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[RP ] La charrette de ma dame est avancée !

Acanthe
Un voyage ça se prépare, ça s’organise.

Surtout quand on part tout là-haut au pays des pommes.
Et surtout quand la dame a le ventre tout rond et que peut-être bien qu’ils reviendront plus nombreux.

Le problème c’est que l’organisation, ce n’est pas la plus grande qualité du barbu. Et puis il veut tellement que sa petite merveille soit bien, confortable à l’arrière de la charrette.

Alors il a observé les voyageurs passants à Millau, il a questionné, demandé des conseils à qui voulait bien lui en donner.

Commençant par le commencement, il a bâché l’hippomobile. Pas une mince affaire. Il lui a fallu trouver une toile, résistante et étanche. Et blanche parce que c’est mieux, question de fraîcheur, bien que la Normandie ne soit pas réputée pour ses fortes chaleurs.
Mais par acquit de conscience il la choisit blanche, plutôt crème ou grise en fait. Et puis le jour où ils iront promener leurs chausses plus vers le sud il ne regrettera pas ce choix.

La toile en main, marchandé à un commerçant ambulant un brin suspect, il demanda à une tisserande du village de lui faire quelques raccords.
Bien solide avec de doubles coutures si possible.
Quelques truites et autres goujons plus tard, il tient enfin le toit de leurs nuits étoilées.

Un peu de travail sur la charrette s’imposait aussi,
renforcer les parties les plus fragiles lui semblait nécessaire et monter une petite charpente afin d’y fixer la toile lui paraissait la solution la plus simple.
C’est à son atelier de charpentier qu’il se rendit pour effectuer les travaux. Le bois était là, les outils en nombre, avec un peu d’huile de coude et beaucoup d’imagination il devrait pouvoir en sortir quelques choses de présentable.

Les deux essieux sont donc apprêtés en conséquence, c’est qu’il va y avoir du poids au-dessus. Et…du mouvement certainement.
*Attention, je vois déjà les petits poings de la belle au barbu se coller sur les hanches avec dans le regard une interrogation qui fleurit.
Qu’il n’y ait pas de mésentente j’apporte une précision, il y aura les malles, quelques victuailles, un pucier, l’Acanthe qui n’est pas un poids plume.
Ca pèse tout ça !

Il peut maintenant s’attaquer à la structure du toit, arrondi si possible. Ou en pente, mais il y aurait une perte de place évidente.
Qu’à cela ne tienne, le barbu cogite donc, et comme souvent dans ces moments-là, c’est la barbe qui se fait gratter, les yeux qui se plissent.
Faire un arrondi, courber le bois ! Il inspecte son atelier, teste différentes essences.
Se regratte la barbe et replisse les yeux mais cette fois avec satisfaction. Il a trouvé, le frêne sera parfait pour ça, souple et résistant.
Il ne lui reste plus qu’à débiter le bois nécessaire.

Une bonne journée de travail dans les paluches plus tard, il assemble le tout. C’est solide. Pas digne d’une charpente de l’époque romane, mais solide.
Pour finir il fixe la toile, la tend. Ca ressemble à quelque chose d’habitable, on ne tient pas debout certes, mais il y a assez d’espaces pour y vivre et y dormir surtout le temps d’un voyage. Et puis l’exiguïté de l’habitat n’’est pas pour lui déplaire, toujours au plus près d’elle.

Une dernière mesure, un dernier plan pour aujourd’hui. Il élaborera le pucier conjugal demain. Pour l’heure, retour à l’Espinasse.

Ramenant la charrette maintenant couverte chez eux, il pourra l’aménager sous le regard avisé de son Aely.

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Aelyenor
Lona dort dans le jardin. Se remettant peu à peu de ses blessures infligées il y a de cela déjà quelques jours. Elle occupe un vieux fauteuil d'osier sous une treille bourgeonnante.
La nuit vient de tomber et la lune quand à elle se lève...qui baille tout là-haut dans un ciel étoilé sans nuages. Sa pâle clarté laisse découvrir à la brunette le chemin caillouteux où elle espère voir apparaître l'ombre tranquille de son homme.
L'odeur puissante de la forêt en contre-bas la chavire. Ce sont les purodiférants à feuilles caduques qui reniflent le plus.

