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[RP] La dame Blanche

Aimbaud
Château-Gontier était perdu.

Ses tours, son cloître, ses patelins, ses bois et ses champs à perte d'horizon. L'Anjou qu'Aimbaud avait foulé dans les premiers temps de sa vie, la terre dont il s'était crotté en traînant le pieu d'un cheval en bois et en jouant avec les chiens, les arbres qu'il avait contourné en s'enfuyant pour échapper au Colin Maillard, les marais où il s'était embourbé en suivant les chasseurs, les rives de la Mayenne creusée de puisets par lesquels il tendait des pièges aux tétards ou caillassait les canards... La belle salle du trône où la Petite Reyne d'Anjou avait siégé, plus majestueusement que quiconque...

Tout cela était pris. La main basse du Fou avait gratté ces richesses, il y avait refermé les doigts en bavant d'ambition, par une entourloupe à mettre le couteau sous la gorge des héritiers Penthièvres, uns à uns évincés du pouvoir, écartés pour mieux régner. Il avait bien tiré ses cartes du jeu, le salaud, bonnes pioches et jokers. Et son sale petit cul rayé de bandelettes épousait dorénavant les contours du trône de Montsoreau, la demeure de XIX, aux oubliettes desquelles se trouvait le caveau familial des Penthièvres, les terres les plus sacrées, les plus anciennes, dont le blason avait fait trembler d'effroi tous les ennemis de la famille. Ils étaient dépossédés. L'Ambitieux avait prit parti du vieillissement des chefs de famille, de leurs assassinats successifs et des morts à la guerre, pour ramasser leurs biens comme des miettes au bord de la table politique. Le beau charognard...

Non qu'Aimbaud se clamât angevin, en public... Il épousait les convictions du Roi. Mais il avait des terres et des intérêts en Anjou. Et même s'il se refusait à prendre part aux manigances des Penthièvres, à refuser leurs pillages et leurs rébellions, la famille était toujours la famille. Si l'on en traînait un seul dans la misère, il lui incombait de trancher lui-même la gorge du rapace commettant le forfait...

Le Fou avait joué dans son dos, s'octroyant les terres de sa mère par le chantage, piquant là où le coeur allait parler plutôt que la raison : du côté de sa soeur. Aimbaud avait d'abord blâmé Yolanda, cette idiote, d'avoir cédé aux pressions du Salaud sans penser à l'immense perte qu'elle allait leur causer, à tous, par son orgueil et son emportement face à l'injustice. Renoncer à ses terres, pour clamer son désaccord ! Il l'aurait étranglée... Mais il déplaçait dès lors sa colère sur le Fou, c'était lui, dont il fallait décoller la tête... C'était lui qu'il allait poignarder en travers du foie, d'une croix bien aristotélicienne, à lui remonter jusque dans la gorge, pour lui faire vomir l'envie de lui voler son bien, le bien de Yolanda, et de leur mère, Fitzounette de Penthièvre, Petite Reyne incontestée de l'Anjou...

Mais pour se faire, il avait besoin d'un petit coup de pouce.
Un pouce royal, éventuellement.


***

Aimbaud de Josselinière était adossé à une tapisserie, dans un grand salon empli de courtisans venant quérir une audience. Les fenêtres du palais déversaient une riche lumière dans la pièce boisée, qui sentait bon la cire fraîche et le faste. Tous les hommes étaient mis sur eux avec le plus grand soin. La plupart se tenaient aussi droit que des murs, pour mieux laisser tomber les plis de leur cape, ou dégager leurs bottes au regard de la foule. Il y avait là des nobles dont Aimbaud connaissait la figure, d'autres inconnus, aux terres sûrement lointaines... Il y avait même des bourgeois, qui restaient serrés ensemble et frottaient leurs habits avec des gestes discrets. Des clercs, groupés eux aussi et silencieux. Et des huguenots, bien trop nombreux au goût du jeune marquis, serrés dans leurs vêtements sévères, et placés à l'extrême opposé des clercs, pour n'avoir pas à leur adresser de regard.

