Enjoy
- Au milieu des rires gras, la bière de la fange s'écoule sur leurs lèvres graisseuses. Les paluches titillent les antres des ribaudes dans des soupirs propres au stupre. Spectacle habituel où le chaland s'adonne aux plaisirs de la chair au sein de la ruelle crasseuse. Malandrins s'approchent pour guetter le haut de panier de crabes. Piques et Corleone tendent leurs pinces. La fumée embaume la cour d'un parfum de cochon grillé qui se mêle aux effluves putrides. De quoi faire chavirer les narines des invités ou des incrustés et leur faire omettre la bassesse de leur présence en ce lieu de débauche. La décadence résonne dans son esprit qui s'aiguise les sens devant le tableau offert par la trombine de l'arsouille. Ce dernier use d'une verve léchée, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Rebelle et charmeur. Si son palpitant n'était pas enchaîné par des fils de fers écorchés, elle se laisserait presque prendre au jeu. Pas celui du couteau. Un bien tout autre. Et quand sa demande est assouvie, c'est la lame de son vis-à-vis qui surgit, fend l'air et se plante dans la table. Surprise. Il est rapide comme la mort est brutal. Visiblement son désir n'est pas de se complaire dans des divertissements sanglants. Ses doigts rescapés remontent tout doucement vers le manche du coutelas, elle le sort du bois meurtri. Sa cadette frôle son giron, impétueuse et désapprobatrice. Sa mine affiche un air penaud suite à ses dires. A la base, le couple avait songé au cimetière de la cour des Miracles. Cela aurait pu donc être pire.
La mustélide se contente de les gratifier d'un sourire amusé. Qui s'éclipse à la vision de la nobliote. Elle fait figure de mauvais présage. Et ne tarde pas à montrer ses intentions. La Corleone s'avance vers elle menaçante, lame pointée, puis au dernier moment elle retourne le coutelas pour le rendre à son propriétaire. L'envie la pique au vif d'user encore une fois de propos acerbes à l'attention de la blonde. Mais les événements ne lui permettent pas. Une ancienne connaissance venait de traverser la foule. Son passé d'Angevine la suivait à la trace comme une odeur nauséabonde. Berthe, la paysanne venait de faire son entrée d'une manière remarquée. Haussement de sourcil de circonstance. Et puis voici la venue, qui était parmi les plus attendues, celle de la mauvaise Grayne. Affublée d'un effort vestimentaire certain, elle serait presque présentable, et d'un mouton à l'allure « piquement » délurée. Bien qu'elle est réjouie, un détail la taraude.
L'archipoète n'a pu venir ? Et Laell est...
La mustélide se tourne brièvement à la recherche de sa moitié. Il est fort aisé de la retrouver à dire vrai. L'italienne se tient jamais bien loin d'un tonneau. L'alcool est un fléau qui lui causera un jour sa perte. Satisfaite d'avoir raison, elle la pointe du doigt.
Je remercie les Piques d'avoir répondu à l'appel.
Dit-elle sachant pertinemment que l'invitation n'était rien d'autre qu'un ordre. Et même si elle avait un litige avec une noble travestie. Son respect à l'égard de leur notoriété et de leurs membres était indéfectible. Cette réunion était presque cordiale puisque les apparences survivent à grand renfort de sourires hypocrites et de paroles creuses. Toutefois, elle allait être entachée par la vinasse sirupeuse qui éclabousse les nappes trop blanches. Cette piquette prenait le nom d'Hippolyte ou de Marie-Eustache pour les intimes. Fermentée dans le fût des déserteurs et mise en bouteille à la fourbe. Froncement de museau, son sang bouillonnant dans ses veines lorsque la « garçonne » lui adresse un bref « S'lut Joy ! ».
