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[RP] Scène de vie : Toi, Moi et mes Questions.

Spirit_a.
Soir 1, Appartement Von Zweischneidig

La gamine venait de découvrir l'appartement paternel, et prenait doucement ses marques dans cette nouvelle vie qui s'offrait à elle. Elle apprenait à découvrir la ville, les gens, et peu à peu son père. Elle essayait de se faire une petite place, lentement mais sûrement. Et malgré les quelques jours qui venaient de passer depuis son arrivée à Dijon, malgré la tendresse de son père, la gamine avait encore mille et une questions à poser à ce dernier.

Tandis que son père travaillait, la gamine sortait, jouait, s'occupait à sa manière. Toute la journée. Et chaque jour, elle attendait avec impatience le moment où elle le retrouvait. Elle avait bien conscience malgré son jeune âge que de devoir s'occuper d'elle changeait de nombreuses choses dans la vie de son père. Elle avait bien conscience qu'il fallait que tous deux s'apprivoisent et apprennent à se connaître. Il fallait qu'ils apprennent à se parler, à se découvrir. Et à tout se dire. Spirit avait enfin un vrai père, bien à elle, à qui elle ressemblait comme deux gouttes d'eau, bien loin des pères de substitution qu'elle avait essayé de trouver par ci par là, au fil de ses rencontres et de ses pérégrinations.

Ce jour-là, la gamine était rentrée tôt à l'appartement. Elle s'était installée au salon, face à la porte qu'elle fixait de ses yeux clairs et elle attendait. Quoi ? Qui ? Pourquoi ? Elle attendait son père. Dans la journée elle avait eu une idée. Et toujours des tas de questions trottaient dans sa tête. Pourtant, se souvenant du "conseil" du vieil irlandais, elle voulait essayer de ne poser qu'une question importante à la fois à son père. D'attendre la réponse, et de bien l'assimiler avant de poser la question suivante. Chaque rencontre offrait un menu enseignement à la gamine. Et Finn lui avait appris une chose importante, malgré le fait qu'ils ne se soient croiser que peu de temps.

Enfin, la porte s'ouvrit sur son père. Ils ne vivaient que tous deux dans ce grand appartement pour le moment. Un peu vide et calme au goût de la blondinette. Elle se leva d'un bond et courru sur son père pour lui sauter dans les bras. Ils avaient finalement peu de temps à ne partager qu'en tête à tête. Et Spirit n'osait pas poser toutes ses questions devant d'autres visages inconnus encore. Alors c'est tout naturellement qu'après un accueil chaleureux la gamine demanda de sa petite voix frêle :


Dis papa... ? Tu crois que tu pourrais crouver des petits moments pour qu'on soit juste tous les deux ? Et pas que quand j'va m'coucher...

C'était dit. Dans le genre : "dis papa, tu pourrais t'occuper un peu de moi", elle n'aurait pas su faire plus délicat. Un bisou enfantin vient se poser sur la joue d'Ernst. La question était importante. Certes. Mais la réponse était presque évidente pour la gamine. Qui l'attendit tout de même avant d'enchaîner dans un murmure :

Et... Tu crois un jour je pourrais avoir une deuxième maman ? Et un petit frère ?
Le regard en dit long sur le "aller dis oui !" Elle ajoute quand même
Pas tout de suite hein, quand ... quand... dans un petit moment, quand on aura été un peu juste tous les deux d'abord.
Bin oui ! parce que quand même faut pas pousser ! C'est Son papa avant tout. Mais comme elle aime bien être entourer tout de même, et que par dessus le marché elle aime bien les enfants, la gamine y pense forcément. ça commence Spirit, toi et tes gros sabots ! Et pourtant... Pourtant elle fait de la prévention. Elle a encore du mal à accepter la princesse - un soupçon de jalousie peut-être, alors c'est le plus naturellement du monde qu'elle ajoute - au père d'en tirer les conclusions qu'il souhaite :
Tu sais, j'aime bien Baile moi.

