Ernst.
L'appartement était sis dans un immeuble aux abords directs du marché. Ernst l'avait choisi, en grande partie, pour cette raison. Il aimait les cris des camelots et l'odeur des produits frais. Dijon était la capitale de Bourgogne, proche de l'Empire et une des routes commerciales reliant le sud au nord de l'Europe. De ce métissage commercial découlait un afflux de produits divers et d'accents, tout aussi divers. Par moments, Ernst fermaient les yeux. Il replongeait alors, facilement, dans son enfance. De nombreuses harangues en langue germanique lui parvenaient aux oreilles. De temps à autre, une insulte bien placée lui arrachait un sourire. Avec un peu plus d'imagination, Ernst pouvait sentir les effluves de la Mozelle et du Rhin. Dans ces moments, Coblence lui manquait. Le confluent. Le germain revoyait la forêt du Westerwald, Bonn et le Siebengebirge, ce groupe d'anciens volcans qui avait donné naissance à tant de contes et légendes. Ernst se rappela du froid et du vent d'ouest qui apportaient avec eux tant de pluie, tout au long de l'année. Il revoyait le château de Lahneck, bâtit en surplomb, sur la rive droite du Rhin, par les princes-électeurs de Mayence. Dans son bureau, ou plutôt sa bibliothèque, Ernst contemplait des souvenirs qui lui semblaient si lointains. Un jour, il emmènerait sa fille visiter son pays natal. Il l'espérait, en tout cas.
Ernst rouvrit les yeux. Il regarda autour de lui comme pour se persuader que tout était bien réel. Il en avait fait du chemin. Il lui en restait encore à parcourir. Son regard se porta sur les lourdes étagères de bois qu'il avait fait rapatrier de la demeure familiale. Des parchemins, des manuscrits reliés et, pièce rare, un exemplaire imprimé du Livre des Vertus. Un bureau massif, sur lequel s'étalaient de nombreux courriers en attente de réponse, des devis, des bons de commande et autres factures émanant de divers clients et fournisseurs, trônait devant lui. Le germain lu, une fois de plus, cette missive qui lui était parvenue du sud du Royaume de France. Il s'agissait d'une demande un peu particulière émanant d'un vieil ami de la famille, plus précisément, d'un vieil ami de feu le patriarche. Dans ce courrier, l'homme lui demandait de s'occuper de sa nièce, de la prendre à son service, au nom de l'amitié qui le liait au service du père ... Et blablabla. Ernst avait lu en diagonal. Il avait accepté. En définitive, ça l'arrangeait grandement. L'appartement était spacieux, trop peut-être. Une bonne ne serait pas un luxe.
Elle aurait de quoi s'occuper, la jeune Erynn. Hormis la bibliothèque, territoire privé du germain, il restait le salon, la salle à manger, les cuisines, les quatre chambres et deux ou trois pièces auxquelles Ernst n'avait pas encore trouvé d'utilité. Il y avait aussi Spirit, sa fille. La bonne multiplierait les rôles dans cet appartement dijonnais. Peut-être, un jour, du personnel en plus viendrait lui prêter main forte dans toutes ses tâches, peut-être. Ernst se leva et se rendit au salon. Dans un coin de la pièce, un clavecin lui faisait de l'oeil. Ernst s'assit sur le petit tabouret. Il ferma à demi les yeux et commença à jouer un air relativement lent. Spirit devait jouer quelque part probablement. Ernst n'était pas inquiet. La petite était débrouillarde et il ne voulait pas qu'elle se sente oppressée par une trop grande présence du paternel. Les doigts du médecin se baladaient sur le clavier, nonchalamment, faisant s'envoler, dans tout l'appartement, l'air d'une vieille comptine que lui chantait sa mère.
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Ernst rouvrit les yeux. Il regarda autour de lui comme pour se persuader que tout était bien réel. Il en avait fait du chemin. Il lui en restait encore à parcourir. Son regard se porta sur les lourdes étagères de bois qu'il avait fait rapatrier de la demeure familiale. Des parchemins, des manuscrits reliés et, pièce rare, un exemplaire imprimé du Livre des Vertus. Un bureau massif, sur lequel s'étalaient de nombreux courriers en attente de réponse, des devis, des bons de commande et autres factures émanant de divers clients et fournisseurs, trônait devant lui. Le germain lu, une fois de plus, cette missive qui lui était parvenue du sud du Royaume de France. Il s'agissait d'une demande un peu particulière émanant d'un vieil ami de la famille, plus précisément, d'un vieil ami de feu le patriarche. Dans ce courrier, l'homme lui demandait de s'occuper de sa nièce, de la prendre à son service, au nom de l'amitié qui le liait au service du père ... Et blablabla. Ernst avait lu en diagonal. Il avait accepté. En définitive, ça l'arrangeait grandement. L'appartement était spacieux, trop peut-être. Une bonne ne serait pas un luxe.
Elle aurait de quoi s'occuper, la jeune Erynn. Hormis la bibliothèque, territoire privé du germain, il restait le salon, la salle à manger, les cuisines, les quatre chambres et deux ou trois pièces auxquelles Ernst n'avait pas encore trouvé d'utilité. Il y avait aussi Spirit, sa fille. La bonne multiplierait les rôles dans cet appartement dijonnais. Peut-être, un jour, du personnel en plus viendrait lui prêter main forte dans toutes ses tâches, peut-être. Ernst se leva et se rendit au salon. Dans un coin de la pièce, un clavecin lui faisait de l'oeil. Ernst s'assit sur le petit tabouret. Il ferma à demi les yeux et commença à jouer un air relativement lent. Spirit devait jouer quelque part probablement. Ernst n'était pas inquiet. La petite était débrouillarde et il ne voulait pas qu'elle se sente oppressée par une trop grande présence du paternel. Les doigts du médecin se baladaient sur le clavier, nonchalamment, faisant s'envoler, dans tout l'appartement, l'air d'une vieille comptine que lui chantait sa mère.
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