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Detresse ou Allegresse...Quand une gitane décide de boire...

--Cassandre


Il se réveille chatouillé par un rayon de soleil qui filtre a travers l'ouverture de la mansarde. Il pousse un léger soupir de plaisir et se tourne sur le côté. A ses côtés le corps frêle et fin de la petite Marie.
C'est l'une des rares fois ou il pouvait se réveiller et la trouver a ses côtés. Ils étaient toujours réveillés au petit matin par la voix tonitruante du vieux qui criait après la petite bonne.
Il prend appui sur son coude posant sa tête sur sa main et laisse nonchalamment son doigts dessiner les courbes de son corps de son épaules a la vallée de ses côtes au joli mont de ses hanches jusqu'à sa cuisse blanche.
Il sourit. La Marie était bien jolie, mais cette nuit la , il avait pu oublier ses boucles rousses et son corps mince, remplacé par une abondante chevelure brune et un corps généreux. Mais il lui était reconnaissant, il n'aurait jamais dormi si elle n'était pas venue gentiment se débaucher en sa compagnie.
Il soupira d'aise a nouveau.
Il s'accommodait bien de sa vie, mais l'aimait il? Aimait il se contenter des petits bouts de femme comme la Marie, aimait il être obligé de supporter le vieux et ses méthodes?
Peut être avait il envie d'être libre après tout. Ne serait ce que pour en mettre une au vieux comme la belle gitane. Cette pensée lui fit sourire.


- Il est tant pour moi de m'envoler petite souris...

Il penche doucement la tête pour venir déposer un baiser sur l'épaule de la petite rouquine. Elle bouge doucement en soupirant. Il se redresse et cherche dans les draps ses vêtements. Il se lève et s'habille.
Il cherche ci et la les rares affaires qui lui appartiennent et les fourre dans sa besace. Il sent sur lui un regard. La Marie s'est éveillée et le regarde de ses yeux d'enfant. Il s'approche et s'accroupit a son niveau. Elle s'est redressée.


- Tu vas me manquer ma souris...

Il saisit doucement sa nuque et l'attire a lui pour l'embrasser doucement.
Quelques instants plus tard il dévalait les marches de la demeure qui ne serait et n'avait jamais été la sienne.
Inutile de chercher le vieux, rien a lui dire.
Sa besace a l'épaule il allait faire son chemin dans la vie, de manière honnête ou malhonnête tant qu'il y prenait plaisir peu lui importait. Sa vie prenait un tournant et il en était heureux, le hasard avait bien fait les choses en mettant sur son chemin cette femme qui lui avait fait réaliser la médiocrité de sa vie.

Il avança de son pas nonchalant, souriant , puis disparut au coin de la même rue ou la veille avait disparu la belle gitane.



--Taveernier


Il s'était réveillé encore en vie. La tête lourde, brulante, la bouche pâteuse, des courbatures plein le dos. Évidemment, il avait dormi la sur cette misérable table ou ce fou de chirurgien l'avait charcuté.
Chirurgien était un bien grand mot. Même sa défunte mère qui reprisait les chemises aurait pu ouvrir un établissement et se décréter chirurgien.


- Chirurgien, tu m'en diras tant... haaa... Ivrogne oui!

Il se redressa avec peine évitant de faire beaucoup d'expressions du visage. Il essaya de s'étirer pour desankyloser ses muscles ce qui lui valu un gémissement.
La veille il avait cru mourir a plusieurs reprises, il avait du s'enfiler la bouteille de gnôle pour supporter le va et vient de l'aiguille dans sa chair.
Il se laissa glisser de la table, regarda avec dégout les torchons tachés de sang. Un miroir, il lui fallait un miroir.
Il n'y avait rien dans la pièce, rien que le chirurgien bedonnant qui ronflait a coté.
Il pesta et sortit tant bien que mal de la.


Il arriva avec peine chez lui. Il se hissa jusqu'à ses appartements.

- Marie! Marie!

Il aboyait presque. Il avait besoin de se nettoyer de toute cette crasse, la sueur, le sang...

- Bordel de Dieu! Va tu ramener ton petit cul par ici !? Encore a forniquer avec le Cassandre! j'ty reprendrais moi aaaah...

Crier lui avait fait contracter le visage, il sentait les fils tirer dans sa chair.
Il fouilla rapidement dans un meuble et en sortit un miroir. Il grimaça.
Il se laissa tomber sur son fauteuil, tendit la main vers une bouteille de gnôle qu'il deboucha de ses dents avant d'en boire une bonne gorgée. Ce n'est que lorsqu'il eut senti l'alcool chauffer sa poitrine qu'il osa se regarder dans le miroir.


- Bordel! saloperie !

Il reposa ses yeux dans le miroir, sans autre mots louable que des jurons. Il allait devoir vivre avec.

- Non de Dieu Marie faut que j'vienne t'chercher ?!

Il grimaça et s'apprêtait a hurler a nouveau quand la gamine débarqua enfin.

- C'pas trop tôt, va falloir que j'dise au Cassandre de s'trouver un taudis, yen a marre d'lui assurer le gite et l'couvert a ce bon a rien! Et toi rappelle toi que j'te paie, et pas pour astiquer le jonc de ce salopiaud!

Elle ne dit mot, apeurée comme a son habitude, et lui tenta de calmer sa colère dans la bouteille.

Quelques heures plus tard il dormait sur son lit, propre et saoul jusqu'au soir ou il ouvrit son établissement non sans appréhension.
Il allait être vigilant, et se rappeler qu'il ne tenait plus un tripot de bas quartier. Il lui suffisait de se mirer dans le reflet de ses bouteille pour s'en rappeler. Le simple fait d'être l'objet de question sur sa blessure le mettait mal a l'aise et il préférait avancer la thèse de l'accident. Comment accepter qu'une petite morveuse rom était responsable de cette cicatrice indélébile?

Le Cassandre il ne l'avait pas revu. La Marie il l'avait mise a la porte. Il vivait seul et se plaisait a croire qu'il était mieux ainsi, en tête a tête avec sa bouteille de gnôle pour échapper au même cauchemar qui hantait ses nuits. celui d'un chêne auquel pendait un homme au visage balafré.

Quelques années plus tard, on apprendrait qu'il avait fermé son établissement. On apprendrait qu'il avait décidé de voyager et de voir du pays avec tous ses biens sur lui. On apprendrait qu'il faisait des histoires foireuses par ci par la. On apprendrait qu'il avait été attaqué par des brigands, on apprendrait qu'il avait été malpoli avec le chef des brigands qui ne voulait que le dépouiller. On apprendrait qu'ils l'avaient battu avant de le pendre a un chêne, on apprendrait
que c'est la haut qu'il avait laché son dernier soupir, seul, depouillé et maltraité. On apprendrait que quand les maréchaux l'ont décroché de l'arbre des pies et des corbeaux tournoyaient au dessus . On apprendrait que personne n'aurait pu dire qu'il s'agissait de ce tavernier, riche et bourrin qui avait quitté Castel pour voir du pays.

La roue tourne...
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