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[RP] Où est le patte' (ét)ernel ?!

Jusoor
Alors qu'ils cheminaient vers le rendez-vous, silencieux comme jamais, Jusoor parfois risquait un regard inquiet sur lui. Le visage d'Ernst était pâli, fermé, impassible à ce qui l'entourait, l'esprit trop sollicité par la rencontre à venir. Pouvait-elle l'en soulager ? nullement. Elle n'avait pas ce pouvoir, personne ne l'avait.

Ô comme elle le comprenait. Du moins, se faisait-elle une idée assez précise de ce qu'il pouvait vivre depuis la révélation. Des questions. Des incertitudes. Des certitudes écroulées. Son monde avait changé, inévitablement. Son rôle, la nouvelle place qu'il prenait dans la vie également. Tout était remis en question. C'était là les sentiments approximatifs de quelqu'une, qui apprend qu'elle va devenir mère sans l'avoir désiré.
Pour lui elle ne pouvait rien donc, sinon être là. L'enfant, les besoins de celle-ci, ne lui effleuraient même pas l'esprit.

Quand elle sentait que son regard devenait par trop pesant sur lui, elle le détournait et prenait la mesure de l'espace qui les séparait encore de la taverne. Celui-ci s'amenuisait à chaque nouveau pas franchi. Et la main du germain serrait la sienne un peu plus au même rythme.

Devant la porte ils s'arrêtèrent un court moment. Et il l'ouvrit. Comme à son habitude, après quelques secondes il la poussa doucement à l'intérieur, secondes qu'elle avait mis à profit pour libérer sa main et serrer la sienne dans un encouragement silencieux. Sitôt entrée, elle s'effaça sans bruit dans une ombre noircissant un mur de la salle commune de l'auberge et l'observa s'avancer, regard rivé sur son dos.

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Cillien
[Jour J : maintenant tais-toi non de non !]

Elle avait quitté la taverne sans rien ajouté de plus. Sans un mot. Un simple et petit hochement de tête en guise de "salut". Mais un salut, le dos tourné. Et elle était sortie. Elle s'était dirigé vers le dit barbier et après cris, et larmes de douleur - parce que la brune refusait catégoriquement de boire une goutte d'alcool qui pourrait amoindrir la dite douleur - elle avait calé son bras "réparé" contre son ventre, et était partie rechercher les deux morveux qui l'accompagnait. Enfin, "chercher" était un bien grand mot. Elle s'était contentée de retourner dans la taverne où ils avaient pris quelques heures de repos. Et elle les avait vu, l'un prêt de l'autre, sommeillant, parlant, s'ennuyant, ronchonnant. Une esquisse de sourire éclaira très brièvement son visage et la scène se déroula lentement. Sa fille courrut vers elle, inquiète visiblement. Cillien passa avec douceur la main dans les cheveux blonds et renvoya ensuite Spirit vers son copain. Elle était pâle, et fatiguée. Peut-être trop pour s'énerver. Sans doute trop aussi pour s'émouvoir de la réaction de sa fille.

Et Cillien d'aller s'asseoir, et d'attendre en silence. Que le temps passe. Pour que la soirée se rapproche. Que le temps passe avant d'annoncer à sa miocharde qu'elle verrait "peut-être" son père ce soir s'il daignait venir. Il avait bien dit qu'il viendrait. Mais Cillien avait du mal à le croire. Et encore, nous dirons que ceci est un euphémisme. Bref, Spirit commença à poser LA question fatidique, à la quelle Cillien répondit par un bref : "ce soir.". Et puis l'impatience de l'enfance gagnait sa môme. Le temps de l'enfance, celui qui passe tout doucement, où les secondes paraissent si longues, que les minutes sont des années.* Et c'était réellement ça. Oui, c'est encore dans longtemps le soir Spirit. Il faut attendre. Tais-toi. Je suis lasse. Laisse moi donc me reposer. Voilà ce que pense l'austère face à l'entrain et l'impatience de sa fille. Pourtant elle ne dit rien, ne cherchant pas pour une fois à réfréner l'entrain de sa gosse. Elle se contente de garder le silence autant qu'elle peut, de l'écouter et de lui répondre quand elle le sent nécessaire. D'ailleurs elle répondait à ses questions par monosyllabes, une fois le flot spiritien stoppé un bref :


Il est comment ? Comment j'va l'reconnaître ? Il est beau ? Et dis, il est gentil ? Il est content d'me voir ? Et tu crois y m'aim'ra bien ? On n'y va quand ? Faut pas arriver trop tard hein ! Sinon y va partir sans j'l''ai' vu ! Et pis pourquoi y nous z'a laissé ?
Blond. Je serais là. N.. Tu verras. Peut-être. Sur'ment. Ce soir. Tu lui demanderas pourquoi Spirit. Sache juste que... Je n'y suis pour rien. Il est parti sans me prévenir... Je n'ai rien pu faire. Il nous a abandonné c'est tout.


Et puis lasse des questions, et de l'attente interminable qui s'engageait, Cillien décida d'aller un peu plus tôt que prévu dans la dite taverne. Ils arrivèrent donc tôt. Et la taverne était déserte. Elle alla directement s'asseoir au fond, tandis que Lénaïc rouler en boule sommeillait. Et Spirit qui tournait en rond, tel un loup dans une cage - parce que c'est tout de même plus occidentale que le lion. Et le temps passa. Lentement. Et Cillien avait mal de voir sa fille ainsi. Peur aussi. Elle avait tant d'espoir de cette rencontre. Alors elle prit la parole, pour lui donner les dernières recommandations.

Spirit, comportes-toi correctement face à lui. C'est ton père mais tu ne le connais pas encore. Alors sois polie. N'oublie pas ce que je t'ai appris. Et va pisser avant qu'il arrive !

La petiote avait filé, et Cillien avait alors porté son regard sur Lénaïc. Le petit blond ne l'aimait guère. Mais il était assez agréable à vivre, même si souvent impoli. Et sa fille était très proche de lui. Si au début cela inquiétait et gênait Cillien, elle avait fini par s'y accoutumer. Et Lénaïc était un petit plutôt sérieux. Et de bonne famille. Et la porte s'ouvrit. Ernst entra. Accompagné de la fameuse demoiselle du matin. Et quand celui-ci posa la question blonde du soir, l'Austère plissa le nez - telle sa fille - et le fixa l'air de lui faire comprendre sa bêtise : "mon pauvre Ernst tu n'es vraiment pas fûté". Voilà ce que ses yeux disaient.

Non.
Voilà tout ce qu'elle eut le temps de répondre avant que la porte ne s'ouvre à nouveau pour laisser entrer la belle petite puce blonde, aux joues légèrement rougies par le froid.

*tiré de la chanson Time de Tryo
RP écrit avec l'aide de JD Gypsi. Merci !

