Plus loin, beaucoup plus loin que les pucelles convoitées de tous et des petites cleptomanes, accroupi à côté d'un pendu qui avait gardé la corde autour de son cou, Chaos souriait de satisfaction. Enfin, il allait ce pourquoi il était venu ici, où les gens disparaissent pour ne jamais revenir, et où personne n'y prête attention.
Les superstitieux disaient que les cordes utilisaient pour les pendus portaient bonheur, ainsi que leurs os. Beaux mensonges des bourreaux qui ne pensent qu'à s'enrichir sur le dos des brigands et autres hors-la-loi, mais dont tout le monde jurait que c'est la vérité. Et le jeune homme ne faisait pas exception : il avait la corde, mais il fallait encore retirer les os ; chose qui n'était pas si aisée que cela puisque les seuls anatomies qu'il a étudié, c'est celles de ses anciennes compagnes -pas si nombreuses que ça-, celles de ceux qui ont goûté à sa colère, et la sienne. Combien de lame s'était-il déjà pris dans le corps, qu'elles le transpercent ou ne font que lui couper la peau, n'entaillant que légèrement la chair ?
Mais il n'abandonnait pas si facilement. Il apprendrait sur le tas, comme pour le brigandage. Pas besoin d'aide, il était trop fier pour ça.
Mais un autre problème se posa : un bon ouvrier a de bons outils. On a jamais vu un juge sans tribunal, un curé sans sa croix, un noble sans son blason, une maquerelle sans catins, et encore moins un boucher sans couteau. Chaos n'avait qu'une paire de tenailles dont les dents étaient, certes, pointues, mais pas idéal pour couper un corps.
Au moment où il allait commencer son ouvrage, ses réflexes de brigand l'obligèrent à fouiller les poches trouées de l'ivrogne étendu sur le sol. Rien dans les poches des braies, peut être à la ceinture ?
Chaos commença à tâter la taille du mort, non sans éprouver un sentiment de dégoût de toucher ainsi un homme qui, pour le brigand, n'était qu'une larve sans courage. Ces pensées furent oublier quand il fit rouler le corps pour fouiller dans le bas du dos, et où il trouva la dague que l'homme avait réajusté quand Chaos l'avait interpellé.
Finalement, c'est pas si pauvre que ça, un gueux d'ici, dit il pour lui même, avant de commencer à déchirer la chemise poisseuse de l'homme. Dire qu'il faudra lui retirer les braies... Cette idée lui arracha une grimace.
Le vêtement était maintenant déchiré de telle façon qu'il ne le gène pas dans sa dissection. Maintenant, occupons nous de la colonne vertébrale. Chaos planta, sans la moindre douceur, la lame, juste à côté de la chaîne de vertèbres, avant de remonter l'arme le long de celle-ci. Pour l'instant, pas de problèmes, à part le sang qui venait camoufler la plaie.
Quelques minutes plus tard, la lame fut bloquée par une côte. Chaos commença à forcer, croyant que c'était juste un organe plus dur que les autres, et se souvenu que le torse des gens était tout dur. Y a un os là-dessous ? Apparemment oui. Le chirurgien débutant commença à caresser la peau qui recouvrait la cage thoracique, non pas par plaisir, mais pour s'imaginer la forme de ce qui se cachait là. On aurait dit des barreaux espacées, fixaient aux os du dos, et... Ah mince, sa main butait contre le sol. Il fallait de nouveau retourner le corps, mais c'est qu'il pèse son pesant de bière lui !
Après s'être débattu avec le pendu pour qu'il veuille bien se retourner sur le dos, Chaos se rendit compte que les "barreaux" se regroupaient un peu plus haut qu'au départ : le sternum. Et comment il allait extraire cette masse osseuse, lui qui ne connait que la manière forte ? Bah il allait devoir se contrôler et s'essuyer souvent le front parce qu'il allait suer à grosses gouttes avec cette histoire.
Le brigand commença donc à planter sa dague dans le bas de la cage thoracique pour enlever tous ces trucs "mous qui portent pas chance", comme il le pensait. Il ne fallut pas longtemps pour que le diaphragme, le foi, l'estomac et les muscles abdominales soient réduis en état de bouilli, vaste champ de bataille multicolore et sanguinolent.
Maintenant l'entrée était dégagée, Chaos essaya de voir ce qu'il y avait dans cette cage d'os : des trucs mous ! Rha bah décidément, ça manquait pas dans le corps humain. C'était la première fois qu'il se rendait compte à quel point c'était le bazar là-dedans. Pas moyen d'extraire les os sans être gêné. Une goutte qui perlait sur le front vint se mélanger à la compote d'organes, signe qu'il était temps d'aller un peu plus vite dans cette histoire.
Retroussant les manches de sa chemise, car il ne l'avait pas fait, et donc, ils sont tâchés de sang ; Chaos enfonça sa main dans la cage thoracique, empoignant les poumons gélatineux, et les tira de là, jetant les immondices plus loin, avant d'aller chercher le cur... Et pour ça, il dût posait son coude dans la soupe de la marmite abdominal. Le cur une fois bien en main, le brigand tira d'un coup sec, et l'organe éclata dans sa main. Beurk...
