Annelyse
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... à une erreur utile : la vérité guérit le mal qu'elle a pu causer.» Johann Wolfgang von Goethe
Tu devrais lui dire au revoir.
- Non.
C'est important Annelyse.
- Et si ça la faisais mourir?
Rien de ce que tu dira à ta mère ne pourra la faire mourir. Elle veut savoir que tu l'aimes. Vas-y.
- Je ...
Aucun d'entre nous n'écoute. Approche-toi et chuchote lui à l'oreille.
- Au revoir , Maman. Reviens vite je t'aime.
Tout va bien, Brianna, vous pouvez partir en paix à présent. Nous vous aimons. Vous pouvez partir maintenant.
- Pourquoi tu dis ça?
Parce qu'elle a peut être besoin d'une permission pour mourir..
- Mais, je ne veux pas qu'elle meure. Je ne lui donne pas la permission, moi.*
Tout le monde dit que le premier anniversaire d'un deuil est un moment terrible, non seulement parce que l'on réalise que toute une année s'est écoulée depuis que son univers a volé en éclats mais aussi parce que l'on se rend compte que le temps n'a pas refermé la blessure et ne la refermera surement jamais, car, malgré les années qui se sont écoulés la douleur est toujours belle est bien là, même si elle n'est plus aussi béante.
Presque neuf ans étaient passé, et chaque année la jeune Dénéré rendait visite à sa défunte mère enterrée sur les terres Bretonne, d'ailleurs elle ne comprenait pas pourquoi le transfert de son corps au mausolée familiale n'avait pas été faite, sa place aurait dû être chez les siens, pas enterrée là en ce cimetière comme une vulgaire femme dont le mari bien trop fier l'avait reniée ainsi que sa propre famille qui l'avait oublié, elle et sa fille, pour avoir voulu un enfant que son mari ne pouvait lui donner. La jeune fille ruminait sans cesse les mêmes pensées depuis des années, se rappelait constamment comment celui qui à cette époque était son père la regardait avec mépris et dégout alors qu'elle n'avait en aucun cas eu connaissance du secret jusqu'à ce qu'elle fût recueillie par son vrai géniteur. Du jour au lendemain sa vie de Princesse heureuse bascula en un vrai enfer. Une mère décédée, un père qu'elle aimait, mais qui n'était pas le sien et qui l'a renvoya sans ménagement dans un couvent.. Un nouveau père qui fallait apprendre à aimer ainsi qu'une nouvelle famille inconnue jusqu'à ses six printemps.. Oui Annelyse avait une plaie inguérissable sur son passé, celle d'un manque.
La jeune fille avait donc fait une longue route pour se recueillir sur la tombe de sa mère et profitant d'une éclaircie, car en cette saison le temps était changeant, à l'image de l'humeur de l'Angevine. Dans les mains, un énorme bouquet de roses blanches. Dans le coeur, un immense chagrin comme toujours. Elle poussa la grille en fer forgé qui grinça sur ses gonds, et entra dans le lieu désert, marchant d'un pas assuré sur plusieurs mètre et de ralentir le pas ensuite pour s'avancer tout en douceur et finir par s'arrêter devant une tombe à l'ombre d'un sycomore, l'endroit où elle avait été enterré. La jeune fille regarda longuement l'emplacement. Un énorme coup s'abattit dans son coeur. Voir l'inscription relevait encore d'un effort qu'Annelyse ne pouvait pas supporter. C'était pourtant il y a plusieurs années maintenant, mais la douleur resterait jusqu'à sa propre mort, à elle. Elle était ainsi le grain de beauté, quand elle aimait, elle aimait à la folie, jusqu'à la déraison.
Elle se tenait là sans dire un mots une larme perla sur le coin de ses yeux comme toujours avant de déposer le bouquet devant la stèle. Ses lèvres ourlées ensuite s'entrouvrirent tout en passant sa main par ci et là sur la tombe pour y chasser quelques feuilles qui étaient venues se réfugier là et lâchèrent quelques mots dans un souffle.
- Bonjour.. Maman.
L'absence d'une mère est fatale.
C'est tout un équilibre qui s'ébranle.
Une mère c'est une stabilité et cette stabilité elle ne l'avait plus depuis le jour où elle avait entendu ces derniers souffle.
- Voilà tes roses pour ton anniversaire..
* Tiré et revisité du livre "Je veux vivre"
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