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Spirit_a.
Spirit était alors sortie en courant. Elle était allée aux latrines, avait fait là-bas ce qu'elle avait à y faire et était revenue vers la porte en courant. Elle avait ouvert la dite porte - quelques secondes après l'entrée du drôle de duo - avec précipitation. Et avait fait deux pas dans la taverne toujours en courant. Avant de se figer net. Sur place. Tandis que la porte se refermait derrière elle. Le regard était rivé sur la grande silhouette qui lui faisait dos. Et au bout de quelques secondes la petite demoiselle porta son regard sur sa mère comme pour poser une question silencieuse. Avait-elle rater l'entrée de son paternel ?! La femme cachée dans l'ombre n'avait pas même attiré le regard de la gamine qui n'avait d'yeux que pour l'homme qui se trouvait là. Il aurait pu être le premier venu qu'elle aurait été persuadé que c'était son père. De pâle elle devient rouge. Et puis elle prit la parole en bégayant. L'émotion, la peur, l'attente ?

B... b... Bon... s.. s... Bon... Bonsoir !

Ridicule ? Oui. Comme une môme de 6 ans qui se trouve devant le dos d'un géant inconnu qui peut éventuellement s'avérer être son père. Et lorsqu'il se retourna elle n'attendit pas même de prendre le temps de regarder son visage. Se souvenant des recommandations de Cillien, elle fit la petite révérence qu'elle avait si durement appris. Avant de se relever et de lever son tendre minois enfantin vers l'homme en question. A nouveau elle repris la parole :

Je m'appelle Spirit.

Parce que c'est une déclaration fort importante. Et la môme plaçait dans ce prénom beaucoup d'elle. Elle y tenait farouchement. Même si la belle rousse enceinte lui avait dit qu'elle ne l'aimait pas. Même si en anglais cela voulait dire "esprit". Même si le vieux voulait qu'elle rajoute un "S" à la fin de ce prénom pour que ce soit plus "buvable". Elle y tenait parce qu'elle l'avait choisi toute seule. Elle y tenait, sans raison particulière. Parce que c'était son prénom. Et c'était ainsi. Et puis, on lui avait dit qu'elle devait se présenter quand elle rencontrait quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Elle enchaîna ensuite.

J'attends mon papa... Il doit venir ce soir...
Dites ? Est-ce que c'est t... vous ?


Espoir ? Il était beau ce grand monsieur. Et en plus il avait les mêmes cheveux blonds qu'elle. Si elle ne pouvait pas se rendre compte qu'ils avaient le même regard, les mêmes yeux, elle trouvait qu'il était grand, et qu'il se tenait bien. Et qu'il était très beau. Alors oui, la puce attendait la réponse, elle espérait. Elle souhaitait tant rencontrer son père...
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Ernst.
Non? C'était bref, presque brutal. Ernst regarda, plus attentivement, le petit être assoupi. Il semblait bien qu'il s'agissait d'un petit garçon. Ce ne devait donc pas être Spirit. Ernst allait ouvrir la bouche et se défendre. Il aurait dit qu'elle lui avait parlé d'une petite fille et que, visiblement, ce n'était pas le cas. Il lui aurait demandé si elle ne se jouait pas de lui. Il lui aurait demandé si ...

- B... b... Bon... s.. s... Bon... Bonsoir !

Ses pensées se gelèrent. La voix était celle d'une petite fille. Un frisson parcourut l'échine du germain. Son sang se glaça, son coeur rata un battement. L'attention d'Ernst se reporta dans la direction de la voix enfantine. Une autre petite tête blonde le regardait. Elle était minuscule. Elle s'appelait Spirit. La main du germain se mit à trembler, légèrement. Il était paralysé, bouche bée.

Elle se tenait là, devant lui. Et lui, ne voyait plus rien. Les mots résonnaient, simplement, dans sa tête. Ils s'entrechoquaient. Cette fois, sa fille n'était plus une simple idée, dans le vague. Elle se tenait devant lui et le regardait. Elle était si petite. Le germain reprit son souffle. Il tenta de faire taire l'angoisse qui naissait au plus profond de ses entrailles. Ernst posa un genou à terre et se mit à sa hauteur. Elle lui ressemblait tellement. Elle avait la blondeur de ses cheveux et le bleu de ses yeux. Ernst resta à la regarder, à l'admirer plutôt, pendant un long moment. Il ne put que balbutier sa réponse. Les mots sortir dans un souffle.


- Oui ... C'est moi.

Ernst continua d'admirer sa fille, presque hagard. Un léger sourire niais se dessina sur son visage. Il posa délicatement la main sur sa joue et la caressa du pouce. Il était comme hypnotisé. Elle était donc sa fille. Petite être qui le sembla, soudain, si fragile. Bien plus fragile qu'il ne l'avait imaginé. Ernst était fasciné.

- Tu es donc ... Spirit ... C'est ça?

Elle le lui avait déjà dit. Bien sûr que c'était elle. Le germain avait besoin d'être sûr. Comme s'il pouvait exister encore un doute. Comme si la ressemblance n'était pas assez frappante. Des inconnus ne s'y tromperaient pas. Des deux parents, il était bien celui qui ne pourrait pas renier sa fille. Ernst se mit à sourire plus franchement. Il réalisait enfin. Il prit les petites mains dans les siennes. Tout devint soudainement si naturel.

- Comment vas-tu? ... Ma fille.
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Spirit_a.
Oui... C'est moi.

Un murmure qui sonnait comme une révélation. Le murmure le plus important de la petite vie de Spirit. La frêle blondinette regardait le visage de cet homme avec étonnement, surprise et curiosité. Son père était donc ce monsieur qui la dévisageait comme s'il avait vu... Il la dévisageait comme Lénaïc avait dévisager le petit singe lors de la fête f-Lorraine quelques temps auparavant. Mais il s'était agenouillé, là devant elle. Et tout de suite, il devenait un peu moins impressionnant. Spirit aimait énormément quand les grands se mettaient à sa hauteur. Très peu le faisait. Un bon point pour le papa ! un ! Alors elle lui sourit. De ce premier sourire, un peu timide mais sincère que peuvent offrir les petits fripons de 6 ans. Elle n'en restait pas moins intimidée. Si elle était bavarde et curieuse, elle n'en restait pas moins sauvage, timide et peureuse. Le conteur se souviendrait sans doute longtemps du petit lapin apeuré qui s'était cachée en boule sous la table quand elle l'avait aperçu. Aujourd'hui, Spirit ne se cachait pas. Elle aurait eu trop peur qu'il parte. Alors elle restait devant lui, un peu figée, avec ce petit sourire, les bras ballants, à le regarder. A l'écouter aussi.