Après avoir agiter une bonne dizaine de fois ses mains dans le vide pour enlever tous ces morceaux cardiaques, il saisit à deux mains l'sophage qui lui glissait entre les doigts, et finit par l'arracher en deux-trois fois. Ce n'était même plus une boucherie, c'était de la science.
Récapitulons l'avancée de cette étude sur l'anatomie des poivrots : cage thoracique dégagée, organes abdominaux en forme de soupe et une longue plaie le long de la colonne vertébrale.
Il restait donc : les membres supérieurs et inférieurs à disséquer, l'autre côté de la colonne à ouvrir, dégager cette infâme bouillie et récupérer les os de la tête. Chaque chose en son temps.
Chaos glissa la pointe de la lame le long du sternum, libérant la peau tendue du torse, et continua son chemin jusqu'à les anneaux cartilagineux du cou. Ouvrir, pas ouvrir ? Telle est la question...
On ouvre, pour la science, le sadisme et la baraka !
Un bon coup de lame dans la gorge, en faisant attention de ne pas abimer les vertèbres dorsales, puis il remonta jusqu'à ce qu'il se rende compte que dans sa soif de savoir, il avait oublié d'enlever la corde. Manquerait plus qu'il oublie ce précieux objet !
Le jeune homme la retira et l'enroula autour de sa taille, fier d'avoir trouver ce qu'il était venu chercher : la chance. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Il avait un squelette de pendu entier et en bon état devant ses yeux. Mais ça sentait fort les entrailles de poivrot, fallait avouer.
Maintenant que le cou était dégagé, Chaos allait pouvoir continuer son ouvrage : il continua d'ouvrir jusqu'au menton, et écarta les pans formaient par la dissection dans des craquements d'os. On ne voyait pas les vertèbres, il commença donc à racler tout ce qui se trouvait dans le couloir en un petit tas de déchets, les empoigna et les jeta plus loin, sur les pavés humides et maintenant colorés de rouge.
Maintenant, le crâne. Il commença par sortir les yeux de leurs orbites, découvrant qu'ils étaient reliés par des petits fils bizarres : les nerfs optiques.
Yeurk ! Laissa-t-il échappé de sa bouche en prenant les yeux dans sa main pour couper les nerfs avec sa dague.
Il restait encore le visage... Comment il allait retirer ça ? Oh et puis il laissera les rats s'en chargé, il en a déjà retiré pas mal.
Ensuite, le bras. Pas compliqué cette fois : il glissa la lame entre la clavicule et l'humérus pour détacher entièrement le bras. Ainsi, il fut plus aisé de le lacérer de partout et d'extirper l'humérus, le coude, le radius et l'ulna.
Arriver au poignet, Chaos coupa net. Il n'avait pas la patiente de décortiquer tous les carpes, métacarpes et phalanges. Et il fit de même pour l'autre bras.
L'instant fatidique était maintenant arrivé. Le moment redouté des âmes sensibles et de la pudeur de Chaos : les jambes... Va falloir lui retirer ses braies au gaillard. Oh et puis zut ! Pas touche à ça, nan mais ! Ça en fera plus pour les rats et les charognards.
Rester donc les jambes, parce qu'il y avait encore trop de chair dessus. Le brigand planta la lame entre la hanche et le fémur, à la manière des bras, et écarta le tout. Une fois le membre dégagé, il ne restait plus qu'à enlever tout ces trucs qui servaient à rien : la peau, les muscles et les nerfs, pour garder l'essentiel : le fémur, la rotule, le tibia, le péroné. Les pieds, on coupe et on empile ça avec les os des bras et des jambes.
Vivement qu'il finisse, ces travaux manuels commençaient à être lassant.
Maintenant, l'homme était démembré. On pouvait presque l'emballer, si il ne restait pas de la chair de chaque côté de la colonne vertébrale. Le jeune homme renversa le corps, déversant par la même occasion l'appareil digestif restant dans l'abdomen, et finit l'incision qu'il avait commençait en découpant le bas de la plaie en longeant la hanche et le haut en longeant les omoplates. Pareil pour l'autre côté. On voyait bien la forme de la colonne vertébrale, même si un chien aurait rêvé de ronger tout ce qui restait dessus.
Enfin la besogne finie, Chaos se redressa, posant ses mains au bas de son dos pour soulager la douleur d'être rester accroupi aussi longtemps. Il retira même sa cape, ne se préoccupant pas de la salir avec le sang sur ses mains.
Et comment je vais transporter ça, moi ? se demanda-t-il à haute voix.
Pour commencer, il empila les os des membres et leurs extrémités sur le squelette, puis eut l'idée d'envelopper le tout dans la cape. Tant pis si ça sentirait la charogne, il lavera le vêtement plus tard.
C'est donc en tenant son précieux à la manière d'un colis que Chaos s'en alla de cette ruelle, laissant les déchets organiques sur le sol, qui feraient le bonheur des rats pestiférés.