C'était en tout une trentaine d'hommes, et quelques femmes dont les couleurs extravagantes se détachaient du lot, réunis dans cette petite parcelle de cour pour obtenir une minute du Roi, lui faire entendre leurs prières ou leur présenter un membres inconnu de leur famille qu'ils voulaient voir placé dans les hautes sphères du royaume. Ils puaient tous l'ambition et la nécessité, mais Aimbaud était accoutumé à cette odeur, il ne la sentait plus. Aussi, elle était parfois un peu la sienne...

C'était donc un court jeune-homme de 18 ans, adossé là contre la fesse d'une biche en points de soie. Il avait le poitrail serré dans un beau pourpoint sombre et sinople, aux couleurs de son marquisat de Nemours, sur lequel on lui avait jeté un mantel encore long, car la saison était fraîche. Un couvre-chef piqué d'une plume blanche couvrait ses cheveux noirs, taillés de près comme toujours. Il avait perdu quelques cheveux sur le côté du front, à cause d'un violent coup de bouclier qu'un teuton lui avait admonesté lors de la reprise de Dijon, quelques mois auparavant. L'emplacement du coup ne lui laissait plus qu'une petite lune de crâne clair, là où le duvet sous le rasoir aurait dû repousser. Clémence de l'Épine, son épouse, avait trouvé bon de remarquer "Comme vous voilà pelé, à cet endroit ! Ah ah !" ce qui ne cessait plus de le faire pester, et le forçait à préférer le chapeau plutôt que le chef nu.

Il avait bonne mine, somme toute, après près d'une année de guerre, puis quelques semaines de repos en son foyer. Et si la détermination rendait son visage sévère, assombri, il n'en avait pas moins les joues et le front clair, en santé, et le maintient très noble. Quiconque avait connu son père jeune, pouvait attester à cet âge qu'il était le fils d'Erik, quoi qu'un peu plus petit et colérique, ce qui lui venait incontestablement de sa mère...

Le regard dans le vague, pour passer le temps, et puisqu'il ne trouvait pas plaisir à converser avec quelques nouveaux-riches qui étaient venus le saluer, il se mit à songer à la dame qu'il avait menée au Louvre, deux mois plus tôt, à la demande d'Eusaias. La belle Blanche de Castille avait besoin d'une escorte pour traverser un pan de la France, il s'en était chargé avec honneur. Ce triste visage aux lèvres boudeuses encadré de ses voiles l'avait poursuivit, tout le temps du voyage... Une fois conduite aux appartements du Roi, il ne la revit plus, ni n'entendait la revoir. C'était une femme qu'il avait beaucoup aimée, et qui s'était laissée aimée, à l'heure où ils avaient dans les veines un sang un peu plus jeune, qui battait sans se questionner...

La revoir, et la conduire à son suzerain, qu'il savait être son prochain amant, lui avait causé une grande douleur et bercé le coeur d'une profonde mélancolie. Il se demanda comment elle faisait l'amour au Roi, et s'il lui était plaisant, de se promener nue dans les plus beaux appartements du Royaume... Il se demanda si le Roi la traitait bien... S'il l'embrassait entre les cuisses. Peut-être avait-elle beaucoup de plaisir, si les honneurs lui étaient prodigués par un Roi de France, mieux qu'un Marquis d'Espagne comme son époux, et encore mieux que le petit Seigneur de Saint-Robert qu'il était, lui, avant de s'élever...

...


Ses yeux bruns tournés vers les hautes fenêtres, il soupira en songea à nouveau au Fou, vers lequel il dirigea peine et frustration. Envie de meurtre, aussi.


