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[RP] Le Vert Millau

Aelyenor
RP ouvert à tout le monde. RP basique certes mais qui peut-être instructif aux nouveaux venus. Seuls mots d'ordre : Cohérence avec l'époque, humour, respect de tous et distraction. Bon jeu à tous !


Enfin de retour chez elle. Pas trop tôt. Un mois et demi déjà qu'elle était partie mandatée par le CaC pour vendre ou acheter des produits manquants en Rouergue.

Ce matin-là, elle a comme une idée en tête, trouver un endroit inoccupé, assez vaste pour créer un jardin qui n'appartiendrait qu'à la ville. Vaste programme.

Alors elle s'auto proclame jardinière en chef des jardins de Millau, voilà ça c'était fait, restait plus qu'à trouver l'endroit proche des quartiers animés de Millau. Elle le trouva pas trop loin des rives du Tarn et proche finalement de son logement. Un endroit désuet où les herbes jaunies par le froid se recourbaient comme des jambes de vieille bouffées par les eaux trop froides et la santé par les ennuis.
L'hiver n'aidant pas, ce qui fut probablement des allées fleuries s'ornaient maintenant de mauvaises herbes, les plantes grimpantes avaient envahi les chemins, poussant largement au-delà des larges arches qui leur étaient destinées et les chemins de terre ne se distinguaient plus sous la masse de feuilles mortes et d'herbes folles. Une gloriette dans un sale état brinquebalait dangereusement...tout était à refaire.

Aelyenor ferma les yeux et imagina quelques instants la conception de cet endroit qu'elle voulait terminer aux temps délicats, ces moments printaniers qui vous massaient le battant au gant de velours, les arbres en fleurs, le soleil aussi et les filles commençant à prendre leurs oripeaux en léger...le grand décarpillage quoi. Rien de tel pour faire penser aux gens que perpétuer l'espèce est un devoir pour éviter la chute de la démographie.

Armée de ses fusains, elle parcourut les allées submergées par les herbes folles et griffonna un projet tout en l'exposant à voix-haute.


Devant l'entrée Nord-Est, il faudra tailler un peu les plantes grimpantes et leur redonner une forme, ainsi on découvrirait une belle allée fleurie. Ici, je verrai bien des volières qui pourraient rester ouvertes pour les pigeons voyageurs par exemple.
Par ici voyons voir...tiens un bassin !Il est encore en bon état, il faudra seulement tailler un peu les buissons qui empêchent de s'en approcher. Ensuite, je verrai bien un chemin comme ça, et puis d'autres arches fleuries par ici, des rosiers grimpants peut être, avec des parterres de roses tout au bout, qui donneront directement sur l'entrée Sud. En face, on aurait une gloriette....pfff elle est dans un de ces états... il va falloir la reconstruire totalement ! Ma belle, je crois que tu vas devoir actionner ta forge et remettre à jour tes connaissances dans l'art de la ferronnerie. Pour ce qui est de la taille du bois, ben j'aimerais bien un petit coup de main et si jamais je ne trouve personne et bien je m'en chargerais dans un premier temps. Ah et là tiens, une vue directe sur le jardin des fleurs.




Aely termina son croquis et l'inspecta dubitative en le comparant à l'état du lieu actuel.

- Bon. On va avoir du boulot ! Et puis tiens, j'ai bien envie de demander à Gudrule de s'installer à Millau ! Ma petite soeur chérie ! Elle ne demandera pas mieux que de me rejoindre.

Sa dernière phrase lui arracha un petit sourire farceur...quand ils la connaîtront ici, il y en a qui seront surpris hin hin hin...Elle retroussa ses manches, prête à en découdre avec le parc, le sourire ne quittant plus son visage ravi.
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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Aelyenor
De retour chez elle, elle ouvrit la porte vermoulue de la grange mitoyenne de sa maison et poussa un long soupir.

- Et bien, je crois que nous avons beaucoup de travail à faire. Commençons par la partie ferrailleuse. Les allées et l'abri j'en fais mon affaire.

La forge n'avait plus craché de feu depuis fort longtemps. Elle l'inspecta...les soufflets n'avaient pas souffert et le foyer était propre et intact. Elle versa de l'huile dans un chaudron, alla chercher de l'eau puis alluma le foyer.
Crépitements, léchage, craquements...au bout de quelques instants les flammes, sous l'action du soufflet, étincelèrent. Heureuses sans doute de revivre, les flammèches léchèrent le visage d'Aelyenor comme pour la remercier d'une résurrection impensable. La forge illumina le quartier de Notre Dame de l’Espinasse en un instant et semblait incendier les maisons avoisinantes. Elle déposa d'énormes masses de fer dans l'âtre rougeoyant et en attendant que celles-ci soient à point pour les battre à chaud, rédigea une missive rapide à sa sœur Gudrule.




Gudrule ma petite soeur chérie,

Quitte ton Larzac aride et désolé et accourt à Millau. J'ai besoin de ton aide, enfin surtout de ta force. J'ai un grand projet pour Millau, j'aurais besoin de bras et de soutien dans cette entreprise.

En espérant que ta venue fasse boule de neige et que d'autres âmes Millavoises puissent me donner un coup de main.

Ta grande soeur qui t'aime très fort

Ta Laely


Message envoyé, il ne restait plus qu'à attendre l'arrivée du phénomène...

Elle se rappelle d'un temps pas si lointain...deux blaireaux se chicornant à outrance à l'époque où Gudrule tenait la taverne des Grandes Causses en plein milieu du Larzac. Ces deux-là renversaient tout ce qui pouvait être renversé, brisant ce qui était cassable et malmenant le nom d'Aristote.

Alors là Gudrule elle avait pas aimé. A la limite qu'ils se fracassent la gueule, ça ! Elle s'en foutait, mais invectiver le nom du Créateur ! Diable !
Ce qui devait arriver arriva, Gudrule s'en est mêlée. Juchée sur le comptoir elle frappa à brodequins redoublés dans les ganaches des deux mécréants, des giclées de sang et des volées de dents partirent ça et là, le bruit sourd de ses poings constituant un sauvage roulement de tambour. Et là ! Le jugement de Dieu. Les deux injurieux condamnés à la purée de carottes à vie...
Les causes les plus justes sont celles qui ont le plus de mal à s'imposer, mais elle y était arrivée la petite sœur d'Alyenor. L'un d'entre eux d'ailleurs, en se massant sa mandibule démise lui avait indistinctement soupiré :

" Je crains que votre sex-appeal ne jette l'émoi parmi cette paisible population..."

De cause à effet, depuis ce fameux jour, le Larzac se peupla de plus en plus de bergers. Grâce au bouche à oreille on se radinait de partout pour tenter d'apercevoir, espérer avoir une place assise à la taverne, admirer, s'émerveiller voire connaître le suprême honneur de recevoir une mandale de Gudrule l'atypique...


Elle jeta un regard rempli de tendresse à sa forge, puis d'autres souvenirs rejaillirent. Elle avait appris son métier de forgeronne avec son père, le gros Raoul comme on l'appelait là-bas. Aucun moment de répit. Elle se souvint du premier jour lorsqu'elle lui demanda qu'il lui apprenne le métier...Il n'avait pas sourit devant sa frêle morphologie. Tout au plus ses yeux que surmontaient des sourcils brûlés l'avaient-il scrutée, et sans un mot, d'un simple geste il lui avait demandé de prendre les pinces et de tenir les fers en fusion pendant que lui de son côté tapait des coups sourds qui retentissaient dans tout le corps de la jeune fille. Un homme magnifique dans son travail son père.

Elle avait appris ce métier chez lui, grâce à lui. Il représentait son héros, homme infatigable, sans cesse battant l'enclume, sans cesse jouant des marteaux. Son rire c'était frapper l'élément...papa, c'était le peuple à l'ouvrage façonnant la société en devenir.