Ainsi, à la deuxième phrase qui sortit des lèvres de son père - appelation sur laquelle elle pouvait désormais mettre un visage - elle hocha doucement la tête, se contentant de répondre un petit et discret :
Hum. en guise d'affirmation. Etait-il sourd son papa ? Pourtant subitement, la parlotte de la gamine était coupée. Et ainsi, elle ressemblait quelque peu à sa mère dans son attitude. "Hum". Voilà tout ce qu'elle avait su répondre. Et déjà elle faisait une petite moue. Gênée la gosse. Parce que, et maintenant ? Que devait-elle faire ? Ou dire ? Qu'allait-il se passer ? La main du grand blond se posa avec délicatesse sur la joue de l'enfant, qui tressaillit, plus par la surprise et l'inquiétude... Le souvenir des claques de Thomas restant encore marquant dans sa mémoire. Pourtant ce fut une caresse qui parcouru sa joue, et la mioche esquissa un nouveau sourire. Son papa... Il avait l'air gentil. Et en plus il était beau. Elle pourrait le dire désormais. Puisqu'elle en était sûre et certaine. Plus jeune et plus beau que 'Mus même ! Et c'était pas peu dire, vu que la gamine clamait à qui voulait l"entendre qu'elle épouserait 'mus plus tard. 'Mus ou Thomus pour les non-initiés. Le silence était là. Mais il était loin d'être pesant. Et si le temps passait lentement, la gamine ne s'en rendait pas compte. Elle était devant son papa ! Ses petites mains furent emprisonnées avec douceur dans celle d'Ernst. Et Spirit baissa instantannément ses yeux vers ces mains. Elle ne l'avait pas vu venir lui prendre les mains. Les mains paternelles étaient chaudes. Et la voix paternelle dont l'émotion se faisait entendre posa une grande question existentielle à nouveau. Comment allait-elle ? Le regard se reporta sur le visage du père tant attendu et des petites larmes quittèrent ses yeux pour rouler sur sa joue. Sensible. Spirit était très sensible. Et la première inquiétude passée elle murmura un :

Je suis contente...

Si elle avait été plus grande ou en meilleure forme elle aurait pu bavasser pendant de longues minutes sur le "pourquoi du comment" elle était contente. Oui, mais là, les mots sortaient peu. Le "ma fille" l'avait... troublée. Personne ne l'avait jamais appelée ainsi. Et surtout pas Cillien. Elle ne savait pas encore s'il était belette, aigle ou si elle pouvait lui faire confiance aveuglément. Mais à cet instant précis, elle oubliait toutes les recommandations du conteur. Elle retira avec vitesse ses mains de celle de son père et s'approcha de lui, passa ses petits bras autour de son cou, et posant sa tête sur son épaule... Ou ce qu'elle atteignait. Parce que même agenouillé, Ernst était grand. Et Spirit malgré ses 6 ans en faisait deux de moins au vu de sa petite taille. Un autre murmure. Parce qu'elle n'avait aucune envie de crier. Elle était bien là...

Et ... vous ?

La distance se rétablissait quelque peu. Elle n'osait pas encore l'appeler "papa" ou lui dire "tu" comme elle le faisait avec n'importe qui d'autres - grâce à Lénaïc qui déteignait sur elle. Elle disait "vous" comme pour Cillien. Parce que c'était sans doute pareil pour le papa que pour la maman. Et que surtout, elle ne voulait pas l'énerver de suite. Elle demanda à nouveau :

Dites... Vous restez... un tit peu ?
Et le flot de question refit surface dans la bouche curieuse de la blondinette
Vous z'êtes quoi... ? Chevalier ? Prince ? ou... ou... Moi j'connais euh... un berger, un conteur n'aussi, et pis euh... des brigands, et un "pré ses pteurs"... euh...

Si elle voulait qu'il reste un peu, il fallait sans doute lui poser des tas de questions. Et ça, la gamine n'en manquait pas ! ça tombe bien non ?
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Ernst.
- Et ... vous?

Elle le vouvoyait. Ernst eut un léger moment de flottement. Il vouvoyait tout le monde. Mais sa fille? Non, décidément et radicalement, non. Il lui parlerait comme il ne parle à personne d'autre. Déjà, parce que c'était sa fille et, de plus, parce qu'elle était jeune, si petite. Quand elle le prit dans ses bras, Ernst en resta bouche-bée. Une fois de plus. Rares étaient les personnes capable de le mettre dans un tel état. La dernière fois qu'il avait été obnubilé par la vue de quelqu'un, il en était devenu le garde du corps. Ernst replia ses bras autour du petit corps de sa fille. Il tourna la tête à la recherche de sa protégée. A ce moment, elle était l'ami, bien plus que la Princesse. Il chercha ses yeux, son regard, sa présence. Elle se tenait là, dans l'ombre, presque invisible. Ernst hocha légèrement la tête. Il lui était reconnaissant. Il la remerciait en silence d'être venu.

Le germain ferma les yeux et serra, un peu plus fort, le petit bout de lui qui posait sa tête contre son épaule. Un fin sourire se dessina sur son visage. Il n'aurait su dire pourquoi mais, à ce moment précis, entouré de Jusoor de Blanc-Combaz et de Spirit von Zweischneidig, il se sentait entier.

- Dites ... Vous restez ... un tit peu? Vous z'êtes quoi... ? Chevalier ? Prince ? ou... ou... Moi j'connais euh... un berger, un conteur n'aussi, et pis euh... des brigands, et un "pré ses pteurs"... euh...

Ernst se mit à rire doucement. Spirit semblait prendre vie devant lui. De l'enfant à l'apparence timide, il ne restait rien. Un flot de parole déferla sur le blond et ses yeux se mirent à briller. Il écouta. Il aurait pu l'écouter pendant des heures si elle avait continué de parler. Il changerait, peut-être, d'avis plus tard mais là, il avait envie de l'entendre. Après toutes ces questions, Ernst la regarda en reprenant un peu de son sérieux.

- Je reste mais à une condition. C'est qu'on se disent tu.

Il fallait, ensuite, répondre au nombreuses question de celle qu'il appèlerait, un jour, la "mini lui".

- Je ne suis pas Prince, non. Mais je connais une Princesse et je la protège. C'est un peu comme chevalier.

Disons surtout que c'était plus simple à expliquer comme ça. D'ailleurs, on l'appelait souvent chevalier. Il n'en était rien. Bien qu'à y repenser, non, ce n'était pas loin. En tout cas, c'est comme ça qu'on le voyait. Ernst pivota légèrement, en gardant Spirit dans ses bras et lui montra la jeune femme qui se tenait dans l'ombre, non loin d'eux.

- Je te présente Jusoor de Blanc-Combaz. La fille de notre Roy. Puis en murmurant. La Princesse que je protège. Elle est belle, hein?

