Maiwen
[Quelque part en France, Automne 1456]
Le jeune adolescent ferait pitié à voir, s'il était vu. Il se tenait debout, apparemment inconscient, ayant poignets et jambes solidement attachés au moyen de grandes et lourdes chaînes.
Entièrement nu, les cheveux assez longs pour être sérieusement emmêlés, Maïwen était si sale qu'il semblait ne pas avoir eu l'occasion de prendre quelconque bain depuis plusieurs mois. Il ne ressemble alors en rien à l'adulte apparemment posé qu'il est aujourd'hui.
D'innombrables blessures marquaient son corps de jeune pubère. Chacun de ses bras étaient couvertes d'entailles qui cicatrisaient visiblement très correctement; trop correctement. Quelqu'un se chargerait-il de veiller sur ses blessures tout en le laissant enchaîné ?
D'innombrables traces de fouets venaient marquer de toute part sa peau, rendant la dernière hypothèse paradoxale.
Mieux vaudrait ne pas parler de son visage; mais ce serait omettre quelque chose d'essentiel. Il était rouge. Immaculé de sang. On ne pouvait même pas distinguer son visage.
C'est dans cet état que le jeune homme ouvrit les yeux. Il ne paraissait pas surpris d'être attaché dans ce qui semblait être un sombre cachot. Il semblait juste être dans un grand état de lassitude, comme s'il n'avait pas dormi, comme s'il était mourant. Mourant, il l'était, certainement. Pourtant il a l'air vivant.
*Vivant. Oui ... Je suis vivant. Encore.*
Sa respiration était lourde et saccadée. Du sang coule de sa bouche.
*Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter pareil traitement.*
Des souvenirs s'entrechoquent dans ses pensées, sans qu'il puisse faire la différence entre ce qui était réel et ce qui ne l'était pas.
*Je suis fou.*
Il se souvenait distinctement d'une voix, grave et profonde, qui résonnait dans son esprit. Une voix puissante. Une voix avec l'intonation de ceux qui sont habitués à qu'on leur obéisse sans réfléchir. Une voix rassurante.
Une voix mauvaise, qui lui indiquait le mauvais chemin.
Oh non, il ne doit pas, partir. Ici, Malcolm est là. Malcolm, son sauveur. Malcolm, le seul qui comprend ses besoins. Etait-il réel, est-il réel, ne l'est-il pas, ne l'est-il plus ?
La douleur. Bon Dieu, ce que ça fait du bien. Qu'est-ce que ça fait du bien de se sentir ... En Vie ! Qu'est-ce que ça fait du bien de pouvoir faire différence entre l'imaginaire et le réel.
Car la voix, sans aucun doute, n'est pas réelle. La voix, il ne doit pas l'écouter. Seul Malcolm sait ce qu'il doit faire. Il doit lui dire ce que veut la Voix. Et lui, se charge de la faire taire. Seul, désormais, il ne peut survivre.
*Je ne suis pas fou.*
La Voix est bonne. Depuis son enfance, Elle le guide. Elle le sauve. Qui est-il, à entendre des choses qu'il est le seul à être capable d'entendre ? Aucune façon de le savoir. Mais il est Quelqu'un. Et la Voix, assurément, était quelque chose d'autre. Comment pouvait-il en être autrement ? Il n'avait aucune emprise sur elle. Elle dit ce qu'elle Veut, quand Elle le désire où le trouve nécessaire. Et lui n'a aucune emprise sur elle. Toujours, il doit se plier à ses demandes. Toujours il l'a fait, toujours Elle l'a remercié en lui apportant son aide.
*Toujours ? Qu'est-ce ce toujours auquel je pense ?*
Réfléchir ... Depuis combien de temps était-il ici, enfermé dans ce cachot...
*Cachot ? Je suis vraiment enfermé dans un cachot ?*
De toute évidence, il commençait à se rendre compte de l'étrangeté de la situation dans laquelle il était. Après le réveil d'un sommeil sans rêve, le retour à la réalité fait mal. Sa tête tourna, s'habituant à la pénombre il commençait à pouvoir distinguer les lieux.
*Bon Dieu mais qu'est-ce que je fais là ?*
Réfléchir, à nouveau. Sans conclusion possible. Etait-ce Malcolm qui l'avait attaché ? Pourquoi aurait-il fait cela ? Il ferma les yeux, pour mieux réfléchir.
Souvenirs ... Des cris de douleur. Des cris de peur. Des cris de haine et de rage. La Voix. La Voix qui lui ordonnait de partir. De partir de cet endroit où il n'avait pas sa place, où personne ne le comprenait. Où personne ne pourrait jamais le comprendre. Est-ce lui qui crie ? Est-ce quelqu'un d'autre ? Est-ce un groupe de personne ?
Souvenirs ... Ses pas qui le conduisaient rapidement vers la sortie. Une force magistrale qui le soulève pour le jeter à terre . Un couteau, qui plusieurs fois entaille sa chair pour y laisser une glaciale empreinte.
Pour l'endormir, ou le réveiller ?
Souvenirs ... Le vide. Qu'est-ce qu'il est bon, le vide. Ce moment où l'on ne sens rien. Ce moment où l'on ne se sent pas vivre. Ce moment de liberté absolue. Comme si on volait. Plus haut qu'un oiseau. Plus vite qu'un oiseau.
MAÏWEN. QUITTE CE LIEU. MAINTENANT.
La Voix, qui résonne dans ce Vide. Qui vient lui rappeler la réalité. Qui vient lui rappeler qu'il ne peut pas rester dans cet instant de bonheur absolu.
La Douleur, qui irradie alors tout son corps. Comme d'habitude.
Nuit. Ou Réveil. La force d'un fouet contre sa peau. Dur, comme réveil.
Le torturé était recroquevillé à même le sol, portant encore une robe complètement déchirée dans le donjon dans lequel plus tard il serait enchaîné.
Nouveau cri de douleur. Qui sortait de sa bouche, assurément. Nouvelle glaciale marque contre son visage et son torse mis à nu. Sa rode de Fidèle semblait lui avoir été enlevé.
Nouveau cri de douleur. Il était en vie, il était vivant. Un "merci" sortit de ses lèvres, en murmure pour celui qui une nouvelle fois l'avait sauvé. Mais pourquoi continuait-il à frapper alors qu'il était réveillé ?
- JE SUIS RÉVEILLÉ.
Ses mots sortirent de sa bouche, comme une imploration. Comme un pitié. Mais la danse continuait. Se débattre ? Même pas la peine d'y penser. La douleur irradiait et immobilisait tous ses membres.
Une douleur lancinante, au niveau du visage. Un coup de fouet ? Non. Un coup de pied. Nouveau cri de douleur, plus étouffé cette fois. Du moins il en avait l'impression.
La dernière chose qu'il entendit avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience la plus totale fut ce qui semblait être des ricanements.