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[Rp] Petit meurtre entre amis *

Alphonse_tabouret
« Le poison…c’était le mien… »

La fureur et l’apaisement frémirent de concert à sa chair, maitres tyranniques de son corps, de ses tempes, du moindre fragment qu’il avait cru mort en lui.
A la pulpe de ses doigts se diffusait lentement le poison de la sorcière, ce souffle doucement entravé qu’il savait suspendu à son bon vouloir, et la bête encore chancelante de cet excès d’émotions inattendues, jubilait, trop faible pour rugir, mais assez forte pour sortir les griffes.
Les mots qui sortaient de la bouche rouge piquaient comme autant de dards même temps qu’ils l’engourdissaient, stupéfait de ce monde cruel où le destin se joue même de la pureté qui fleurit dans la damnation, sous les traits d’une jeune femme dont le tort premier était de chiffrer la vie au travers de ses transactions.
Comme Annelyse se trompait en le pensant assez lucide pour départager les entrelacs du hasard et de leurs vies… et quand viendrait le moment du discernement, ce serait pire, car il naitrait d’une folie malsaine et joyeuse qui se répandait déjà si vite qu’il en avait presque le vertige.
Aethys était coupable.
De sa rencontre, de son commerce, de la mort de Quentin : Coupable. Définitivement.
La voix fluette et désincarnée narrait l’enchaînement des évènements, et la souffrance qui lui tordait le ventre commençait à l’agiter d’un mouvement encore imperceptible à la nuque de la gasconne, toujours prisonnière de ses doigts. Les pleurs d’une sincérité qu’il niait avec une satisfaction cruelle, le ravissait d’un contentement neuf, épais, et sadique.

Oh chérie… les larmes ne suffiront pas… les aveux ne suffiront pas… ton repentir ne te sauvera pas plus, tu sais ?... Oh oui tu le sais… je vais te dépecer, et j’y mettrai tout le temps qu’il faudra… Tu auras mal, si mal, que cet instant-là aura un gout de nostalgie…

Egoïste le flamand, convaincu qu’il était capable de faire de cette vie un enfer plus douloureux encore que celui dans lequel elle évoluait depuis la veille, il égrenait, pour lui, les dictats de cette nouvelle étoile qui apparaissait dans les limbes de son univers. Et rien d’autre n’existait, ni la lumière angevine, ni les tintements désordonnés d’un grelot furieux, ni le regard velouté d’une duchesse champenoise… un soleil gelé venait de s’immiscer dans ses perspectives. Ah que la vengeance de la vie, dans toute sa futile injustice, avait le gout du bonheur quand on avait envie d’y croire…
Sa main remonta sans relâcher son étau et se fondit dans la masse des cheveux pour les empoigner et s'y nouer, menace diffuse mais équivoque.


- Comment a tu pu être si idiote ! Quand on détient de tel poison la moindre des choses ne serait-ce pas de se renseigner qu'elle ne soit pas utilisé contre les personnes que soi-disant on aime ?

La voix d’Annelyse parvint nettement à ses oreilles, mais les mots glissèrent sur les parois de cette première forteresse qu’Aethys venait de faire naitre par son seul récit. Ses prunelles, incapables de se détacher des lèvres de la gasconne qui avaient déversé ses aveux sur le parquet propret de l’auberge, il ne releva le visage baigné de larmes de l’herboriste que pour mieux l’y rabattre, exultant dans le bruit sourd de la joue retrouvant le sol avec force, esquissant le début d’un sourire en sentant le choc venir se propager jusqu’à sa main, récidivant, avec plus d’emphase, une seconde et une troisième fois, la sonnant assez vivement pour que le corps sans futur se trouve aussi sans repère .
Des petites éclaboussures de sang s’échappèrent de la bouche déjà endolorie de la sorcière, tachetant discrètement une latte de bois, interrompant le chant qu’il venait à peine de commencer. La lucidité pointait le bout de son nez, implacable, et loin d’être aussi charitable que sa tendre angevine ne l’espérait.

Je ne casserai pas ma poupée tout de suite… Ma précieuse petite sorcière… Je ne peux pas te casser tout de suite, tu as tant de choses à me dire encore…

Il releva doucement la tête de la Gasconne, la tenant toujours par une main nouée dans ses cheveux jusqu’à ce que leurs regards se croisent, puis desserrant sa prise, sa main glissant sur sa joue avec une tendresse subite, il lui sourit, doucement. La dextre retrouva la nuque quand la senestre l’y rejoignait, venant ourler le cou délicat de la brune en corolle, l’attirant lentement vers son visage, ne s’y arrêta qu’à quelques centimètres, quand il fut sûr qu’elle ne voyait plus que lui.
Se rendant soudainement compte que dès lors que ses deux mains avaient trouvé la gorge de la Gasconne, elles s’y étaient fichées et n’avaient cessé de s’y resserrer, il prit le temps d’observer sur son visage les effets de cette respiration entravée, d’y semer de ses prunelles, la joie de l’agonie là où il avait s’était promis le carnage. Au bout d’un temps qui put paraitre interminable, quand il sentit enfin le corps de la gasconne palpiter un peu plus, mécanique bien huilée, à la pression qu’il exerçait pour lui rendre la respiration difficile mais pas encore impossible, il demanda, d’une voix chancelante, presque chuchotée, ballotté par cette angoisse sourde qui le rongeait, plus vibrante qu’il ne l’aurait voulu, vestige inaltérable des tourments qui l’abimaient encore malgré l’exutoire qu’il avait trouvé.


