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[ RP Ouvert ] Exaucez-moi...

Alphonse_tabouret
L’adonis avait tout d’un funambule lui aussi, longeant un fil ténu, usé malgré son jeune âge , soumis aux vents les plus contraires, et tandis qu’il lui prenait la bouteille des mains, le sarcasme résonnant encore dans la petite chambre, il observa, reléguant la brûlure première occasionnée à ses doigts, le contour de son sourire pincé. Il ne le suivit pas des yeux lorsqu’il disparut de son champ de vision, laissant les sons faire office de fil d’Ariane entre ses sens et son imagination, toujours appuyé au dossier du fauteuil où trônait le sphinx quand sa voix retentit, égrenant les mots, jetant les à propos sur les mystères encore orchestrées par le silence de leurs identités respectives.
Avec qui trainait-il ce soir, au juste ? Qui se cachait derrière ces masques qui se fêlaient lentement dès lors qu’ils avaient quitté la tablée des joyeux soiffards au rez-de-chaussée, accompagnant de leurs déchirures, les lacérations de celui de l’Anaon ?

Il eut un rire léger, fantomatique, de ceux qu’il dispersait naturellement lui qui au fond, était si peu enclin à rire à gorge déployée en dehors du regard acéré des circonstances, en entendant le Criquet, ses onyx courant dans les cheveux bruns de Madeline, dont le sommeil jusqu’alors foudroyant et apaisé, semblait plonger dès les méandres du cauchemar ou de la réalité… Il se redressa enfin, jetant un coup d’œil au blond qu’il trouva derrière lui, avachi sur le lit, se prenant à penser louvoyer à ses côtés, l’œil un instant noyé à sa gorge, avant de s’en éloigner, égrenant un regard gourmand sur la lèvre fendue quand le jeune homme ponctuait son improvisation d’un rire alcoolisé.


-Vous me flattez, fit-il dans un sourire amusé, dont la courbe moelleuse s’etira dans un soupçon d’insolence. Cela dit, quand bien même aurais-je l’envie d’une ligne droite que je me verrai obligé de la contrarier… L’empreinte du Chaos courait dans ses veines aussi surement que le désir, et il poursuivit, butant sans s’en rendre compte sur le nom de la divinité, un instant lui aussi rattrapé par les lueurs détrempées de Paris qui vacillaient à la fenêtre où se tenait la brune … et l’Aphrodite a tout d’une maitresse exigeante, conclut-il d’une voix doucement absente, s’éloignant volontairement du lit , rejoignant la catin, le félin feulant de pas aller trouver la chaleur au flan de l’adonis, le fauve ronronnant de l’exquise tension de ces corps qui se cherchaient depuis la brulure de leur baiser et qui se contrariaient à s’éloigner.

"Si chaud... Vous ne trouvez pas ?" demanda la jeune fille en regardant son reflet déformé dans la vitre qui lui faisait face.
-Terriblement, admit Alphonse chassant la larme sur la joue d’un geste lent, lui adressant un sourire réconfortant avant d’ouvrir la fenêtre. L’air frais et humide les enveloppa brusquement avant de se dissoudre plus discrètement dans l’atmosphère confinée de la chambre. La morsure de la prune, et l’euphorie du vin délaissaient ses nerfs lentement, et tandis que le voile de cette ivresse chérie, qu’il ignorait encore salvatrice, semblait quitter son regard, il s’attarda un instant dans la contemplation de ces toits sales et ruisselants qui pailletaient étrangement dans le moindre reflet qu’ils saisissaient. Il détourna la tête, conscient que le rideau tombait, qu’il n’était plus assez saoul pour se pelotonner au creux de cette étrange fratrie d’un soir, lui, qui fuyait la nuit et son partage avant, et encore plus maintenant. Avant notre venue, rien ne manquait au monde, Après notre départ, rien ne lui manquera (*). cita-t-il, presque tendre, dans un sourire ou la fatalité se disputait à l’ironie, avant de se retourner, gardant un instant Madeline à ses côtés, la Sainte toujours avachie à quelques pas, et Valtriquet en point de mire, brulure neuve dans l’iris sombre, proie désignée par ses déviances, butin nocturne affamant ses sens, avant de faire un pas vers le centre de la pièce pour rejoindre l’Anaon, et s’accroupir à sa hauteur.

Il resta là, quelques instants, sans plus bouger, s’attardant sur les yeux clos dont le frémissement discret reflétait juste l’apaisement tronqué de son visage, sur ce corps détendu quand il avait si nerveusement jonglé dans la salle du bas. Rencontre hasardeuse dont il ignorait jusqu’au prénom, duelliste fauchée avant même la fin du combat, et désormais trop loin d’eux pour nommer le souvenir qui s’insinuait déjà entre ses tempes… L’Anaon emportait ce soir la partie par K.O technique.