Aely c'est la prudence au cœur de l'imprudence. Toujours ! C'est pas parce-que le chiare qui repose au sein de son ventre semble avoir cessé ses gigotements qu'elle va en profiter pour se reposer. Non...son pêcheur n'est toujours pas rentré, alors elle quitte le creux de son arbre pour aller à la rencontre de son bellâtre.


" Est-il encore debout le chêne ou le sapin de mon cercueil ?"* Je trouve que c'est une des plus belles questions de la littérature. Pas vous ?
En tout cas ça fait méditer...image choc, celle qui remet l'Homme sur les chemins de la réalité d'où son orgueil le fait sortir trop souvent.


Le temps s'écoule. Et puis...un couinement, deux couinements, des couinements ininterrompus et la silhouette de l'Acanthe qui se détache au bout du chemin pierreux, plié sous un poids, tirant une...charrette.

On dirait une carriole mérovingienne retapée en carrosse. Aelyenor se précipite vers lui et se jette à son cou. Le merdeux, jaloux, recommence à donner des coups de pied sauvages à sa mère.


- Aïe. Il a même pas la reconnaissance du ventre ce môme.

Puis revenant à l'essentiel, elle fait le tour du modèle antique. Il a l'air de rien mais soudainement Aely se dit qu'elle y tiendra comme à la prunelle de ses yeux.
Elle caresse la bâche tendue, touche les roues qui ont un peu de jeu et qui écrivent des huit en tournant.


- C'est pour la Normandie ? demande-t-elle taquine. Alors en route vers les chemins tortueux de la gloire et de l'honneur. Va juste falloir avant de partir forger des bandages en fer étiré, qu'il faudra tendre sur les roues de bois. En se refroidissant la bannière de fer se rétractera et se tendra sur ces mêmes roues.
Ben oui...sinon on aura pas le temps de sortir du Rouergue qu'elles seront usées jusqu'aux moyeux.
C'est l'affaire d'une journée.

Dis donc mon ange, de copeaux, de lambeaux et de fétus tu réalises des œuvres d'art !


Brave Acanthe. Seul spécimen de la jugeote populaire. Démonstration vivante de l'esprit analytique des Royaumes. Ces Royaumes, terres de liberté, patries du courage et mères de toutes les grandes inventions.

- Tu es merveilleux. Magistral. Magistral et délicat. C'est Héphaïstos qui va être heureux de mener le convoi. (cf Le Vert Millau pour comprendre qu'Héphaïstos est le cheval d'Aely)
Si tu le veux bien, j'aménagerai l'intérieur. Un côté pour Lona et le chaton, un côté pour nous. Le tout douillettement concocté avec amour.

Ils se propagent des choses apaisantes. s'embrassent encore puis s'accompagnent chez eux.

A considérer le tableau, on juge combien ils sont heureux.

* " Est-il encore debout le chêne ou le sapin de mon cercueil ?" Georges Brassens.
Acanthe
Haletant, poussif, le barbu tire la charrette sur les chemins caillouteux. Les esprits chafouins diront que ce n’est pas à l’homme de faire le travail de l’animal. Mais, un peu bourru parfois et n’ayant pas Héphaïstos sous la main, il décide de trimer seul. De suer, peiner, besogner…....
Il aura dorénavant plus de considération pour le canasson dont l’échine ploie sous la charge.
D’ailleurs un conte en forme de leçon lui revient à l’esprit, une histoire entendu lors d’une veillée d’ermitage. Il s’en rappelle très bien !


Un homme et son fils partent en voyage.
L'homme est monté sur le cheval et son fils marche près de lui, passant par un premier village, les gens en les voyants ainsi ont dit :
- Quel père sévère ! Il laisse son fils marcher à pied alors que lui est sur le dos du cheval.

Le père descendit du cheval et laissa son fils y monter. Passant par un deuxième village, les gens ont dit :
- Quel fils mal éduqué ! Il laisse son vieux père marcher alors que lui est sur le cheval.

Le père et le fils décident donc de monter tous les deux sur le dos du cheval. Arrivant au troisième village, les gens ont dit :
- Cet homme et son fils sont cruels ! Ils imposent à ce pauvre cheval une charge bien trop lourde.

Lassés de tout cela, ils descendent tous les deux et marchent derrière le cheval. Passant par un quatrième village les gens ont dit :
- Cet homme et son fils sont fous ! Ils marchent à pied alors qu'ils ont un cheval.

