Praseodyme
Praséodyme avait reçu un message
Déjà, en soi, cétait un événement curieux. Praséodyme ne recevait jamais de message. A vrai dire, peu de gens la connaissait, vu quelle ne cherchait pas spécialement à attirer la sympathie. Et ceux qui se risquaient tout de même à faire sa connaissance avaient généralement dautant moins envie de lui parler après. Alors forcément, lui écrire
Praséodyme avait donc reçu un message Elle avait réussi à le déchiffrer, ce qui pouvait paraître tout aussi curieux, mais à la vérité, elle savait lire. Certes, elle aurait été bien incapable de vous déclamer sans hésitation les derniers vers à la mode du jeune poète Villon, mais elle savait distinguer le A du B. Elle avait appris toute jeune avec le curé de Mayenne, qui venait souvent visiter sa maman, laccorte Léocadie Bernouilli, lorsque son papa, Gouesnel Gazélec, sen allait vendre ses cochons à la foire de Ploudalmézeau ou dailleurs. Après avoir demandé à la petite daller jouer dehors, ils restaient ensemble un long moment sous le baldaquin, puis le curé, tout rouge, bien essoufflé et fort radieux la prenait sur ses genoux et lui apprenait les lettres. Mais baste, on séloigne du sujet.
Vous ais-je dis que Praséodyme avait reçu un message ? Oui. Le plus fort, cest quelle en avait à peu près compris le sens, bien que la pauvre fille ait été dotée par le Très-Haut dune comprenette à combustion particulièrement lente. Bienheureux les simples desprit, dit-on. Sur ce plan là, Praséodyme pouvait probablement prétendre à la béatification.
Un message, je disais. Que Praséodyme avait reçu. A en croire le contreseing, il émanait dun membre dune famille avec qui Praséodyme avait déjà eu à faire. Des ytaliens, Cuerdeleone ou quelque chose comme ça. Praséodyme navaient rien contre les ytaliens, pour preuve, elle avait brigandé naguère avec profit un évêque ytalien, qui avait même tenté de la convertir dans sa religion. Un homme charmant, à qui elle avait dailleurs laissé la vie sauve. Du moment que ces Cuerdeleone la payaient pour louvrage quelle aurait à faire, elle se moquait bien quils fussent ytaliens ou berrichons. Et en fait, elle ne pouvait pas saquer les berrichons, de méchantes gens et âpres au gain.
Ce message vous vous souvenez, celui adressé à Praséodyme la conviait à retrouver la bande dans un lieu quelle ne devait poinct ébruiter, sous peine de risquer les pires sévices corporels. On aurait de louvrage pour elle, à la mesure de ses compétences. Praséodyme disposait effectivement de quelques talents, que certaines fines gueules jugeraient non sans raison rudimentaires, certes, mais que serait le Monde sans sa base ? Le rendez-vous était donné dans les bas-fonds, au beau milieu dun entrelacs de ruelles sordides, bordées de maisons aux murs lépreux et aux façades borgnes. Une ambiance certes un poil stéréotypée - il y a malgré tout des conventions à respecter, mais apte à faire peur à la plus courageuse des canailles. Ceci dit, Praséodyme était totalement dépourvue dimagination, et de ce fait, elle ignorait la peur.
Parvenue au lieu indiqué, une sombre bâtisse à moitié en ruines, aux fenêtres barrées de planches, fermée dune porte dont le bois paraissait complètement vermoulu, Praséodyme savisa quun mal-intentionné aurait pu tenter de lui tendre un piège, dans le but de la détrousser, de létriper, ou pire encore, de lui voler sa vertu. Elle réfléchit un moment, puis se dit que cette dernière éventualité nétait que relativement peu probable. Restait les autres. Elle tenta alors déchafauder un plan subtil pour déjouer la chausse-trappe. Une fois son plan bien arrêté un plan simple, mais efficace, elle se campa devant la porte, la fit voler en éclats dun coup de botte bien appliqué, et se mit à beugler à ladresse de lobscurité :
Ho là ! Ya quinquin, là-dedans ? Cuerdeleone ou qui que tu soye, sors ici montrer un peu ton vilain museau, quon voye à voir à quoi que tu ressembles !
