Yolanda_isabel
- * Les très célèbres et très poétiques 2be3, oeuf course !
Elle a chevauché aussi vite que le shire a bien voulu aller, et c'est peu de le dire.
Elle a chevauché et à semer derrière elle des carillons de rire et des chapelets de larmes.
Elle réalise au fur et à mesure que les sabots de Madone frappent le sol, elle comprend l'étendue de ce qu'elle vient de lancer, et pourtant, elle ne peut renoncer à cela, elle ne veut y renoncer. Continuer à vivre sur cette terre et prétendre que tout va pour le mieux, en sachant pertinemment que chacun des membres de sa famille est sur la sellette de la destitution pour le plaisir personnel de l'Archiduc ? Non. Plutôt tout abandonner et se concentrer sur l'essentiel, sur le merveilleux et le beau. Oui mais voilà, en renonçant à Château-Gontier, Yolanda renonce à beaucoup plus, elle renonce à la promesse faite à sa mère de faire prospérer ses terres, elle renonce à son statut de duchesse et l'argent qui en découle, et de fait, elle renonce à ceux qui font son quotidien au profit d'un seul, l'unique : Clotaire de Mauléon-Penthièvre.
Alors elle a ri de son impertinence, ri du tour qu'elle juge pendard, ri de cet avenir qui s'annonce plus propice à leur bonheur commun. Mais elle a pleuré aussi, pleuré à l'idée de devoir tout abandonner, de ne plus traverser le bourg en saluant chacun comme s'il était un membre à part entière de sa famille, pleuré de savoir que sa mère lui en voudra peut-être, pleuré de céder devant leur volonté, pleuré enfin de renoncer à ces dames de compagnie en quittant tout cela.
Alors arrivée dans la cour du château, alors que les rênes sont tendues au palefrenier, elle contemple un instant la façade du château, les jardins, les écuries, un tout petit instant, assez de quoi être certaine de l'ignominie de la chose qu'elle a déclenché, et enfin, les pas la mènent dans l'aula noblia, au premier valet qu'elle croise, les mots sont dit, atones.
- « Faîtes venir tout le monde. » Il commence à partir. « Vraiment tout le monde, cela concerne tout le monde, les communs aussi. »
Cela concerne tout Château-Gontier. Et c'est elle qui a déclenché cette folie en réponse à celle d'un fou couronné en Anjou. Et Yolanda reste plantée là, sentant à peine les coups de langue des chiens, ravis d'accueillir leur maîtresse, mais bientôt plus la maîtresse des lieux.
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