Il en fallait peu. Un soupçon d'intérêt, une petite explication, un brin de provocation ou taquinerie, un ou deux sourires échangés. Baile réunissait beaucoup de conditions pour plaire à la gamine. Elle était une chevalière magicienne et en plus elle était drôle de temps à autre. Elle grognait mais c'était loin d'effrayer la petite puce blonde. En somme, Spirit se sentait clairement plus proche de cette brune là que de la princesse. ça aurait bien le temps de changer. Peut-être. Et puis... Son père avait aussi son mot à dire. D'ailleurs que dit-il à cette étrange déclaration, le fameux paternel ?!
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Ernst.
Ernst tourna la clé dans la serrure. De l'extérieur, il n'entendait aucun bruit. Spirit dormait certainement. Il poussa un léger soupire. La petite restait souvent seule et était, à bien de moments, livrée à elle-même. Le germain culpabilisait. Le cliquetis des armes et des armures c'était éloigné. Un semblant de calme s'était abattu sur la Bourgogne. Calme relatif que, seules, quelques annonces éparses venaient troubler. Ernst s'était offert les services d'une bonne. Elle était censée arriver d'ici peu et il avait hâte. Une personne de plus ne serait pas de trop dans cet appartement, bruyant la journée mais, si terriblement silencieux quand la nuit venait à tomber. Ernst retira la clé de la serrure, la rangea et entra. Il eut à peine le temps de refermer la porte qu'il dû réceptionner sa fille dans ses bras.

L'échange de tendresse et de sourire fut immédiat. Ernst compris vite que sa fille était dans une certaine disposition ce soir-là. Elle se posait des questions. De vraies questions. Ernst portait sa fille et l'écoutait.


- Dis papa... ? Tu crois que tu pourrais crouver des petits moments pour qu'on soit juste tous les deux ? Et pas que quand j'va m'coucher...

Ernst se mit à sourire à nouveau. Il était l'heure d'aller se coucher en effet. Il prit une chandelle dans le salon, ce qui lui donna un temps pour la réflexion.

- Je pense que oui, ma chérie. Je devrais pouvoir trouver du temps rien qu'à nous.

Ernst portait sa minuscule fille d'un bras et la chandelle de sa main libre. Il avança le long du couloir tandis que Spirit continuait de parler. Les deux première question le laissèrent légèrement pantois. Il fit mine de rien et continua d'avancer jusqu'à la chambre de la petite. Elle lui laissait du temps. A la bonne heure, c'était-il dit. Le germain posa la chandelle sur la table de nuit. Spirit dans les bras, il s'assit sur le grand lit et la posa sur ses genoux, de côté, face à la lumière. La flamme éclairait le visage spiritien.

- Tu sais, j'aime bien Baile moi.

Ernst ne put s'empêcher de rire. Il comprenait que sa fille soit attirée par Baile mais il devrait lui expliquer certaines choses de la vie.

- Hum, comment te dire?

Le plus simplement du monde peut-être.

- Tu sais dans les contes, il y a souvent un Prince qui vient libérer une Princesse. Bien, disons que Baile, si on lui donnait un rôle, elle préférerait celui du Prince.

L'explication n'était pas si mal que ça mais le germain entendait déjà les questions suivantes de sa fille. Elle n'avait que six ans, ou plutôt siss z'ans d'ailleurs, mais il la savait assez intelligente pour comprendre. Après un très court temps de réflexion, Ernst reprit.

- Tu vois, il y a les hommes qui aiment les femmes, les femmes qui aiment les hommes ... Et il y aussi les hommes qui aiment les hommes et les femmes qui aiment les femmes.

Ernst grimaça légèrement. Evoquée comme cela, la notion paraissait abrupte. Il se dit qu'il devrait, certainement, développer cette notion d'amour.