Puis l’homme se tourne vers son fils et dit :
- Quoi que tu fasses mon fils, il y aura toujours quelqu’un pour critiquer tes choix.


Souriant, l’Acanthe se dit qu’il serait peut-être pris pour un fou.

Une silhouette apparaît sur le chemin, fine, gracieuse et arrondie. Une belle des champs sur un sentier poussiéreux qui se précipite à la rencontre du barbu, lui saute au cou et l’embrasse.
Il n’en fallait pas tant pour le ravigoter, se délestant de sa charge il accueille la promise entre ses bras.


- Aïe. Il a même pas la reconnaissance du ventre ce môme.

Posant une paluche attendrie sur la bedaine, il sent l’habitant qui ne tarde pas à se manifester contre cette main importune. C’est qu’il s’agite dans le bocal le mouflet.
L’Acanthe entreprend alors sa première remontrance de futur papa, se penchant sur le rond bidon il lui murmure calmement

- Laisse un peu ta maman tranquille ! T’auras tout l’temps d’faire des folies après.

Deux autres petits coups arrivent, c’est susceptible ces petites choses.

La belle inspecte la carriole, touche les roues. Ouch ! Le point faible, son œil avisé ne l’a pas manqué. Il s’en est bien rendu compte sur le chemin, ça gîte un peu sur les bords.


- C'est pour la Normandie ?......Va juste falloir avant de partir forger des bandages en fer étiré, qu'il faudra tendre sur les roues de bois…………

Taquine elle propose, souriant il acquiesce.
- Hum ! Je m’disais aussi qu’on n'irait pas loin comme ça. Un peu taquin à son tour J’comptais just’ment sur ma p’tite forgeronne pour y r’médier !

- On verra ça d’main pour l’aménager, j’t’aiderai.

C’est un couple uni, amoureux qui se rentre en leurs pénates.


[Le lendemain]

La nuit fut belle et douce comme souvent. Le ventre arrondi ne permet plus autant de folies, mais la passion qu’ils y mirent en ferait rougir les biens pensants et les tenants de la bienséance.

C’est une merveille enjouée qui le tire du sommeil, entrainant son barbu vers la journée qui s’annonce.
Tout est déjà prévu sauf que l’Acanthe a décidé de taper le fer à sa place. Une négociation s’entame, les arguments fussent.
D’une voix calme mais un tantinet presque autoritaire

- Faut pas qu’tu t’fatigues ! Tu m’dis comment faire, j’essaie. J’veux seulement qu’se soit moi qui frappe le fer.

Il a droit à son essai.
Ils s’entrainent donc mutuellement vers la forge, en ayant bien entendu pris soin d’emporter les roues de la charrette.
La petite forgeronne explique le pourquoi du comment il faut faire comme ça. Que si on chauffe de trop, le fer ne tient plus, il s’affaisse, mais que si on ne chauffe pas assez, il ne sera pas assez malléable.
Une vraie science ce métier, un savoir-faire.
Sous le regard de connaisseuse, l’Acanthe frappe, martèle le fer avec entrain. L’Aely supervise les opérations, accompagne son homme, le guide. Le rouspète parfois.
La journée passe et le feu crépite avec force.
Le fer étiré peut maintenant être appliqué sur les roues, autant dire que pour cette étape délicate c’est les mains de la belle qui font merveille.
Refroidies elles retrouveront leurs places.

De la limaille qui les couvre, noirci par le travail, ils rentrent heureux de leur collaboration.

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Aelyenor
Il est charpentier mais il aurait très bien pu épouser la profession de forgeron. l'art c'est l'art, et l'art se rencontre parfois parfois chez des êtres qui ne le montrent pas toujours. Tel que Hephaïstos le boiteux, si laid et si difforme mais le plus laborieux des Dieux. Socrate, considéré comme intempérant et vicieux mais pétri de justice humaine ; et cependant tous ces gens débordaient de talent.
Et bien pour l'Acanthe c'était la même chose. Une bouille d'homme consciencieux, un gabarit de bûcheron, des muscles en paquets, velu jusqu'au cou et élève forgeron de tout premier ordre.

La perfection...presque. Le rythme : cadencé. La frappe : précise. le regard : attentif. Ralentissant ses martèlements lorsque le fer était trop chaud, accélérant lorsque ça refroidissait.
De temps en temps Aely lui prenait le bras et modifiait son angle d'élan suivant les cas de figure, trempait un linge dans de l'eau fraîche et humectait ses épaules, son cou, ses tempes pour le rafraîchir.


