Gildo_pizeto
Gildo Pizeto, un des multiples cousins des Pizeto de Macédoine - c'est qu'ils sont partout, ces parasites - trainait à Fribourg sa charrette de fripes et il devisait.
Il se disait lui aussi que Monsieur Bop serait un très bon Porte-Parole ! Et il souriait. Ça pouvait être drôle! Gildo avait limagination bancale et il visualisait la scène : le peuple en liesse, une estrade fleurie, un ruban bleu et un premier discours inaugurant la prise de fonction du nouveau porte-parole...
Helvètes de cur, gens des vallées et des sommets, mes chers amis, bonjour !
Cest avec fierté que je madresse à vous depuis lagora Suisse qui, comme toujours, se prélasse dans de mesquines tractations portées par de pitoyables argumentations.
Je suis heureux quenfin quelquun dintègre, dhonnête - et convenablement vêtu - soit nommé au poste de porte-parole de Madame Gaia... heu...de la Confédération Helvétique... cest pareil de toute façon, il est temps de reconnaître, avec elle, que Madame Gaia EST la Confédération Helvétique !
Je ferai preuve de soumission servile tant qu'on me caressera dans le sens du poil, dabnégation tant que cela ne touchera pas à mon pécule et de courage tant qu'il ne faudra pas se battre. Juvrerai dans lintérêt commun... de mes amis et celui de madame Gaia.
Je mengage à vous rapporter chaque jour, et même plutôt deux fois quune, les douces paroles aux accents teutons de cette personnalité délicieuse et autoritaire, mais néanmoins Helvète de cur.
La trésorerie et les stocks de pierres, de fer et de sel nauront plus de secret pour moi. Je mengage à chanter tous les jours les mandats déchanges inter-cantonaux... hormis les mandats de complaisance que je passerai sous silence, cela va de soi...
Mais que vaudrait ce discours, si je ne vous parlais pas un peu de moi! Cela ne s'est jamais vu et ne se verra jamais.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, sil en est encore, et ça, je ne le conçois pas... ma longue et prestigieuse carrière de fonctionnaire m'a toujours fait honorer une candidature déposée pour peu qu'elle fut grassement rétribuée...
Je poursuis des études de médecine et de questions spirituelles. Jenseigne à luniversité et en tant quintervenant de qualité, et si je mérite largement un salaire de 100 écus, je me contente seulement de 90 par solidarité avec les pauvres. Je suis un "qui s'la pète" généreux.
Jaime profiter avec mes amis du luxe et des plaisirs de la vie. Et Madame Gaia est mon amie. Oui, moi aussi, je suis un peu la Confédération Helvétique. Car je suis riche.
Je n'ai pas compté mes participations à des conseils, parce que cela ne se compte pas en écus et que ce qui ne se compte pas en écus ne mérite pas d'être compté.
J'ai libéré Fribourg et le conseil à moi tout seul par la seule force de mon esprit.
Jaime beaucoup l'or et aussi le jambon.
Je...
Il en était là Gildo de ses constructions oniriques.... et il dut reprendre son souffle car de désespoir, il en avait oublié de respirer. Et comme l'air entrait à nouveau dans ses poumons, il amena avec lui une pointe de révolte. Peut-être alors, un helvète un peu plus lucide que les autres, Gildo lui-même qui sait, crierait dun voix fort lyncheuse :
Menteur! Voleur! Quon le fasse taire! Il saoule!
Et MisterBop répondrait après un court instant.
...
Monsieur ! Que de mots bilieux et ingrats !
Puisquil en est ainsi, amis helvètes, gens des vallées et des sommets, je démissionne.
Je me suis trompé. J'imaginais, avec une réelle conviction, que je pourrai porter la parole et je vous prie dexcuser le peu de discernement dont jai fait preuve et je suis fier et honoré d'accepter ma propre démission de la mêlée Helvète.
Et peut-être la foule commencerait-elle à ramasser des cailloux et à scander :
A poil ! A poil ! A poil !
Sur la place publique, perdu dans ses pensées, le sourire aux lèvres à l'image de tout bon Helvète de cur qui se respecte, Gildo baissa les yeux et chercha une pierre.