Spirit_a.
-Il s'appelle Einar. Il a 8 ans.
Ô laconisme. Doux laconisme qui parvient à couper le sifflet de la gamine. Avec une conviction qu'elle comprend malgré son jeune âge. Parce qu'elle l'a lu tant de fois dans les yeux de sa mère. Entendu tant de fois dans les paroles de son grand-père. Elle l'agace. Elle agace cette princesse. Une insidieuse inquiétude se fraye un chemin dans le coeur de la gamine. Gamine qui se contente d'hocher la tête. En silence. Et tout retombe. Elle ne connaissait rien du lien qui liait son père et cette femme qui lui faisait face. Femme qu'elle avait du mal à cerner. Elle parlait si peu, elle était si distante. Et la gamine aurait préféré une colère abrupte, des mots clairs plutôt qu'une attitude mi figue mi raisin. Elle préférait la simplicité. Pourquoi les grands ne disaient-ils pas les choses comme ils les pensaient ? C'était un mystère. Pourquoi mentir toujours ? Pourquoi rester dans l'apparence ? Pourquoi dire 'vous' quand un 'tu' fonctionne aussi bien. Un fugace souvenir pourrait venir éclairer les pensées enfantine. Souvenir d'une étrange femme que finalement la mioche aimait beaucoup. Qu'elle connaissait peu pourtant : "Non, tu peux dire 'tu'.".
Alors, la gamine, sans baisser la tête, regarde au loin, son copain qui dors. Pas sa mère, oh non. Jamais. Mais son copain. Pour se donner du courage. Elle aurait tant aimé qu'il soit réveillé. Qu'il pose des questions lui aussi. Elle aurait tant aimé pouvoir serrer sa main très fort pour avoir, outre la tendresse paternelle, la sécurité de l'habitude. La force de l'amitié. Le courage que lui prodigait toujours le jeune blond. Et elle restait silencieuse. Et son père repris la parole. Elle ne vit pas le sourire. Elle entendait juste les mots, qui résonnaient. Scander étrangement dans ses oreilles d'enfant. Tard ? Déjà ? Etait-elle fatigante à ce point ? Et le coup de grâce arriva ensuite. Dijon. Il partait donc déjà. Et en plus il la prenait pour une idiote. Dijon. La guerre. Elle savait tout ça. Depuis longtemps. Elle savait que le conteur se battait. Elle savait que c'était dangereux. Elle savait qu'elle ne voulait pas qu'il arrive quelque chose au conteur. Mais jusqu'alors, elle ignorait que son père se battrait aussi. La tristesse qu'elle ressentit alors lui fit baisser la tête et fixer ses pieds, comme bien souvent. Elle voulait lui demander s'il allait réellement faire la guerre... Elle avait déjà qu'il se battrait contre Dom... Les enjeux, les intérêts, les deux camps, elle s'en moquait éperdument du haut de ses 6 ans. Mais le conteur contre son père était un drame insoutenable.
Et le départ était si rapide. Plus tôt il avait dit qu'il resterait un peu si elle disait 'tu". Et maintenant... Maintenant il disait qu'il partait. Et la môme avait une envie étonnante de crier un 'menteur'. Pourtant rien ne sortait. La déception était là finalement. Même si, elle en demandait bien sûr trop. Elle en espérait trop. Mais plus on a, plus on veut. Et elle avait fondé tant d'espoir, tant d'espérance dans ce père si longtemps attendu... La proposition la laissa pantoise à nouveau. Les rejoindre...? Elle avait déjà fait le trajet d'Epinal à Sémur... Elle avait lutté contre sa peur de faire à nouveau un voyage avec sa mère. Elle avait dû quitter ceux qu'elle aimait, la douce Hellina, la chipie de Luisa, et quelques autres amis... Et elle devait encore se déplacer. Fallait-il faire tant d'effort pour connaître son père. Pour avoir la chance d'avoir un père ? L'image de Dom lui revenait en mémoire. Elle lui avait demandé, bien évidemment son avis sur la question : devait-elle ou non aller voir son père, seule avec sa mère. Il avait rétorqué que l'homme était tel une maison. Qui se construisait pierre après pierre. Si l'homme est une maison qui se construit pierre après pierre, pourquoi fallait-il démolir tant de pierre pour en déposer une nouvelle ? Un léger soupir s'échappe des lèvres de la petite, tandis qu'elle se laisse glisser en bas des genoux de son père. C'est alors son dos qu'elle lui offre en vision, tandis qu'elle, s'avance de quelques petits pas vers Lénaïc endormi. Et dans le silence désormais pesant elle murmure :
Lui, c'est 'naïc. Pas Dom. Dom il est a Dijon. Et il fait la guerre. Et il a dit que c'était cro dangereux pour moi, là-bas.
