souhaitez-vous le rencontrer ou dois-je le renvoyer ?


La chance lui sourit, l’enfant émit un rot tonitruant.

Je vois que votre héritier a bon appétit.. Je crois même qu’il en redemande, le bougre !!!

Argueros se permit un geste affectif vers l’enfant avant de s’arrêter net.
Il regarda la jeune femme dans les yeux.


Soyez rassuré.. tout va bien se passer !!!

La Vicomtesse ne sut s’il parlait du futur entretien ou de l’enfant.
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Ayena
Une altercation avec un garde ? Ayena avait déjà oublié. Les soldats, ça servait à ça : à être maltraité. Crotte alors. Et puis, quelques coups de fouets par ci par là, ça distrayait la valetaille.
La jeune femme leva un regard torve vers son capitaine de garde. Étrange comme il semblait insensible à tout. En ce sens, elle préférait Fool, plus propice à partager les afflictions toutes féminines qu'Ayena n'hésitait plus à laisser déborder face à son vassal. Argueros était trop endurci. Fichtre soit de lui ! La Vicomtesse toute à sa haine du genre humain (comprenez que la peine la faisait réagir n'importe comment), se demandait quelle faille elle pourrait mettre à jour chez son nouvel employé : il ne réagissait pas aux larmes, pas non plus à une poitrine sortie... Mais était-il seulement humain ? Rha...

Les mains diaphanes caressèrent doucement la tête du petit garçon qui gobait avec avidité. La jeune femme écouta Argueros répéter le fait qu'il y avait là, chez elle, un neveu d'Adrien. Son cœur se serra, ses mains cessèrent ses allées et venues : mais pourquoi était-il si douloureux d'apprendre que son mari avait un reste de famille ? Et un homme encore ! La raison était simple : elle était tombée de haut, elle qui pensait mine de rien avoir fait son deuil et qui voulait tourner une page. Pour aller vers l'avenir. Voir un neveu Desage signifiait se confronter à la douleur. C'était beaucoup demander à cette jeune veuve de dix-sept ans qui aurait aimé se construire autrement que par les morts successives de ceux qui l'entouraient.

- Nous le rencontrerons. Mais apprenez à l'avenir que l'on ne parle pas de feu mon époux à la légère.

Ca ne voulait rien dire, mais elle ressentait le besoin irrépressible de menacer son capitaine. Sa saison d'essai était pleine de rebondissements, le pauvre.
Madrien lâcha le téton pour rôter. Ha, il ressemblait bien à son paire ! Ayena retint un sourire attendri mais se figea bien tôt lorsqu'Argueros ébaucha un geste vers l'enfant. Toucher le petit alors que la mère était sein découvert ? Mais à quoi pensait-il ? Geste de recul, regard noir. Si elle avait été chienne, elle aurait grogner. Nan mais ho.
Le silence fut pesant. Puis, revenant à la situation, Ayena lança :

- Allez le chercher. Vous resterez là pour l'entrevue. Je ne reste pas seule avec un inconnu.

Mais comment le petit CMDT parvenait-il encore à téter ? Ayena avait l'impression d'être sèche de l'intérieur, renfrognée, sur ses gardes... Et l'âme terriblement torturée lui causait bien des souffrances. Tant morales que physiques : la douleur à la hanche, plutôt presqu'endormie sembla se réveiller.
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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Argueros
Argueros se retira sans un mot et quitta la pièce. Il demande à une servante de le prévenir quand la Vicomtesse serait de nouveau disponible pour le recevoir ainsi que son invité. Il descendit les escaliers pour se diriger vers la cour où l’attendait Savian et son compagnon Maure. Il s’arrêta un instant pour se calmer. Il avait pris énormément sur lui pour rester de marbre devant la nudité d’Ayena. L’image revenait en boucle dans son esprit. L’épreuve avait été particulièrement éprouvante,car il m’avait pas été ,depuis des semaines, dans les bras d’une femme pour assouvir ces instincts d’homme. Cela était une dure réalité ; lui qui n’avait jamais trouvé l’amour. Il avait compensé en ayant une grande activité dans ces responsabilités et en passant des nuits par ci par là auprès de filles de joie dans certaines tavernes de Carcassonne ou Narbonne.
Il serait facile de trouver une servante pour lui donner satisfaction. C’était les avantages d’une position élevée au sein de la garde personnelle de la Vicomtesse. Son cœur reprit un rythme plus lent en se concentrant sur la suite des événements.
Il poursuivit son chemin et alla au devant des 2 hommes.