Dans l'atelier d'Aelyenor une fumée noire, âcre, parsemée d'étincelles et de braises, qui retombait sur le corps de la forgeronne, imprégnant ses bras et trouant sa chemise d'innombrables petits cratères.
Elle armait son bras de la lourde masse et la lançait de haut à grands coups réguliers, avec un mouvement souple et sans écarts. En cadence, les "bang" résonnaient à l'infini et le plat du marteau s'enfonçait dans le fer rouge et le modelait avec rythme et précision. Ses cheveux noirs s'irisaient et se collaient à son visage inondé de sueur. On voyait ses petits muscles saillir, mus par une nervosité sans pareille, car des muscles elle n'en avait pas, même après des années d'expérience de forge. Elle ne travaillait qu'avec son esprit, son savoir-faire et toute la ténacité qui la caractérisait. Une boule de nerfs qui sans cesse, sans répit, martelait la matière pour la dominer.
D'une main elle tenait la pince qui enserrait entre ses dents le fer rouge, de l'autre, inlassablement elle frappait des coups sourds accompagné seulement par des "han" d'effort, de relâchement et de soulagement.
De temps à autre elle s'arrêtait et faisait ronronner le soufflet pour ne pas perdre les flammes orangées qui croissaient jusqu'à la charpente de l'atelier. Puis, les instants d'après, les doux carillons des marteaux reprenaient leurs refrains.
Plus elle frappait sur le fer, plus elle jouissait de voir ses mains tordre et modeler les barres rouges. sur son torse une simple chemise sans manches, ventousée au corps par l'abondante sueur qu'elle dégageait. Et à chaque coup retombé, on pouvait deviner ses côtes qui se dessinaient à travers sa liquette trempée. Sous ses bras nus, des muscles fins et saillants, et sa poitrine qui se soulevait dans un suprême désir de puissance.

C'étaient deux corps qui se battaient, deux cœurs qui se joignaient, deux matières, deux entités : la dureté du métal et le sang pur d'Aelyenor qui réglait l'ouvrage. Elle connaissait si bien ses outils, que ceux-ci auraient battu le fer sans leur maîtresse...
La cadence de la frappe n'avait pas changé depuis de longues heures.

En toute fin de journée, le fer plia, les éléments s'unirent pour ne former plus qu'un. Les barres modelées et rougies, vaincues, se repliaient sur elles-mêmes...ne restait plus qu'à les assembler avec des clous forgés.

Elle laissa retomber le marteau au sol et contempla son oeuvre.




Elle riait en se frottant les bras de voir ce métal qui demandait grâce. Elle avait pétri à sa guise l'abri tel qu'elle le concevait. Elle posa ses fesses sur le soc d'une vieille araire et emplit son outre de vin blanc aigre qu'elle but sans ciller. Restait plus qu'à transporter l'abri au jardin...pour cela elle avait besoin de l'aide de Gudrule et également de quelques âmes dévouées pour le désherbage, la coupe des bois morts et pour la réfection de l'étang...
Bref toute idée, tout bras motivé étaient les bienvenus...

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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Gudrule
Image appartenant au dessinateur de BD Reflets d'acide



Elle est arrivée en droite ligne du paléolithique Gudrule. Balaise avec ses grands bras d'arracheurs d'arbres, son regard d'animal préhistorique et ses immenses yeux à facettes aussi gros que les torches aménagées pour la clarté des rues de Millau la nuit venue.

La porte de la grange s'entrouvre dans un grincement d'outre tombe et une ombre se dessine, imposante en contre-jour. Surprise, Aelyenor se retourne. Pas le temps de pousser une effaroucherie
(Il existe pô ce mot tsss)
de vierge surprise au bain, que deux édredons de viande l'enserrent.
Gudrule étreint sa sœur, la pétrit, la malaxe, ses mains et sa bouche la parcourent, ses rires la détrempent, ses soupirs la décoiffent. Elle embrasse tout ce qui lui tombe sous ses lèvres charnues, en bloc et au hasard, n'importe où : les joues, la bouche, le nez, le front les cheveux. Elle répartit l'effusion Gudrule, distribue l'émotion, l'émiette, la fait goûter, la distille et l'alimente...c'est gentil mais elle chlingue l'abattoir à moutons l'ogresse.

Aelyenor suffoque, hoquette, elle ressemble à une moule pantelante.


- Laelyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyy éructe l’Énorme.

Dans sa jupe à carreaux des Causses, la Gudrule se fend d'une révérence d'époque. Et quand je dis se fend, c'est la stricte réalité, vu que le tissu se déchire au niveau de son prose.
La soeur aînée coule un regard indécis sur la baleine verte que représente sa soeur, celle-ci lui virgulant un sourire de sexe féminin en position équestre.

Pas plus inquiète que cela de la béance proéminente de ses effets, elle soulève son aînée et la tenant à bout de bras rugit.


- Ma chériiiiiiiiiiie ! Toi et moi on f'ra toujours qu'une seule. Ton départ j'l'ai déploré et j'te cach'rai pas qu'en quittant ma verte plaine j'avais une idée de derrière mes fesses. J'me suis dit voilà l'occasion tunique (oui faudra vous y faire, Gudrule parle ainsi) pour protéger ma grande soeur maigrichonne et la surveiller z'évent tuellement.
Alors quand j'ai reçu ton piaf -délicieux en sauce d'ailleurs - j'me suis sentie flattée qu't'humus choisie.
Alors en arrivant j'me suis dit : Ma Gugu, t'v'là en terre étrangère, sélectionnée sur le violet par ta grande soeur, celle qu'à pas mal réussi. Tu t'dois ma fille, tu t'dois. Donc je me donne et me voilà. J'veux qu'tu puisses avoir idée d'mes capacités en la matière car franchement, sans vouloir me vanter, j'possède toutes les qualités requises pour d'venir ta p'tite main...


Elle est modeste Gudrule c'est le moins que l'on puisse dire.

...Mais pas que ! J'sais faire autre chose ! J'connais toutes combines et positions, çui qui voudrait m'faire découvrir du neuf, faut qu'il va s'lever matin. J'ai fait l'tour complet de la question. T'sais qu'j'ai un biquet ? Si si, sappelle Louigi. Du vitriol dans l'sang, ardent comme un trans à l'pine mais manque d'imagination, normal j'te dis il est de souche italienne, lui manque le goût des raclure...mais j'm'étale j'm'étale, pour z'en reviendre à toi j'ai pas hésité. J't'aime ma Laely.

Ah tu vas voir, j'vais vaincre ma Laely ! Vont en râler d'bonheur dans ton patelin. Alors on commence par quoi ?


Voici comment Gudrule, petite soeur d'Aelyenor fit son apparition pour le moins remarquable et remarquée dans cette bonne vieille ville calme et sereine de Millau.
Gudrule première du nom, Gudrule la Grande dans sa splendeur magnifique.
Aelyenor
Elle tousse Aelyenor aux dires de la dodue. Elle ne lui en demandait pas tant après tout, alors elle lui répond.

- Permets-moi ma sœur chérie de réfréner l'appel de tes sens hein ! J'ai besoin seulement de ton aide pour une tâche esthétique demandant beaucoup de travail : créer un beau jardin pour Millau. Nous sommes déjà deux ; oui je sais c'est peu mais c'est déjà mieux que rien...
En attendant tu dois avoir faim et soif. Allons-nous restaurer, on commencera demain.


On arrête pas le progrès, leurs parents n'avaient pas mis les mêmes coudées franches pour les concevoir. Aelyenor toute menue, surtout si on la comparait à son éléphantesque sœur. Sûrement quand ils ont vu la première se développer ont-ils mis les bouchées doubles sans rien dire. Le tempérament a dû manquer pendant la reproduction pour la première et sans doute avaient-ils forcé sur le coup de reins pour la seconde. Tringlée galopante bien arc-boutés sur les coudes et les genoux...bref, censuré.

Gudrule a la démarche pesante de la femme rassasiée, les coudes en arceau comme tout individu conscient de sa force. C'est ça l'instinct de certitude, ça donne un énorme avantage sur les créatures encombrées d'intelligence. Il y a une implacabilité dans la sûreté de soi. Un être ou un animal délivré de toute hésitation ne se laisse pas démonter.
Bref, après avoir englouti la quasi totalité d'un gigot de mouton et du civet de lièvre, après avoir descendu sa énième chope de cervoise qu'elle téta par gorgées prédatrices, elle clapote de la langue. Et sa langue ! Mille Milliards ! Vous la verriez, jamais plus vous ne consommeriez de langue de bœuf de toute votre chienne de vie ; puis tout en promenant ses lèvres en museau de vache pour récupérer quelques gouttelettes de breuvage, elle entreprend un chant aviné se répandant jusqu'aux dernières ruelles du côté Est de la ville.
Aelyenor reconnaît illico la ritournelle : "la chanson de Margot", l'hymne préféré de Gudrule. C'est une sorte de complainte relatant les déboires d'un pauvre paysan qui possédait une fille belle comme un arc-en-ciel.
La jeune Margot, au lieu de mettre en meules la paille, utilisait celle-ci pour des exercices à deux. Mais un jour elle rencontra un nobliau, il était beau, il était riche, il sentait bon le sable chaud et puis arriva ce qui devait arriver, un jour le riche héritier l'enlève sur son beau cheval blanc et la Margot a cru qu'elle avait décroché la timbale, mais en guise de timbale elle s'aperçut très vite qu'elle n'avait récolté qu'un pantin dans le tiroir.