-A-t-il eu mal ?


A-t-il eu mal, mon amour ? A-t-il eu peur longtemps, sans moi ?
A quel point, sorcière, l'as tu assassiné ? A combien, se chiffrera ta peine?

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Cyrielle.
    S’il y en a une qui ne fait pas acte de présence, physique s’entend, c’est bien Cyrielle. La tante. La seule qui, semble-t-il, n’ait pas encore quitté la chambre d’un Quentin échappé, essoufflé, prêt à être enterré. Elle n’aurait pas du rester.
    Mais on ne dit pas non à la Fauve.

    Pas sentimentale pour deux sous, elle aura toutefois fait l'effort de se rappeler les horreurs qu'ils avaient pu se lancer à la tronche, se damnant, chacun de leur côté, avec application, avant de se retrouver pour reprocher à l'autre ce qu'il aurait du faire. Ou ne pas faire.
    En creusant un peu, elle se sera souvenu de ce jour damné où elle avait apporté le berceau de Quentin au bordel de son courtisan de père. Des lettres échangées, entre sa sœur et son amant, entre sa sœur & son fils, que Cyrielle, digne parente au cœur encore bordé d'un esprit familial, apportait chaque mois, chaque semaines parfois, à leurs destinataires. De l'enfant, grandissant, braillant sur ses genoux que sa tante était laide & qu'il la détestait. Qu'elle puait l'oignon & la vinasse, déjà. Des disputes avec Marie, des ponts soigneusement rompus, & puis des retrouvailles, animées, grâce à ce pot qu'elle avait brisé sur sa tête pour l'assommer, le temps de réfléchir.
    Aurait-elle, réellement, voulu connaître cet homme qu'il était devenu, assuré, arrogant, aussi Locke que Beaumont ? L'aurait-elle aimé, tel qu'il aurait attendu qu'une tante puisse aimer son neveu ? L'aurait-elle, seulement, soutenu ?
    Sûrement pas. Cyrielle n'est pas sentimentale, on l'a dit.
    Mais peut-être, coincé entre deux boules d’ego surdimensionné, là... une pointe de remords ?

    Elle y aura passé la nuit, au chevet de ce mort empoisonné. Coincée dans un coin de la pièce, l’œil redessinant à peine les contours du lit & du corps en face d’elle à cause des volets clos, à moins que ce ne soit les rideaux tirés… Ou bien, peut-être, n’y a-t’il pas de fenêtre ici bas ?
    Coincée donc, une fiole d’absinthe vide entre les doigts, elle s’est laissée délirer, désirer, évider par l’insidieux constat que son neveu venait de crever la bouche ouverte.
    L’arrivée du petit jour ne lui parle pas plus, après tout. L’œil est trop faible, le corps trop ivre & trop groggy, & les volets bien trop fermés, aussi. Peut-être, sans doute, que des éclats de voix parviennent à ses oreilles écorchées. Peut-être, sans doute, qu’un grognement parvient à la relever, arrachant au sol un fondement endolori par la nuit immobile. Peut-être, sans doute, qu’elle arrive à poser une main lasse sur la poignée, ouvrant d’un coup sec la porte trop grinçante.

    Le temps pour elle de glisser un œil sec sur le fasciés marmoréen du neveu, & la porte est refermée, barrière branlante d’un entre-deux mondes.
    Lentement, sûrement, le pas tout juste régulier de la borgne claque jusqu’à la pièce bruyante, où l’on aime à se torturer là où les plaies sanguinolentes sont déjà grandes ouvertes. Un moment, elle reste plantée là, imposante mais silencieuse, fixant de son azur passé la violence des gestes de l’Alphonse.

    « Allons, allons… »

    Trop douce pour être bonne, Fauve reprend ses droits, glissant sous le bras d’Annelyse une main pressante pour la relever. Là, cette chaise la soutiendra du choc qu’elle vient de subir.
    Implacable, elle l’est. De même lorsqu’elle s’agenouille, & saisit d’un bras puissant la taille de la brune malmenée. La gamine est redressée, alors que l’œil ne quitte pas les traits de l’amant déchaîné.
    Là, la paillasse soutiendra le corps effondré de l’assassin par procuration. C’est qu’elle a l’oreille sensible, la vieille.

    « Un mort suffit. »

    D’un, parce qu’en vérité on n’en est pas à un, mais bien à deux, & que si Nyssie est sciemment ignorée, elle ne fait pas moins partie des cadavres que leurs yeux d’enfants auront vu bien trop tôt.
    De deux, parce qu’elle aura bien trop à gérer, déjà, avec ces trois gosses & ce cadavre là.
    De trois, parce que si son visage, lacéré, brûlé, crevassé, ridé, décharné ne laisse rien entrevoir de plus qu’une lassitude certaine, Cyrielle n’en reste pas moins profondément tourmentée.
    Après tout, c’est tout de même son neveu que l’on va enterrer.

    Et puis, parce qu’elle a bien entendu la dernière question, & parce qu’elle est de ceux qui ne peuvent s’empêcher de se griser de la souffrance qu’ils engendrent, elle lâche dans un souffle, une fausse esquisse de sourire sur la lippe, tendant la main à Alphonse pour qu’il se relève :

    « Il n’aura jamais souffert autant. »

    Y’a qu’à voir son visage.

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