- C'est parfait. Maintenant cambre les barres pour leur donner une courbure directive...Bien. Chauffe-les encore et enveloppe les roues de suite. Voilà. On attend un peu que ça se rétracte et puis je m'occuperai des soudures au clou.

Dans l'après-midi tous deux s'évertuèrent à transformer l'intérieur de la charrette en un adorable petit salon d'intérieur six places. Un tapis de foin et des ballots de paille firent qu'ils inventèrent une mode nouvelle d'aménagement d'intérieur : le dossier renversable. Lorsque l'envie de s'assoupir se ferait ressentir, il suffirait de rejeter un ballot de paille et le tour serait joué.
Quelques couvertures pour éviter les fétus de paille désobligeants et indiscrets, une cloison de drap de lin séparant l'intérieur intimiste du poste de cocher. Il y avait même un coin cuisine où s'entreposait un véritable garde-manger composé de jambons, saucisses, pain, carottes et autres haricots.

Ils regardèrent l’œuvre accomplie. Un silence. Puis le verdict tombe.
On en pleurerait.


- Acanthe...j'essaierais bien le dossier renversable moi ; hmmm ?

Rassemblement de la troupe

C'est marrant une équipe. Ça prend vite des habitudes, un comportement, un mode de pensée. Lorsque la compagnie se retrouve juste avant le départ, elle garde un mutisme farouche. On pourrait croire les acteurs du périple à venir jacasseurs, genre comité de perruches, ben non. On se rejoint, visages hermétiques, regard soucieux, geste las. Heureux d'être ensemble, heureux de l'aventure mais anxieux de l'inconnu.
Pour combattre l'oppression ambiante la brune leur sert deux ou trois plaisanteries. C'est difficile de meubler les après-midi. Le matin il y a toujours les informations du jour placardées sur les portes de la mairie, les dernières bévues parlementaires, la cuite d'un inconnu de passage, les amours tapageurs de la belle créchant au bout du village.
Le soir on écluse une bière et on fait le spectacle, mais les après-midi ? Languissantes. Faut ronronner. Balancer des âneries, se gausser de Tout un chacun.

Il était temps d'aller chercher Héphaïstos le cheval de la brune qui paissait libre comme l'air dans son pré.


- Je reviens mon amour. Je ramène la monture et tu l'attèleras tu veux bien ?

C'était un shire de cinq ans gris, doux et docile, joueur mais dur au labeur et d'une constitution robuste. 1m80 au garrot, une bête hors normes. Il abattait quantité de travail considérable, et très endurant il avalait les lieues mieux que tout autre équidé. Seulement...il avait son caractère. Tout ou rien. Il fallait qu'il sache ce qu'il devait faire.

Aely le siffla et l'animal entama un trot jusqu'à sa maîtresse et dodelina de la tête. La jeune femme se prépara à recevoir une onde de choc et attend l'impact en fermant les yeux protégeant son ventre de ses deux mains. Héphaïstos déposa alors tout en douceur sa tête sur les épaules de la brunette, sans brusquerie. Un moment d'émotion pure.

Elle passa ses doigts dans sa crinière et murmura.


" Tu te rappelles mon joli la première fois que je t'ai monté, fallait que tu m'acceptes hein ! Comme tu étais inquiet. Ce qu'il m'a fallu comme habileté, tact, douceur patience et compréhension pour que tu prennes conscience que je ne te voulais aucun mal.
Allez viens. Tu vas faire connaissance avec nos nouveaux amis et entreprendre un très long voyage. La réussite de notre entreprise va dépendre en grande partie de toi. Je vais changer tes fers pour l'occasion."


Elle sort une étrille et tout en continuant à lui parler lui brosse la crinière.
Arrivant près du groupe, un grand sourire fendant son visage jovial elle lança.

- Une bonne soupe au lard pour tout le monde ce soir !
Acanthe
Si l'organisation et l'Acanthe n'ont jamais fait bon ménage, force est de reconnaître que l'Aely excelle en la matière. Et en bien d'autres me souffle discrètement le barbu. D'une simple carriole elle fait un carrosse comme elle fait du taciturne un homme heureux. Sous les mains de la belle et son impulsion un petit nid douillet prend forme. Permutable qui plus est , pour sûr que cette ingéniosité en comblera plus d'un à l'avenir.
La charrette de voyage est fin prête. Le barbu le sent, l'espère, l'Héphaïstosmobile sera amenée à servir bien des fois. De loin en loin, elle trimbalera la petite famille.