Elle revint donc chez papa avec un gros bébé criard et implora son pardon...qu'elle obtint. Du coup, touchée par la Grâce après l'avoir été par le noble elle se mit à meuler et apprit par la même occasion à son rejeton illicite à meuler. Toute la maison meula de concert et leur réputation grandit...

C'est vous dire la noblesse du texte, sa haute portée morale et ses prolongements philosophiques. Et chaque fois que l'émotive Gudrule est paf, elle brame la ritournelle et pleure. Comme pleurer donne soif, cette vertueuse chanson a les fonctions d'un mouvement perpétuel...


Le lendemain matin retour à la grange.


- Voilà ma soeur, faut que tu m'aides à transporter la gloriette. On l'installera en bout de parc et ça fera un joli coin pour les amoureux.

Au mot "amoureux", la Gudrule lui adresse un sourire...elle est gentille la Gud...elle tente mais n'impose rien...enfin, pas au sens où on l'entend. Dans le fond c'est une tendresse sur pattes. Elle adresse un regard mammifère à Aely, un sourire protecteur mais fatigué. On sent sa solitude quand elle se met à parler. Malgré ses livres en trop elle mérite qu'on la connaisse cette petite gosse provinciale des terres arides du Larzac, cette petite raclure, égérie des rejetés, des ramassis de perdus, des vermines en tous genres, des miséreux, des gueux tombant d'inanition, mais aussi couvant et alimentant les gamins tristes parce-que trop maigres, trop résignés, prenant du temps avec les femmes sans bonheur...la résignation c'est la plaie du monde, une lente agonie.
Gugu c'est un havre de câlins...de câlins oui, mais aussi de cahins, de cahas et de cahots.

Aelyenor elle l'aime sa sœur, parce-que la baleine elle s'écrase jamais, pas comme les autres qui croyant servir le Très-Haut, rampe devant Lui en s'humiliant alors qu'au contraire la seule manière de le servir c'est de dresser la tronche, bomber la poitrine et foncer. Arf, il n'y a qu'une vertu en ce monde : la charité...la charité ? Mais c'est quoi la charité ?
Ben de la colère, uniquement de la colère ; de l'intolérance...et ça, Gudrule elle aime pas. Chialer sur la misère du monde...pfff ben non...faut la combattre la misère, pas s'agoniser dessus. La charité elle est pas humble mais belliqueuse. La charité c'est de l'amour, et en amour faut pas s'aplatir ; même sodomisé, on se doit de remuer pour l'agrément de la chose.

Elle est belle la Grosse quand elle marche de son pas d'ursidé. Quand on se déplace avec elle, le moins que l'on puisse dire est que l'on ne passe pas inaperçu. Aelyenor ressemble à une sous-maîtresse qu'accompagne une matrone mère bordelière. Elle a revêtu sa jupaille à carreaux des Causses découvrant haut ses monstrueux jambons affublés également de collants roses avec des fleurettes bleues brodées par Maman. Elle a délacé les liens de son corset afin de décongestionner ses roberts qu'elle propose à la gourmandise de tout un chacun...

Arrivées sur l'espace qui dans un avenir prochain ressemblera à un jardin populaire, la brunette fait stopper la carriole.


- Là ! Ici ! Elle sera très bien dans ce petit coin isolé.

En deux temps trois mouvements, la gloriette fut installée et toutes les deux purent admirer la première partie d'un long travail qui se profilait à l'horizon.



Gudrule
Bon, le chantier ne démarrait pas à une vitesse vertigineuse. Les deux sœurs décidèrent d'aller sans tarder se rendre compte sur place de l'état de l'étang. Tout était envahi d'herbes, alors elles s'arrêtèrent perplexes.
Se remémorant le plan qu'elle avait esquissé, Ael refit mentalement le trajet, utilisant le peu de repères qu'elle avait.


- Tu vois quelque chose Gud ?

- Je ne voie que le soleil qui poudroie et un corbeau qui merdoie.

Pourtant si...il devait être quelque part par ici...Aelyenor tourna lentement sur elle-même scrutant les alentours. Elle avait un sens de l'orientation plutôt défaillant mais quand même...
Pensant repartir sur le même chemin qu'elles avaient emprunté pour arriver là, le sol soudain se déroba sous les pieds de l'aînée. Gudrule lut le sillage de la chute de sa sœur dans le sol qui s'affaissait. Une vraie traînée de foudre. Réflexe étonnant de promptitude pour un mammouth de son espèce, la force de bœuf de Gudrule l'extirpa de la boue collante et de la buvette champêtre où Ael était en train de déguster un casse-graine composé d'un nénuphar et de filets de sangsues et la déposa sur un coin de berge fiable et ferme.

Elles se laissèrent ensuite aller dans l'herbe sur le dos et Aelyenor se blottit dans les méandres lipidiques de sa petite sœur.


Était-ce l'excès de familiarité de l'une envers l'autre, toujours était-il que Gudrule se renferma dans une torpeur turpide. Elle s'évapora dans des pensées désillusionnées la chère femme, puis elle posa une main d'ogresse sur l'épaule de son aînée et se répandit.

- Laely...sans ta présence je périclite, je me fane, je m'étiole...

Elle ne s'était jamais exprimée aussi bien la pachyderme. Elle méritait qu'on l'écoute.

...Tu es ma vigueur, ma nature ardente, je tiens à toi comme un chien à son os, même si tu as récolté tous les avantages de la grâce féminine et moi les inconvénients. R'marque que je leur en veut pas aux vieux. J'sais bien que pendant que m'man allait au marché c'est papa qui me berçait dans son atelier...un peu trop près de l'enclume...hmmm, ça crée des servitudes hein ?
Enfin...j'avance grâce à ton énergie sinon j'me fais chier Laely, profondément chier. Les petites histoires de fesses dans les landes du Larzac mais j'en ai rien à branler moi mon p'tit.
(Ah voilà, la vraie nature de la Gud refaisait surface) Qui a baisé qui, pourquoi et comment ça t'intéresse toi ?

Elle envoie un bras d'honneur si violent que le lacet de son corset qui ne demandait qu'à craquer se fait la belle et déballe trente livres de chair à poitrine...monstrueux...ce n'était plus une atteinte aux bonnes mœurs mais une œuvre de charité Aristotélicienne. Elle remballe le tout tant bien que mal.

Aelyenor la regarde. Elle la trouve émouvante sa petite soeur. Alors elle se redresse et la saisit dans ses bras comme elle le fait avec ses amies malades de la tête et comme elle aimerait bien qu'on lui fasse des fois quand elle est seule et désemparée. Elle la berce contre elle, embrasse son front qui pour une fois ne sent rien, juste le désespoir...et là Gudrule elle chiale, tant l'existence coince, tant elle se rend compte de l'insanité de toute cette vie de m...et ce qu'il faut comme impossible courage pour rester en activité putassière à son âge...parler aux gens, traverser les rues, prier le Seigneur, écarter ses cuisses, écouter se délabrer son corps et continuer de faire croire, de donner des illusions.

Des envies de retraite, de foutre le camp la prennent la Gud, elle voudrait enfin vivre devant un bon feu de cheminée, boire à la veillée de l'hydromel, et réfléchir à ce qu'on est sur cette Terre, à pousser sur ses pots de chambre de misère tous les petits cons qui la font chier chaque jour.


- On ne se quitte plus Laely ?

- Non Gud, plus jamais.

- Alors te cailles pas la laitance, t'en fais plus. Je vais aller bien maint'nant.

- Je serais toujours près de toi.

Gudrule se tait, elle pose sa tête de bovidé sur les épaules de la fière Aelyenor. A bout. A bout de tout, puis sa tête glisse sur les jupons de la jeune femme. Celle-ci la contemple avec tristesse mais aussi respect et commisération.

- Gud...ma Gud chuchote Ael à l'oreille de cette femme unique, je t'aimerais toujours.
Allez, je vais me changer, toi tu commences à assainir cet étang tu veux bien ? Regarde toutes ces pierres, tu vas laisser aller ton esprit créatif et me restaurer cette mare en un magnifique point d'eau.




Le temps a ses instants. Aelyenor l'embrasse affectueusement...
Aelyenor
Juste le temps d'ôter ses effets trempés, d'allumer un bon feu de cheminée puis de se changer, Aelyenor retourna au jardin pour poursuivre le nettoyage et l'aménagement de cet espace. Les tâches furent naturellement partagées selon les compétences de chacune.

Pour la brunette ce serait les plantes. Pour la Gud les aménagements en maçonnerie. Elle s'y connaissait la bougresse, aussi bien pour construire que pour rénover. Au loin un bruit de marteau lui arracha un sourire, l’Énorme avait débuté.