-Faites de beaux rêves, chuchota-t-il enfin en se relevant, lui confiant ces mots au nacre de l’oreille avant de s’adresser aux deux derniers acteurs de cette comédie dramatique, une fois déployé dans toute sa hauteur. Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte disiez-vous ? Il sourit au Criquet tout en se dirigeant vers Madeline dont il déposa un baiser sincère sur la joue avant de mener ses pas vers le lit où l’Adonis restait, venant prendre à son contact une dernière audace, une dernière brulure avant de retrouver les draps glacés de sa chambre, un souvenir pour le réchauffer jusqu’aux lueurs de l’aube… Sa dextre cueillit la mâchoire du Criquet et ses lèvres imprimèrent aux siennes un baiser prompt, mais marqué, la douceur écorché de la chair de l’Adonis venant saler ses sens… Il n’y a plus qu’à espérer qu’elles se retrouvent aussi… conclut-il dans un sourire narquois en se redressant, disparu imminent de la représentation.



(*) Omar Khayyâm
_________________
Valtriquet




L'heure tardive qui bataillait entre chiens et loup, refusant de céder à la nuit ce que le jour quémandait de plein droit, tout comme eux quatre, acteurs ponctuels d'une représentation dont ils fabriquaient pièce par pièce le costume d'arlequin sur une trame sans fin dont le dernier fil cousu main verrait le rideau se refermer, rendait le blond somnolant, baigné dans l'accueillante ivresse d'une douce torpeur.
Un sourire encore présent sur son visage d'albâtre, il suivait les déplacements du brun, félin, ses pensées martelés par les derniers mots qu'il avait prononcé, leur trouvant l'air mystérieux d'une énigme à déchiffrer.
Et tandis qu'une brise légère faisant dissoudre dans l'air l'atmosphère lourde et confinée de la pièce, son esprit, encore jeune mais habitué aux chemins les plus tortueux, se libérait peu à peu des vapeurs du liquoreux pendant qu'Alphonse passait d'une fleur à l'autre, dispensant le parfum de ses mots tout comme la subtile odeur musquée de sa peau.
Qu'il finisse sa représentation s'approchant de lui avant de quitter la scène de l'étonna pas. N'était-ce pas ainsi que cet épisode avait commencé, quand lui même avait posé son regard sur le brun attablé? La boucle était bouclée, le dernier cran ancré ceinturant le dernier acte.


Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte disiez-vous ?

Le sourire s'étira sur les lèvres de l'éphèbe en entendant ce rappel dit avec élégance avant que la bouche du brun ne vienne plaquer un prompt baiser sur la sienne, ravivant le souvenir du précédent qui s'étiolait à peine. Il n’y a plus qu’à espérer qu’elles se retrouvent aussi…

Comprenant le subtile message les émeraudes de Val plongèrent dans l'infinie couleur sombre des onyx, tandis que sa dextre se portait à sa joue, l'effleurant délicatement. Puis détournant à regret son visage il se leva lentement parcourant les quelques pas qui le séparait des deux femmes. Sur le cou dénudée de l'une, il déposa un chaste baiser, cueillant au passage une fleur fanée qu'il accrocha à sa chemise au col tacheté pour garder le souvenir de cette rencontre.
Penchée sur la belle endormie ensuite, la bouche de l'adonis effleura le souffle apaisé et dévia sur le sourire agrandi pour y laisser la légèreté d'un dernier hommage de ses lèvres à peine appuyées.


- Mes dames... cette soirée marquée par votre charme fut un agréable moment dont je garderais un souvenir très présent.

Embrassant une dernière fois la chambrée, Val s'en détourna pour rejoindre le brun dans l'encadrement de la porte, avant que celui ci ne disparaisse de sa vue.
Se rapprochant de lui au point que leurs torses se touchaient presque, il lui murmura dans un souffle en revenant sur sa citation :
Avant votre venue, rien ne manquait à mon monde. Après votre départ j'ai bien peur que ce rien lui manquera...
Dans un dernier défi, le jeune blond approcha un peu plus ses lèvres, résistant à la tentation de happer la bouche gourmande et se retira lentement avec un sourire impertinent. Il se recula encore de quelques coudées, prêt à prendre le large en jetant négligemment sa veste sur son épaule et sourit au brun.

