Matouminou
Coups d'oeil alentours... certains discutaient, le vagastrel déclamait ou - comment disait-il avec sa gouaille sans pareil? - ah oui, il déversait des glaviots...charmant, avait grimacé Matou en entendant cela...
En tout cas, les gens arrivaient et la salle se remplissait.
Et lorsque Stromb acquiesça à sa demande, son coeur battit un peu plus fort comme à chaque fois qu'il la serrait contre lui. La main de l'homme dans son dos, la fit sourire tendrement. C'était à la fois une caresse protectrice et signe de tout l'amour qu'il lui portait. Naturellement, car leurs corps étaient faits l'un pour l'autre, elle se lova contre lui et se laissa entrainer. Nul besoin d'avoir pris des cours de danse, ils étaient en harmonie.
Pourtant, et là était toute la magie, sans doute, de leur amour, c'était la première fois qu'ils évoluaient ainsi,dans une si grande salle. Ils avaient déjà, pour s'amuser, danser en taverne, mais Stromb faisait très vite le pitre, et Matou n'était pas, non plus, la dernière à le suivre.
C'était leur premier bal et elle en ressentait une vive joie. Elle tournoyait au rythme qu'il lui imposait. C'était un bon danseur, elle s'accordait parfaitement avec lui, et très vite, aussi parce qu'il l'enivrait de baisers dans le cou, très vite le décor s'effaça, les bruits de voix s'estompèrent. Il n'y eut plus qu'à ses oreilles la musique des violes, flûtes, luths et autres instruments.
Les notes virevoltaient, les enveloppaient, formaient une douce mélodie. Elle sentait contre elle toute la chaleur du corps puissant et la douceur qui s'en dégageait.
Elle plongea ses yeux dans les siens, s'y noyant presque, plus rien autour d'eux n'existait. L'espace de cette première danse, ils furent comme seuls au monde. C'était leur danse, c'était leur amour qu'ils offraient, sans honte, aux yeux de tous...et peu importait qu'elle fut noble, qu'il fut roturier, peu importait qu'ils eurent péché...Aristote avait sans doute bien mieux à faire que de les condamner. Quant aux rumeurs les concernant, aux propos fielleux qui avaient pu être déversés sur leurs têtes, Matou n'en avait cure....Son bonheur était insolent, certes, mais elle le vivrait toujours pleinement, totalement, et jusqu'au bout....Et pour elle, même la mort ne les séparerait pas.
Elle lui sourit, ses yeux brillaient, ses joues étaient sans doute rouges du bonheur qu'elle ressentait.
La musique cessa, elle revint à elle, entendit de nouveau les voix des invités, le décor se matérialisa de nouveau sous ses yeux.
Un peu chancelante, et ce n'était pas cette fois-ci une quelconque boisson alcoolisée qui agissait, elle murmura à Stromb:
- Merci...
Nul besoin d'autres mots, et quand on savait combien Matou était bavarde, on pouvait aisément imaginer tout le poids qu'elle mettait dans ce petit mot tout simple.
Elle s'était penchée pour le lui sussurer à l'oreille. C'est alors qu'une étrange chose se mit sur le passage de son nez, le lui chatouillant. Elle plissa les yeux et le nez aussi, tentant de retenir ce qui serait un formidable éternuement.
Elle avait oublié qu'elle était allergique aux plumes des volatiles quels qu'ils soient.
Elle prit alors conscience de la plume de paon qui ornementait le chapeau de Stromb. Celle-ci s'était légèrement affaissée, sans doute avec le tournoiement de la danse, et se trouvait sous son nez.
Un regard de panique passa dans ses yeux...ne pas éternuer...se retenir...Hélas, elle n'eut que le temps de s'écarter de son volcan et laissa échapper, derrière sa main, bien faible rempart, un tonitruant:
- ATCHOOOOOOOOOOOOOOOOOUMMMM!!!
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