*Damien Rice
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Blanche_, incarné par Aimbaud
Devant la fenêtre une table de bureau peinte en or, et les doigts de Blanche qui pianotent sur sa surface couverte de cuir ; le dos de sa manche avec une bordure dorée sur fond vert sombre couvre en « v » la moitié de sa main et remonte sous les hallebardes tombantes, à l'ancienne mode. Et derrière l'insignifiance de cette femme coiffée de multiples nattes nordiques collées à son crâne, et mèches qui partent en tous sens, se trouve les rennes de France et les mains d'Eusaias. Tout à l'heure il ira sans doute régler des affaires d’État, mais pour l'instant il est dans cette pièce avec elle à parler de tout autre chose que de guerre ou de religion, de gestion de terres, de censure, d'ego, de gouvernement, de ducs... Ils conversent de choses simples qui méritent de s'y attarder comme s'attardent ses mains sur ses hanches et la font rire.

La porte s'ouvre dans un souffle de murmures et l'annonce du Roi qui sort de son bureau. Il part, elle reste, mais on l'entend encore un peu rire, et aussi le bruit de meubles que l'on chahute ou de tiroirs que l'on ouvre et ferme avec empressement, avant qu'elle ne sorte de la pièce en courant pour le rejoindre, tenant malhabilement une série de papiers à l'encre fraîche, sans cachet et à l'encre claire qu'utilisent les femmes ; son courrier, probablement. Un œil curieux verra une lettre à Chimera de Dénéré Malines, une autre à Yolanda de Penthièvre, et devinera peut être le « M » plus tendre d'une femme à son époux ; qui jugera de sa bienséance alors qu'elle marche aux cotés d'un autre homme, qui dira qu'il y a plus d'hymen à son rire qu'à cette correspondance obligée?

A travers les vitres, et de loin, le soleil semble se frayer un chemin jusqu'à elle pour faire dorer d'éclat brûlant les différentes teintes de ces entrelacs maladroits et indistincts ; c'est un défi contre l'obscurité que ces longues flammes sur sa tête, et ses pommettes bien rondes, envoûtantes comme le dit la rumeur, couvertes en tous cas d'un hâle doré dû et au printemps et à la maladie qui s'installe maintenant qu'elle ne saigne plus.

C'est vrai qu'il l'intimide ; il peut d'un trait la renvoyer en Espagne, transformer son existence en Enfer, balayer sa joie, rayer son rire, à la façon décousue des lèvres carmines d'Anaon, mais elle le fait résonner quand même, avec une retenue qui le camoufle derrière une grille pudique de dents et gants blancs. Parfois même, elle tourne un visage amusé et confiant vers Eusaias ainsi qu'il semble possible, prévisible, décelable même le moment où son front basculera sur son épaule comme s'ils étaient l'un l'autre si...proches ?

Dans la cohue des courtisans qui s'approchent, on ne décèle que quelques instants cette seconde silhouette derrière le roi, qui brille beaucoup moins que lui et n'abat, à sa propre contemplation que les regards étonnés par son rire et sa présence dans la même pièce que lui : et si Blanche attire le temps d'un battement de cils, elle disparaît bien vite derrière les appels et courbettes oppressantes de cette masse d'hommes, de femmes, de croix et de Bibles qui entourent le Roi aussitôt qu'il sort. Perdue, anonyme dans cette indescriptible armée d'envieux, elle perd bien vite la proximité qu'elle avait avec lui ; et même ce qu'elle tenait en ses bras, liasse de parchemins mal empilés, glisse et tombe par terre.
Elle plonge. Tête à hauteur des genoux des courtisans. Elle voit un soulier à boucle, des bures d'excellente qualité, et des pieds crottés. Elle voit des bas aux hommes, des collants, des fonds de capes, des manteaux de fourrure qui couvrent le parquet et ses feuilles. Le sien, fait en peau de loup, pèse de toutes ces mains qui ne la voient pas et tapent sur elle ; elle attrape vite le dernier vélin et se redresse entre un évêque et sa Bible.


Majesté ! Majesté ! Font-ils d'une même voix, qu'elle entend brûler ses oreilles. Elle essaye de se faufiller mais reste toujours deux pas derrière lui. Rageuse. Sait-il qu'elle n'est pas à coté de lui ? Ah, cette insignifiance...