La Vicomtesse va vous recevoir Savian. Je vous demanderais d’être extrêmement correcte dans vos propos. La mort de votre oncle hante encore son cœur et son esprit.
Votre avenir dépend probablement de cette rencontre.


Puis s’adressant au Maure.
Je suis désolé, mais vous devrez rester à l’écart...pour l’instant.
Vous pouvez aller à la cuisine et demander un repas chaud. J’ai laissé des instructions pour cela.

Argueros avait eu le signal de la servante. Il emmena Savian vers son destin.
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Saviandesage
La bise était encore fraîche à cette époque là, et durant tout le temps qu'ils patientèrent dehors, Savian et Salah ne manquèrent pas d'être frigorifiés. Savian restait stoïque et ne semblait pas incommodé. On eu dit qu'il était tout à fait imperméable à ce qui se déroulait ailleurs que dans la rêverie dans laquelle l'attente l'avait plongée. Le froid n'avait à ce moment là aucune prise sur lui, bien que son corps fût très probablement fort engourdi. Même les boucles désordonnées de sa chevelure n'ondulaient presque plus dans le vent.
Quand à Salah, c'était une affaire diamétralement opposée. Il avait commencé par gesticuler de façon désordonnée, comme on le fait pour se réchauffer d'une immobilité trop longue en hiver. Puis, il avait commencé une suite de mouvements assez spectaculaires, qui étaient à mi-chemin entre de la danse et des positions d'escrime. L'imposant maure démontrait à ce propos une agilité remarquable, que l'on ne lui eut point supposé au premier abord de sa carrure montagnarde.
Enfin, tout ceci pour dire que lorsque la porte s'ouvrit, pour la première fois, c'était une servante qui sortait. Et à ce moment là, le pied de Salah était arrivé, après quelques cabrioles et ronds de jambes, à quelques centimètre du nez de la jeune femme. Il fallait imaginer la tête de la drôlesse! Un pied de maure sous le nez, par un gentil matin d'hiver, ça vous retourne une soubrette en un rien de temps! Aussi on la ramassa toute évanouïe avec empressement. Salah en fût fort confus, d'autant plus que d'avoir prit dans ses bras épais la jeune et frêle femme de chambre, l'avait lui même mis en émoi.
Ce fût Savian, que l'incident avait réveillé parfaitement, qui s'adressa avec la douceur qui le caractérisait à la fille, et la rassura. Elle ne mit pas trop de temps à accorder son pardon et à se retirer toute émue. Car la jeune fille avait cru reconnaître un disparu dans le visage de Savian.

Quelques instants après, Argueros paru enfin et invita nos amis à entrer, mais aussi à se séparer. Salah Zaher le maure était un homme d'honneur: il ne refusait jamais un bon gueuleton. Aussi la proposition tomba merveilleusement bien, car il ne se souciait guère de son côté, de la vicomtesse de Saint-Rémèze, de cette tour, du Languedoc, et même du royaume de France. En fait, Salah Zaher se souciait surtout de son propre état... et de celui de ce compagnon que l'on nomme jusqu'à présent Savian Desage. Comme tous les mystères ne peuvent-être levés d'un coup, nous n'expliquerons encore point maintenant les raisons de cet attachement si saugrenu.
Savian Desage, car c'était bien son nom et nous allons bientôt nous pencher sur son histoire, s'en alla vers son avenir, comme l'avait si bien dit Argueros. Car si la jeune veuve qui trônait en haut de la tour de Gaud tâchait de se construire un avenir, il y avait à cet ouvrage force moins de labeur qu'à celui de Savian. Une tour, trois étages, trois volées d'escaliers séparaient la condition d'Ayena de Talleyrand et Savian Desage: la vicomtesse et le mécréant.
Le jeune homme n'était pas intimidé, mais plutôt émerveillé. Ce n'était pas le luxe du logis, sa grandeur, sa richesse, son activité, qui le rendaient béat, mais l'idée de son nom porté dans cet endroit, comme celui de quelqu'un de respectable et respecté. Et à chaque fois qu'il croisait quelqu'un, il le saluait bien bas, avec un sourire tout à fait candide, et il s'exclamait:


- Bonjour! Je suis Savian Desage! Je viens visiter la vicomtesse!

