Baile
Les mobilisations les plus ennuyeuses, comme celle en cours actuellement, pouvaient porter en elle d'agréables cadeaux, à condition évidemment que l'on prît la peine de gratter un peu sous la surface des rencontres imprévues. La Baile n'aurait jamais dû porter un autre regard que courtois sur la nourrice d'un petit Von Frayner, fils de Judas qui plus est. Mais comment la plus indifférente des politesses pouvait-elle ne pas insidieusement se transformer en intérêt indescriptible lorsque le regardant était la Blanche, et que la regardée était une femme tout droit sortie d'un conte écrit à quatre mains?
Malgré les attaques d'Ernst qui faisaient mouche à chaque fois, malgré celles, plus prudentes ou largement acérées, de la plupart de ses autres amis, la Baile avait vaillamment squatté chaque jour sa propre taverne, dans l'espoir quotidien non seulement d'apercevoir Giulia, mais également d'étirer le temps afin que chaque heure passée avec la Nubienne devînt l'éternité. Ou du moins contînt de quoi nourrir les insatiables fantasmes du Chevalier-qui-se-voulait-prince-charmant.
Etre en présence de Giulia représentait cependant une torture, délicieuse certes, mais qui demandait à la Baile un incroyable courage et qui mettait chaque fois à mal son aussi incroyable volonté. Ca moulinait gravement dans son esprit, tellement elle y tendait les mains pour toucher la délicate peau chocolatée, caresser l'adorable cicatrice au bord des lèvres qu'elle avait vue, elle, à force de fixer la semi Italienne, avant de voir ses bras retomber lourdement dans ses pensées, dans un profond soupir mental de frustration.
Elle n'était pas dans cet état-là avec toutes les femmes, hein? D'accord, elle criait son amour en vers et contre Bocom à l'adresse de Katina, LA Flamande de référence, d'accord elle avait peloté les fesses de cette dernière un soir de défi puéril et non-dit avec son compagnon bâté, d'accord elle vivait aussi une relation secrète qui lui apportait une espèce de paix intérieure qu'elle n'avait quasiment jamais connue de sa vie, d'accord elle avait lancé deux trois piques à une Jusoor décontenancée et devant un Ernst grommelant, mais c'était tout Et elle était aussi capable de vaillamment résister à l'appel de la chair ou des sens, il lui suffisait simplement de le décider! Seulement avec Giulia, bon sang, elle ne décidait plus rien, et la belle nourrice s'amusait visiblement de la situation. Ou du moins la Baile le pensait-elle.
Stratège dans l'âme lorsqu'il s'agissait de conquérir pareille forteresse, cette dernière avait quand même réussi à avancer quelques pions sur l'échiquier à la longue chevelure noire. Par exemple en invitant très très judicieusement Rosa dans son appartement de Dijon, contre une leçon d'arbalète que la Baile savait ne jamais devoir donner puisque la Rousse allait bientôt accoucher et aurait d'autres carreaux à tirer pendant un bon moment. Et en donnant ses clés à l'intendante du Petit-Bolchen, elle savait qu'indubitablement Giulia allait la suivre avec le petit Amadeus. Trop belle la vie, à Dijon...
Et puis le miracle arriva: Rosa décida d'aller à Paris Le soir même, le Chevalier avait discrètement déserté ce qui restait du campement des Ordres royaux, prétextant aux rares personnes qui la virent s'éloigner qu'elle devait s'en retourner chez elle le temps d'une nuit, histoire de jeter un oeil sur ses biens et que non, non, ça ne pouvait attendre le lendemain matin.
Qu'espérait-elle, la Baile? Surprendre Giulia dans un de ces bains qu'elle la savait prendre régulièrement chez elle? La regarder une énième fois nourrir au sein le petit d'homme et se lamenter sur cette sensuelle féminité qui lui faisait regretter à mort de n'être pas un homme? Percer davantage les secrets de la vie de la Nubienne pour y trouver la faille et se présenter en cheval de Troie? Tout ça à la fois? Toujours est-il que c'est plongée dans une intense réflexion qu'elle tourna la clé dans la serrure et pénétra silencieusement dans son propre appartement.
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I never saw a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Malgré les attaques d'Ernst qui faisaient mouche à chaque fois, malgré celles, plus prudentes ou largement acérées, de la plupart de ses autres amis, la Baile avait vaillamment squatté chaque jour sa propre taverne, dans l'espoir quotidien non seulement d'apercevoir Giulia, mais également d'étirer le temps afin que chaque heure passée avec la Nubienne devînt l'éternité. Ou du moins contînt de quoi nourrir les insatiables fantasmes du Chevalier-qui-se-voulait-prince-charmant.
Etre en présence de Giulia représentait cependant une torture, délicieuse certes, mais qui demandait à la Baile un incroyable courage et qui mettait chaque fois à mal son aussi incroyable volonté. Ca moulinait gravement dans son esprit, tellement elle y tendait les mains pour toucher la délicate peau chocolatée, caresser l'adorable cicatrice au bord des lèvres qu'elle avait vue, elle, à force de fixer la semi Italienne, avant de voir ses bras retomber lourdement dans ses pensées, dans un profond soupir mental de frustration.
Elle n'était pas dans cet état-là avec toutes les femmes, hein? D'accord, elle criait son amour en vers et contre Bocom à l'adresse de Katina, LA Flamande de référence, d'accord elle avait peloté les fesses de cette dernière un soir de défi puéril et non-dit avec son compagnon bâté, d'accord elle vivait aussi une relation secrète qui lui apportait une espèce de paix intérieure qu'elle n'avait quasiment jamais connue de sa vie, d'accord elle avait lancé deux trois piques à une Jusoor décontenancée et devant un Ernst grommelant, mais c'était tout Et elle était aussi capable de vaillamment résister à l'appel de la chair ou des sens, il lui suffisait simplement de le décider! Seulement avec Giulia, bon sang, elle ne décidait plus rien, et la belle nourrice s'amusait visiblement de la situation. Ou du moins la Baile le pensait-elle.
Stratège dans l'âme lorsqu'il s'agissait de conquérir pareille forteresse, cette dernière avait quand même réussi à avancer quelques pions sur l'échiquier à la longue chevelure noire. Par exemple en invitant très très judicieusement Rosa dans son appartement de Dijon, contre une leçon d'arbalète que la Baile savait ne jamais devoir donner puisque la Rousse allait bientôt accoucher et aurait d'autres carreaux à tirer pendant un bon moment. Et en donnant ses clés à l'intendante du Petit-Bolchen, elle savait qu'indubitablement Giulia allait la suivre avec le petit Amadeus. Trop belle la vie, à Dijon...
Et puis le miracle arriva: Rosa décida d'aller à Paris Le soir même, le Chevalier avait discrètement déserté ce qui restait du campement des Ordres royaux, prétextant aux rares personnes qui la virent s'éloigner qu'elle devait s'en retourner chez elle le temps d'une nuit, histoire de jeter un oeil sur ses biens et que non, non, ça ne pouvait attendre le lendemain matin.
Qu'espérait-elle, la Baile? Surprendre Giulia dans un de ces bains qu'elle la savait prendre régulièrement chez elle? La regarder une énième fois nourrir au sein le petit d'homme et se lamenter sur cette sensuelle féminité qui lui faisait regretter à mort de n'être pas un homme? Percer davantage les secrets de la vie de la Nubienne pour y trouver la faille et se présenter en cheval de Troie? Tout ça à la fois? Toujours est-il que c'est plongée dans une intense réflexion qu'elle tourna la clé dans la serrure et pénétra silencieusement dans son propre appartement.
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I never saw a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.