Heureuse et rassurée de l'avoir près d'elle elle entama le nettoiement de l'espace. Elle se mit en devoir de débarrasser la totalité du jardin des feuilles mortes qui reposaient mollement un peu partout.

Armée de son large râteau, elle ratissait tranquillement la partie Ouest du jardin quand un bruit métallique se fit entendre, son outil avait dû heurter quelque chose. Il s’avérait que l’objet en question était une petite pelle. Maintenant qu’elle faisait plus attention, elle avait également remarqué des restes de torches, des planches de bois, et - on ne pouvait pas le rater - un gros tas de terre sorti de nulle part. Des taupes probablement. Elle se remit au travail avec entrain, ce qui ne l'empêchait pas de penser qu'une aide supplémentaire ne serait pas de trop avec tout ce qu’il restait encore à faire.


Alors qu’elle ratissait doucement les feuilles sous les buissons près de l’entrée Nord-Est, elle dérangea un petit hérisson qui dormait tranquillement quelques instants plus tôt et qui déambulait maintenant jusqu’à un autre buisson d’une démarche peu assurée. Elle le regarda faire, un petit air amusé au coin des lèvres et se promit de ne pas le déranger une nouvelle fois.


Elle rassembla finalement toutes les feuilles mortes dans un coin puis à l'aide d'un silex et d'un peu d'amadou y mit le feu. Toute la journée elle bina, gratta, élagua de vieilles branches mortes pour enfin entrapercevoir le début de ce qui devrait être un beau jardin.
En fin de journée elle se rendit à l'endroit où sa sœur devait être en train de s'atteler à la tâche qui lui était dévolue. Les coups de marteau avaient cessé, et c'est au détour d'une allée qu'elle vit...


Sa sœur avait réalisé un travail époustouflant. D'une vieille mare croupissante elle avait réalisé un chef d’œuvre, et incroyable que cela puisse être, Gudrule avait déplacé la gloriette seule et l'avait remarquablement disposé près de l'étang rénové, créant ainsi un espace de toute beauté.






Quelque chose intrigua Aelyenor toutefois. Gudrule agenouillée était en train de déverser dans l'eau le contenu d'un petit chaudron...sans l'air d'y paraître Ael s'avança vers sa sœur et lui dit.

- Quel talent ma Gud, quel bonheur de voir tout ceci. Tu me surprends chaque jour et sache que je suis très fière d'être ta soeur...mais que fais-tu ? Qu'as-tu donc versé dans l'étang ?

Pendant qu'elle lui livrait les explications demandées, Aelyenor s'assit et laissa ses yeux s'imprégner de tant de bonheur.
Gudrule
Le cétacé est invincible. Elle a coupé, rase-motté, ratissé, pelousé, chauvinisé, taillé, maçonné, modelé, évacué, assaini, ébarbé puis embelli l'étang. Elle est superbe dans la falote clarté du jour qui se meurt, même les chouettes se réveillent et lui huent des félicitations.
Le pire c'est qu'elle contemple son travail d'un jour comme si de rien n'était. Purée de nous on a déjà vu des mariages d'amour moins réussis que ça ! Ce qu'elle avait réalisé la Gud c'était du beurre ! Du velours ! Sans renâcler, sans histoire, sans protester, sans coup férir. le plus fort de tout ça c'est qu'elle n'en est même pas surprise la grosse. Elle trouve normal que cette mare putride ait attendue plusieurs siècles pour être décongestionnée par elle.

Elle est belle la Gud, elle avait changé en quelques jours depuis son arrivée à Millau. La même jupaille à carreaux jaunes sur rouges, sa chevelure rousse en parfaite harmonie avec ses yeux pourpres (oups)...elle a un "genre" comme disent les les bonnes gens ternes auxquels il n'arrive que la vie dans la vie. Un genre piquant, mystérieux, de belles lèvres sensuelles un peu croûteuses d'un rouge passé à la truelle et au mortier. Tout a changé chez elle, sans doute la présence de sa sœur. Elle pourrait devenir baronne Katarina la belle chips chips. Ses doigts, à force d'avoir modelé des pierres toute la journée donnent l'impression d'être recouverts d'un vernis onguleur laissant découvrir les ébréchures et le deuil de ses ongles...


- J' m'avoue jamais vingt culs ma chérie. Jamais...

Pourtant il restait une chose que la brunette désirait savoir.

- Dis-moi, qu'est ce que tu caches de si précieux derrière ton dos ? Et qu'as tu rejeté à l'eau ?

Il y a des moments rarissimes dans la vie où la nature se met à votre unisson *. Voyez Gudrule, elle n'a pas une bonne réputation, son franc-parler, ses histoires d'amour, qu'elle ait les cheveux en tresses ou bien filasses radasse, sa réputation restera identique à son monumental fessier.
Elle dégage son bras de son dos et l'aînée découvre un petit chaudron que Gudrule tient précieusement contre elle.


- Tu vois Laely, quand j'ai commencé à assainir c'te mare, j'ai découvert qu'ici il devait y avoir un plan d'eau. Regarde, j'ai dégagé une ouverture et l'eau s'est mise à ruisseler comme par miracle, et puis en cherchant bien avec un bâton, j'ai débigorné un bouchon gros commak ! et devine ce que j'ai vu : ça ! Même plusieurs ! Des pauv' p'tits poissons rouges qui ne doivent leur salut qu'à la gentille Gudrule. Comment sont-ils parvenus jusqu'ici ça je peux pas dire, mais maintenant ils vont pouvoir enfin vivre comme tout le monde.

Et de plonger sa main dans le chaudron pour en ressortir un petit cyprin. Elle le contemple dans sa large patte comme on examine un oiseau tombé de son nid. Elle a de l'émotion Gudrule, sa main qui tremble, sa voix qui frêle et ses yeux qui bredouillent.

Aelyenor bredouille...


- Ma petite sœur chérie, tu es une grande femme dans ton genre, noble conscience va ! Tu es le membre fort de notre famille en tout ! Émotions comprises, tu es notre honneur, l'expression du devoir...que de belles idées comme celles-ci pleuvent encore de ta cervelle ébréchée. Tu m'alarmes à l’œil ma Gud...

Et de tomber dans les bras l'une de l'autre jusqu'à ce que Gudrule hurle.

- Maurice !!!!
- Maurice ? Qui est Maurice ?
- Ben l'poisson rouge ! En plus il est intelligent ce monstre là.

Elle s'agenouille et le pose délicatement dans l'étang.

- Voilà Maurice, tu vas retrouver ton élément naturel. Regarde, le bassin a été réaménagé. Plus de fissures, tout propret, l'eau est comme moi, saine et regarde...tu as même des nouveaux compagnons ! T'es content hein !



Le petit poisson rouge attendit quelques secondes, puis d'un coup de nageoire pivota sur lui-même et s'enfonça au fin fond de l'onde noire.

- Hmm...écoute Gudrule, il se fait tard et je suis fatiguée. Viens rentrons, je vais préparer un bon repas...nous discuterons demain de l'importance du bulbe cérébral du poisson rouge tu veux bien ?

L'Harmonieuse lui filoche une tape affectueuse manquant de décoller la plèvre d'Aelyenor puis acquiesce...

- T'as du poulet ? Des carottes ? Du boeuf t'en reste un peu ? J'ai amené des truffes du pays, pis si on a encore faim j'irais te préparer ton reste de gigot d'agneau à la crème, et puis ensuite...

* L'expression n'est pas correcte, mais comme j'emm...les marchands de sable de la littérature, ça n'a autrouducune importance.
Aelyenor
Lorsqu'elle se réveille tôt le matin, Aely trouve la célèbre mahousse en train d'organiser un concours de pionçage et de ronflements à elle seule. Pour la dorme et le gros rouge du Rouergue elle ne craint personne. Il y a belle lurette qu'elle a obtenu sa renommée de professionnelle.

Gudrule a les pieds sur la table. Sa frange rougeâtre voletant au rythme de ses RRANNNNNNNNNNNNN PSSCHIIIIIIIIIIIIIIIIIII, la bouche béante et les trous de nez en forme d'orifice de bombarde. Très jolis trous de nez en vérité, agrémentés de longs poils roux. Comme toute fille bien élevée, elle a ôté ses bottes et ses pieds fument comme un bourrin qui vient de se coltiner la montée Millau-Rodez. Ses bas sont troués aux arpions mais comme ils ont la bonne idée d'être noirs on s'en rend pas compte.