Et on se retournait sur lui en ouvrant des yeux ronds, comme s'il était un damné heureux de sa condition, un joyeux damné.
Bientôt, ils arrivèrent devant une lourde porte fermée. Pendant qu'Argueros frappait à la porte pour introduire Savian, ce dernier avait désserré le col de son visage et avait même dénoué son manteau. L'on pouvait à présent décrire le reste de sa tenue. Il portait une chemise grise. Elle devait certainement avoir été tissée blanche, mais à présent, c'était un gris terne et irrégulier qui faisait sa couleur. Elle était nouée au col par un lacet. Il portait aussi une ceinture de cuir large et usée, à laquelle pendait une petite bourse d'un cuir tout aussi usé. C'était tout ce que portait Savian Desage, avec son manteau, ses braies noires et ses bottes crottées. Il ordonna péniblement les mèches de sa chevelure bouclée, sans guère pouvoir les empêcher de retomber sur son fin visage. Qu'importe, il se tînt droit et tâcha d'être fier, car au fond, il l'était un peu.

La vicomtesse bientôt répondit, et la porte s'ouvrit...

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Ayena
Une main innocente posée sur le sein dénudé de sa mère, le petit Madrien plongeait ses yeux d'un bleu pur dans le regard protecteur que lui offrait la Vicomtesse. C'était un échange de pur amour, sans frontières, sans mots. Uniquement dans le ressentit de chacun. Une fusion presque totale.

- Donà, on va reprendre le petit pour l'entrevue... Cap nous a demandé de le prévenir losque vous seriez prête...

Satané capitaine ! Il ne connaissait pas encore Ayena : il suffisait qu'on lui dise qu'elle avait quelque chose à faire pour se rebiffer. Et en l’occurrence, depuis qu'elle avait enfant à charge, elle était de pire en pire. Comme une enfant que l'on vet voir faire quelque chose et qui, par principe, fer tout le contraire.

- Non.

Le ton était clair et n'appelait pas de contradiction. Ayena avait parlé... Et comme on savait qu'elle devenait de plus en plus tyrannique, c'est en rougissant autant qu'un coquelicot que la servante se retira après avoir ouvert la bouche à plusieurs reprises sans qu'un son ne sorte. La servante descendit, et ils montèrent.
Ayena, faute d'avoir les jambes adéquates pour fuir, se concentra sur les pas dans l'escalier, sur les bruits, les sensations. La tour de Gaud prenait vie et la jeune femme se demandait si elle appréciait cela : depuis la mort d'Adrien elle avait appris à se suffire à elle même et, bien qu'ayant remis son autorité sous celle de son paire, elle guidait sa vie de façon autonome. Ce neveu qui venait là avait-il des idées derrière la tête ? Reprendre le domaine ? La bannir de son héritage ? Faire d'elle une marionnette ? Grand Dieu. Elle ne se laisserait pas faire. Forte de cette affirmation, la jeune femme se construisit un visage serein, légèrement trop arrogant. En soit, un masque de ce qu'elle n'était pas. Mais un masque nécessaire pour affronter cette nouvelle épreuve. Un masque de mensonges, q'il serait temps plus tard de faire tomber, ou non. Mais à coups sûrs, ce neveu sorti de nulle part ne lui volerait rien et ne profiterait pas d'elle. car elle n'était pas seule : elle se battrait pour son fils.

On frappe. Ayena laisse un silence couler, signifiant que c'est déjà elle qui dirige l'entretien. C'est elle qui domine... Elle veut s'en persuader, en tout cas.

- Dintratz !

Elle se concentre sur le visage de son fils, se refusant à lever la tête trop tôt vers son visiteur. Si elle a l'air calme et transpirant la présomption, en réalité son petit cœur bat comme un dératé et sa tète tourne. Ils sont entrés. Argueros, et lui. Lui.

- Adissiatz.

Et, lentement, elle lève ses yeux bleus vers lui, s'apprêtant à donner son nom, à décliner ses titres, à se présenter. Mais les mots ne sortiront pas. Les phrases tant de fois répétées par ailleurs, sont devenues étrangères. Ayena n'est plus Ayena. Elle n'est plus qu'une femme devant la copie conforme de son mari défunt. Copie conforme avec une triple poignée d'années en moins, mais la veuve ne regarde pas tant avec ses iris qu'avec son palpitant qui doucement ralentit. Presque apaisé. Ou alors si terrorisé qu'il tente de retarder l'instant inéluctable ou Ayena reprendra conscience d'elle et de ce qui l'entoure. Ou elle se rendra compte qu'elle ne rêve pas. Mais qu'elle est -peut être- en plein cauchemar.

- Adrien ... ?