Ernst regardait sa protégée en souriant malicieusement. Sur le coup, il n'avait pas réagi au mot "brigand" prononcé par sa fille. Il y reviendra plus tard, un autre jour peut-être. Ce soir-là, il était tout à son bonheur. Il en avait même fini par oublier la présence de Cillien.
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Spirit_a.
Les bras musclés se refermèrent autour d'elle. Les mots s'échappèrent de ses lèvres enfantines. Et... Le rire paternel s'envola, résonnant un instant dans le silence de la taverne. Et Spirit elle, en était à se demander s'il se moquait d'elle ou s'il riait parce qu'il était content lui aussi. Et, bien entendu, elle opta pour la seconde proposition. Il riait, il la prenait dans ses bras. En soit, il était TRES gentil. Et la gosse en était à se demander pourquoi elle ne l'avait pas connu plus tôt. Tout aurait été clairement différent. Mais au fond, si elle avait vécu des moments difficiles entre sa mère et son grand-père, elle ne regrettait pas tous les gens qu'elles avaient rencontré par la suite. Elle s'était forgée elle-même sa petite famille. Et même si sa fausse famille s'était étiolée et dispercée, ils restaient des êtres que la petite chérissait énormément. Oui, mais maintenant, elle avait un vrai papa. Rien qu'à elle. Rien qu'à elle ? En était-elle sûre ? La tête se redressa lentement, pour regarder à nouveau le gentil monsieur qui se trouvait devant elle. Cillien avait mis tout son coeur à lui apprendre à se méfier des hommes. Et quand la gosse avait rencontré le cousin de sa mère, elle avait appliqué les principes de sa mère. Mais finalement, les autres hommes que Spirit avait rencontré avait pour la plupart su gagner sa confiance. Et Ernst avait sans doute été le plus rapide. Mais l'objectivité était ici mise de côté. Son papa... Un mot qui résonnait dans sa petite tête blonde mais qu'elle n'osait pas encore prononcé. Pourtant déjà, il voulait qu'elle dise "tu". Et comme il s'agissait là d'un chantage pour qu'elle ne puisse pas dire "non", elle n'avait pas le choix. Aussi répondit-elle avec le plus grand naturel du monde :

D'accord ! et aussi faudra j'te crouve un surnom... Parce que c'est cro dur à dire Er... n'... st... Je sais pas si je peux dire papa tout d'suite...

Le regard posait davantage la question que l'intonation de la voix. Elle aurait pu. Mais, le voulait-elle tout de suite ? Rien n'était certain. Et puis, elle l'avait attendu 6 ans, alors il pourrait attendre un peu avant qu'elle l'appelle "papa". Pourtant, si elle avait du mal à dire le prénom de son père, le nom de famille s'annonçait du plus grand bonheur à apprendre. Mais elle apprendrait sans doute ça plus tard. Pour le moment, il répondait à ses questions multiples. Un chevalier et une princesse ! La môme écarquilla les yeux, toute ravie et émerveillée qu'elle était. Son papa était chevalier ! Et ça c'était quand merveilleusement fantastique ! Et hop, pivotage, et Spirit se tourne lentement vers la silhouette planquée dans l'ombre. Les yeux s'écarquillent plus encore. La princesse ! La fille du vrai Roy. Alors là, c'était plus qu'il ne le fallait pour combler Spirit. Après un instant d'observation de la princesse, pendant que son père la présentait à Spirit, et murmurait un petit quelque chose qui fit sourire Spirit, elle rétorqua sans murmure - parce que c'était trop beau pour que ça reste parfait non mais :

Hum, presqu'autant que Rose et Lilith...
Enchantée m'dame Juso'or


Elle esquissa un sourire en direction de celle-ci après avoir allongé un peu trop le 'o' de son prénom. Elle aimait bien les princesses, et la parlotte lui revint aussi facilement que si elle s'était trouvée face à un berger ou à un gosse de son âge. Polie, elle l'était un peu. Mais, elle avait passé quelques temps avec des gens simples. Et cela lui était resté :

La vraie de vraie princesse ! c'est cro chouette ! Moi aussi j'connais un prince. Mais c'est pas le fils du Roy d'ici... Mais il était gentil. Y m'a dit j'pourrais deviendre chevalière ET conteuse ! j'suis pas obligée d'choisir il a dit... Vous croyez c'est vrai ?

Elle parlait tant à la princesse - parce que l'avis princier c'est le pied - qu'à son père - parce que l'avis paternel c'est l'essentiel. Un regard sur la belle princesse - un peu moins belle que la blonde et douce Lilith, mais tout de même, puis la frimousse qui se tourne vers son père à nouveau. Nouveau sourire. Il allai avoir la joie de connaître Spirit la Bavarde avec un grand B. Elle reprit d'ailleurs en montrant du doigt son copain Lénaïc endormi

Et bin tu sais, moi aussi j'ai mon chevalier. C'est 'naic. C'est mon meilleur copain. Et pis souvent on joue à la princesse prisonnièreuh - c'est Moi et même qu'Eve elle m'appelle 'princesse' tout l'temps - et lui c'est le chevalier qui m'sauve. Mais là... Y pourra pas cro m'sauver y dort...

Plissement de nez devant la constatation indubitable. Et un haussement d'épaule plus tard, elle enchaîne à nouveau - parce qu'on ne va pas l'arrêter de si tôt ! Non non ! Elle a des tas de choses à lui raconter à son père. Des tas de questions à lui poser. Ainsi qu'à la princesse d'ailleurs. Alors entre quelques pauses pour écouter parfois des réponses elle parle, et parle encore et encore. La joie de rencontrer son père doit décupler sa capacité de parole habituel. Et puis, d'habitude son chevalier parlait au moins autant qu'elle, et là, il dormait, alors il fallait qu'elle parle pour deux. Cillien loin aux oubliettes, elle se concentrait sur son père et la princesse :

C'est ta n'amoureuse ? Vous z'allez vous marier ? Vous z'êtes déjà ? Et t'as d'autres z'enfants ?

Les pieds dans le plat ? Spirit arrête de voir des amoureux partout. Un jour, il faudra que tu perdes ce côté fleur bleue ! Regarde ta mère, ça t'aidera, tu verras. Et, retiens la leçon du vieux un peu ! Une question à la fois, sinon, il ne faut pas s'étonner qu'on ne réponde pas ! Oui mais la curiosité déborde. Elle veut connaître son père... Elle aimerait tant en savoir beaucoup plus... Mais pour le moment elle se contente de rester prêt de lui, de parler et parler, et parfois de l'écouter. Et déjà, rien que ce petit peu de chose la rend heureuse. Enfin, elle est une petite fille qui a un papa. Et ça vaut sans doute tout l'or du monde, surtout quand on a un papa chevalier, cro cro beau, qui a l'air cro cro fort, et gentil et tout ce qu'il faut ! Si c'est pas beau tout ça hein ?!
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Ernst.
Ernst dodelina de la tête. Elle ne pouvait pas dire papa tout de suite. Il ne pouvait pas l'exiger non plus. Certains l'auraient peut-être fait. Ce n'était pas dans sa nature. Ernst n'exigeait jamais rien. A moins, bien sûr, que cela ne soit un cas de force majeure. Là, en l'occurrence, ça ne l'était pas. Il lui laisserait le temps qu'elle jugerait nécessaire. Lui-même avait bien du mal à réaliser que c'était bien sa fille qu'il tenait contre lui. D'ailleurs ils ne se lâchaient déjà plus. Spirit gigotait, parlait tout en restant contre lui. Ernst souriait. Il était émerveillé. C'était comme si il n'avait jamais vu d'enfant auparavant. C'était vrai, en partie. Il n'avait jamais vu d'enfant de lui. Par le passé, il lui était déjà arrivé de sourire aux paroles d'un père déclamant que son ou ses enfants passaient avant tout. Il avait sourit de ce sourire narquois qu'ont les gens qui ne peuvent pas savoir mais qui croient que c'est une stupidité. Ce soir-là, il savait. Il donnerait sa vie pour sa fille. Ils se connaissaient à peine mais elle faisait déjà parti d'un tout. Elle était devenue le centre d'un univers autour duquel gravitait le germain. Il l'écoutait en silence. Son visage passait du sourire au rire retenu, sans oublié l'air faussement sérieux lorsqu'elle évoquait son chevalier à elle.

