--Maitre_ceremonie
[Le monde est un grand bal où chacun est masqué.*]
Le feu crépite dans la cheminée. Le bois craque, faisant voler des braises hors de l'âtre. Dehors, il neige. C'est l'hiver. Demain, les routes seront surement impraticables. Je ne pourrais sans doute pas descendre là-bas, dans la vallée. Heureusement, le garde-manger est plein à craquer. Assis dans ma chaise berçante, je déguste tranquillement un verre de Bergerac. Je porte le verre de cristal devant mes yeux et mon regard se perd dans la robe rouge foncé du vin. D'un geste du poignet, je fais tourner son contenu. Bergerac... Périgueux... Le Périgord-Angoumois. Cela me rappelle mes jeunes années. Eh oui! C'est parfois difficile d'y croire quand on a soixante passé, qu'on est vieux, ridé et seul devant une cheminée, mais j'ai déjà été jeune. Le Périgord...Les années de jeunesse! J'y ai servi là-bas. Mon plus beau souvenir? Ce fut sans doute ce bal des vendanges ! je me souviens encore de la date. Le 18 Novembre 1460! Eh oui...Pour un souvenir, c'est tout un souvenir! Un bal mémorable! Mon regard fixe embrumé de vapeurs rouges m'amène à voyager dans le temps. Plus de 30 ans dans le passé...C'est ça la magie combiné de l'alcool et d'un bon feu de bois...
Le bal avait été organisé par deux villes. Périgueux et Bergerac. Deux villes qui avaient décidé de s'entr'aider en se jumelant. A l'époque Périgueux était dirigé par un maire truculent à la réputation sulfureuse et au nom sans doute le plus long de tout le royaume de France : Enguerrand Louis-Percival de la Mirandole-Rechefoucauld et de Dublith. Ce Sire avait la réputation d'être un fin bretteur, un orateur émérite qui n'avait jamais sa langue dans sa poche et surtout un coureur de jupon insatiable et un amant hors pair. Enfin, ça, c'est ce que disaient les dames qui avaient succombé à ses vacances. Et aux gloussements qui émanaient de la chambre du Sire le soir où il "chassait", je n'ai aucun doute sur la véracité de ses talents. Bergerac, quand à elle, était dirigée par une dame, une blonde issue des terres normandes. Elle portait un nom qui était connue dans tout le comté du Périgord : d'Evrecy. Anne-Sophie d'Evrecy. Mais ce n'est pas le nom de la damoiselle qui lui avait permis de réussir là où d'autres sieurs avant elle avaient échoué, mais plutôt son abnégation incontestable à la tâche. Elle avait la réputation de se donner corps et âme pour sa ville. Et si j'en crois la mère Sarfati, la mémoire et la référence vivante de Bergerac, il paraissait même qu'elle passait la plupart de ses nuits à travailler darrache-pied dans sa mairie, ne s'endormant souvent d'épuisement qu'au petit matin.
En ce 18 Novembre mil quatre cent soixante donc, tout le comté du Périgord-Angoumois avait rendez-vous dans l'une des maisons les plus cossues de Périgueux: Deux étages, une immense salle de réception au rez-de-chaussée. Derrière, un jardin à vous couper le souffle où se côtoyaient harmonieusement bosquets, fontaines et pavillon de chasse et sous-bois mystérieux. Enfin...Sous-bois...N'oublions tout de même pas que nous étions en ville! Quelques jours avant, de nombreux commis étaient venus apporter moultes victuailles, boissons et autre marchandises de luxe. Enguerrand Louis-Percival régalait! Le vin venait de ses domaines, la nourriture avait été concoctée par ses meilleurs maitres-queues. Dans la salle de réception aménagée en salle de bal, les danseurs dansaient, les musiciens jouaient, les jongleurs jonglaient. Tous préparaient avec une fébrilité croissante ce fameux bal des vendanges.
Du monde, on en attendait. Beaucoup. Cela allait des personnes de basse extraction aux plus grands nobles du Périgord. Initialement prévu début Novembre, le bal avait du être déplacé au milieu du mois afin de respecter le deuil royal qui frappa à la France à cette période. Qu'à cela ne tienne, cette "trêve" avait permis à tous d'avoir plus de temps pour préparer leur costume. Eh oui! Leur costume...car voyez-vous c'était un bal costumé et masqué. Il avait été demandé aux participants de garder le plus grand secret sur leur costume, de se rendre méconnaissable, y compris pour les couples légitimes ou illégitimes qui ne manqueraient pas de participer à ce bal. Hum...Oui...Bon! Il fallait bien admettre que certains avaient essayé de passer outre la consigne... Il paraissait même que la jeune et jolie mairesse de Bergerac, sans âme-soeur connue, avait reçu une quantité impressionnante de demandes de danse, que nombreux était ceux qui voulait savoir comme Anne Sophie d'Evrecy avait décidé de se costumer...pour mieux la reconnaître le jour du bal. Et même dans les alentours de Mussidan, il se chuchotait que le séduisant Flex de la Mirandole pourrait ne pas être insensible au charme de sa voisine bergeracoise...Bref, tout avait été prévu pour que ce bal soit un moment inoubliable dans l'histoire du Périgord...Tout sauf la pluie battante et drue qui s'acharnait sur Périgueux depuis le petit matin...