Majes... Pardon. Fait-elle en coupant la parole d'un bourgeois à barbe. Il s'écarte, visualisant peut être, dans cette blonde à la robe verte et le manteau gris, la femme souriante qui s'échappait du bureau du Roi en lui riant dans le cou.

Désormais à hauteur d'un bras, qu'elle pourrait glisser contre son dos si l'envie lui prenait, elle sent la moitié de son manteau tenue en arrière par le charivari de courtisans, elle sent ses pieds écrasés et son sourire disparaître.


Ah, vous êtes là ! Fait un nez aquilin alors qu'elle ne comprend pas encore ce qui arrive à tout son corps, tiré vers Eusaias. C'est une telle surprise qu'elle marche elle-même sur les pieds des plus grands comme s'il s'agissait de marche-pieds, jusqu'au cercueil chaud des mains du Roi prenant la sienne. Pardon. Attention à vous. Je suis désolée. Oups. Éminence, cher évêque. Promesse de don à votre Église. Pardonnez-moi Comte. Poussez vous chère... Ah, je vous avais dit. Pardon. Aïe. Désolée.
Comme si ses bras qui avaient agrippé sa taille se foutaient du protocole et des courtisans à écraser et scandaient un « Tu n'as pas compris, tant pis ne t'en fais pas, et viens t'en dans mes bras !». D'une certaine façon la suprématie de ce nez monumental et grand, que l'on trouvait beau sur les pièces de monnaie mais dont elle se moquait tendrement, avait quelque chose quand il lui souriait de canaille, quelque chose quand il s'amusait à afficher en public leur relation de canaille, canaille... Elle leva les yeux vers lui, souriante. Vous savez bien que je déteste ça, vraiment, how can … Aïe. Aimbaud se trouvait derrière lui, elle le vit, blêmit.


Lo...rdel de merde !

Aimb... Duc de... Mais qu'est ce que...


[Aznavour]

Plus tard elle écrira à l’Évêque qu'elle donnera rien à son Église, parce que Dieu, il ne l'aime pas du tout.
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Eusaias
S’élever n’est pas chose facile et le Balbuzard à la tête coiffé de la couronne de France pouvait le jurer sans hésiter. Bien que d’une famille noble, il avait choisi la maraude, la brigandine et les bandes de routiers où l’on passe plus de temps à voir mourir ses proches qu’à compter le butin.

Puis il y avait eu la Bourgogne et son frère à l’œil mort : Snell. Ils avaient bataillé un peu l’un avec l’autre jusqu’à se retrouver en Bretagne à combattre pour la Bourgogne. Le duc de Bourgogne était Erik le Terrible, Erik de Josselinière très exactement, que certains surnommaient à juste titre le Tri-Duc. C’était avec ce grand, cet immense bourguignon que le roi, seigneur de Saint Robert avait appris la politique.

Le duc de Bourgogne était devenu Duc de Corbigny. Le seigneur de Saint Robert était devenu Duc de Bourgogne. Puis avec le temps Aimbaud de la Josselinière avait pointé sa truffe enfantine dans la vie du Roi. Le fils de son ami et surtout maitre en politique, devenait peu à peu un élève du duc de Bourgogne et seigneur de Saint Robert devenu Baron, puis Vicomte de Digoine.

La Bourgogne avait changée de main, Saint Robert aussi, puisque désormais le jeune Aimbaud devenait seigneur de ce fief Limousin. Durant ses années plus le Terrible Erik s’effaçait pour ses chasses, plus le jeune Seigneur de Saint Robert s’affichait avec Digoine. Aimbaud remplaçait si bien Erik qu’il devint à son tour duc de Corbigny.

Le jeu des chaises musicales n’avaient pas conne sa fin encore car la maitresse du jeune duc de Corbigny et seigneur de Saint Robert était devenue celle de Digoine, devenu Roi de France.