Serrant la merveille contre lui, ils admirent le résultat.
L'amour engendre des miracles et de l'amour ces deux-là n'en manquent pas.


- Acanthe...j'essaierais bien le dossier renversable moi ; hmmm ?

Un sourire licencieux marque le barbu, elle finira par l'épuiser la belle des champs. La prenant par la main, il l'entraine sur la paille et renverse le dossier.
- Humm ! Vrai qu'ça donne des idées ! Des envies !


Le départ est imminent, il ne reste plus qu'à n'oublier personne. Les dernières malles sont chargées, dernières victuailles à emporter. La route les attend avec ses certitudes et ses imprévus.

L'Aely est de retour avec le canasson. Se rend-il compte à quel point ils ne seraient rien sans lui ?

La promise, avec sa générosité habituelle, invite la troupe à la soupe. Une telle invitation ne se refuse pas.
Une ou deux bûches sous la marmite et la soupe qui frissonne depuis ce midi sera parfaite.

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Laely
Carnet de voyage :

Indifférence et incompréhension

Le ciel ne semble plus exister tant il est flou. Les premières lueurs de l'aurore se démerdent avec les nuages servant de couvercle à la campagne Languedocienne, puis un soleil matinal et gracieux apparaît qui ne sort pas Aely de son aube nauséeuse. Elle gamberge dans ses désillusions.

Une ruelle triste de Mende, un village qu'elle n'aime pas particulièrement, genre de cité reconnue d'inutilité publique aux personnages hauts en couleurs comme il en existe nulle part ailleurs. Des trottoirs il n'y en a pas. Les torches ? on a oublié de les allumer. Des déchets éparpillés autour de masures style turnes améliorées, carcasses de bêtes cadavérisées jonchant le sol et des chiens faméliques humant les palissades avec des airs de se demander si les précédents clébards qui sont passés avant avaient le diabète.

Ca sent bon le travail dans le secteur. Comme tous les Mendois d'origine Languedocienne, Aely aime cette odeur. Le travail des autres est toujours émouvant pour celui qui ne fait pas grand chose de ses dix doigts.
Dans cette désolation, la charrette a une allure de fraîcheur inégalée. Alors la brunette se hisse dans la carriole en tenant son ventre qui s'alourdit de jour en jour, et regarde le gros châtaignier protégeant leur espace espérant quelques câlins des branches centenaires.

Elle est pathétique l'oiselle sous sa branche, dans son nid désormais vide et mort de tout, où ça commence à puer la solitude et le mal de vivre...il y a des jours où la chance est allée se faire cuire un œuf. On a beau l'appeler par les mots les plus tendres, elle fait la sourde oreille.

C'était pourtant une réalité, elle aurait dû le savoir Aely, le mélange des genres ça peut pas faire. Elle y a cru...mais pas possible. C'est difficile de vivre et de s'accorder, ça ne va pas ensemble finalement.

Elle aimerait en ce moment qu'on la saisisse dans des bras, comme on le ferait avec un enfant malade et malheureux, une fille perdue enfin de retour. Elle aimerait qu'on la berce, qu'on embrasse ses cheveux qui sentent bon l'herbe verte et le soleil du Sud. Elle se chiale contre la d'moiselle ; toute l'existence coince quelque part, tellement elle se rend compte de l'insanité de tout ce bordel de m...! Quel impossible courage faut-il pour redresser la barre ! Pauvres marins perdus z'en mer ! Quelle force faut-il pour vivre convenablement pour parler aux gens comme si de rien n'était, bouffer de la vache enragée et ne rien moufeter, croiser des personnes moqueuses, écouter se délabrer son âme...et surtout, surtout continuer à faire croire que...et tout le reste encore.

Il n'avait fallu que très peu de temps pour que la jeune brune passe de l'éternel qui fait perdre la tête à la dure retombée sur terre où l'on se la casse (la tête), car on tombe de très haut. Peu de temps oui, c'est le moins que l'on puisse dire. Quelques phrases...et la dure réalité...cette p...de réalité qui lui faisait alterner zones d'ombres et océan de lumière, multiplier les contradictions sans lesquelles un portrait demeure sans relief. Génie et simplicité réunis, gaieté franche et désespoir plus complet, pudique et exhibitionniste ; cette saleté de réalité qui ne lui donnait plus guère d'illusions sur les gens et tant de bonté pour...elle.

