Johanara
"Ses yeux. Ma peine. Impossible à sonder.
Pourquoi m'avez vous empêchée de mourir? " Johanara.
L'ennui fut égorgé vif, et s'il fut conté à la douce et plantureuse Baronne, que la Mort de son premier enfant viendrait l'étreindre et la sortir de sa torpeur, pour sûr qu'en lieu de ses longues flâneries aux abords du Castel de Lignières, elle se serait jeté sous le premier coche de passage.
La pire des épreuves lui fut imposée par le Destin, comme une sorte de prix à payer à la Fatalité, une vengeance du ciel pour celle à qui tout avait été offert dès la naissance.
"Dieu m'a donné. Dieu m'a repris."
La nouvelle vint de Léopold, son fidèle valet qui revenait du Sud où la grande rouquine avait quelques commerces douteux mais florissants.
On le disait mort. Un ours lui aurait déchiré la jugulaire alors qu'il folâtrait dans les champs, échappée bucolique auprès d'une de ses conquêtes aux cheveux débène.
Johanara s'évanouit aussitôt. Ses domestiques durent la transporter en sa chambrée où, pendant plusieurs semaines elle vécut une sorte d'anéantissement. Ce fut son cousin, Pons d'Ambroise, qui fut chargé de ramener le corps d'Alexander au Château.
La Divine aux seins lourds suffoquait dans son lit, rongée par la culpabilité, accablée par la douleur lancinante qui vrillait ses entrailles. Tout ce temps qu'elle avait passé à Limoges auprès de son époux semblait autant d'instants dérobés à son enfant. Plus livide que jamais, la Madone dont les grands yeux verts de mer s'assombrissaient des sillons violacés creusés dans l'albâtre de sa peau, cernes cruelles vestiges de nuits entières à s'anéantir sous le Blâme et l'Improbation, errait dans les corridors aux sols marbrés dont le froid mordait le pied nu et glacé qui le foulait.
Ses ongles lacéraient le satin de son beau minois et la chair tendre de ses bras tandis que ses mirettes ne souffraient plus aucune larme.
Elle avait déjà tant pleuré.
Johanara s'enferma des heures durant, hurlant, arrachant par poignées le feu chatoyant qui ruisselait en boucles soyeuses jusqu'à ses cuisses charnues. Elle se débarrassa même de son autre enfant, l'introvertie Daria dont elle ne supportait plus la vue, en la faisant expédier au couvent. Toute la maison pensa alors qu'elle allait perdre la raison.
Des souvenirs...Des bribes de rêves lui collaient aux paupières : en prenant dans ses bras le délicieux bébé, Johanara aurait elle pu avoir la prescience de son destin? Comment se douter que cet adorable rouquin, alchimique perfection née du fruit des amours les plus vivaces et sacrées verrait le cours de sa vie détruit aux aurores par la vulgaire patte d'un ours?
Lorsqu'elle put tenir une plume entre ses doigts fins et délicats, une missive fut portée à celle qui resterait sa bru à tout jamais.
Pourquoi m'avez vous empêchée de mourir? " Johanara.
L'ennui fut égorgé vif, et s'il fut conté à la douce et plantureuse Baronne, que la Mort de son premier enfant viendrait l'étreindre et la sortir de sa torpeur, pour sûr qu'en lieu de ses longues flâneries aux abords du Castel de Lignières, elle se serait jeté sous le premier coche de passage.
La pire des épreuves lui fut imposée par le Destin, comme une sorte de prix à payer à la Fatalité, une vengeance du ciel pour celle à qui tout avait été offert dès la naissance.
"Dieu m'a donné. Dieu m'a repris."
La nouvelle vint de Léopold, son fidèle valet qui revenait du Sud où la grande rouquine avait quelques commerces douteux mais florissants.
On le disait mort. Un ours lui aurait déchiré la jugulaire alors qu'il folâtrait dans les champs, échappée bucolique auprès d'une de ses conquêtes aux cheveux débène.
Johanara s'évanouit aussitôt. Ses domestiques durent la transporter en sa chambrée où, pendant plusieurs semaines elle vécut une sorte d'anéantissement. Ce fut son cousin, Pons d'Ambroise, qui fut chargé de ramener le corps d'Alexander au Château.
La Divine aux seins lourds suffoquait dans son lit, rongée par la culpabilité, accablée par la douleur lancinante qui vrillait ses entrailles. Tout ce temps qu'elle avait passé à Limoges auprès de son époux semblait autant d'instants dérobés à son enfant. Plus livide que jamais, la Madone dont les grands yeux verts de mer s'assombrissaient des sillons violacés creusés dans l'albâtre de sa peau, cernes cruelles vestiges de nuits entières à s'anéantir sous le Blâme et l'Improbation, errait dans les corridors aux sols marbrés dont le froid mordait le pied nu et glacé qui le foulait.
Ses ongles lacéraient le satin de son beau minois et la chair tendre de ses bras tandis que ses mirettes ne souffraient plus aucune larme.
Elle avait déjà tant pleuré.
Johanara s'enferma des heures durant, hurlant, arrachant par poignées le feu chatoyant qui ruisselait en boucles soyeuses jusqu'à ses cuisses charnues. Elle se débarrassa même de son autre enfant, l'introvertie Daria dont elle ne supportait plus la vue, en la faisant expédier au couvent. Toute la maison pensa alors qu'elle allait perdre la raison.
Des souvenirs...Des bribes de rêves lui collaient aux paupières : en prenant dans ses bras le délicieux bébé, Johanara aurait elle pu avoir la prescience de son destin? Comment se douter que cet adorable rouquin, alchimique perfection née du fruit des amours les plus vivaces et sacrées verrait le cours de sa vie détruit aux aurores par la vulgaire patte d'un ours?
Lorsqu'elle put tenir une plume entre ses doigts fins et délicats, une missive fut portée à celle qui resterait sa bru à tout jamais.
Citation:
De Johanara Bérénice Montbazon Navailles, Mère endeuillée au cur de glace,
A ma tendre fille et ma bien aimée sur, Catherine de Trèvieres.
Venez ma mie. Tout est fini. Plus jamais ses pépites céruléennes n'éclaireront votre minois enchanteur. Je pense me donner la mort dans les jours qui suivront.
Le corps d'Alexander... Venez. Je ne saurai soulever le voile qui recouvre la statue inerte sans votre soutien.
A ma tendre fille et ma bien aimée sur, Catherine de Trèvieres.
Venez ma mie. Tout est fini. Plus jamais ses pépites céruléennes n'éclaireront votre minois enchanteur. Je pense me donner la mort dans les jours qui suivront.
Le corps d'Alexander... Venez. Je ne saurai soulever le voile qui recouvre la statue inerte sans votre soutien.