Blanche était passée de l’un à l’autre en toute conscience. Corbigny avait accepté cela, sans doute abattu et le roi, as de la diplomatie qui ne savait rien du lien précédent, avait demandé au Marquis de Nemours, Duc de Corbigny de servir d’escorte afin que la jeune Britto-castillane puisse trouver la garçonnière du roi sans encombre.

Monde cruel…

De tout ceci le Balbuzard n’en avait pas conscience cependant accompagné de Blanche pour ne pas dire l’entrainant avec lui, il trouva le Marquis chez lui.


Ah ! Le plus fidèle de mes marquis ! Je ne dis pas le plus fidèle à la couronne, mais le plus fidèle à ma personne. Comment allez-vous mon bel ami ? Je ne vous présente pas la belle Blanche de Castille.

Blanche qu’il entraina devant lui.

Vous avez une mine affreuse Aimbaud. Un peu comme si un votre jeune sœur s’était amourachée d’un roturier.
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Aimbaud
Aimbaud décolla le dos et le pied du mur lorsqu'il entendit les battants de la porte grincer. Suivant le mouvement des têtes, il guetta l'approche du tant-attendu, le visage levé à hauteur des toques et des bonnets ecclésiastiques. Il se trouvait visible, et le Roi ouvrit lui-même la marche à sa rencontre, traversant les robes qui s'effaçaient presque automatiquement sur son chemin.

Achevant sa révérence, le Josselinière redressa la nuque pour répondre.


Je me fie à la tête plus qu'à la couronne, votre majesté.

Un bref sourire de connivence accompagna sa remarque au Roi. N'en restant pas moins froid, il suivit le geste du souverain pour observer sa compagne, qu'il n'était pas nécessaire de présenter, à lui comme à la cour de France, puisque dès l'heure où elle avait pénétré les appartements privés du Louvre, son CV, sa couleur préférée, et sa touch "made in Bretagne"/importation d'Espagne, était passée de bouches en oreilles comme une traînée de poudre.

Il lâcha les yeux de la favorite, préférant éviter son regard trop cru, pour aviser les atours dont on l'avait parée. De l'épais collier sur sa gorge, à la frange riche qui bordait sa poitrine, d'où tombaient les motifs... Oui. Ils étaient toujours plus raffinés, les présents de ses galants... Ses yeux noirs se penchèrent jusqu'à la taille de Blanche, ceinte d'une très belle bande, autrefois parée seulement de ses mains. Ils abandonnèrent ce poste pour aller dans le vague, et se charger à nouveau d'humeur lorsqu'on parla "roture".

Une lame froide remonta dans ses bras, et il adressa un regard trahi à Eusaias. L'odeur de cire fraîche de la pièce se mit à lui piquer le nez.


Vous savez bien ce qu'il en est, mon Roi.

Il pencha le front plus près. Le regard baissé.

Mais il ne tient qu'à votre majesté de me rendre bonne mine, en m'accordant le droit de faire justice moi-même pour restituer à mon cousin et à ma soeur, les terres de notre famille qui leur sont dues.
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Blanche_
Le bras tiré, elle fut propulsée au devant d'Aimbaud avec cette absence de protocole et de manières qui caractérisait assez bien le roi Eusaias. La façon dont il traitait les gens était sans doute dissociable de son rang, c'était tout du moins ce qu'en pensait sa maitresse pour l'avoir longuement observé, et étudié cette manie de diriger tout et tout le monde comme un architecte déplace des colonnes et des murs, ou un enfant ses jeux de bois. S'il était péremptoire, il l'était de naissance ou d'éducation, la couronne n'avait pas pesé de façon trop décisive dans sa personnalité. Même, paysan, Eusaias aurait sans doute ordonné aux chèvres de se tenir où bon lui semblait, tout comme Blanche, qui lui obéissait l'échine redressée et fière.

Elle se tut et ne dit rien.