Elle était si vive. Spirit aurait ce don, qu'avait Jusoor, de pouvoir faire ce qu'elle voulait du germain. Il le sentait. Il ne pourrait rien lui refuser. Ernst se contentait de garder le silence. La petite voix de sa fille déferlait et remplissait la pièce d'un son cristallin. Elle semblait ne pas pouvoir tenir en place. Elle virait dans tous les sens entre les mains du blond qui tentait, tant bien que mal, de la suivre dans ses pérégrinations vocales. Puis, il y eut ces paroles qui arrachèrent un rire qu'Ernst n'avait pas su retenir. Il se mordit les lèvres en regardant Jusoor. Il aurait dû s'attendre à ce genre de question. Elle était, on ne peut plus, naturelle. Ernst se contenta de répondre :


- Je n'ai que toi, Spirit.

Le regard du germain s'était reporté sur la Princesse. Le sourire en coin, l'oeil taquin, il répondit d'un ton calme.

- Nous ne sommes pas mariés, non.

Il laissa, délibérément, le reste des questions en suspend. Alors Ernst, pourquoi tu ne réponds pas? C'est ta n'amoureuse? La question était simple. La réponse aurait dû l'être tout autant. Le germain ne répondrait pas. Un jour, peut-être.
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Jusoor
De son coin d'ombre si vite atteint, Ju attendait la rencontre du père et de la fille. Elle n'avait assisté jusque là qu'à la sécheresse de la femme "rencontrée" la dernière fois, la mère.
Le silence l'enveloppait, jusqu'à ce que l'irruption de la gamine laisse pénétrer un courant d'air trop frais, qui l'enveloppa à son tour. Ju frémit imperceptiblement mais se tint immobile et silencieuse, les yeux rivés sur les boucles de l'enfant. Dès lors, les évènements prenaient une toute autre dimension et elle n'en était que spectatrice. Comment Ernst ressortirait de ces minutes àvenir ? Dans quel état ? Jusoor, dans l'attente, noua ses bras sur sa poitrine et afficha une expression grave. Certains, s'ils l'avaient vue en pleine lumière auraient pu même la qualifier d'inquiète.


Les premiers mots de l'enfant furent balbutiés, hésitants et à la fois emplis d'espoir et d'une certaine crainte d'être déçu. Ernst se retourna naturellement vers l'invitation enfantine et ce que Jusoor put alors déchiffrer, passant sur ce visage devenu si familier, lui tordit les entrailles. Tant et si bien qu'elle ne put en souffrir plus longtemps la vue et s'en détourna.
Elle n'aurait su définir exactement ce qui pouvait habiter Ernst à cette seconde, de l'angoisse pour sûr avec tant d'autres sentiments l'accompagnant, mais elle se sentait affectée presque tout autant qu'il pouvait en être. Au moins, l'aurait-elle parié.

Elle se sentit alors bien malvenue ici, et pour mieux dire, bien mal à sa place. Impudique. Elle aurait tout aussi bien pu l'attendre dehors. Elle n'avait pas besoin d'assister à des moments si intimes pour répondre présente si besoin s'en faisait sentir. Le moment appartenait à l'homme et sa fille. Seulement à eux. Quil soit bon ou non.
Jusoor se mordit la lèvre, le regard toujours rivé ailleurs que sur le centre de la salle commune de l'auberge. Des mots échangés lui parvenaient, mais elle ne les retint pas. Les mots comme les gestes ne lui appartenaient pas.
Elle ne partirait pas pour autant. Elle resterait là, faisant violence à ses sentiments impérieux de culpabilité et de gêne, immobile et silencieuse, comme elle s'y était engagée. Peut-être avait-il besoin encore de cela, elle l'ignorait. Elle ne vit pas, pourtant, le regard qu'il porta sur elle, ni même son hochement de tête. Et ne s'attendait certainement pas plus à être poussée sur le devant de la scène.


- Je te présente Jusoor de Blanc-Combaz. La fille de notre Roy. La Princesse que je protège. Elle est belle, hein?

Jusoor ferma une seconde les yeux qu'elle avait rivés sur le parquet grinçant. Il lui fallait retrouver une contenance. Inspiration prise, elle releva le regard, le posa sur le visage souriant d'Ernst. Il tenait sa progéniture dans ses bras, son visage était bien plus serein que quelques minutes plus tôt. Jusoor se sentit alors libérée du poids qui lui comprimait les poumons. Mais pas de la gêne qu'elle ressentait d'être là, témoin indélicate. C'était même peut-être pire maintenant, car plus rien n'exigeait sa présence.

Elle étira tant bien que mal à son tour un sourire qu'elle espérait naturel. Elle salua également l'enfant, d'une voix moins assurée qu'elle n'aurait souhaité cette fois.


Enchantée également jeune fille. La petite repartit aussitôt dans une tirade qui réjouissait tres certainement Ernst, et Jusoor le comprenait bien, mais elle comprenait surtout que ces mots lancés lui permettaient à elle de retourner à sa place, dans l'ombre, laissant deviser père et fille.
Mais c'était sans compter la curiosité digne de tout enfant, curiosité qui semblait a priori amuser les pères. Jusoor en revanche marqua un temps d'arrêt au sens des questions posées. Mariage, enfants... Ernst lui tendit un sourire et entreprit de répondre à la petite. Ju n'interviendrait pas, même si elle était surprise de la tournure de la conversation. Les questions s'adressaient à Ernst et il savait tres bien quoi dire à sa fille. De plus, la réponse à la question du mariage répondait aussi aux autres. Elle pivota et chercha un tabouret libre où s'asseoir. Près de l'âtre, pourquoi pas ?