Elle attendit, aux aguets, la main sur la poignée de sa miséricorde.
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I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverqu'e !
Praséodyme avait donc reçu un message Elle avait réussi à le déchiffrer, ce qui pouvait paraître tout aussi curieux, mais à la vérité, elle savait lire. Certes, elle aurait été bien incapable de vous déclamer sans hésitation les derniers vers à la mode du jeune poète Villon, mais elle savait distinguer le A du B. Elle avait appris toute jeune avec le curé de Mayenne, qui venait souvent visiter sa maman, laccorte Léocadie Bernouilli, lorsque son papa, Gouesnel Gazélec, sen allait vendre ses cochons à la foire de Ploudalmézeau ou dailleurs. Après avoir demandé à la petite daller jouer dehors, ils restaient ensemble un long moment sous le baldaquin, puis le curé, tout rouge, bien essoufflé et fort radieux la prenait sur ses genoux et lui apprenait les lettres. Mais baste, on séloigne du sujet.
Vous ais-je dis que Praséodyme avait reçu un message ? Oui. Le plus fort, cest quelle en avait à peu près compris le sens, bien que la pauvre fille ait été dotée par le Très-Haut dune comprenette à combustion particulièrement lente. Bienheureux les simples desprit, dit-on. Sur ce plan là, Praséodyme pouvait probablement prétendre à la béatification.
Un message, je disais. Que Praséodyme avait reçu. A en croire le contreseing, il émanait dun membre dune famille avec qui Praséodyme avait déjà eu à faire. Des ytaliens, Cuerdeleone ou quelque chose comme ça. Praséodyme navaient rien contre les ytaliens, pour preuve, elle avait brigandé naguère avec profit un évêque ytalien, qui avait même tenté de la convertir dans sa religion. Un homme charmant, à qui elle avait dailleurs laissé la vie sauve. Du moment que ces Cuerdeleone la payaient pour louvrage quelle aurait à faire, elle se moquait bien quils fussent ytaliens ou berrichons. Et en fait, elle ne pouvait pas saquer les berrichons, de méchantes gens et âpres au gain.
Ce message vous vous souvenez, celui adressé à Praséodyme la conviait à retrouver la bande dans un lieu quelle ne devait poinct ébruiter, sous peine de risquer les pires sévices corporels. On aurait de louvrage pour elle, à la mesure de ses compétences. Praséodyme disposait effectivement de quelques talents, que certaines fines gueules jugeraient non sans raison rudimentaires, certes, mais que serait le Monde sans sa base ? Le rendez-vous était donné dans les bas-fonds, au beau milieu dun entrelacs de ruelles sordides, bordées de maisons aux murs lépreux et aux façades borgnes. Une ambiance certes un poil stéréotypée - il y a malgré tout des conventions à respecter, mais apte à faire peur à la plus courageuse des canailles. Ceci dit, Praséodyme était totalement dépourvue dimagination, et de ce fait, elle ignorait la peur.
Parvenue au lieu indiqué, une sombre bâtisse à moitié en ruines, aux fenêtres barrées de planches, fermée dune porte dont le bois paraissait complètement vermoulu, Praséodyme savisa quun mal-intentionné aurait pu tenter de lui tendre un piège, dans le but de la détrousser, de létriper, ou pire encore, de lui voler sa vertu. Elle réfléchit un moment, puis se dit que cette dernière éventualité nétait que relativement peu probable. Restait les autres. Elle tenta alors déchafauder un plan subtil pour déjouer la chausse-trappe. Une fois son plan bien arrêté un plan simple, mais efficace, elle se campa devant la porte, la fit voler en éclats dun coup de botte bien appliqué, et se mit à beugler à ladresse de lobscurité :
Ho là ! Ya quinquin, là-dedans ? Cuerdeleone ou qui que tu soye, sors ici montrer un peu ton vilain museau, quon voye à voir à quoi que tu ressembles !
Elle attendit, aux aguets, la main sur la poignée de sa miséricorde.
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I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverqu'e !