D'un mouvement sec la brunette tire la table à elle, et la dormeuse bascule. l’Énorme s'écroule, s'éveille et se redresse en bramant comme une perdue, que la vie devient impossible quand on a une sœur aînée aussi tyrannique. Aelyenor se gausse et lui enjoint de la suivre, ce que la Gud fait en baillant comme ses braies toujours fendus.

Une fois à la porte d'entrée, la brune despote tape sur l'épaule de sa sœur.


- Dis ma grosse, tu devrais remettre tes bottes, on va dans le monde...

Elle se marre en constatant cette omission et va chercher ses deux bottines qui attendent sagement sous la table, comme deux fosses à purin en train de se courtiser.

- Où qu'on va ? interroge Gudrule.

- Aux jardins. Pendant que je m'occuperai de la tonnelle de l'entrée en semant des graines de roses trémières et plantant des grimpants, j'aimerais que tu m'arranges les bancs de pierre, que tu les finasses comme tu sais si bien le faire. T'es douée en sculpture ma sœur chérie.

Elle est tellement émue Gudrule qu'elle se sert un petit marc qu'Aely avait planqué pour les occasions mais que sa Majesté Gudrule première du nom, par l'odeur alléchée n'avait pas tardé à découvrir.
Elle a des goûts modestes la Gud, toujours de petits godets...seulement elle en boit beaucoup.
Elle louche sur l'Extravagante. Elle vaut le coup d'oeil. Son nez ressemble à une tomate mal mûrie, ses yeux à deux mollusques attendant leur trépas. Elle sent la ménagerie mal entretenue. Alors Aelyenor en un éclair hausse le ton. Le ridicule ne tue pas c'est vrai, mais il fait peur parfois.


- Avant d'aller travailler tu vas te changer et faire un brin de toilette ! j'en ai assez de me trimbaler avec un goret ! Je ne suis pas porchère que diable et tu es ma soeur ! Sois un peu féminine ! Allez ouste ! Va te laver, revêt des effets convenables sans quoi ! Sans quoi !...

Elle est à court d'invectives Aelyenor, mais le coup de gueule a porté. Lorsqu'elle en a terminé, Gudrule en est presque présentable...en tout cas elle sent meilleure.

Un moment plus tard, ce sont deux sœurs s'aimant d'amour tendre qui se dirigent en direction des jardins de Millau, bras dessus bras dessous.

Sans un mot, la plus jeune se dirigea vers les bancs à restaurer, voire à créer, pendant que l'aînée s'attela à la haie d'entrée.

Gudrule dénicha de la belle pierre coquillère d'une jolie teinte.

De nombreuses heures de travail lui furent nécessaires. Elle tailla trois bancs simples, en demi-lune. Cela changeait des bancs droits et donnait au parc un air plus poétique, c'était son sentiment. Elle aimait les courbes douces, plus que les lignes droites et dures.

La pièce la plus difficile à réaliser fût ce magistral banc qui occupait tout un demi-cercle. Malgré ce qu'elle était, la Gud avait un sens artistique inné et une imagination créatrice débordante. Elle avait eu envie de faire ça et jamais eu l'occasion de fabriquer un tel siège.
Elle s'en fit un petit défi personnel, son petit cadeau pour Millau, cette ville qui l'avait gentiment adoptée, mais aussi pour sa sœur...sans elle elle ne serait pas grand chose...

Lorsqu'elle donna un dernier coup de brosse pour éliminer la poussière de pierre, elle sourit contente. Elle passa la main sur son œuvre, ses doigts à la recherche de la moindre imperfection. Non ... elle était satisfaite. Ses yeux brillaient d'un étrange éclat, au milieu de son visage, comme fardé par la fine poussière blanche. Lorsqu'elle terminait avec succès une pièce, elle était toujours dans cet état, presque une transe ... ce bonheur incomparable de voir encore une fois le miracle que ses mains avaient accompli, par quelque inspiration divine...



Pendant ce temps-là, le travail d'Aely consistait à disposer une serre ainsi qu'une tonnelle à l'entrée des jardins de Millau. Un petit coup d'oeil au loin et elle vit sa sœur qui mettait du cœur à l'ouvrage pour redorer un blason à une ville qui le méritait bien. Elle lui fit un petit signe de la main puis s'attela à la tâche.

Elle avait emmené toute sa réserve de fer sur les lieux.

Elle commença par reporter des cotes puis alluma sa forge, incendiant de mille éclats au passage les tilleuls et ormes qui bordaient les étangs de Gud, puis le marteau débuta son rythme infernal et peu à peu des paillettes de braise explosèrent en tous sens auréolant Aelyenor de mille lumières.
Puis au compas elle traça des arrondis et des volutes pour donner à l'architecture un mouvement très sensuel.

Cela lui prit toute la journée pour réaliser et monter la serre d'accueil ; quand elle eut terminé, le jour se noyait dans les contreforts du Rouergue, alors elle rejoignit Gudrule et s'assit sur un des bancs confectionné et se mit à contempler tout le travail effectué par les deux audacieuses.




Gudrule la rejoignit. Elles étaient heureuses de voir toutes ces réalisations qui se perdaient à l'horizon dans le lilas clair du crépuscule. Elles sourirent et se dirent que finalement ces jardins leur appartiendraient un peu...un tout petit peu...juste un tout petit peu. Elles pensaient, imaginaient toutes les personnes dans le futur qui franchiraient les portes de ce jardin et s'engouffreraient sous les ventaux de fer et d'acier et admirer les créations florales et architecturales. C'était leur orgueil. Ces lieux ne recevaient plus personne depuis bien trop longtemps, alors les faire revenir était déjà une appartenance à quelque chose, un attachement et une propriété qui lui tenait fortement à coeur...
La main sur les yeux Aely inspectait l'horizon. Elle espérait voir un badaud, une passante venir jeter un coup d'oeil curieux sur le chantier qui s'amorçait...


- Laely...j'ai faim !!! Allez viens c'est moi qui régale ce soir ! Festin pour nous deux...
Aelyenor
Toute personne susceptible de se reconnaître dans le personnage de la mère Poularde serait irrémédiablement envoyée aux prunes.


Fallait la trouver l'auberge de la mère Poularde. Une vieille tanière à la sortie de Millau, à l'orée d'une forêt de feuillus. Même pas d'enseigne. A se demander comment Gudrule avait découvert cet endroit. Même pas certaine que les anciens Milhavois connaissent.

La Gud, en chemin, avait mis au parfum sa sœur. La tenancière s'appelait Gertrude mais on l'appelait Tutrude, une vieille bourlingueuse du Larzac retirée des affaires, échappée de véroles exotiques, qui eut des amants meurtriers et s'était retraitée pour contempler sa terre d'accueil, assez loin de la ville tout de même, moisissante dans des souvenirs de bras trop brutaux...chère chérie d'hommes, à tout jamais coquette mais toujours raclure.

Quand les deux jeunes femmes ouvrent la porte, étrangement on se croirait ailleurs. C'est après l'instant de surprise passé qu'on se demande ce qu'on vient faire ici. Mais on a pas le temps de décrire qu'une "Dame" d'un âge certain, déjà en vêtements de nuit vaporeux dans le rose saumon, hagarde, la chevelure bleue grisonnante ébouriffée, ouvre un œil mi-clos.

Elle est fière d'elle Tutrude, et se gratte furieusement les miches dévastées par les intempéries.
Au premier abord on la croirait parée pour la manœuvre, comme si un noctambule qui en aurait vu d'autres serait susceptible de se pointer pour la calcer sur le comptoir.


- Pardon de vous déranger, hoquète Aelyenor vraiment très mal à l'aise.

- Vous m'dérangez pas. J'vous attendais bêle la fripée en souriant de tout son être, un grand sourire humain qui la rend heureuse l'espace de ses quelques dents qui lui reste, montrées et ravalées.

Puis elle regarde la Gud qui rit aussi.

La Tutrude se met en position de chien d'arrêt et hurle.


- Gudrule !!!

L'autre.

- Tutrude !!!

Sans un mot, les deux Fantastiques s'accoladent : Larzac, chèvres, cuites, fromages, raclées, bordel, cuites encore, bagarres, sous-entendus fripons, souvenirs, tu te rappelles ? Elle se rappelle et l'autre se souvient. Et ça repart : Tonneaux, droulets, cuites, le bon temps, véroles, bitures, castagnes...

La conversation, bien qu'il s'agisse de souvenirs de jeunes damoiselles d'un temps qui fut et qui n'est plus, n'est pas générale. Deux drôlesses qui se retrouvent quelques années plus tard ont tout à se dire. Les autres ne peuvent que prendre une mine des plus réjouies et clamer : " Ah bon !!! Sans blague !" En réprimant des bâillements et en pensant à autre chose.