Oui, Dom avait dit ça. Dit, redit, répété. En même temps, Dom était très protecteur envers les enfants. Et Spirit bénéficiait certainement d'une protection supplémentaire, le conteur connaissant mieux que quiconque sa fragilité et ses peurs. Non, elle ne devait pas aller à Dijon. D'ailleurs elle n'aurait même pas dû aller en Bourgogne. Pourtant elle était venue. Elle avait vu son père. Et l'idée de le perdre déjà lui donnait envie de pleurer. Les souvenirs de l'aller lui revinrent en mémoire. La rencontre étrange et étonnante avec Astana et Finn. Oui, Spirit s'attachait vite. Et pas forcément aux bonnes personnes. Mais elle aimait ce que lui disait Astana. Elle lui expliquait les choses. Et même si c'était laconique c'était différent du laconisme de la princesse. Celui d'Astana n'établissait pas cette distance, ce froid glacial. Défaut de perception peut-être. Et elle leur avait demandé si elle pouvait être l'écuyère de la dite donzelle. Qui avait rétorqué que Finn serait meilleur professeur. Et la môme avait alors harcelé le dit homme pour avoir un "oui". Et puis ils étaient partis. Alors elle alla se placer devant la chaise où Lénaïc dormait à poings fermés et murmura à nouveau - entende qui pourra :
De toute façon si je veux deviendre l'escuyère de Finn, faut je sois courageuse...
Et elle se retourna pour regarder son père à nouveau. La petite puce fragile semblait pour une fois déterminée. Elle se contenta d'hocher la tête en disant un peu plus fortement :
D'accord. J'irais.
Un regard sur Cillien en coin, lui fit comprendre qu'elle devait bien se tenir. Dire "au revoir", ou "adieu" - qui savait à ce moment là ? - correctement. Alors la puce fit de nouveau la révérence qu'elle avait fait à son entrée. La distance que lui avait imposé l'éducation cillienique revenait. Distance, froideur, apparence. Elle aussi savait faire. Si c'était ça qu'il fallait faire, comme en témoignait, selon le regard spiritien le comportement de la princesse. Et de ne rien ajouter ensuite. Se contentant de regarder encore un petit peu le visage de son père.
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Ô laconisme. Doux laconisme qui parvient à couper le sifflet de la gamine. Avec une conviction qu'elle comprend malgré son jeune âge. Parce qu'elle l'a lu tant de fois dans les yeux de sa mère. Entendu tant de fois dans les paroles de son grand-père. Elle l'agace. Elle agace cette princesse. Une insidieuse inquiétude se fraye un chemin dans le coeur de la gamine. Gamine qui se contente d'hocher la tête. En silence. Et tout retombe. Elle ne connaissait rien du lien qui liait son père et cette femme qui lui faisait face. Femme qu'elle avait du mal à cerner. Elle parlait si peu, elle était si distante. Et la gamine aurait préféré une colère abrupte, des mots clairs plutôt qu'une attitude mi figue mi raisin. Elle préférait la simplicité. Pourquoi les grands ne disaient-ils pas les choses comme ils les pensaient ? C'était un mystère. Pourquoi mentir toujours ? Pourquoi rester dans l'apparence ? Pourquoi dire 'vous' quand un 'tu' fonctionne aussi bien. Un fugace souvenir pourrait venir éclairer les pensées enfantine. Souvenir d'une étrange femme que finalement la mioche aimait beaucoup. Qu'elle connaissait peu pourtant : "Non, tu peux dire 'tu'.".
Alors, la gamine, sans baisser la tête, regarde au loin, son copain qui dors. Pas sa mère, oh non. Jamais. Mais son copain. Pour se donner du courage. Elle aurait tant aimé qu'il soit réveillé. Qu'il pose des questions lui aussi. Elle aurait tant aimé pouvoir serrer sa main très fort pour avoir, outre la tendresse paternelle, la sécurité de l'habitude. La force de l'amitié. Le courage que lui prodigait toujours le jeune blond. Et elle restait silencieuse. Et son père repris la parole. Elle ne vit pas le sourire. Elle entendait juste les mots, qui résonnaient. Scander étrangement dans ses oreilles d'enfant. Tard ? Déjà ? Etait-elle fatigante à ce point ? Et le coup de grâce arriva ensuite. Dijon. Il partait donc déjà. Et en plus il la prenait pour une idiote. Dijon. La guerre. Elle savait tout ça. Depuis longtemps. Elle savait que le conteur se battait. Elle savait que c'était dangereux. Elle savait qu'elle ne voulait pas qu'il arrive quelque chose au conteur. Mais jusqu'alors, elle ignorait que son père se battrait aussi. La tristesse qu'elle ressentit alors lui fit baisser la tête et fixer ses pieds, comme bien souvent. Elle voulait lui demander s'il allait réellement faire la guerre... Elle avait déjà qu'il se battrait contre Dom... Les enjeux, les intérêts, les deux camps, elle s'en moquait éperdument du haut de ses 6 ans. Mais le conteur contre son père était un drame insoutenable.
