--Santino
[La taverne du hérisson hurleur]
Il y a des endroits qui vous parlent. Ils sont tellement chargés dhistoire que les murs semblent vous murmurer des fables incroyables, des faits divers ou des aventures pittoresques. Des lieux où lon se serre les uns contre les autres avec plaisir, juste pour le bonheur dy être et de savourer une boisson plus ou moins goûtue. Le bois qui craque sous les pas de la clientèle devient une douce mélodie aux oreilles des habitués. On sy retrouve avec joie et béatitude. On discute, on joue au ramponneau et on se chamaille parfois. Il y a toujours une jolie fille au sourire enjôleur. Un bon gars qui séduit les oreilles en pinçant les cordes de sa mandoline. Une tavernière accorte au sourire affable et à la poitrine généreuse. Une vraie taverne de « Petite maison dans la prairie ». La taverne du hérisson hurleur était tout sauf ça. Quatre murs, un toit, une estrade, quelques tables, des chaises et voilà pour le bâtiment. Une salle poussiéreuse et terne qui embaume lennui. « On » nexistait pas ou quasiment pas. On sétait le vieux Grimaut qui ne décuvait jamais. Cétait Flore la putrelle pas très propre malgré un prénom qui laissait présager le contraire. Cétait également Jehan le cordonnier au chômage qui vivait de mendicité. Et aussi Marcus, le tire-laine notoire. Bref, « on » était tous les mécontents du village, les sans-le-sou ou ceux qui préféraient se faire oublier. La taverne était accolée au rempart dans un quartier qui aurait été agréable à vivre si toutes les maisons avaient été remises en état après la guerre. Le propriétaire en avait assez davoir les cafards pour seule clientèle. Il lavait briqué sa taverne. Elle était rutilante quoique toujours aussi sobre. Il avait engagé un groupe de troubadours parisiens très connus à ce quil parait. Les « Bitseuls » était leur nom de scène. Etrange nom dailleurs mais pas autant que les artistes.
Lombre de Santino se détachait sur le sol. Les mains sur les hanches, les pieds solidement ancrés au sol, il fixait lestrade de son sempiternel regard de braise. Etincelant cette fois-ci dune faible lueur despoir, celle dun succès tant convoité. Jamais, non jamais son sourire de Tom Jones ne le quittait. Cest ce qui faisait tout son charme. Un sourire qui faisait « cling ! », le vrai, le seul, lunique, le sourire Ulttttrrraaaaaaa-bbbrriigghhttttttttttt ! Et croyez-moi, au Moyen-âge ce nétait pas courant ! Une coupe au bol très tendance, des braies moule-burnes rouge pétant, sans oublier la paire de bas roulé en boule soigneusement calée entre ses jambes.
Il était un des chanteurs du groupe. Lorsque sa voix harmonieuse et suave sélevait dans les salles, les curs de jeunes jouvencelles flanchaient et elles ne rêvaient plus quà sépancher.
Un don Juan que ce Santino ? Il aurait pu sil ne mesurait pas 1m40 les bras levés. Et oui, Santino était une personne de petite taille, un nain quoi ! Dailleurs, la plupart de ses connaissances ignoraient son nom et se contentaient de lappeler « le nain ! », voir même le petit nain ! Ce qui est très insultant lorsquon sait que Santino était un géant parmi les siens. Mais il ne manquait pas daudace et cétait là toute sa force.
Le nain euh Santino sortit de la taverne de ce pas si assuré qui le caractérisait. A lentrée, il accrocha une affiche sur laquelle on pouvait lire :
Citation:
LA TAVERNE DU HERISSON HURLEUR FAIT PEAU NEUVE !
Venez linaugurer au rythme dun célèbre groupe de troubadours parisiens.
Tous les soirs jusquà plus soif !
Les BITSEULS
Chanteront le Berry et ses habitants pour vous !
Très prochainement !
LA TAVERNE DU HERISSON HURLEUR FAIT PEAU NEUVE !
Venez linaugurer au rythme dun célèbre groupe de troubadours parisiens.
Tous les soirs jusquà plus soif !
Les BITSEULS
Chanteront le Berry et ses habitants pour vous !
Très prochainement !
Prenant place sur un tabouret à lentrée de la taverne, son éternel sourire éclatant et charmeur gravé sur le visage, Santino fit pleurer sa mandoline en chantonnant.
Laïe, laaaïïïïeeeee, laaaïïïïeeeee, laaaïïïïeeeee
Une jeune fille passe, la bouche de Santino sentrouvre comme sil voulait la croquer mais sabstient et la flatte dun clin dil appréciateur. La jeune fille rougit et baisse le regard. Un sourire affleure à ses lèvres mais se fane dès quelle aperçoit les petites jambes du séducteur. Elle se dérobe à ce regard pénétrant qui la traverse de part en part aussi vite quelle le peut. La visage du petit homme se fend dun large sourire qui se mue rapidement en un franc éclat de rire. Ce nest pas grave, il a lhabitude.
Laïe, laaaïïïïeeeee, laaaïïïïeeeee, laaaïïïïeeeee