* Vauvenargues.
Le feu crépite dans la cheminée. Le bois craque, faisant voler des braises hors de l'âtre. Dehors, il neige. C'est l'hiver. Demain, les routes seront surement impraticables. Je ne pourrais sans doute pas descendre là-bas, dans la vallée. Heureusement, le garde-manger est plein à craquer. Assis dans ma chaise berçante, je déguste tranquillement un verre de Bergerac. Je porte le verre de cristal devant mes yeux et mon regard se perd dans la robe rouge foncé du vin. D'un geste du poignet, je fais tourner son contenu. Bergerac... Périgueux... Le Périgord-Angoumois. Cela me rappelle mes jeunes années. Eh oui! C'est parfois difficile d'y croire quand on a soixante passé, qu'on est vieux, ridé et seul devant une cheminée, mais j'ai déjà été jeune. Le Périgord...Les années de jeunesse! J'y ai servi là-bas. Mon plus beau souvenir? Ce fut sans doute ce bal des vendanges ! je me souviens encore de la date. Le 18 Novembre 1460! Eh oui...Pour un souvenir, c'est tout un souvenir! Un bal mémorable! Mon regard fixe embrumé de vapeurs rouges m'amène à voyager dans le temps. Plus de 30 ans dans le passé...C'est ça la magie combiné de l'alcool et d'un bon feu de bois...
Le bal avait été organisé par deux villes. Périgueux et Bergerac. Deux villes qui avaient décidé de s'entr'aider en se jumelant. A l'époque Périgueux était dirigé par un maire truculent à la réputation sulfureuse et au nom sans doute le plus long de tout le royaume de France : Enguerrand Louis-Percival de la Mirandole-Rechefoucauld et de Dublith. Ce Sire avait la réputation d'être un fin bretteur, un orateur émérite qui n'avait jamais sa langue dans sa poche et surtout un coureur de jupon insatiable et un amant hors pair. Enfin, ça, c'est ce que disaient les dames qui avaient succombé à ses vacances. Et aux gloussements qui émanaient de la chambre du Sire le soir où il "chassait", je n'ai aucun doute sur la véracité de ses talents. Bergerac, quand à elle, était dirigée par une dame, une blonde issue des terres normandes. Elle portait un nom qui était connue dans tout le comté du Périgord : d'Evrecy. Anne-Sophie d'Evrecy. Mais ce n'est pas le nom de la damoiselle qui lui avait permis de réussir là où d'autres sieurs avant elle avaient échoué, mais plutôt son abnégation incontestable à la tâche. Elle avait la réputation de se donner corps et âme pour sa ville. Et si j'en crois la mère Sarfati, la mémoire et la référence vivante de Bergerac, il paraissait même qu'elle passait la plupart de ses nuits à travailler darrache-pied dans sa mairie, ne s'endormant souvent d'épuisement qu'au petit matin.
En ce 18 Novembre mil quatre cent soixante donc, tout le comté du Périgord-Angoumois avait rendez-vous dans l'une des maisons les plus cossues de Périgueux: Deux étages, une immense salle de réception au rez-de-chaussée. Derrière, un jardin à vous couper le souffle où se côtoyaient harmonieusement bosquets, fontaines et pavillon de chasse et sous-bois mystérieux. Enfin...Sous-bois...N'oublions tout de même pas que nous étions en ville! Quelques jours avant, de nombreux commis étaient venus apporter moultes victuailles, boissons et autre marchandises de luxe. Enguerrand Louis-Percival régalait! Le vin venait de ses domaines, la nourriture avait été concoctée par ses meilleurs maitres-queues. Dans la salle de réception aménagée en salle de bal, les danseurs dansaient, les musiciens jouaient, les jongleurs jonglaient. Tous préparaient avec une fébrilité croissante ce fameux bal des vendanges.
Du monde, on en attendait. Beaucoup. Cela allait des personnes de basse extraction aux plus grands nobles du Périgord. Initialement prévu début Novembre, le bal avait du être déplacé au milieu du mois afin de respecter le deuil royal qui frappa à la France à cette période. Qu'à cela ne tienne, cette "trêve" avait permis à tous d'avoir plus de temps pour préparer leur costume. Eh oui! Leur costume...car voyez-vous c'était un bal costumé et masqué. Il avait été demandé aux participants de garder le plus grand secret sur leur costume, de se rendre méconnaissable, y compris pour les couples légitimes ou illégitimes qui ne manqueraient pas de participer à ce bal. Hum...Oui...Bon! Il fallait bien admettre que certains avaient essayé de passer outre la consigne... Il paraissait même que la jeune et jolie mairesse de Bergerac, sans âme-soeur connue, avait reçu une quantité impressionnante de demandes de danse, que nombreux était ceux qui voulait savoir comme Anne Sophie d'Evrecy avait décidé de se costumer...pour mieux la reconnaître le jour du bal. Et même dans les alentours de Mussidan, il se chuchotait que le séduisant Flex de la Mirandole pourrait ne pas être insensible au charme de sa voisine bergeracoise...Bref, tout avait été prévu pour que ce bal soit un moment inoubliable dans l'histoire du Périgord...Tout sauf la pluie battante et drue qui s'acharnait sur Périgueux depuis le petit matin...
* Vauvenargues.