Et le départ était si rapide. Plus tôt il avait dit qu'il resterait un peu si elle disait 'tu". Et maintenant... Maintenant il disait qu'il partait. Et la môme avait une envie étonnante de crier un 'menteur'. Pourtant rien ne sortait. La déception était là finalement. Même si, elle en demandait bien sûr trop. Elle en espérait trop. Mais plus on a, plus on veut. Et elle avait fondé tant d'espoir, tant d'espérance dans ce père si longtemps attendu... La proposition la laissa pantoise à nouveau. Les rejoindre...? Elle avait déjà fait le trajet d'Epinal à Sémur... Elle avait lutté contre sa peur de faire à nouveau un voyage avec sa mère. Elle avait dû quitter ceux qu'elle aimait, la douce Hellina, la chipie de Luisa, et quelques autres amis... Et elle devait encore se déplacer. Fallait-il faire tant d'effort pour connaître son père. Pour avoir la chance d'avoir un père ? L'image de Dom lui revenait en mémoire. Elle lui avait demandé, bien évidemment son avis sur la question : devait-elle ou non aller voir son père, seule avec sa mère. Il avait rétorqué que l'homme était tel une maison. Qui se construisait pierre après pierre. Si l'homme est une maison qui se construit pierre après pierre, pourquoi fallait-il démolir tant de pierre pour en déposer une nouvelle ? Un léger soupir s'échappe des lèvres de la petite, tandis qu'elle se laisse glisser en bas des genoux de son père. C'est alors son dos qu'elle lui offre en vision, tandis qu'elle, s'avance de quelques petits pas vers Lénaïc endormi. Et dans le silence désormais pesant elle murmure :
Lui, c'est 'naïc. Pas Dom. Dom il est a Dijon. Et il fait la guerre. Et il a dit que c'était cro dangereux pour moi, là-bas.
Oui, Dom avait dit ça. Dit, redit, répété. En même temps, Dom était très protecteur envers les enfants. Et Spirit bénéficiait certainement d'une protection supplémentaire, le conteur connaissant mieux que quiconque sa fragilité et ses peurs. Non, elle ne devait pas aller à Dijon. D'ailleurs elle n'aurait même pas dû aller en Bourgogne. Pourtant elle était venue. Elle avait vu son père. Et l'idée de le perdre déjà lui donnait envie de pleurer. Les souvenirs de l'aller lui revinrent en mémoire. La rencontre étrange et étonnante avec Astana et Finn. Oui, Spirit s'attachait vite. Et pas forcément aux bonnes personnes. Mais elle aimait ce que lui disait Astana. Elle lui expliquait les choses. Et même si c'était laconique c'était différent du laconisme de la princesse. Celui d'Astana n'établissait pas cette distance, ce froid glacial. Défaut de perception peut-être. Et elle leur avait demandé si elle pouvait être l'écuyère de la dite donzelle. Qui avait rétorqué que Finn serait meilleur professeur. Et la môme avait alors harcelé le dit homme pour avoir un "oui". Et puis ils étaient partis. Alors elle alla se placer devant la chaise où Lénaïc dormait à poings fermés et murmura à nouveau - entende qui pourra :
De toute façon si je veux deviendre l'escuyère de Finn, faut je sois courageuse...
Et elle se retourna pour regarder son père à nouveau. La petite puce fragile semblait pour une fois déterminée. Elle se contenta d'hocher la tête en disant un peu plus fortement :
D'accord. J'irais.
Un regard sur Cillien en coin, lui fit comprendre qu'elle devait bien se tenir. Dire "au revoir", ou "adieu" - qui savait à ce moment là ? - correctement. Alors la puce fit de nouveau la révérence qu'elle avait fait à son entrée. La distance que lui avait imposé l'éducation cillienique revenait. Distance, froideur, apparence. Elle aussi savait faire. Si c'était ça qu'il fallait faire, comme en témoignait, selon le regard spiritien le comportement de la princesse. Et de ne rien ajouter ensuite. Se contentant de regarder encore un petit peu le visage de son père.
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