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Spirit_a.
Et la puce arrêta un instant de parler. Le temps s'étira, se suspendit. S'arrêta. Il n'avait qu'elle. Ils n'étaient pas mariés. Deux informations qu'elle devait prendre en compte. Assimilées. Ingérées. Comme toutes les informations qui viendraient pendant quelques temps sur la situation paternelle. Pourtant malgré le rire de son père, puis le sourire adressé à la princesse, la gamine sentit un petit quelque chose d'étrange. Et elle se calma. Parce que, toute vive qu'elle était, Spirit était aussi sensible à ceux qui l'entouraient. Si elle parlait beaucoup c'était pour qu'on la regarde un peu, qu'on s'intéresse un tout petit peu à elle, parce que trop longtemps elle était restée enfermée entre l'enceinte cillienique et les remparts du grand-père. Trop longtemps elle était restée seule, silencieuse et triste dans une maison où elle ne pouvait pas jouer. Depuis quelque temps le monde et les gens lui ouvrait quelques petites portes. Elle apprenait tant bien que mal qu'on pouvait aimer et perdre ceux qu'on aimait. Un moment. Ou pour toujours. Elle apprenait, sans pour autant perdre la sensibilité qui était la sienne. En Lorraine, dans la petite famille d'adoption qu'elle s'était montée de toute pièce, on la disait diplomate. Simplement parce qu'elle faisait attention aux gens, en essayant de tous les contenter. Et la mioche sentait un malaise en la personne de la princesse.

Et au fond d'elle un malaise grandissait également. Bien que petite elle se rendait bien compte. Elle parlait beaucoup. Elle le savait, tout le monde le lui disait. Mais finalement, elle avait presque l'impression d'être la seule à parler... Elle regarda la princesse aller prendre place près de l'âtre. En silence. Elle jetta un coup d'oeil à son copain qui dormait et à sa mère toujours aussi bavarde. Et à nouveau le regard se porta sur son père. Dévisageant à nouveau son visage. Des tas de questions jaillissaient dans la tête enfantine. Est-ce que les princesses parlaient toutes aussi peu ? Est-ce qu'elle avait fait quelque chose qui pouvait énerver la princesse pour qu'elle ne parle pas ? Est-ce qu'elle parlait trop ? Pourquoi son père ne lui posait aucune véritable question ? Elle ne pouvait pas comprendre encore, la gêne. Trop naïve et sincère pour cela. Elle ne pouvait pas comprendre qu'un lien se tissait déjà. Qu'au fond les questions restaient superflues, qu'ils pourraient apprendre à se connaître petit à petit. Non elle ne comprenait pas tout cela. Elle voulait tout savoir, tout comprendre. Pour ne pas garder des questions en suspend s'il partait de nouveau. Pourtant, à nouveau le silence reprenait ses droits. Et la gamine se mit à gigoter sur elle-même, à se dandiner et se tortiller, soudain dans une étrange posture.

Elle n'avait pas l'habitude d'une telle discrétion que celle de la princesse. D'une telle mise à l'écart. Et cela l'inquiétait, la perturbait. Inlassablement son regard se portait sur la partie du corps de la princesse qu'elle voyait, depuis les bras d'Ernst. Pour revenir se poser sur ses pieds. La tête basse, de la Spirit qui a peur d'avoir fait ou dit quelque chose de vexant. Loin d'être sûre d'elle la gamine. Loin de vouloir faire du mal. Un murmure s'échappa de ses lèvres vers l'oreille paternelle :


Qu'est ce qu'elle a ? Elle a l'air... hum... un peu... triste. Elle fait la tête ? J'ai dis une bêtise ?

Parce que les doutes spiritien sortent en questions hâchées et successives. Comme beaucoup des phrases du petit lapin qu'elle était. La mioche se blottit un instant contre son père, les mains jointes collées sur son petit torse de blonde. Tant de questions l'agitent. Elle voudrait lui demander si elle pouvait rester avec lui. Mais Cillien était là. Et elle avait peur de ce mélange entre l'inquiétude que Cillien offrait, tout en gardant l'aspect réconfortant du "connu", et l'espoir qu'Ernst représentait tout en gardant l'angoisse de l'inconnu. Pourtant déjà, le grand blond avait pris une grande place pour Spirit. Dès qu'elle le pourrait elle en parlerait avec une grande joie. Si elle ne l'appelerait pas papa tout de suite, devant les autres son père serait son héros. Il n'avait fait que s'agenouiller, et rire, sourire. Mais déjà, la puce ressentait en lui une tendresse dont elle avait grandement besoin. Semblable à celle qu'avait pu lui procurer son 'Mus tant adoré. Spirit ressentait aussi cette petite confiance. Les bras paternel la protégeaient. Et la protégeraient... Peut-être. Une seconde chance, un second départ.

Et pourtant, elle tente de ne pas oublier la princesse. Alors, une nouvelle question s'échappe de ses lèvres :


Est-ce que vous connaissez des z'enfants n'ici ? Parce qu'on m'a dit fallait pas je joue trop avec des z'enfants cro 'sales"... Mais comme vous z'êtes une princesse et le chevalier de la princesse... Pi t'être vous connaissez des z'enfants avec qui on pourra jouer un peu 'naïc et moi... ?

Non c'était loin d'être la chose la plus importante. Et pourtant, c'était la question qu'elle posait. Et un nouveau murmure à son père en montrant du doigt - en toute discrétion - Jusoor :

On peut p't'être aller s'assoir à côté d'elle... C'est criste d'être tout seul... Nan ?
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Ernst.
- Non, tu n'as pas fait de bêtise. Je crois que la Princesse a peur de nous déranger.

Il avait accompagné ses paroles d'un sourire qu'il voulait rassurant. Il passa le bout de ses doigts dans les petites boucles blondes. Quand il la senti se blottir un peu plus contre lui, Ernst resserra l'étreinte paternelle. Le germain porta son attention son Jusoor. Elle s'était installée près de l'âtre. C'était, probablement, sa place préférée. Il s'attendait à la voir ramener ses jambes contre son corps comme elle le faisait si souvent. Ernst essayait de déchiffrer l'attitude de la Princesse. Elle avait très peu parler. Il avait senti comme un malaise. Il se doutait que la situation serait difficile pour Elle. Les nouvelles questions de sa fille le sortirent de sa presque torpeur.

- Hum ... Son Altesse a un fils. Vous aurez, probablement, l'occasion de jouer ensemble.

Ses première pensées furent "ma fille, tu es un génie". Ernst savait que toute femme ou, plutôt, tout ce qui se rapportait au sexe féminin, était une source d'inquiétude quant à l'affection qu'il pouvait porter. La Princesse n'était pas partageuse. Ils avaient, chacun, un enfant. Ernst devrait amener Jusoor à prendre Spirit en affection. Un plan se mit en place, rapidement, dans l'esprit du germain. Nouvelle question de la petite, grand sourire germanique.

