Gabrielle_montbray

Seuls les pantins des joueurs autorisés peuvent participer et savoir ce qui se passe. Merci.
« Lock all your doors from the outside
The key will dangle by the inside
You may begin to understand
That this is the night we ride
This ain't the garden of eden
There ain't no angels above
And things ain't like what they used to be
And this ain't the summer of love »
- Blue Oyster Cult, This ain't the summer of love -
Seule dans la tente sur le campement de l’armée de Sang et de Feu. Cette grande tente du commandement qu’ils avaient enfin le droit de partager. Loin des ragots et des jalousies de l’Ost, loin du Languedoc. Dans cette armée qui n’appartenait à aucun comté, et dont Enzo avait le commandement et la responsabilité, ils pouvaient bien partager la même couche, personne n’y trouvait rien à redire. C’était une armée vivante, des hommes, des catins qui passaient, ça jouait aux cartes et aux dés, ça s’entrainait à l’épée, à l’arc, au bâton, à la hâche, ça riait fort et ça se défiait amicalement. Un esprit de corps et une ambiance virile qui plaisait à Gabrielle et qu’elle n’avait pas trouvé dans l’armée comtale, toute lisse, atrocement ennuyeuse et dans laquelle la seule compétence demandée aux gradés comme aux soldats étaient de mettre leur nom en bas d’un parchemin pour signaler leur présence et de prendre des tours de garde
Le Languedoc ne lui avait pas manqué un seul instant, Montpellier non plus. Elle avait des nouvelles, et à part la bêtise, la calomnie, le mensonge et la manipulation, pas grand chose n’en ressortait. Mais peu lui importait. Seuls son fils et certains membres de la mesnie lui manquaient. Cebyss et Mordric aussi, mais ils avaient eu eux aussi la bonne idée d’aller prendre l’air.
C’était calme pourtant. Bien trop à son goût. Les armées ennemies attendaient, sans attaquer. Peur du combat ? Lâcheté de ses dirigeants ? Gabrielle n’en savait rien. Elle attendait, et plus elle attendait, plus la possibilité d’une bataille lui semblait s’éloigner.
Mais en cet instant, ça n’était pas la guerre qui préoccupait Gabrielle. La guerre, elle s’en foutait même complètement. Le Roy aurait bien pu s’envoyer en l’air avec le Pape qu’elle n’en aurait pas fait cas, en cet instant, tout l’esprit de Gabrielle était concentré sur les lettres. Deux missives récemment reçues et dont elle n’avait parlé à personne. Deux parchemins bien ordinaires, qui ne se distinguaient en rien des autres.
Les yeux bleu sombre restaient fixés sur les lignes couchées sur le papier. Gabrielle les connaissait par cœur à force de les lire et de les relire. Quand la première était arrivée, elle n’y avait pas plus porté attention que ça. C’était la guerre. Les temps étaient troublés et l’ennemi usait de tous les stratagèmes possibles. Enzo avait bien reçu deux lettres de menace de mort de la part d’un imbécile planqué dans les armées papistes et qui avait manifestement beaucoup de temps à perdre. Le contenu pourtant avait de quoi l’inquiéter. Mais c’est la deuxième qui avait achevé de vaincre la résistance de la jeune femme. Quelqu’un savait. Et quelqu’un disait avoir de quoi le prouver. Pourquoi ? Comment ? Et qui surtout ? Elle n’en savait rien. Gabrielle avait bien essayé de remonter jusqu’à l’expéditeur des missives mais bien évidemment les gamins qui jouaient les coursiers n’étaient que le dernier maillon de la chaine et n’en savaient pas plus qu’elle. A part les terroriser en les secouant pour qu’ils parlent, elle n’avait rien pu en tirer.
Il fallait pourtant qu’elle découvre qui était l’instigateur de ses lettres. Il fallait qu’elle sache ce qu’il voulait, quel but il poursuivait. Mais tenir compte de ses missives c’était avouer que son auteur avait raison. C’était révéler au monde le secret. Leur secret. Celui qui était su par certains mais que personne ne pouvait prouver. Celui que Gabrielle taisait. Pour lequel elle avait tout renié, le seul pour lequel elle mentait effrontément. La vérité ne devait pas éclater au grand jour. Personne, jamais, ne devait ressortir cette histoire. Pour elle. Pour lui. Pour leur fils.
La seule personne qui pouvait prouver sa parenté était son oncle Marin. Il avait les lettres. Les siennes à elle. Celles dans lesquelles elle reconnaissait sa filiation des deux côtés. Si pareils documents tombaient entre des mains mal attentionnées, les conséquences seraient désastreuses. Mais jamais Marin ne ferait une chose pareille. Quoique. Elle ne le connaissait que peu finalement. Mais pourquoi dans ce cas passer par un tiers. Il serait plus simple pour lui de tout remettre à Alcalnn contre une terre, un titre, des écus. Quel besoin aurait-il de la harceler ? Par plaisir du jeu ? Par envie de la terroriser ? Gabrielle ne pouvait pas croire que Marin ferait une chose pareille. Mais il semblait ne pas apprécier Enzo. Est-ce que ça pouvait être suffisant ?
Gabrielle secoua la tête et soupira. Elle était perdue et envisageait mille possibilités. Sa seule certitude était que quelqu’un lui voulait du mal. Et qu’elle devait l’arrêter. Peut-être aussi qu’il était temps qu’elle ne reste pas seule face à cette affaire. Sa première inclinaison était de prévenir Enzo. Il était son mari. Il était celui en qui elle avait une confiance absolue. Malgré ses silences, ses dissimulations, ses mensonges aussi certainement. Elle devrait lui en parler. C’était certainement la meilleure chose à faire. Et pourtant elle hésitait.
Demain. Elle verrait demain.
Ce soir, elle n’arrivait plus à y voir clair. Elle allait noyer ses angoisses dans l'alcool. Peut-être qu'elle irait jouer quelques écus autour du feu. Tenter d'oublier le danger qui rôdait dans les rires, le calvados et les dés qui tournent.
Traduction du titre (titre d’un film pas terrible mais rigolo de 1997) : Je sais ce que tu as fait l’été dernier
Traduction de la citation :
Ferme toutes tes portes de l’intérieur
La clé va pendre par l’intérieur
Tu vas peut-être commencer à comprendre
Que c’est la nuit que nous avançons
Ce n’est pas le jardin d’Eden
Il n’y a pas d’anges au dessus
Et les choses ne sont plus ce qu’elles ont été
Et ce n’est pas l’été de l’amour
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