Tanaisie
Tanaisiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie, amène tes fesses ! Et l'contrat !
Les beuglements de Germaine arrivent jusqu'à la chambre, à peine assourdis.
J'crois qu'on m'appelle, m'sieur Houze ! J'vous laisse vous débrouiller. Si z'avez b'soin d'moi, j's'rai en bas.
Son contrat sous le bras, elle dévale les marches et entre dans la pièce principale où, devant ses yeux ébahis, elle assiste à la scène douloureuse de la poêle Téfolle dans la tronche.
Han ! Mais t'es folle ! Crie-t-elle à l'ex grande accusatrice. Pourquoi qu'tu l'tapes ? Y t'a rien fait !
Boucle la, Tanaisie ! éructe Germaine. C'est un test. Faut bien démontrer la qualité d'not' marchandise !
Z'avez fait l'contrat ? Comme j'vous ai dit ?
Voui voui, Germaine ! Z'allez êt' contente, j'l'ai écrit sur du beau papier !
Mmmouais... Mont' nous ça !
La jeune femme déplie soigneusement le parchemin et l'étale sur la table, parmi les victuailles.
Voilà ! Y a plus qu'à signer, mett' la date et l'nom d'vos témoins !
Ben toi tu s'ras mon témoin, ou Raoul si jamais y r'prend pied dans l'réel !
Et vous, m'dame Musartine ? C'est qui vot' témoin ? Si vous en avez pas, y a l'toubib là-haut !
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Chasse les plis, apporte la classe aux dossiers.
Miroilouette
...Pendant ce temps dans une chambre bon marché que Miro s'était dégoté sur le pouce, il attendait. Parfois il bougeait, mais ce soir, il ne le faisait que pour se retourner, non pour se déplacer. Il s'était déjà déplacé. Une fois chez Germaine, à la mairie ensuite, puis en taverne.
Il hochait la tête en repensant au sort de ce pauvre Robert. Il en avait fait du chemin, pour sa famille, pour la banque aussi. Il avait voulut donner du flot aux comptes ternes de Robert. Robert était aussi flou que ses comptes étaient nets. Des comptes nets avec pas grand chose, des trésors d'orient et une malice qui serait passée pour de l'imagination si elle était faite avec des lettres et non des chiffres.
Il fronça les sourcils. Robert fragmenté. Le sort était bien cruel. Il hocha à nouveau la tête tandis que ses pensées vagabondaient. C'était rare, mais cela arrivait: il coucha quelques mots sur le papier en pensant à tout ça:
Les écrivaillons, bardes et troubadours nous vendent des histoires, même les bouffons vendent leurs blagues. Il n'y a pas de retour possible une fois l'histoire échangée. Vous ne pouvez l'effacer de votre esprit. En cela les comptes sont plus souples, réversibles à l'envie, ils sont faits de promesses en cascades, ni dupes, ni dupés, seulement des joueurs conscients de ces choses triviales dont on se pare, ces choses que l'on fait semblant de vouloir, dont on prétend même que l'on a besoin...J'aimerai, Robert, que tu te détournes de ta mission, contemple avec moi tous ces chefs d'un jour qui ne promettent que du bout des lèvres pour mieux s'absoudre le lendemain, ils sont la négation de tout ce que tu as fait de ta vie...
Il s'arrêta un moment, serrant le poing, prit une inspiration et reprit:
Le moindre bouffon crasseux arrive à vendre ses blagues éculées aux plus puissants personnages de notre époque, et pas un de ces candidats n'a fait l'effort de trouver un acheteur pour la moindre promesse. Veulent-ils nous faire croire qu'ils se nourrisent de bulletin de vote pour mieux déféquer l'oubli sur la tête du peuple qui les a élu?
Un jour, les gens ne voteront plus que pour les champions qui auront su leur louer des promesses pour mieux les rembourser si elles ne s'avéraient pas tenable, ou mieux, ils seraient fiers d'avoir pu les tenir, et ceux qui auront cru en eux seront plus fiers encore.
Il soupira...La réalité était toute autre. Si Robert sortait de sa torpeur, il lui remettrait sans doute...ou peut-être pas...
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Les écus sont les mêmes partout, à nous de leur donner du relief