Parmi le petit groupe, une forme de complicité prend ses aises dans un fauteuil en plumes de canetons. Ainsi donc la transfuge était désormais des leurs. La mustélide ne la blâmera pas, vu qu'elle lui avait conseillée un soir cette troupe. Mais la 'Stache n'avait pas tenue sa parole. Et pour les membres de la famiglia c'est presque un crime de lèse-majesté. Certes, Hype devait à la base servir de chair à canon à son insu. Lorsqu'ils se trouvaient en Bourgogne afin de savoir si les armées étaient belliqueuses envers les passants. Finalement, appréciant sa folie et sa relative discrétion, elle fut épargnée. A la place, une donzelle qui ferait pâlir les catins les plus assidues endossa ce rôle peu enviable. Qui d'ailleurs arriva à arracher un baiser à la recrue Palmée en échange d'une bière. Triste. Et en guise de dénouement, ni l'une, ni l'autre de leurs pions n'eurent à avancer sur l'échiquier. A la place ils se mirent à jouer aux cartes. La Reine tomba sur le tapis de jeu. Leur nouvel ordre était de guerroyer et devenir des valets. Hier encore avec le Fou, désormais avec le Roi. Du pain et des jeux s'entremêlent toujours pour se jouer d'eux. Corvéables mercenaires italiens.
La déserteuse repart aussi vite qu'elle est apparue. Muselée y a encore deux minutes, la Fougueuse se cherche une cible pour se décharger les nerfs. Ses onyx transpercent Victorine. C'est une victime toute désignée. Jaugeant son attitude aux côtés de l'Arsouille.
Souille pas ses chausses en voulant marquer ton territoire.
Le ton est froid. L'invective cesse. Fauchée par le bruit d'une des tables qui se vide de son contenu. L'auteur de ces méfaits lui hérisse le poil. La malédiction ambulante venait de déposer une ultime goutte d'ire dans une coupe pleine. Bien qu'elle connait les conséquences de ses actes. Et afin de ne pas écourter la déjà longue vie de la marmaille fautive. La mustélide se retourne vers sa blonde « favorite » pour déclamer un discours véhément avant de prendre congé.
J'ai un compte à régler avec toi, la Vic'.
Mais après la cérémonie,.Cela va faire désordre de voir trôner une alliance sur mes mains ternies par ton sang. Et la vue d'une des convives défigurée. Quoique je suis tellement douée que je serai capable d'embellir ton hideur à coups de poing.
Mauvaise foi manifeste. Glaciale. Le litige ne prenait pas place six pieds sous terre. Loin de là. Sa traîtrise avait semé les premières pousses, le temps les avait entretenues. Puis la Macdouggal-Corleone claque des talons, non sans avoir affiché un timide sourire à l'attention du caneton et de la mauvaise Grayne. D'une démarche pressée, elle bouscule 'Lyte. C'est totalement gratuit. Elle attrape à la volée le mouflet par le colbaque, et le traîne violemment. Son aversion envers l'engeance pullulante ne souffrait d'aucun défaut. Et même si de temps à autre, elle cédait aux caprices du Mal', bien souvent elle était à l'origine de ses déboires. Instigatrice de l'épisode gelé d'un marmot entrain de bleuir sur un appui de fenêtre. La mustélide n'en démord pas. Le mouflet survole le pavé de gré ou de force, le tissu l'étranglant sans doute au passage. La Fougueuse embarque un tabouret et se dirige avec celui qu'elle ne peut voir en peinture jusqu'au pilori. Elle lui installe un piédestal à sa mesure, lui demande pas son avis et l'enserre au carcan sans états d'âmes.
Tu l'as mérité !
D'un pas rageur et déterminé, elle s'avance vers les tonneaux. Regarde brièvement les gens en pleine conversation, se sert une pinte et revient vers Maledic qui siège au pilori. La mustélide fait une furtive oeillade vers la Matriarche. Puis pince le nez du mouflet, attend qu'il ouvre la bouche et lui fait écluser la boisson alcoolisée. Interrompue par quelques moments de courts répits. Il ne faut pas qu'il s'étouffe. Une bonne partie du contenue est ingurgitée, elle repose la chope bruyamment sur la table. Puis elle monte sur cette dernière. Ses iris se posent sur l'ex-Rasée bien mieux vêtue.
Mira ! Quand tu auras fini de vouloir lécher la glotte de Baile, tu me fais signe !
Elle claque des mains d'un air « Il serait temps d'y aller », redescend dans un petit saut et s'approche de Maledic. Les yeux menaçants, le son de sa voix se fait dur et cruel. Y a que ça pour le calmer. Bien qu'avec la bière, il doit être bien comme il faut. La tortionnaire le libère enfin en n'oubliant pas de lui donner la consigne de se tenir tranquille.
Mais le connaissant...
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