- Il arrive, dans la vie, qu'on rencontre quelqu'un qui nous fasse battre le coeur plus que de normal. Dans ces moment-là, cette personne nous parait être la plus merveilleuse au monde. On aime tellement cette personne qu'on se sentirait capable de soulever des montagnes pour elle. On a envie de passer chaque seconde qui passe à ses côtés, de la protéger, de tout faire pour que cette personne soit heureuse et ne connaisse pas la peine.

Bien sûr, Ernst pensait à une personne bien particulière en prononçant ces mots. En expliquant cela, le germain voyait le visage de Jusoor. Les yeux dans la vague, il en était devenu presque lointain. Il dû faire un effort pour se ressaisir et continuer.

- Quand Baile écoute son coeur et qu'elle le sent battre si fort. Son attention ne se porte pas sur un homme. Ce n'est pas toujours évident à comprendre mais c'est ainsi. Le coeur a ses raison que la raison ne connait point*. Il est parfois bien difficile, voire impossible, de comprendre pourquoi on est attiré par une personne.

Ernst passa les doigts dans les cheveux de Spirit et déposa un baiser sur son front.

- Un jour, oui, je pense que tu pourras avoir une deuxième maman et, peut-être, un petit frère aussi.

Le sourire qui se dessina sur le visage du germain aurai pu paraître triste. Comment pouvait-il expliquer à sa fille qu'on ne faisait pas toujours ce qu'on voulait. Elle devait le savoir bien entendu. Dans le cas présent, la situation était assez délicate. Ernst n'eut pas vraiment envie d'expliquer plus avant ce qu'il avait sur le coeur. Il se contenta de serrer, un peu plus, sa fille contre lui. Sans le vouloir, une question lui échappa.

- T'aimes pas la Princesse?
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* Blaise Pascal
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Spirit_a.
La nuit, une chandelle, et les bras de son père. Père qui pensait pouvoir trouver du temps pour elle, rien que pour elle. Le sourire est là. Il n'en fallait pas plus pour ravir la petite demoiselle.
Sa chambre, le lit bien trop grand pour elle - si grand que pour un peu elle pourrait s'y perdre - et les genoux de son père. C'est blottie contre lui, que la gamine écoute ses explications. Explications qui suivent un rire. Rire qui pour un peu avait failli vexer la blondinette. Elle ne trouvait pas ça très drôle, elle. Pourtant elle écouta son père, en silence, sans l'interrompre.


- Tu sais dans les contes, il y a souvent un Prince qui vient libérer une Princesse. Bien, disons que Baile, si on lui donnait un rôle, elle préférerait celui du Prince.

Elle devait donc considérer Baile comme un homme ? La gamine fronça les sourcils. Baile était davantage prince que princesse. Une esquisse de sourire vient étirer brièvement les lèvres de l'enfant qui se souvenait de son jeu favori avec Lénaïc : le prince qui vient sauver la princesse. Et elle essaya de s'imaginer jouant à cela avec Baile... Mais c'était peu concluant et la gamine laissa échapper un léger rire, avant de reprendre son sérieux pour écouter son père qui reprenait déjà. La gamine écoutait, pensivement, son père parler plus qu'il ne lui avait jamais parlé jusqu'alors. Elle aurait pu le couper, lui dire qu'elle savait tout ça. Que la maman de Jenny - sa meilleure copine - aimait en fait les femmes. Qu'on lui avait déjà expliquer. Pourtant, son père expliquait, et elle aimait bien l'écouter. Elle se concentrait sur le son de sa voix. Aussi, ne disait-elle rien. La gamine avait envie de rétorquer pourtant. En plein de points elle était en désaccord sur les propos de son père.