Pas même un sourire. Elle avait le regard plein de mots mais se taisait. Et, muette, on ne pouvait rien comprendre, on pouvait tout comprendre de ce que ces yeux qui pétillaient voulaient dire. Joie, ironie, moquerie, tristesse, détresse, indifférence? Aimbaud choisirait quoi croire, tout comme elle choisissait de ne rien dire ; il n'y avait rien à dire de toute façon. La discussion, loin de l'incorporer, parlait terres et destitution, à ce qu'elle en avait compris. Si Yolanda était touchée, ainsi qu'il sembla très fortement l'être, elle en ressentait une grande peine bien que cela fasse des années qu'elle n'avait ni vu, ni appris de la Josselinière. Tout compte fait, dans son esprit, Yolanda était restée une petite fille capricieuse et rondouillarde que l'on gâtait beaucoup trop, qui n'aurait à elle seule sans doute pas mérité que l'on s'y intéressât autant. C'était l'héritage intellectuel et affectif qu'elle brassait, tour à tour de sa mère, de son frère, et de sa marraine, qui avait créé à son insu l'image, pour Blanche, d'une petite mignonne adorable à chérir et protéger. Qu'elle soit mise à mal, et par l'Anjou, ajoutait à son tableau de buse, de jeune chevalière, et de filleule bleu roy quelque chose de révoltant. Puisqu'il fallait se taire quand les hommes parlaient, elle se taisait, mais l'on pouvait voir à ses joues teintées de rose qu'une franche émotion lui sciait l'esprit en deux.

La dernière phrase d'Aimbaud resta en suspend. Naturellement elle tourna la tête vers Eusaias, dans une attitude, un regard, un faciès simple et sincère. La parenthèse du Louvre lui avait redonné l'attitude qui avait été la sienne quand elle était encore résidente bretonne. Franche, et sans complexe. Au plus proche de ce que sa véritable personnalité était ; comme si la vie avait choisi pour elle, parmi tous les masques de convenance qu'elle avait jamais portés, celui qui couvrait le moins son visage. Un loup voilant à peine ses pommettes, qui couvrait le contour de ses yeux en en ôtant juste la tristesse de revoir Aimbaud. Une mascarade, une esquive à peine visible.
Blanche de Castille avait un air de Blanche de Bretagne quand elle était au Louvre. Elle en avait même les atours, les bijoux, l'absence de rides, le sourire. Le hasard faisait qu'elle avait aussi les larmes aux yeux de revoir Aimbaud pour s'en éloigner une fois encore.

Elle ne dirait donc rien. Lèvres scellées. Elle montra cependant un intérêt ostensible à la réponse d'Eusaias. Cela l'aurait émue qu'il refuse la requête d'Aimbaud. Cela l'aurait effrayée qu'il l'accepte. L'une ou l'autre des alternatives lui causerait déchirement profond ; le voir triste, vexé, déçu, ou mort d'une entreprise vaine?
Forte de cette douteuse assurance que de pouvoir faire fléchir le roi, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, elle se contentait de fixer Eusaias avec un petit sourire en coin. Elle le savait assez diplomate pour mener ses ouailles où bon lui plaisait ; c'est cette qualité qu'elle espérait voir en pratique, guettant pour elle le moment où elle pourrait les mener à son tour où elle le voulait.

Chaque être pouvait être manipulé. Il suffisait d'y mettre de la douceur, du chantage, de la persévérance, de l'obstination. Il suffisait de ruser et d'user au besoin, de cache-oeil d'une taille suffisante. Les sangliers et les corbeaux, comme tous, avaient des yeux que l'on pouvait tourner dans la direction que l'on préférait.


Ne serait-il pas mieux que vous en parliez... en mangeant?

Fit-elle de son air le plus innocent possible.
Il était l'heure, et ils avaient tous faim. De vengeance, de gloire, de pardon. Un repas saurait concilier leurs espérances.

Et appâter sa proie.

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Eusaias
Et vous avez bien raison de vous fier aux personnes plus qu’à leur symbole. Une personne mauvaise ne deviendra pas bonne en portant une couronne, c’est son caractère qui fera que la couronne sera bonne ou non.