La Gud lui présente son aînée qui n'a pas le temps de baver à Tutrude qu'elle est heureuse de faire sa connaissance, juste serrer une main coulante de produit graisseux que la brunette a bien du mal à nettoyer.

Tata Gudrule, très intéressée lui demande.


- T'aurais-t-il moyen d'nous faire une omelette aux œufs la mère ?

Tutrude se marre.

- L'est conne celle-là, tu t'rappelles plus de la tambouille de Tutrude ? Alors voilà l'menu que j'vous propose les filles...

Un ris de veau princesse...


La Grosse se recueille, ferme à demi ses yeux d'ogresse frileuse et demande.

- Faut longtemps à attendre le ris de veau ?

- Dix petites minutes.

- Alors pour attendre le ris de veau, des amuse-gueule genre terrine de canard aux cèpes.

La Tutrude qui en a vu d'autres ne bronche pas et enchaîne.

- Ensuite ce sera une côte de boeuf du Rouergue avec salade braisée, puis une truite aux amandes.

- En dernier la truite, comme ça y'aura pas besoin de changer de couvert.

- En dessert...

- Pas b'soin la Mère coupe l'Enorme, puisqu'il y a des amandes.

Elle a soudain des remords la Gud et se ravise.

- Ton fromage, il pue ?

- Tout ce qu'il y a de plus exaltant Gugude.

- Alors tu nous en mettra un 'tit bout.

Le repas est plein d'entrain. Gudrule et Tutrude éclusent à elles seules deux bouteilles de Rouergat et entreprennent d'évangéliser la seconde paire.
Moi vous savez, bien que je sois à bord du radeau de la Méduse j'ai les pieds sur Terre. Laissant ces "Dames" à leurs souvenirs, j'en profite pour m'éclipser et je rentre seule pendant que mes compagnes d'un soir poursuivent la ripaille.


- N'oublies pas très chère sœur...demain aux jardins, il y a encore du boulot...Tutrude, au plaisir, vous êtes une fine cuisinière.

Le mot "fine" n'est pas trop exagéré...

Là-dessus Aely rentre à l'Espinasse, bercée par de douces nostalgies organiques, s'arrachant à la torpulence dans laquelle elle baignait.
Aelyenor
Le lendemain matin, le froid réveilla Aelyenor. Un froid à ne pas mettre un canard dehors. Soufflant dans ses menottes pour les réchauffer, elle se hâta pour rallumer la cheminée puis jeta un regard à travers les carreaux. Tout était d'un blanc scintillant, pas âme qui vive dans les rues.
Tout en réfléchissant à ce qu'elle allait bien pouvoir faire aujourd'hui, elle mit une marmite d'eau à chauffer dans l'âtre puis alla jeter un œil à la pièce où Gudrule dormait.
Étrange, elle ne l'avait pas entendue rentrer cette nuit...

Rien de bizarre à tout ça, sa soeur n'était pas du tout rentrée ! La pocharde devait en tenir une si belle qu'elle était restée chez son alter ego Tutrude...bah, de toute façon on ne pourrait rien faire aux jardins...

Après avoir avalé un bol de tisane bien chaude, s'être rafraîchie le museau, elle s'habilla chaudement et se rappela que Noël approchait.


- Et si on allait décorer un sapin aux jardins ? Voilà une bonne idée !

Revigorée par cette idée géniale (n'est-ce-pas !), d'un pas décidé elle se rendit au parc, là elle choisit un sapin bien enneigé, bien en vue de tous et se demanda par où commencer.



Il y avait au premier plan, de petites fleurs roses pâles qui surgissaient au pied des
hautes herbes désirant bien les cacher, des hellébores sans doute, ces roses d'hiver si douces coloriant le paysage bizarrement engendrées par le terrain rocheux et grisâtre du Rouergue.
Quelque perce-neige également pointaient leurs longilignes pétales au pied des sapins. Voilà qui inaugurait un bon départ. Laissant errer son regard sur le manteau neigeux, elle aperçut de grands sapins qui avaient échappé à son observation lorsqu'elle avait décidé d'entreprendre la rénovation. En groupe, ils se dressaient en l’air comme un enfant essayant de toucher le ciel qui quand à lui, immense toile grise du paysage se confondait avec les monts du Rouergue.

Que des œuvres d’art de Dame Nature, qui se modelaient et se modifiaient selon les humeurs du temps.

Esquissant un sourire, elle se dit que de telles images mériteraient d'être préservées, même si elle n'aimait pas l'hiver, elle ne pouvait nier qu'une telle sérénité transmettait calme et innocence, un exemple d’image à laquelle beaucoup d’autres lieux pourraient ressembler si l’Homme n’était pas aussi froid et ambitieux.

Elle poussa un long soupir, puis se mit à confectionner des couronnes de Noël, une activité à la portée de tout un chacun. Pour cela elle avait ramassé des sarments de vignes et les avaient tressés les uns aux autres, améliorés par quelques boules de gui, donnant un aspect décoratif de toute beauté.


C'est à ce moment-là, qu'elle entendit la voix tonitruante de son élégante soeur.

- Youhouuuuu ! Laelyyyy !!! J'savais qu'tu s'rais ici !

Dans certains cas, la Gud se livre à une opération qui peut manquer d'agrément pour son entourage, mais qui a le mérite de mobiliser son attention ; elle bouche un côté d'une narine et expire de toutes ses forces. Du coup la narine congelée retrouve sa limpidité d'origine.
Ayant astiqué par la suite ses cavernes nasales, elle passe une manche gracieuse pour se moucher, puis radieuse sort de son sac quelques objets qu'Aely ne distingue pas très bien.



- Regarde ! Avec Tutrude, pour digérer, on s'est mis à phisolopher...enfin, tu vois ce que j'veux dire...on s'est dit, c'est Noël, et moi j'lui dis, ma soeur je sais ce qu'elle va faire demain, elle va décorer un arbre de Noël parce-que on peut rien faire avec ce qui tombe. Alors avec la Gertrude on a décidé d'apporter notre cocote-part (elle voulait dire quote-part Gud), tiens Laely, prends en quelques-unes on va les accrocher aux branches.


Des lampes à huile et des sachets de toile débordant de pâtisseries diverses tout simplement. Aelyenor se détourna et écrasa une larmette. Elle y avait pensé...
L’hiver est une période de rapprochement social. Surtout Noël. Les hommes patientent durant la saison froide. C’est un temps du partage des maigres ressources restantes par la force des choses. Il n'y a presque rien à récolter, on subsiste grâce à quelques réserves. Alors par la festivité et la spiritualité on tente de garder l’optimisme, de conserver la joie.
C’est aussi un temps de paix contraint...enfin il paraîtrait... les conflits sont plus difficiles et la motivation de se battre bien moindre lorsqu’il faut encore lutter en plus contre le froid et le manque de nourriture fraîche. La traditionnelle trêve hivernale trouve ainsi son fondement dans la difficulté de la saison, le don et les échanges humains trouvent leur fondement dans la promiscuité et la raréfaction des ressources.

Gudrule s'était rappelée que la lampe à huile et la chandelle étaient signes de réconciliation et de festivités.


- Tu t'rappelles à la maison ? C'que maman faisait à Noël ? On passait la journée à jeûner pour rappeler les duretés du voyage de Maria et Giosep jusqu'à Bethleem. On donnait de bonnes choses à manger aux animaux car c'étaient eux qui avaient réchauffé le futur Christos nouveau né et lui avaient laissé leur mangeoire comme berceau.

Maman disait qu'à minuit les animaux pouvaient parler, mais qu'il fallait bien se garder d'aller les écouter car ceux qui connaissaient le futur mourraient très rapidement.

Le repas du soir qu'on appelait le Saint Souper. On ne mangeait pas de viande par respect pour les animaux. On mettait de la paille sous la table pour rappeler que Jeshua est né dans une étable.
Et...on mettait une bougie devant la fenêtre pour inviter le vagabond qui passerait par là à entrer.


Gudrule accroche le premier petit sac empli de confiseries et de gâteaux...

Sans sa sœur, Aelyenor finalement n'est pas grand chose. Elle a besoin de sa présence comme on a besoin d'un bon feu de cheminée l'hiver par grand froid. Que voulez-vous qu'elle y fasse ? Sa connerie pleine de bon sens, son talent inouï, ses mufleries sur fond de tendresse l'aident à exister...

Alors toutes deux accrochent les petits sacs de toile remplis de bonnes choses pour tous les villageois, pour tous les voyageurs, pour tous les enfants, pour que chacun communique et partage un instant cette douceur qu'est Noël.