Tout d'abord, la gamine se disait que plusieurs personnes pouvaient produire ces sensations que son père tentait de décrire bien classiquement. Selon l'enfant, on pouvait vouloir passer chaque seconde au côté de plusieurs personnes. Et tout faire pour que ces plusieurs personnes soient heureuses. Un exemple dans la tête de Spirit ? Elle aurait aimé passé chaque instant de sa vie au côté de Lénaïc. Elle détestait le voir pleurer et faisait toujours tout pour que cela ne se produise pas, ou que les larmes coulent le moins longtemps possible. Certes. Mais elle voulait aussi rester près de son père. Et ne pas le voir pleurer non plus. Deux personnes déjà. Elle leva le visage vers lui, le regardant un instant. Et elle eu l'impression qu'il n'était plus tout à fait avec elle. Le regard au loin, dans le vide, un vague sourire sur les lèvres... La gamine rebaissa la tête, fixant - comme toujours dans ses moments de trouble - ses pieds. Elle allait lui demander : "à qui tu penses" quand celui-ci reprit la parole pour conclure. L'explication était claire. Elle n'aurait pas Baile pour deuxième maman. Au fond c'était peut-être mieux ainsi... Si elle devait être son écuyère... Le mélange aurait peut-être été difficile.

Un maigre sourire vient faire échos au sourire triste de son père. Un jour elle aurait une deuxième maman. Et un petit frère. Un petit frère et non une petite soeur. La première image de femmes qui avait visité la vie de Spirit étant celle de sa mère, Cillien, la gamine gardait une certaine réserve par rapport au sexe féminin. Bien sûr, elle faisait confiance à certaines femmes. Bien sûr elle n'avait pas peur de toutes les femmes. Il n'en restait pas moins que les hommes avaient toujours été plus tendres, et francs avec elle. L'étreinte se ressera autour de son petit corps et Spirit ne se fit pas prier pour profiter de ces instants de tendresse qu'elle apprenait tout juste à connaître. Pourtant la question qui s'échappa des lèvres de son père vint troubler considérablement ce doux moment. Et la réponse sortit instinctivement, sans réfléchir, du tac au tac :


- T'aimes pas la Princesse?
- Non !


Et la gamine de porter la main à sa bouche. Elle savait bien que son père appréciait la princesse. Elle l'avait vu le jour de leur rencontre. Déjà, elle était là. Le jour de leur rencontre, à eux. Ensuite, il lui avait dit qu'elle était belle. Et Spirit, bien que blonde et petite, n'était pas assez bête pour ne pas comprendre qu'il était amoureux. D'ailleurs, elle avait posé la question immédiatement. Alors oui, la gamine avait mis la main devant sa bouche, suite à ce non impulsif. Le coeur avait parlé. Mais elle ne voulait pas faire de peine à son père. Pourtant... Le coeur a ses raisons. Que la raison enfantine connaît. Non, elle n'aimait pas la princesse. Parce qu'elle ne correspondait pas à l'image de princesse qu'elle, petite fille de six ans, se faisait. Belle. Mais juste belle. Ensuite, parce que leur première rencontre avait causé une grande peine à la gamine. Et enfin... Et surtout...

Non... Je l'aime pas cro... Elle ressemble cro à mam... à Cillien.

La comparaison pouvait paraître étrange. Pourtant, c'était bel et bien l'impression qu'avait Spirit devant Jusoor. Elle était froide. Autant que Cillien était sévère et distante. Elle était belle certes, tout comme sa mère était belle. Et Spirit avait l'impression désastreuse que jamais elle n'arrivait à se faire aimer de cette princesse. Comme elle n'avait jamais réussi à se faire aimer de Cillien. Les yeux s'embuent légèrement, et la gamine tourne le visage pour le cacher contre les vêtements de son père. Cillien était et resterait sans doute toujours la plus grande déception de Spirit. Sa plus grande honte aussi. La voix frêle et tremblotante s'élève à nouveau :

C'est elle que t'aime ? La personne pour qui tu soulèverais des montagnes... Et avec qui tu veux rester tout le temps... Et ... tout ça ?

Une boule douloureuse se forme dans la gorge enfantine. Jalousie. C'est elle ? Dis papa, est-ce que tu préfères passer du temps avec elle plutôt qu'avec moi ? Dis papa... Pourquoi je suis là ? Pourquoi j'ai la facheuse impression d'être de trop, un peu partout ? Dis papa... pourquoi c'est si dure la vie de petite fille ? Et la question franchit les lèvres de la gamine :

Pourquoi elle m'aime pas, elle... ?
Et toi... est-ce que... est-ce que tu m'aimes ... un tout petit peu ... ?