Il posa sa main sur l’épaule du marquis un peu comme un père pose sa main sur celle de son fils. Il n’était pas le père, mais un ami du père et aurait tant voulu voir son fils ainé, Cassian, ressembler au jeune marquis.

Il changea en même temps de ton, involontairement ceci dit.


Ne fais point cette tête alors Aimbaud. Ce qui ont nuit aux tiens, seront demain enfoncés comme jamais dans le propre m*rdier qu’ils ont créé. Car tout vient toujours à point, les bonnes choses comme les retours de bâton. Les chiens affamés finissent par se dévorer, il en est de même pour les hommes sans scrupule animé de vils ambitions comme le sont les angevins en ce moment au « pouvoir ».

Ta famille jouit toujours aux yeux de notre hérauderie de leur statut, ce n’est pas le plus important mais ils auront au moins le privilège d’être toujours traité comme il se doit. Pour ce qui est de te rendre bonne mine, nous ferons au mieux avec nos officiers.

Ne serait-il pas mieux que vous en parliez... en mangeant?

Ma belle tu as raison, le ventre vide n’est jamais bon conseiller.
Allons-nous rassasier autour de quelques gibiers agréablement cuisinés.


Ah Blanche, elle avait su se faire sa place ici alors qu’il y avait encore peu le Balbuzard voulait la forcer. Il avait placé des couleuvrines fasse au château d’un ami qui voulait la protéger. Il avait fait tuer quelques hispaniques pensant que c’était des gens de chez elle, histoire de la peinée profondément.

Aujourd’hui elle était à ses côtés et ne semblait pas en être troublée.

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Aimbaud
Et le Josselinière était contraint d'opiner, le visage bas, sous l'aile du corbeau qui lui mettait la colée de sa grande main de souverain. Il clignait des yeux et les baissait, tout loyal qu'il était, obligé de murmurer oui quand il voulait rugir non. Comment placer un mot, sans contrarier Eusaias ? Se faire seulement comprendre ! Expliquer sa théorie, quoi ! Évidement, il pouvait attendre et ne rien faire, évidement, ses griefs n'étaient que peau de chagrin comparés aux ennuis du Royaume, évidement, il y avait de petits enfants d'Armagnac qui mourraient de faim... Évidement, il fallait manger... Mais il avait une doléance, une simple petite doléance, nom de Dieu !...

Il grinça des dents, et se surprit à détester Blanche, quand celle-ci proposa la collation. Il ne fallait que ça pour détourner l'attention du Roi, le divertir, et laisser l'affront impuni, abandonner sa famille à la roture... Ses yeux noirs passèrent sur "la Belle" du Roi, chargés d'un cuisant mépris.

Et puis d'abord de quoi elle se mêlait, celle-là... Était-elle bien en position de parler ? Ne voyait-elle pas combien elle n'était pas à sa place, ici ? Dans cette conversation, dans ce palais, et plus particulièrement au bras du Roi ? À exposer l'infidélité d'Eusaias au grand jour, et devant toute la cour...! Devant lui. Sa fine main blanche qui se pressait au velours bleu fleur-de-lysé, et se faisait empoigner impudiquement par cette autre main garrottée de chevalières qui lui broyait, à lui, paternellement l'épaule de l'autre côté... Franchement ? Il n'avait pas faim.

Il se laissa toutefois entraîner par le bras royal, la mine plus grise encore qu'à son arrivée. Ses poulaines traînèrent aux côtés du Roi, il feignit la bonne humeur. À son dam, il haïssait Eusaias tout comme un fils haït son père. En l'adorant tout en même temps.


Votre majesté... J'accepte, mais à dessein de vous voir plus sensible à mon malheur, une fois rassasié de viandes et le vin...

Il trouverait bien, à table, un argument qui le ferait changer d'opinion. S'ils parvenaient, aussi bien l'un que l'autre, à garder l'esprit clair en présence de la favorite...
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