C'est ce moment-là que choisit une petite mésange pour profiter de quelques miettes.


- Ben voilà déjà quelqu'un qui n'attendra pas sourit Gudrule.

- Oui, espérons que cela en attirera d'autres.
Gudrule


Le sapin est terminé, illuminé. Il brille au milieu de cet univers ouaté, silencieux sous le couvert d'un plafond grisâtre annonciateur de flocons encore plus épais que ceux de la veille.
La Gud s'est laissée choir dans le tas de neige. Elle ressemble à un hippopotame affalé dans la torpeur de son marécage. Cloaque endormi mais fange compacte.
Elle bat des cils. De très beaux cils pour séductrice de page bretonnant descendant de sa carriole pour se perdre au milieu du Rouergue.
Aelyenor la regarde puis se recule légèrement car lorsque sa sœur bat du regard, avachi comme son tas, c'est qu'un spectacle auditif ou visuel va avoir lieu.


- M'enfin quoi Laely commence-t-elle en jetant un regard de laie battue à son aînée, t'as beau dire, prétendre, la seule aventure c'est quoi ? Ben c'est l'Homme non ? Le reste ce n'est que l'épisode monotone d'une vie foutue. C'est fascinant de le regarder vivre l'Homme. Tellement fascinant qu'y a rien à regarder. C'est là où le véritable drame commence. On cherche à communiquer avec lui, t'es prête même à lui expliquer que t'es Humaine toi aussi et que par conséquent un Homme plus un autre Homme ça doit faire deux Hommes, mais l'autre là, il ne l'entend pas de cette oreille le fumier.
C'est la dure évidence Laely, anéantisseuse d'espoirs. Un Homme plus un Homme ça égal un Homme plus un Homme mais jamais deux Hommes. Alors tu sais quoi ! Je vais me saoûler la trogne, parce-que devant l'impuissance t'as pas d'autre recours que de te poivrer.

T'as vu Laely, c'est Noël et nous sommes toutes seules. Et Aristote il est où ? Même pas là pour nous donner un 'tit coup de main. Il est rentré chez son père tu crois ? Son fils ? Son Saint-Machin ? Si encore on avait des Hommes en guise de Lui. On a rien, que leur absence...et si ça continue la liberté va mourir pour laisser place à la justice qu'ils prétendront...Ha ha ha, comme si la justice pouvait servir à quelque chose sans liberté.


Aely lui sourit. Tout en l'écoutant se répandre elle émiette un petit pain qu'elle offre aux oiseaux.

- C'est un vrai plaisir que de bondieuser avec toi ma Gud chérie.

- Te bile pas ma grande, m'en fiche de toute façon, et pis j'me fous du camp du raton (comprenez du "qu'en dira-t-on"). Mais faut faire quoi pour les bouger ces artistes ? Que j'leur fasse la cuistance avec des pater de foi et des navets Maria au menu ? Des croise en deux ? Des jeux con fesses ? Des actes de contribution ? Il invoque j'suis là ! Homme ni présent, jamais aux adorés absents la Gudrule. Suffit qu'on m'demande à condition qu'on ait atteint l'âge d'oraison et j'exauce !...

Aelyenor s'avance vers elle, s'agenouille dans la neige et dépose un baiser sur sa joue. Curieux comme cette femme si particulière, si grossière parfois lui est indispensable.
Certains diront qu'elle traîne tous les défauts du monde, de plus obèse, ceci n'arrangeant point ses affaires, mais elle a une qualité prépondérante. Elle est dégoulinante d'authenticité. Le Vrai c'est ce qui manque le plus de nos jours. Il n'y aura qu'une seule Gudrule dans l'histoire de cette vie. Il ne saurait y en avoir d'autres, ou alors des ersatz, des succédanés, de la copie non conforme.

Être vrai c'est rester vivant. Le mensonge et ses dérivés nous éloignent de l'existence, la relèguent dans des confins inaccessibles. Alors on fait sans elle comprenez-vous ? Peu à peu on se met à vivre sans la vie. Gudrule, elle, elle vit avec la vie...en tout cas ça produit de l'énergie.


- Je te comprends ma chérie. Moi aussi parfois j'en ai gros sur le cœur...c'est Noël. Nous avons allumé des tas de chandelles pour inviter tout le monde à célébrer cet évènement particulier. Espère encore...tiens, regarde, on a déjà les oiseaux qui te remercient pour ta bonté. C'est important pour eux tu sais ! Un jour de passé avec ce froid c'est un jour de vie supplémentaire. Ils viennent chercher l'énergie qui leur permettra de tenir une nuit de plus...

Tu as grand cœur ma sœur mais tu es naïve...écoute-moi...
Aelyenor
Aelyenor allait entamer un plaidoyer comme quoi la vie ma pauv' Dame c'est pas tenable, que c'est du néant, que le monde est dans cet état et le Royaume de France béquillant, aboyeur, morfondu, plein de vagues incessantes qui malaxent le fond et la sanie de nos régions et ses râleries insupportables dont l'objet se perd dans les méandres de la connerie, quand l’Énorme l'interrompt d'un geste sec et sans appel.

- Attends j'ai faim.

C'est du pâté qu'elle sort de sa besace et qu'elle dépose en lamelles épaisses sur une mince tranche de pain. Parvenant à la conclusion de son appétit, elle mastique au ralenti. De la molaire. Les molaires sont au râtelier ce que les notes basses de la vielle sont à une troupe de ménestrels.
Elle essuie ses mains grasses sur sa chemise jaune qui en devient kaki et déclare.


- Bon, maintenant je suis prête à t'écouter.

Aely est ravie de lui entendre dire...

- Ma chère gourmande, je voulais seulement t'expliquer que dans ce monde, le "Moi je" est plus important que l'utopique "Nous" d'une nation désireuse de construire une envie universelle respectueuse de la vie humaine.
L'égotisme est une attitude trop souvent appliquée qui encourage les démarches individuelles plus que les solidarités...

Tiens, un exemple, regarde chez nous en Rouergue, la dureté de notre époque obligerait à demander aux uns d'être solidaires des autres et donc les parlements devraient solliciter les plus aisés pour qu'ils abandonnent des acquis...c'est rude hein ! Et pourtant, on a beau dire, même les plus grands orateurs avec leurs discours habiles ne peuvent cacher qu'une région ne peut survivre que si justement le "Moi je" s'efface pour laisser place au "Nous".

C'est un rêve, une utopie, une douce illusion tant on nous modèle dans un moule de solitaires. La loi de la jungle. Marche ou crève. C'est comme ça.

Regarde autour de toi, les gens sont derrière leurs carreaux et te sourient, et toi tu l'interprètes comme : "On pense à vous, c'est bien ce que vous faites..." ce qui, si on traduit de l'hypocrite au Français signifie : "hé pauv'pomme, tu t'fais suer à embellir not'ville alors que je suis bien au chaud en train de me faire glaglater les arpions par la grosse Fernande...ça t'fous la rogne hein ! J'm'en fous de c'que tu fais à partir du moment que j'suis heureux...allez à ta santé !..."


- Alors ma sœur adorée, si tu t'obliges à te refouler dans les labyrinthes de ton pessimisme tu finiras comme eux. Et la vie et bien ce ne sera que de la vie sans rien d'autre, immonde, monotone, banale et bancale.
Moi je ne peux pas vivre ainsi. j'aime l'Humain, fragile certes, mais j'aime cette appartenance et j'adhère. Par contre l'Homme qu'une entaille saigne à blanc et que l'orgueil rend invulnérable dans ses desseins je le laisse aux autres.

Fais comme tu veux Gud...moi ce que je fais je le fais, et je terminerais ce que j'ai entamé...après nous verrons.


La Grosse écrase une larme fluviale.

- T'es bête ma Laelly hoquète-t-elle en émettant des sons d'une ménagerie nourrie aux haricots blancs. Avec c'qu'on a vécu ensemble, j'vais pas t'lâcher...

Aely est toute émue, et son coeur remonte dans son gosier. Au coin de sa cornée elle épanche, endigue et stoppe un flot continu de larmes...

Joyeux Noël à Tous !
Aelyenor
La brune respire un grand coup un air diurne qui a du mal à se frayer un passage dans ce brouillard doré. Ça fait déjà trop longtemps que Millau est enveloppé dans du coton comme les conduits auditifs d'un frileux trop sensible des portugaises.
Il fait froid, très froid.

La ville est calme...comme toujours...ce sont ces matins bénis où la cité semble apaisée. Depuis le temps qu'elle est apaisée cette ville, on pourrait lui donner le premier prix de bonne conduite. les charretiers sont prudents, les miliciens cléments, les amoureux décents...ou absents c'est comme on veut, les chiens errants et incontinents, et quelques femmes adultères s'empressent de rentrer en remuant leurs séants malséants.