Le visage toujours collé contre le torse de son père, la gamine a une boule dans la gorge à retenir des larmes d'inquiétude. Une boule dans le ventre également. Les larmes aux yeux qui refusent de couler. La leçon du précepteur trop pronfondément ancré en elle. Pleurer énerve les grands. Alors Spirit retient tant bien que mal ses larmes. Elle voudrait lui dire... Que s'il ne veut pas d'elle, elle peut partir. Que Lilith, ou Hellina, ou bien Dom s'occuperait bien d'elle un petit peu. Qu'au pire, elle arrivera à se débrouiller. Qu'elle ne veut pas l'embêter. Que de toute façon elle a l'habitude d'être toute seule. Elle voudrait lui dire. Oui mais la boule dans la gorge est trop grosse, et les mots refusent de sortir. Dis papa... Dis... Rassure-moi. J'ai peur dans cette ville. J'ai peur sans Lénaïc. J'ai peur...
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Ernst.
- Et toi... est-ce que... est-ce que tu m'aimes ... un tout petit peu ... ?

La question lui fit éclater la tête et le coeur. Etait-il si distant? L'amour qu'il portait à Jusoor l'empêchait-il, à ce point, d'aimer sa fille? Non, bien sûr que non. Il avait assez de place dans le coeur pour les deux femmes de sa vie. Ernst se décala légèrement, cherchant le regard de Spirit. C'est ce qu'il faisait lorsqu'il avait quelque chose d'important à dire.

- Je t'aime Spirit. N'en doute jamais.

Ernst pris un léger instant pour continuer.

- Et je suis certain que la Princesse t'aime aussi. Mais tu sais, un jour tu auras un amoureux toi aussi ... Et je risque d'être un peu jaloux et de pas vraiment lui montrer que je l'aime bien. Tu sais, je crois que, parfois, quand on aime une personne, c'est difficile de la partager.

Après une nouvelle pause, il continua.

- Je pense qu'elle t'aime. C'est, peut-être, juste pas facile à exprimer pour elle voilà tout.
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Spirit_a.
Spirit avait encore beaucoup a apprendre. Il fallait qu'elle apprenne que son père pouvait aimer plusieurs personnes à la fois. Et le torse recule, et Spirit baisse la tête. Fuyante alors qu'elle a besoin d'être rassurée. Et son père de lui dire... De ne pas douter. Alors oui, son père parlait, et la gamine comprenait. Mais les gestes... ? Tout comme l'enfant devait apprendre à connaître et partager son père, Ernst devait apprendre à être père. Elle hocha doucement la tête. Elle comprenait. Même si parfois, elle avait l'impression que ce qu'elle disait s'envolait dans les méandres de la chambre. Elle renifla, avant de répondre à son tour, la tête toujours baissée.

Je sais pas si j'aurai un n'amoureux. Et pis je crois que c'est bête d'être jaloux parce qu'on peut aimer plusieurs personnes en même temps. Moi par exemple, j'aime Lilith et 'lina un peu comme mes mamans. Et Colombe comme ma grande soeur. Et Jenny aussi et bébé Thomas. Et pis j'aime beaucoup m'sieur Dom aussi comme... Comme Mon grand Ours. Mais je t'aime toi aussi... papa...

Oui, la gamine - bien que jalouse - trouvait ça bête d'être jaloux. Tout était une question de répartition du temps. Et dans sa vision de petite fille, pour le moment son père passait plus de temps avec la princesse qu'avec elle. Son père avait toujours passé plus de temps avec la princesse qu'avec elle. Alors si quelqu'un devait être jalouse, c'était Spirit et non pas la princesse. Elle ne manqua d'ailleurs pas de lui faire remarquer :

Pis t'es plus souvent avec elle qu'avec moi. Tu la connais mieux que moi. Et elle te connait mieux que moi.