Si pour tant d'autres il n'y avait qu'un air de famille, pour la Vicomtesse, cela est bien plus visible. C'est qu'elle n'a cessé, depuis la disparition du Hibou de se remémorer le visage tant aimé, de le reconstruire au fil des souvenirs. Elle en connait les moindres détails et le temps n'a rien altéré, ou si peu, du visage de son mari. Assise, pantoise, sidérée, elle remercie le ciel et se met à pleurer.
L'enfant lâcha le téton nourricier et tourne la tête vers les visiteurs, bien mal avisé de ce qui se déroule.

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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Saviandesage
S'il est parfois dur de prendre de grandes décisions et d'entreprendre de grandes actions, le premier pas est souvent le libérateur. Il est bien généralement, le victorieux, celui par qui s'engouffre la confiance et l'assurance, et décide dans la plupart des cas du sort de la bataille. Ce premier pas, Savian venait de le faire dans la vaste pièce du logis seigneurial de la Tour de Gaud. Un premier pas vers une conquête. Il venait de sonner la charge, de donner l'assaut.
Qu'on ne s'emballe point, le jeune homme n'était toutefois pas entrain de planter la bannière sur le champ victorieux de son courage. Il n'en était bien qu'au premier pas, celui bordé d'incertitudes, et qui engage à la suite.

Il s'avança donc vers la vicomtesse de Saint-Rémèze, elle qui détenait dans ses mains, tout l'héritage de la famille Desage, qu'il s'agisse du matériel tout comme de l'immatériel. Savian lui, était le détenteur d'une autre vérité, d'un tout autre pan de l'histoire, et qui ne le posait point du tout comme le représentant suprême d'une famille noble et respectée.
Il s'avança donc, et comme Perceval qui s'en allait se donner au Saint Graal, alla poser un genou devant la vicomtesse et son petit cousin.
Savian était beaucoup trop absorbé par l'importance de cette rencontre et par toute la symbolique qu'elle revêtait pour lui, pour prêter attention au sein dénudé d'Ayena. Il avait bien entendu remarqué la nudité de la jeune femme, mais cela lui paru devoir être ainsi. Il n'en conçu aucun émoi, si ce n'est celui de constater qu'il avait effectivement un petit cousin. Du reste, sans aller jusqu'à dire qu'il était chaste, parfaitement lisse et pur, le jeune garçon n'avait encore jamais réellement eu le loisir de s'attarder sur la chair et la gent féminine. Il avait jusqu'alors, à ce propos, eu bien d'autres préoccupations qui l'en avaient ainsi presque entièrement détourné de sa condition masculine.

Ainsi, il leva ses yeux sombres et de sa voix qui était toute naturellement calme, il déclara:


- Vicomtesse, je m'appelle Savian Desage. Je suis le fils d'Andres Desage, qui était lui-même le frère jumeau d'Adrien Desage. Mon père est mort et je suis venu chercher mon oncle, afin de me mettre à son service. On m'a annoncé sa disparition, alors je viens vous proposer mes services à vous et à mon petit cousin.

Puis il fouilla dans sa poche et en sortit un parchemin écorné et usé de tous bords. Il ne portait aucune date, ni aucun sceau. Ce parchemin était rédigé de la façon suivante:



Chère Jehanne, ma bonne mère. Voilà que le destin m'a trahi et m'a donné deux fils. Comme cette union n'est pas bonne, et que de toute façon ma femme est bientôt morte, je te les confie. Je les ai appellé Andres et Adrien. Tu en choisiras un et tu feras bien ce que tu voudras de l'autre. Je te remercie, bonne mère de veiller à mes affaires. Je serai bientôt remarié, de meilleure façon.

Apollon Desage, ton fils.


Savian tendit le parchemin à Ayena, qui n'avait pas encore parlé.

- Voici le début de l'histoire de votre époux. C'est aussi celle de votre fils. Et c'est la mienne également. Je vous raconterai la suite, car je sais que mon oncle l'ignorait.

Et il lui sourit. Elle n'avait pas encore parlé, elle semblait interdite. Lui, jeune garçon à l'histoire bouleversée, se s'imaginait pas dans quel état pouvait-elle se trouver. Pas plus qu'elle ne pouvait concevoir sans doute, ce que lui était entrain de vivre.