Si je vous devance
N’y voyez aucune impertinence
C’est pour mieux vous retrouvez
Le jour où vous y attendrez le moins
Et vous rendre ce baiser
Volé à l’ombre d’un recoin..


La silhouette élancée disparue dans le sombre couloir, sans que le brun puisse voir sur le visage de Valtriquet l'esquisse d'un sourire triomphant.
On se reverra. Sois-en sûr...


Anaon

    Où est l'Anaon ? Perdue, entre deux eaux. L'esprit en proie à une chute libre interminable. L'inexplicable sensation d'apesanteur mêlée à l'adrénaline du vertige qui soulève les tripes. Un toucher de coton. Un souffle contre son oreille qu'elle ne sent presque pas. La conscience a plongé à nouveau sous ses flots de limbes tissées d'alcool et de drogue. Elle entend les pas qui s'éloignent, étouffés, comme à travers un mur d'eau de plusieurs mètre. Son cerveau ne réagit plus. Un toucher de velours. Douceur de la chair contre sa joue. La conscience papillonne de ses paupières satinées. Les ailes de chair se déploient sur deux perles d'anthracites liserées d'un bleu qu'on ne voit presque plus. Elle voit une silhouette éblouissante qui se dérobe comme un flash dans sa rétine. Ils sont... partis ? Et la catin ? La balafrée veut tourner la tête pour chercher la Fleur du regard. Sa tête est une boule de plomb. L'effet psychotrope décuple ce geste anodin et elle a l'impression que son mouvement s'étend sur plusieurs mètre. Tournis. Les yeux se referment. Elle n'a pas vu si la brune était là. Une vague de plaisir l'assaille soudainement. Et puis au final... elle ne s'en soucie plus.

    Première étape de l'accoutumance passée. Il peut maintenant venir le temps de l'ascension mirifique. Elle arrivera à se trainer jusqu'au grand lit où elle ne bougera plus de la nuit, oscillant entre état de conscience aiguë et délires paradoxaux. L'esprit pris dans les ressacs d'une tempête au goût de prune et d'ipomée. Englouti par la houle avant d'être recraché comme un cadavre sur les galets de la réalité. Elle verra des fresques éclatantes se dérouler sous ses yeux. Des visages aussi lumineux que des soleils lui sourire de leurs dents étoilées. Elle verra les êtres de cette soirée lui tenir encore compagnie alors qu'ils ne sont plus là. Et puis, comme un écueil au milieu d'un rêve, le monde s'imposera à nouveau à elle. Elle sourira, de sentir son corps gourd et mort. Ses muscles qui ne répondent plus quand son esprit les commandent. Paralysée. Emmurée vive dans sa propre enveloppe. Terrifiante sensation la première fois. Mais toute peur libère son adrénaline. L'adrénaline est une drogue qui fait apprécier les plaisirs les plus malsains ou les plus macabres. Malade. Ses doigts ne veulent pas se plier. Sa main ne veut pas se lever et derrière les parois de son visage impassible, elle rit. Excitante impression de mourir alors qu'une partie de son esprit s'acharne comme un condamné à faire trembler sa tombe de chair. Puis à nouveau, elle sombrera.

    Elle verra ses mains se nouer amoureusement dans une chevelure de jais. Elle en soupirera de plaisir avant d'en étrangler son porteur. Elle enlacera le néant en hurlant de frustration de ne pas réussir à attraper les corps qu'elle désir. De charybde en scylla. De folie en déraison. Fracassée par ses délires jusqu'à ce que le petit jour la retrouve épuisée et plongée dans un sommeil de plomb.

    Elle ouvrira les yeux, le regard aussi désœuvré que la lueur blafarde qui perce à travers la petite fenêtre. L'esprit prendra son temps pour se reconstruire. Pour se souvenir de ses cauchemars et de son paradis... et des visages qui l'ont mené jusqu'à l'élévation. Un comédien, un adonis et une catin. Trio anonyme qui a déjà gravé son esprit d'une stèle de souvenir. Le corps se lèvera un peu, embrassant la pièce pour la trouver vide de toute présence. Pour seul témoin de leur passage, ses cheveux encore tressés et une fleur évanouie sur ses draps éprouvés. Sillage d'une rencontre.

    Elle se lèvera pour partir. Payer au tenancier tout ce qu'elle doit. Retrouver les pavés de la ville et son lot de peines habituel. Mais avant, elle laissera ses azurites trainer sur les murs de la grande chambre en sentant se distiller dans son esprit une dernière pensée pour ceux qui l'ont exaucé.

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Images originales: Charlie Bowater, Eve Ventrue - Proverbe Breton - Anaon dit Anaonne[Clik]
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