Ernst déposa un baiser sur le front de sa fille. Le geste avait été naturel, plus qu'il ne l'aurait penser. Sa fille était déjà dans ses bras, il n'avait plus qu'a se relever. Une légère inquiétude lui traverse l'esprit. Elle n'avait pas l'air bien lourde, au contraire. Cependant, personne n'est à l'abri d'une maladresse, d'un déséquilibre. Ernst chassa ces idées de sa tête et se leva, avec précaution. Il fut surpris par l'extrême légèreté de sa fille. Il se souvint du surnom de la Princesse. Sans répondre à Spirit, il se contenta d'aller s'installer près de Jusoor. Il déposa sa fille sur ses genoux. Dans un sourire malicieux, il s'adressa à sa protégée.


- Si vous aviez perdu une plume, Moineaute, je crois qu'elle est sur mes genoux.
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Jusoor
L'âtre oui... quel meilleur endroit dans une auberge que celui près de la cheminée lorsque le temps est aux frimas ?
Tabouret libre. Plus maintenant. Plusieurs même... Ainsi le voisin du premier fut presque aussitôt l'accueil du blond et de la blondinette.

Jusoor les observa s'approcher puis s'installer près d'elle. Son compagnon de route, affichant un air malicieux acta leur arrivée :


- Si vous aviez perdu une plume, Moineaute, je crois qu'elle est sur mes genoux.

Un peu surprise encore de l'insistance de l'invitation au partage du moment, renouvellée elle le savait, pour la mettre à l'aise -il la connaissait donc si bien- Jusoor réfléchit un quart de seconde avant d'accepter la proposition travestie. Elle se fendit alors d'un franc quoique léger sourire et prit la parole :

Toi comme moi savons que cette plume ne peut être mienne, Ernst... Jusoor dériva ses azurs sur l'enfant et la détailla sans gêne. Toutefois, tu ne pourrais la nier, toi...
Elle a tes yeux. Tes cheveux... Et tes expressions.


S'adressant à la petite elle tenta une approche. Rappelle moi ton nom ? Et ton âge ? Approche tiède s'il en était, mais on commence toujours petit...
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Spirit_a.
Les réponses de son père la rassurait un peu. Et attisait aussi sa curiosité. Un enfant donc ? Quel âge avait-il ? Comment s'appelait-il ? Et où était-il ? Que de questions essentielles ! Pourtant, les gestes de son père lui firent garder le silence. Il était doux. Plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer pour un homme de sa carrure. Le moment était fait de sourire, de caresse, d'un baiser déposé sur le front, d'étreinte. Une complicité naissante. Elle se sentait bien avec lui. Comme si rien ne pouvait lui arriver finalement. Les bras paternels la protégeaient. Tout en la câlinant de temps à autre. Avait-elle perdu six ans de tout ceci ? Le maigre trajet se fit dans ses bras et la puce encerclait le cour d'Ernst de ses frêles bras. Jusqu'à trouver une place assise, près de l'âtre et sur des genoux. Elle adorait être sur les genoux des gens. Elle se sentait indéniablement plus grande et forcément, de ce fait elle était davantage pris au sérieux. Elle n'avait pas connu beaucoup de personnes qui acceptaient de la prendre ainsi. Trois à dire vrai. Les trois fameux : Hellina - la maman d'adoption, et de coeur, 'Mus le menteur, et Dom le fameux conteur. En somme c'est avec une fierté toute mignonne que la blondinette trônait sur les genoux de son père.

Pour la véritable première fois de la soirée, Spirit vit la princesse sourire. Aux dires de son père. Et la réponse rendit la fillette encore plus joyeuse, tandis qu'elle lâchait avec entrain un :


C'est vrai j'lui r'semble ?!

Et de retrouver tout son calme et son sérieux quand Jusoor s'adressa à elle. Inconsciemment elle associait Jusoor à la figure maternelle. Aussi froide et distante à première vue. Elle concevait une certaine inquiétude vis à vis de cette princesse. Belette or not belette ? Telle est la grande question du soir de la gamine. La ressemblance de caractère avec Cillien la frappe aussi parce qu'elle sait qu'elle doit bien se tenir. Faire attention. Parler correctement. Se tenir droite. D'ailleurs la gamine se redresse un peu sur les genoux de son père. Et elle se demande si tous les gens d'ici sont sourds pour ne pas entendre et retenir ce qu'elle dit. Spirit, 6 ans, c'est quand même pas bien difficile à retenir, nan ? Et bien apparemment si. Mais elle répondit avec un grand sérieux :

Je m'appelle Spirit. Et j'ai six z'ans.

Et de tourner un instant la tête vers son père en lâchant un :

Spirit comment dis ?

Elle ignorait bien des choses la gamine. Elle portait le nom de la famille de sa mère jusqu'à présent. Les Kenway. Mais, en si peu de temps elle se sentait plus proche de son père qu'elle ne l'avait été de sa mère en 6 ans. Mais pouvait-elle porter le nom du père ? La gamine ne se rendait pas compte que la princesse pouvait être "jalouse" d'une relation père-fille. Si on avait essayé de lui expliqué, elle aurait rigolé en disant que c'était "cro bête". Mais personne ne disait rien et elle ne pouvait seulement pas penser cela. Elle reprit en regardant la princesse.

C'est votre surnom "Moineaute" ? C'est comme les zoziots c'est ça ?

Et d'à nouveau tourner la frimousse vers son père et de lui sourire grandement en lâchant :

J'peux pas être une plume, j'suis un lapin moi ! C'est Dom qui dit !

Ah il fallait nécessairement que le nom du conteur, et l'influence qu'il avait sur la gamine apparaisse à un moment ou à un autre. Sans doute n'était-ce pas le meilleur sujet de discussion. Le conteur se battant contre "le roi félon". Mais la gamine ne comprenait pas grand chose à tout ce cirque. Elle aimait énormément le conteur. Et elle lui vouait une admiration étonnante mêlant souvent un respect qui faisait perpétrer le "vous" et le 'm'sieur Dom" à une affection particulière qui faisait irruption parfois en disant "tu" subitement, ou en l'appelant "le Grand Ours". Ah ça... Il faudrait qu'elle présente le conteur à son père. Ou l'inverse. De nouveau les prunelles de la môme se reportaient sur la princesse

Et t'as un n'enfant aussi ? Y s'appelle comment ? Il a quel âge ?

Et paf ! La faute. Le tutoiement. Mais on pardonne tout à un enfant nan ? Mais si voyons un petit effort d'indulgence. C'est une dure soirée pour la gamine. Au niveau émotionel. Si Finn était là, il aurait déjà dit à la gamine de ne poser qu'une question à la fois. Et d'écouter les réponses au fur et à mesure, sinon ça ne sert à rien. Oui mais Finn n'est pas là. Et la gamine pose mille et une question, parce qu'elle est curieuse, avide de savoir, empressée aussi que son père la connaisse.
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Jusoor
Jusoor, dans sa gêne indiscrète, s'efforçait de maintenir le fin sourire et d'exhiber le visage qu'un enfant voudrait voir. Du moins, elle supposait.