C'était irréfutable. Tellement vrai. Spirit ne disait pas sa méchament. C'était une simple constatation de la réalité. Réalité indéniable. Père et fille ne se connaissait pas. Ils s'aimaient vraisemblablement sans se connaitre. Et ni l'un ni l'autre ne savait bien comment agir en compagnie de cet être qui venait avec six ans de retard. Au fond, pour le moment, ce soir là, tout de suite sur les genoux de son père, à la lueur de cette chandelle, elle se fichait de savoir, d'apprendre, de devoir croire que la princesse l'aimait bien ou non. Elle voulait juste savoir que son père l'aimait un peu, tenait un peu à elle. Une moue un peu boudeuse s'afficha sur la frimousse de la blondinette, aux yeux toujours brillants. Et en relevant la frimousse d'ange grognon vers son père elle marmonna un :

D'façon j'm'en fiche. On n'a qu'à rester que tous les deux. J'ai pas b'soin d'autre maman.

C'était dit. Nouveau reniflage, et la puce quitte les genoux paternel pour retrouver souplement le sol, et aller se coller à la fenêtre, et regarder les étoiles. Bien sûr elle fixe l'étoile du berger. Bien sûr elle cherche la grande Ours du regard. En silence.
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Ernst.
C'était un peu un truc du genre : "prends-toi ça dans ta tête de papa pas papa". Ernst avait toujours été maladroit avec les femmes, quelque soit leur âge, apparemment. Dans sa vie, elle était deux à compter. Bien sûr, il y avait eu la mère de Spirit. Elle lui avait donné une fille et, même avec du retard, il en était le plus heureux des hommes. Mais maintenant, dans sa vie actuelle, elle était deux. Une brune et une blonde. Deux princesses qui se partageaient son coeur et qui lui malmenaient l'esprit. Toutes ses actions étaient dirigées vers elles. Se rendaient-elles comptent, au final, que l'amour qu'il leur portait avait si peu de limites?

Dans les bouleversements de sa vie, il y avait cette possibilité de titre et de terre. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il n'en serait rien. Et pourtant, il fallait que cela arrive. Pour la petite, c'était l'assurance d'un avenir meilleur, bien que sans cela, il n'était déjà pas à plaindre. Elle aura un héritage, une dot, tout ce dont une fille de bonne famille pouvait rêver. Pour la plus grande, c'était la certitude que, lorsqu'elle le déciderait, rien ni personne ne pourrait arguer d'un quelconque manque de condition sociale.

Ernst écouta sa fille et la regarda se poster devant la fenêtre. Elle n'avait pas besoin de maman, juste de lui. Il repensa à Jusoor. Elle n'avait pas besoin qu'il soit noble, juste de lui. Se pouvait-il qu'il se soit trompé à ce point? Le germain réalisa qu'à trop vouloir le bien des deux femmes de sa vie, il les avait délaissé. Jusoor lui avait déjà dit qu'il devait passer plus de temps avec sa fille. Il pensait qu'il l'étoufferait à être trop près d'elle. Elle avait pourtant raison. Il passait peu de temps avec sa fille et, pourtant, il passait également moins de temps avec son autre princesse. A la recherche d'un avenir, il en avait oublié son présent. C'était pourtant cela qui comptait le plus, à bien y réfléchir.

Ernst se leva et rejoignit sa fille d'un pas lent. Il s'accroupit derrière elle et posa les mains sur sa petite taille. A l'oreille, il lui chuchota :


- Pardonne-moi pour cette si longue absence.
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Spirit_a.
La fenêtre, Spirit postée devant. Le silence. Un mouvement. Des mains pour un geste de tendresse. Et un murmure. La petite peste garde le silence un instant, fixant toujours les étoiles. 6 ans d'absence. Bien sûr que c'était long. Elle l'a cru mort. Elle a longtemps cru qu'il ne voulait pas d'elle.