Pendant ce temps là, c'était un joyeux repas aux cuisine, auquel s'adonnait Salah Zaher. Entouré de servantes, il se trouvait là comme un pacha d'Orient, à ceci près qu'il n'en avait certainement pas la finesse de langage...
Finalement, c'était heureux que le maure Salah ait été envoyé aux cuisines. Sans quoi, il aurait sans nul doute brisé l'émotion du moment en zieutant avidement le nichon d'Ayena...

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Ayena
Depuis neuf mois, le quotidien d'Ayena avait été de larmes et de chagrin, de peurs et de colère. Aujourd'hui, étrangement, les gouttes qui lui roulaient sur les joues étaient à la fois un mélange de tout cela mais en même temps une libération, un soulagement. Son Adrien était de retour et le Très Haut avait accordé son vœu le plus cher.
L'homme s'avança et s'agenouilla. La Vicomtesse, muette de toutes les émotions qui lui traversaient le corps et l'esprit écouta avec tendresse et amour la voix qui s'éleva au devant d'elle. Cela lui permit, doucement, de reprendre pied dans une réalité loin des illusions dans lesquelles la veuve se berçait. Le ton était jeune, pas aussi grave que celui du Hibou, pas aussi virile, pas aussi chantant, non plus. Vous direz que cela est normal : ce n'était pas Adrien. Mais Ayena n'avait plus cette logique que l'on attend de chacun et se croyait évoluer dans un mirage. En l’occurrence, elle se persuada qu'elle rêvait jusqu'à ce qu'on lui tende le parchemin et qu'elle l'attrape de façon automatique. Il avait une texture, ce parchemin. Il ne s'évapora pas incontinent. Les larmes redoublèrent. Et, comme dans un film, elle se remémora les mots que l'homme face à elle avait prononcés un peu plus tôt et retint : neveu. Certes, Argueros le lui avait déjà dit, mais...


- C'est une farce...

Avait-elle parlé, pensé ? Ha ! La question était entière. Car la jeune femme était entièrement perdue. Lorsqu'enfin le silence se fit de nouveau, permettant à Ayena de prendre du recul sur ce qui se déroulait sous ses yeux et dont elle était une pièce maitresse, elle soupira.

Et après une éternité, elle posa ses yeux, à la vision brouillée par les larmes, sur le parchemin, qu'elle parcouru sans tout comprendre. Une chape de plomb lui tomba sur les épaules. Mais que mijotait encore le Très Haut ? N'en avait-il pas assez de jouer avec elle ?

- Apportez moi du vin aux épices.

Rien de tel que l'alcool pour rafraichir les méandres d'un esprit torturé... Bien vite, un valet qui devait écouter à la porte entra avec une carafe pleine et un verre qui fut tendu à Ayena et avalé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Madrien, lui, avait de nouveau attrapé le téton et n'allait pas tarder à piquer du nez.

- Relevez-vous, Savian.

Enfin, la voix un peu plus assurée, la Talleyrand se permit la reprise en main de la discussion.

- C'est une manie que vous devrez oublier si nous sommes de même famille.

Elle déglutit et tenta un sourire, qui se révéla crispé.

- Ce dont je ne doute pas... Vous ressemblez à feu mon époux comme un fils.

Elle baissa les yeux et caressa doucement la joue plutôt rebondi du minot.

- Je refuse que vous vous mettiez à notre service.

Le "nous", pour Ayena, n'avait cessé d'évoluer. Elle l'avait utilisé d'abord pour désigner ses gens d'Alquines, puis, pour les désigner Adrien et elle... Ca avait été une marque de noblesse lorsque cela était nécessaire. Aujourd'hui, ça la comprenait elle et son fils. Tout cela, sans doute, échapperait à Savian. Mais Ayena, qui avait des principes là où on ne les attendait pas, y tenait.

- Je ne doute point de votre valeur, mais je n'oserai vous abaisser à oeuvrer pour votre tante et votre cousin pour l'heure. Comprenez que je ne vous refuse rien, mais que tout viendra en temps voulu. Je serai enchantée, plus tard, de pouvoir compter sur vous.

Ayena plaçait en premier dans sa hiérarchie des priorités la famille. Puis venaient les amis, les vassaux, et le reste. Elle aurait tout planté pour aller aider une de ses soeurs, son père, ou un oncle, mais si certains dans le lot était de parfaits inconnus. A un appel de Liloïe, elle aurait accouru, même si la Baronne de la Voulte n'aurait jamais appelé sa belle mère à la rescousse. Qu'Aimelina ou Actarius lui demandent de venir à l'autre bout de la France et elle n'était déjà plus là. Que Fool soit menacé et elle sortait les griffes.
Mais face à ce neveu dont elle ignorait tout, qui débarquait sans rien dire, comme surgissant d'un gâteau surprise, elle se sentait... Prise au piège. Il avait posé genoux au sol. Comme Fool avant lui, comme Argueros ici présent. Il devrait, comme les deux précédent, faire ses preuves. Et puis, s'il n'était pas à son service direct, il serait moins souvent sous ses yeux, à lui rappeler son Adrien... Sans doute cette raison était-elle d'ailleurs la principale, celle qui se cachait derrière toutes les autres.