Aelyenor se rend aux jardins voir ce qu'elle pourrait faire pour poursuivre le chantier. elle passe devant une taverne mitoyenne à celle de Fred. Elle a l'air fermé la turne, et aussi joyeuse qu'une pissotière de porte cochère. Devant la porte il y a un chien malade couché sur un sac de jute. Le genre de toutou fidèle qui n'a pas plus de race qu'une mouche à miel car son papa c'étaient des cabots d'un autre quartier. L'apercevant il remue la queue.

C'est son jour de chance au chien. Aelyenor en ce jour a une telle charité que le spectacle de la Cour des Miracles ressemblerait à une kermesse de village.


- Allez, je t'emmène le chien. Tu fais pitié. On a pas idée de laisser crever des animaux par un temps pareil.

Petit retour par l'Espinasse. Le temps d'ouvrir la porte et de crier.

- Gud ! La famille s'agrandit...

Le chien efflanqué reconnaissant la Sienne, se précipite vers la Valeureuse au moment précis où Gudrule, juchée sur une chaise se lavait alternativement, ce qui l'obligeait à rester en équilibre sur un jambon pendant quelques instants. Voyant le clébard elle pousse un juron, se trompe, prend appui sur le pied qui plonge dans la vasque au lieu de prendre appui sur celui qui se trouvait sur la chaise. La pauvre vasque qui commençait à en avoir marre de ces ablutions inhabituelles, décida de donner sa démission. Sollicitée par la patte mastodontante de la belle Gudrule, elle cède, et notre Bienheureuse se retrouve sur son gros séant, telle une poire trop mûre.

- Les maçons ne sont plus ce que c'était moralise-t-elle.

Elle regarde ce qui auparavant ressemblait à un chien, et comme à chaque fois quand il faut venir en aide aux âmes en détresse, l’Émouvante éclate en sanglots.
Les larmes coulent sur ses bonnes joues joufflues. Aelyenor se marre, Gudrule chiale de plus belle.


- C'que c'est dégueulasse c'te pauv'bête qu'on abandonne comme ça !

- File lui un en-cas ma tendre. Et pas trop hein, il risque de s'étouffer.

- T'inquiètes pas, j'lui fais léger : pâté de foie, boeuf mode et gigot d'agneau...

La brune lève les yeux au plafond, puis la salue en lui répondant qu'elle fasse pour le mieux et qu'excuse-moi j'ai du monde, ferme la porte et se rend dare-dare aux jardins. Fallait mettre en état le pigeonnier.



Il était encore en assez bon état. Probablement construit et emménagé depuis fort lontemps, il gardait ses caractéristiques de fuies* troglodytiques, les boulins, sortes de nichoirs à pigeons étaient intacts, seuls les réservoirs à colombines, les fientes à pigeons restaient à restaurer. Cela ne demanderait que quelques heures de travail, et la récolte de colombines servirait comme engrais à entretenir les rosiers et plantes des futurs jardins.

Ces messagers de l'amour seraient présents à tout moment pour les voyageurs ou bien pour les personnes désireuses d'assurer un soin particulier à leurs porteurs de nouvelles.

Voilà qui s'annonçait sous les meilleurs auspices...elle récapitula...


- Alors...nous avons les étangs, la gloriette, les bancs, l'entrée et ses serres, nos rosiers...reste plus qu'à attendre que la neige disparaisse pour tracer de belles allées et terminer des parterres fleuris.

Contente d'elle, elle décida d'aller s'offrir chez Fred quelques bonnes chopines, en espérant y rencontrer quelques bonnes âmes...Acanthe ou Rafale seraient-il là ?...elle pensa à Lona en l'instant...puisse son voyage se dérouler sans encombre...

Fuie est le nom que l'on donnait au moyen âge pour caractériser un pigeonnier.
Bellanika
De retour dans son fief Millau, Bellanika se décida de faire un petit tour de la ville, savoir l'avancée des choses et l'animation du moment.

Le premier lieu qui lui vint à la tête fît le fameux jardin don lui avait parlée Aelyenor, une jeune Milhavoise très impliquée et motivée à travailler.
Faisant le pas depuis sa porte jusqu'au centre ville, Bella se demanda encore et encore ou que pouvait être placé ce jardin.

Millau étant une petite ville certes, il n'est point facile de s'y trouver. Comme disait le Papin, Millau est un sac de riz dont nous hommes y tournant à l'intérieur en se pensant dans un vache chantier.

Bref,

Et elle était donc devant la mairie. Elle n'était pas motivée à rentrer in la mairie importuner la Maura; Et donc elle continua de marcher, des Trenels juqu'au pont vieux, en passant par la chapelle, rien.

La fatigue se fît sentir un bout d'un moment.... Hum, et alors qu'elle se dirigea vers les tavernes, elle aperçue du vert. Couleur rare à Millau !.

Tiens ! Zoom et elle y voit du gazon, de l'herbe verte.
Elle s'approcha tout lentement, jusque contourner le grand bâtiment sénéchaussal, et zouz elle était pile poil sur le site.

Verdure... Verdure et fraîcheur de l'hiver rendait le petit jardin tout lumineux, non sans les décoratifs pour Noel qu'Aelyenor avait sûrement pris soin d'arborer.

Long sourire et joie manifestée intérieurement.. Bella entra dans le jardin, caressant au passage les fleurs et allant jusque même y mettre le nez pour l'odorat.
Plus loin, elle apercevait des bancs. Oui ! Des bancs pour poser les fessons.
Bella se précipita d'y aller, son manteau bien calé, car nature combiné à neige, cela n'est pas du gâteau pour la santé.

Elle s'assit un moment, puis eu une idée folle.
Monter là un bonhomme de neige.

Pas folle l'idée !. Et elle en avait un tas. Monter un sapin et blabla....
La louve se leva donc de son siège, puis alla se mettre dans un tas de neige.
Elle commença par former des boules de neige.. Attendant que Albert ou toute autre personne passe par là lui filer un coup de main.

Les mains plongés dans la neige à faire les boulets... Elle pensa bien que ce site serait un paradis pour les petits Milhavois. Ou sont-ils d'ailleurs ces mômes?

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Aelyenor
Du cadastre, Aely dévala les ruelles, à la fois sur les fesses, une autre fois sur le ventre, mais particulièrement heureuse de voir quelqu'un s'intéresser aux futurs jardins de Millau.
Voyant s'affairer Bella en train de réaliser un bonhomme de neige, elle s'exclama.


- Si c'est pas un bonhomme de neige qui a de la classe, ça...
Un peu de détente, ça ne fait jamais de mal : retomber en enfance, ça fait même du bien ! Bonjour Bella, merci de mettre ta patte en ces lieux, ton concours nous est très précieux tu sais ! Mais alors...P...qu'est ce qui fait froid, y'a pas je ne m'y habituerais jamais...quoique...Chaque année je m’étonne de voir la neige tomber. Hier Acanthe était surpris de me voir détester l'hiver à ce point...que veux-tu je suis née frileuse, c'est comme ça...

Chaque année on met en avant les sourires des enfants, oui mais faut savoir que paradoxalement il y a les problèmes des paysans face aux intempéries et aux rigueurs de la saison, il y a des problèmes, des blocages, qu'il est bien difficile de gérer ma foi, et chaque année des gens meurent de froid.


C'est pas en restant cloîtré chez soi qu'on arrivera à résoudre toutes ces difficultés, chaque année on parle de la neige pour ne pas aborder d’autres choses.
Parce que d’année en année, c’est vrai que les gens ne savent toujours pas à quoi ça ressemble une charrette coincée par la neige ; la vie est injuste, non?

La neige, c’est simple. La neige, ça tombe, ça reste parfois, ça emmerde, ça prend la tête de ceux qui doivent circuler, mais pas de ceux qui la regardent devant leurs carreaux. La crise de la neige, c’est plus facile à comprendre que la crise au Parlement non ?



Soudain son attention se détourna de ses réflexions. On y voyait comme en plein jour...

- Bella !!! Regarde comme c'est beau ! Elle est adorable ma Gudrule quand même, elle a tout illuminé sans rien dire...



S'avançant pour mieux admirer les illuminations des centaines de chandelles dressées pour Noël, sa main enveloppa une rose gelée...la première osant éclore en hiver...un signe, il ne fallait pas en douter.
La tige cassa facilement d'une simple pression, puis s'avançant vers Bella elle lui accrocha à sa tunique...


- Que Millau retrouve une nouvelle vie...Joyeux Noël Bella.



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