Enjoy
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Le jour du départ. L'organisation est sans faille, il s'agit des Corleone et non de sombres individus. Leurs silhouettes s'effritent dans l'obscurité de la nuit. Les souffles s'allongent, les palpitants se gonflent de sérénité. Les voici, désormais au calme. La mustélide accaparée par sa contemplation en oublie presque de suivre le reste de la troupe. Ils se faufilent comme des anguilles à travers les gens d'armes assoiffés de sang. Le leur. Pupilles dilatées, les sens aux aguets. Elle prend le chemin de leur nouvelle destinée offrant quelques sourires timides à son épouse. Puis elles se séparent à juste quelques lieux des remparts de Castelnaudary. Ces quelques minutes représentent un déchirement. Et surtout une aubaine pour les rôdeurs. Elle le sait. Force est de constater que plus on songe à une chose et plus il y a des chances qu'elle se produise. Ce fut bel et bien le cas. A peine le temps de tourner la tête que deux hommes fondent sur elle. La mustélide ne peut dégainer et se sert de ses poings. Seulement l'effet de surprise est en leur faveur. Ils la ruent de coups et la laissent inanimée dans un champ. Ses onyx fatigués et son esprit embrumé arrivent tout de même à discerner la trogne d'un des deux comparses. Ils se gargarisent de leur butin. Un écu et quelques denrées. Rien de bien affriolant. Même si la douleur est présente, elle n'émet aucun son et reste digne. Si l'un d'eux tente d'assouvir des instincts primaires, elle lui tranchera le vit de sa dague dissimulée. Finalement, les coupeurs de bourse s'éloignent et l'abandonnent auprès d'un épouvantail qui la toise d'un air inquiétant.
Les heures passent. La Fougueuse recouvre difficilement ses facultés et se traîne jusqu'à un passage dans les murailles de la cité. Sa démarche, d'habitude si féline, est mal assurée, pénible, pataude. Sa chevelure organisée n'est que chaos et des mèches s'égarent devant ses yeux. Serrant les dents, la Corleone achève sa descente aux enfers dans un bouge repéré lors de leur première visite.
...
Dans la nuit, la ville tombe. Le lendemain, la famiglia s'affaire. Des nouvelles circulent. Une armée toulousaine a pris d'assaut celle stationnée à Muret. Ses lippes se fendent d'un croissant de lune. Qui s'étire d'autant plus au fil des heures. La populace exige des explications. Le Comte en donne tout en hésitant pas à calomnier. Encore une fois, un régnant se moque de ses ouailles. De toute façon, les fautifs ce sont les électeurs et non les élus, ils ont qu'à mieux choisir. Ou bien montrer l'exemple. Un vélin, avec en filigrane des armoiries, est aussitôt noirci pour rétablir la stricte vérité.
Citation:
- Au triste peuple Toulousain,
Aux gueux, aux gueuses,
Aux saltimbanques de la défense,
Aux couards, aux nobles,
Au Roy & à la Reyne,
Saluti !
Que les incultes se rassurent, nous leur offrons la foi et même un crédo. Celui des Corleone et de la Spiritu Sanguis. Lorsque vous lirez ceci, agenouillez-vous devant la splendeur de nos écrits. Et édifiez une statue à notre effigie.
Les autorités comtales vous mentent mais ceci n'est pas une nouveauté. La prise de Castelnaudary n'est rien d'autre qu'une preuve accablante à l'encontre du couple royal. Ceux-là même que vous chérissez et pour lesquels vous avez pris les armes afin de faire couler le sang de vos voisins. Vos bergers ne sont que des loups et vous rien d'autre que des agneaux apeurés. Contrairement à ce que veut bien vous faire croire votre Comte, nous ne sommes pas à la solde de l'engeance consanguine et illettrée surnommée Namaycush. Nous sommes nos propres maîtres et désormais le resterons à jamais. La Reyne Agnès de Saint Just dict Gnia ainsi que son époux le Roy Eusaias Blanc-Combaz ont jugé bons de se jouer de nous. Ils veulent asservir la noblesse du crime pour en faire leurs chiens.
Au début, l'appât du gain nous a piqué au vif. Et face aux belles promesses de la Galeuse nous avons accepté de passer au fil de l'épée les acoquinés de la croix en Bourgogne. Hélas les compensations n'ont jamais germées autre part que dans nos esprits. La Reyne n'a pas daignée répondre à nos missives notamment lorsque nous réclamions aides et assistances pour porter préjudice à l'alliance de Navarre. A la place, nous n'avons eu que l'expression d'un profond dédain. Si bien que nous avons lancé un ultimatum à Son Altesse qui resta lettre morte. N'ayant plus de compte à leur rendre, nous nous sommes désengagés pour recouvrir notre précieuse liberté. Ainsi notre serment de non agression envers les vassaux du Roy ainsi que le Domaine royal venait d'être levé. Nous nous sommes empressés de donner une réponse sans équivoque à la couronne. En résulte, la prise de Castelnaudary.
Ville réputée imprenable. Il nous semble qu'elle est sur-estimée. A en voir la facilité déconcertante avec laquelle nous nous sommes introduits dans la mairie. Seulement deux gardes alors que Castres venait tout juste de tomber. Nous n'avons pas dévalués la force de nos adversaires mais la réciproque n'a visiblement pas été appliquée. Rogner sur les coûts de la défense alors que les coffres sont pleins à craquer, c'est un acte criminel.
Nous vous enjoignons à ne pas nous chercher querelles car il reste trois villes à notre disposition. Le Languedoc a minimisé notre importance, depuis ils s'en mordent les doigts. Vous êtes du bois, nous sommes de l'or. Vous êtes de la laine, nous sommes de la soie. Toute action portant atteinte à l'intégrité morale ou physique de l'un des nôtres sera sévèrement réprimandée. C'est un conseil. Reste à espérer que vous le suivrez à la lettre.
Au nom des Miens & de la Spiritu Sanguis,
*Corleone sauve la Reine...ou non.
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