Et aujourd'hui... Un pardon demandé. Mais lui en avait-elle voulu un jour ? A travers la figure maternelle peut-être. Si elle avait été plus grande, si elle avait tout compris à l'histoire de ses parents, elle aurait pu lui en vouloir d'avoir transformer sa mère en femme austère, triste et froide. Mais Spirit n'avait connu Cillien qu'ainsi. Aussi ne pouvait-elle pas faire le lien. Elle aurait pu lui en vouloir. Lui faire milles reproches.

L'impatience de le rencontrer n'avait d'égal que sa peur. Elle ignorait comment il allait réagir. Et comment, elle, elle allait, ou devait réagir. Tout avait été si naturel que les doutes et les questions de la gamine s'étaient envolés. Ne comptait que lui. Elle avait voulu savoir qui il était ce qu'il faisait, ... Et parler d'elle, parce que c'était sans doute la seule réelle fois où parler d'elle avait sembler susciter un intérêt mince.

Le soir de la rencontre elle avait donc oublié et délaissé, sans s'en rendre compte les questions fâcheuses. Mais ce soir... Le petit coeur spiritien battait fort dans la poitrine enfantine. "Papa, je peux pas te pardonner puisque je ne t'en ai jamais voulu". Pourtant elle restait là, figée devant la fenêtre, immobile, stoïque. Et muette. Jusqu'à ce que... le murmure s'échappe de ses lèvres à nouveau. Le murmure, où le moyen de communiquer le plus utiliser par le père et sa fille. Lui n'était pas un grand bavard. Elle, était une grande timide peu sûre d'elle, tout au fond, quand on cherchait bien. Ceci expliquant peut-être cela...


Papa... Pourquoi t'étais pas là ?

Une grande respiration est prise, qui pourrait s'apparenter à une sorte de soupir

Grand-père y disait que t'étais mort... Et Cillien... Que j'avais pas besoin de papa... Mais y m'ont jamais raconté... Pourquoi j'ai pas eu de papa comme les z'autres... Pourquoi t'étais loin...

Et la puce se tourner pour faire face à son père, et vriller son regard ernstien dans le siens. Et de murmurer à nouveau :

Est-ce que tu voulais pas de moi... ? Comme Cillien... ?

Et voilà une Spirit qui attend les réponses qu'elle n'a jamais eu. Et que lui seul peut lui fournir à présent. Une Spirit un peu tremblante qui se cacherait bien dans les bras paternels mais qui reste immobile. Elle attend l'histoire que personne n'a jamais voulu lui raconter. L'histoire que tout enfant adore savoir. Qui en fait presque sa fierté. Qui l'aide à définir son identité. L'histoire ... De la rencontre de ses parents. Du pourquoi du comment elle s'est retrouvée propulsée dans cette drôle de vie, dont le sens lui échappait constamment. Elle attend de savoir pourquoi elle n'a pas eu une enfance comme les autres. Sa main, enfin se glisse dans celle de son père. Et son regard montre tant son trouble que son amour pour lui. A défaut des mots, son regard dit à son père qu'elle le pardonne. Qu'elle ne lui en veut pas, tant qu'il reste là, maintenant. Mais Ernst peut-il comprendre ce que dit le regard de sa petite fille, au bout d'une si courte vie commune ?
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Ernst.
Le moment qu'il redoutait autant qu'il espérait était donc arrivé. Le père se doutait bien, qu'un jour, sa fille lui poserait la question fatidique. T'étais où? Oui, où était-il? Pourquoi n'avait-il pas été là? Pour Ernst, à ce moment précis, la principale question était : dois-je lui dire la vérité? Il avait bien compris qu'on n'avait pas tout dit à sa fille. Il avait bien compris qu'on lui avait même menti. Il avait suffit qu'il parle avec Cillien, avant la Grande Rencontre pour savoir tout ça.