C'est vrai j'lui r'semble ?!

Jusoor acquiesca mais alors qu'elle allait répondre :

Je m'appelle Spirit. Et j'ai six z'ans.
*regard qui se détourne sur le paternel* Spirit comment dis ?
*regard qui revient sur Jusoor* C'est votre surnom "Moineaute" ? C'est comme les zoziots c'est ça ?
*de nouveau au père* J'peux pas être une plume, j'suis un lapin moi ! C'est Dom qui dit !
*retour sur Jusoor* Et t'as un n'enfant aussi ? Y s'appelle comment ? Il a quel âge ?
...

Jusoor garda le silence, contenant une soudaine envie de soupirer et de se prendre la tête dans les mains. Comment Dieu possible, deux malheureuses petites questions pouvaient appeler à tant de verbiages ?
Elle bascula la tête vers l'avant, regard rivé vers le sol en terre battue, le temps de prendre une inspiration et abandonna l'idée du "paraître à l'aise". Elle ne l'était pas... elle ne l'était pas ! Point. Et l'évolution de la situation faisait naître en prime un agacement devenu tangible.

Elle était ici volontairement, pour apporter son soutien à Ernst dans "l'épreuve", qui quoique connaissant une fin heureuse n'en restait pas moins une. Présente comme il l'avait été si souvent pour elle, rien d'autre. Se montrer affable, elle s'y escrimait car elle devinait que ça tiendrait au coeur d'Ernst, mais les conditions ne l'aidaient pas. Alors elle avait essayé de s'effacer à nouveau, pourtant ils l'avaient rejointe. Jusoor sentait fléchir sa meilleure volonté sous cette invasion, ce franchissement d'espace, ce sentiment d'être "obligée" de...

Elle n'avait pas pour ambition immédiate de tisser des liens avec l'enfant. Ca c'était la responsabilité d'Ernst, pas la sienne. Elle avait déja un enfant à chérir. A vraiment chérir. La petite blonde n'était pas de sa chair et conséquemment nulle tendresse naturelle ne naissait pour l'abreuver, et à cette heure, Jusoor ne ressentait qu'indifférence pour elle. La tendresse ou l'affection étaient des sentiments bien trop précieux pour les distribuer ainsi... pour ne pas dire au premier venu, fut-il un angelot blond. Peut-être cela viendrait-il avec le temps... et elle ne s'y opposerait certainement pas mais ça ne viendrait pas de cette façon, pas en la brusquant.
Enfin, Jusoor restait certaine qu'ils avaient bien des choses à se dire, père et fille, des choses qui étaient bien loin d'elle-même.

... Mais que faisait-elle encore ici ?


Elle releva la tête et son regard se posa sur Ernst qui devait avoir bien des choses en tête dans ce silence inattendu. Elle s'était engagée à être là pour lui. Le moment était important pour lui. Elle ne serait pas celle qui mettrait tout par terre. La résolution n'était qu'une suite d'évidences. Laconique, elle répondit à l'enfant :

Il s'appelle Einar. Il a 8 ans.
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Ernst.
- Il s'appelle Einar. Il a 8 ans.

Il connaissait ses attitudes. Il connaissait ses silences. Il connaissait d'elle plus qu'il ne connaissait de personne d'autre. Bien sûr, il ne connaissait pas son corps. Cependant, il la connaissait, Elle. Il lui revint en mémoire ces longues soirées de discussion, au coin, du feu, dans une taverne vide. Ces soirées et ces nuits faites des paroles qu'on ne prononcent que devant les personnes qui font partie de nous-même, un peu comme si l'on se parlait à soi. Bien sûr, il y eut des moment de rires et des moments d'agacement. Il n'y eut jamais de colère et pas vraiment de larmes. De leurs discussions était née une complicité. De celle qui n'ont besoin d'aucun mot. De celle qui savent se nourrir des silences qu'impose une certaine pudeur. Il se souvint de ces moments de silence entendu où, seuls, leurs doigts venaient s'entremêler scellant un pacte de fidélité absolue. Il était né cette complicité silencieuse qui avait fait naître, avec elle, bien des bruits de couloir.

Ernst passa, délicatement, la main dans les cheveux de sa fille. Il approcha, lentement son visage et ferma les yeux. Tout en humant l'odeur de ses cheveux, il déposa un doux baiser sur sa tempe. La petite tête blonde, SA petite tête blonde lui avait posé des questions et, avant d'envisager le départ, il se devait de lui donner les réponses qu'elle attendait. Il devait, dans un premier temps, se remémorer celles-ci. La petite avait un débit hors norme. Un léger sourire se dessina aux commissures des lèvres germaniques. Il était devenu silencieux avec l'âge et certaines obligations. Elle lui ressemblait tant, cependant. Le physique les rapprochait mais, ce que personne ne pouvait savoir, c'était qu'il avait été tout aussi bavard. Il avait, étant minot, causé bien des maux de tête dans son entourage familiale. Spirit était, bel et bien, une von Zweischneidig. Ce nom de famille imprononçable pour la plupart des gens, il lui fallait l'apprendre à sa fille, à présent.

Ernst avait tant de choses à lui dire. Lui parler de sa tante qu'elle ne connaissait pas. Dont lui-même ne connaissait que l'écriture, d'ailleurs. Lui parler de ses grands-parents, de lui petit, de Koblenz et du Rhin. Ils avaient beaucoup à se dire. C'était presque une vie de petite fille, six ans. Ernst jeta un oeil vers Cillien qui semblait épuisée par sa blessure puis le petit qui dormait dans un coin. Son regard se porta vers la fenêtre et la nuit qui engloutissait tout. Il était plus que tard. Il était l'heure de rester raisonnable et de penser aux combats qui approchaient. Il fallait garder en mémoire que Dijon pouvait, à tout moment, être prise par les armées des Chevaliers Teutoniques et de ceux déclarés félons. Ernst adoucit alors sa voix.


- Il est tard, ma fille. Je crois que tout le monde, à part toi, est fatigué.

Le germain avait prononcé cette phrase avec un sourire malicieux.

- Et la Princesse et moi devons nous rendre à Dijon rapidement ... Pour affaire.

Il n'allait certainement pas parler de la guerre à sa fille. Que lui aurait-il dit? Ma fille, ton père va éviscérer du "Teutonique". Non, ce n'était pas faisable. Ils avaient donc une affaire à régler, c'était plus simple.

- Je te propose de nous y rejoindre, dans quelques jours. Ca laissera le temps à ta mère de récupérer. Vous êtes les bienvenus, tous les trois. Pour l'heure, il se fait tard. Il me semble, d'ailleurs, que ton jeune ami ... Hum ... Dom c'est ça? A déjà commencé sa nuit.

Ernst avait désigné le petit blond assoupi, d'un signe de tête. Un Dom qui l'appelait lapin, ça ne pouvait être que lui.
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