- Si vous le souhaitez, je vous dirigerai vers d'autres personnes. Pour prouver votre valeur. Mais pour l'heure... Parlez moi de votre famille. Je n'y entend pas grand chose. Et où avez-vous entendu parler d'Adrien ?

Voilà. Et qu'on lui apporte un fauteuil, du vin et de quoi se sustenter. Ayena ne comprenait généralement pas grand chose aux affaires de famille, et elle était servie. Et puis, s'il parlait bien, il pourrait peut être faire oublier les mauvais côtés de son apparition soudaine...
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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Saviandesage
Les mâchoires du jeune garçon se crispèrent une fois seulement, après que la vicomtesse lui eu répondu. La douceur et la mélancolie qui caractérisaient son visage s'étaient effacées juste l'espace d'une seconde. Ce fût à peine perceptible. Ayena venait de porter un coup de fouet sérieux au jeune garçon et il se trouvait dans cette disposition ou nos réactions se trouvent mûes par notre instinct.
Il s'était relevé à la demande de sa tante et la contemplait, droit dans ses bottes, elle et l'enfant qu'elle tenait. Ils étaient ce côté beau, doré, illustre de la famille, et n'en avait point la conscience, ni la connaissance. Savian hocha la tête et sourit avec une certaine tendresse. Après tout n'était-il point normal qu'il soit écarté de la sorte? C'est ainsi qu'il en fût toujours, depuis sa naissance. Alors, il le supporta. Il était presque même joyeux, car il venait d'apprendre qu'il ressemblait à son oncle. Cela le mettait dans de bonnes dispositions de rédemption.


-Je ferai tout ce qu'il convient de faire, selon vos indications, ma tante. Pour vous, et mon petit cousin. Et puisque vous me le demandez, je vais vous raconter l'histoire de notre famille - il avait insisté sur le "notre" - dans ce que je connais de plus ancien. Peut-être que cela ne vous plaira guère et j'espère que vous me croirez de bonne foi. On m'a dit tant de bonnes et belles choses sur mon oncle, que je vous prie de croire que je ferai de mon mieux pour suivre son chemin.

Son regard se teinta de nostalgie et de tristesse anonçant ainsi l'ombre de l'histoire qu'il allait conter.

-Je m'appelle Savian Desage et je suis né en 1442. Je ne sais pas quel mois, ni quel jour, ce que je sais, c'est qu'il pleuvait. Mes parents s'appelaient Andres Desage et ma mère Elena Musset. Ils ont passé leur vie dans le comté du Rouergue, à truander, à voler et à mendier. Ils étaient de bien viles personnes. Mon père frappait ma mère, tous les jours. C'était ainsi le bon ordre des choses disait-il. Ensuite ma mère me frappait, car c'était aussi le bon ordre des choses. Lorsque les rapines de mes parents fonctionnaient, nous mangions. Les autres jours, mes parents étaient de mauvaise humeur. Andres Desage et Elena Musset ont été condamné et écartelé il y a un an, à Rodez. J'étais ce jour là en prison pour avoir mendié en place publique. Dans les affaires de mes parents, il y avait ce billet, que je viens de vous remettre.
Il faut vous dire ce que je sais de plus et que mon père m'a raconté, lorsqu'il se montrait clément, parfois. Adrien Desage était celui que mon arrière grand-mère a choisi. Elle l'a élevé chez elle, dans les montagnes cévenoles. Andres, mon père, fut vendu à des marchands ambulants. Il s'est échappé quelque part dans un village rouergat où la troupe s'était un jour arrêté. Il n'avait que 5 ans à ce moment là. Il a vécu parmis les coquins, les mendiants et les voleurs. Et il en est lui-même devenu un.


Son regard s'était perdu quelque part sur une dalle de pierre au sol. Et il expira profondément.

- Vous disiez ne pas douter de ma valeur, vous le devriez pourtant. Je suis fils de mécréant et de tout ce que je vois ici, je ne mérite pas le nom que je porte.
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