Cependant, ils n'étaient plus que tout les deux à présent. Tout les deux s'entend : une fille et son père. A ce moment précis, rien d'autre ne comptait, rien d'autre ne pouvait compter. Il ne s'agissait pas là, à Ernst, d'essayer de trouver une quelconque échappatoire, une excuse. Il devait parler avec son coeur, parce que sa fille lui parlait avec le sien. Ernst parla à voix douce, plutôt qu'à voix basse. Il parla sans éclat, avec calme.


- Je ne savais pas que tu étais née. Je ne savais même pas que ta mère était enceinte.

L'idée principale était donc lancée. il fallait, à présent, développer, préciser.

- Ta maman et moi, on s'est connu et aimé d'une manière très forte et très rapide. J'habitais très loin et j'ai dû partir. On ne s'est jamais revu et je n'ai jamais su que tu étais dans son ventre.

Ernst passa la main dans les cheveux de Spirit. C'était une habitude qu'il avait vite prise. Tout comme le fait de ne jamais élever la voix. C'était devenu naturel. Alors il continua.

- On a beaucoup de temps à rattraper tous les deux hein? Maintenant, on est ensemble. Je suis là pour toi et toi t'es là pour moi, d'accord?
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Spirit_a.
- Je ne savais pas que tu étais née.

Déclaration paternelle qui vient mettre une petite claque à la gamine. Pourtant, elle aurait pu penser cela. Mais non, c'était une idée qui était bien loin d'elle. Il ne savait pas qu'elle était née. Pourtant... Pourtant le soir de leur rencontre, il savait bien qu'elle existait. Il ne savait pas qu'elle était née. Etait-ce mieux ou bien pire qu'une autre explication ? Je savais mais je travaillais. Je savais mais ton grand-père voulait me tuer, je pouvais pas m'approcher... Aucune excuse n'aurait été acceptable. Et son père paraissait sincère. Et même s'il avait menti, elle était trop petite, et naïve pour s'en rendre compte. Alors elle l'écoutait simplement. Expliqué, précisé, tenté de justifié une absence injustifiable. Elle lui aurait bien demandé si quand il était parti, il n'aimait déjà plus Cillien. Mais déjà la main paternelle se glissait dans ses mèches blondes, et les mots continuaient de sortir de la bouche de son père.

- On a beaucoup de temps à rattraper tous les deux hein? Maintenant, on est ensemble. Je suis là pour toi et toi t'es là pour moi, d'accord?

Spirit regardait toujours son père. La réponse était toute simple. Que pouvait-elle répondre d'autre que "Oui", et "D'accord". Ils avaient du temps à rattraper. Et plus qu'à rattraper. La gamine voulait surtout profiter de sa présence, tant qu'elle le pouvait. Une esquisse de sourire étira ses lèvres, et la puce se fit une place tout contre son père, ses petits bras venant enlacé le cou de celui-ci. Bien sûr qu'elle est là "pour lui". Si tant est qu'il est besoin d'elle.

J'crois j'ai pluss besoin de toi que toi de moi, papa...

C'était sorti si naturellement que la gamine n'avait rien maîtrisé. Sincérité et simplicité enfantine. Les choses sont dites, comme elles viennent sans réfléchir. Spirit est rassurée malgré tout. Son père était là. Pour elle. Il semblait prendre au sérieux ce qu'elle disait. A nouveau c'est une question qui franchit les lèvres spiritienne, d'importance non pas moindre mais de portée moins lointaine :

Papa ? J'peux dormir avec toi cette nuit ?

Une longue journée et beaucoup d'émotion avait fatigué la puce blonde. Puce blonde qui bien que fatiguée ne voulait pas quitter les bras de son père.... Elle avait besoin de le savoir près d'elle. Elle était encore peu rassurée dans ce grand appartement encore inconnu. Dans ce silence qui régnait la nuit, dans cette chambre qui n'était pas encore vraiment la sienne. Elle espérait que son père dise oui. S'il disait non elle ferait certainement une bouille triste pour tenter de l'appitoyer sur son triste sort de petite fille unique. Déjà, la gamine, la tête sur l'épaule de son père, fermait les yeux, sans lâcher son cou.
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