Mais pourquoi donc ne parlait-on pas ? Pourquoi cette peur de la communication ? C'est par les non-dits qu'on se met en boule contre la moitié de l'humanité en pleurant des larmes de crocodile sur l'autre moitié.
C'est par des fuites en avant que l'on devient éternellement insatisfaite dans toute sa tristesse, serrant des mains comme si on présentait des condoléances, toujours en rogne, faite pour apprendre des morts et pour noyer les petits chats de sa voisine, faisant la toilette des cadavres d'amis plus souvent que la notre, sentant la tristesse et la férocité, écoutant aux portes, à l'affût de la moindre rumeur, arrivant sur la pointe des pieds pour surprendre d'éventuelles médisances.

Et puis les concessions ça se fait dans les deux sens. C'est tout ! Le partage mon Dieu ! Alors oui, faut prendre en considération les gens qui ne vont pas, faut leur donner du temps et de l'affection oui...
Oui mais on oublie à côté de cela ce qui nous touche au plus intime de nous-mêmes. On oublie que nous aussi on souffre, on oublie que Lona va sans doute manquer son navire en partance pour l'Italie, on oublie...c'est tout.
L'oubli est la honte de l'humanité, mais c'est aussi sa gloire. Et voici qu'une pensée réaliste lui vint à l'esprit, qu'il y avait un temps pour embrasser, un temps pour s'éloigner, un temps pour coudre, un temps pour déchirer, un pour aimer et un pour se détruire, un temps pour la paix et un temps pour la guerre.
La question était, peut-on avancer ainsi dans un avenir incertain lorsqu'on est de façon obsessionnelle à la recherche du désir de se l'approprier ? A courir après une affection sans cesse quémandée..

Les uns se saoulent, les autres remplissent les verres...pfff, tu rentres gaie comme un pinson, tu ressors noire comme un corbeau ; et t'as rien à dire, car il n'y a rien à dire, c'est comme ça.
Les grands évènements ont ceci de particulier, c'est qu'on peut les résumer en peu de mots.

Aelyenor avale un grand coup de chagrin, la lassitude la submerge. Des nostalgies et de grands désespoirs la remue. Elle voudrait se retrouver ailleurs et loin, en dégustant des rognons marinés qui sont bien meilleurs quand ils sont réchauffés, penser qu'elle avait finalement tout compris de la vie et qu'elle était là comme une imbécile, à s'efforcer sur son pot de chambre de misère.

Même un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort ; les vivants savent qu'ils mourront mais les morts ne savent plus rien puisque leur mémoire est oubliée. Et leur amour, et leur haine, et leur envie ont déjà péri et ils n'auront aucune part de ce qui se fait sous le soleil...

Au lendemain de ses vingt et deux ans...elle qui poursuivait sa jeunesse, qui s'ouvrait à l'aurore, se vantait de cueillir les raisins de l'amour et se disait que la vendange était bonne, s'obscurcissait alors le soleil et la lumière, la lune et les étoiles...avant que ne se ferment les deux battants de sa porte, que s'affaiblissent les insouciants chants des filles et que viennent les temps où les rêves laisseraient place aux terreurs qui dévorent, où ses ailes se briseront, où sa poussière retournera à la terre et où son esprit sera oublié dans un cul de basse fosse.

Un parchemin griffonné à la hâte sur lequel elle inscrit.




Acanthe,
J'aimais bien au hasard des rues regarder ta bonne bouille et rire à ton humour très fin, respirer ta plénitude et ta sérénité. J'emmène avec moi ton souvenir et la douceur de nos instants.
A côté de toi les Ducs c'est de la soupe de pain perdu, des radis sans leurs fanes ; parce-que le radis sans sa fane c'est juste du néant qui fait roter...


Elle laisse choir son vélin qui s'étale sur leur couche...Elle se relève, renifle et se mouche de son poignet...un élan, et à tire d'ailes la voilà partie pour le pire et pour le pire, avec plein de mauvaise humeur, des souvenirs douloureux et des nuits pleines de mauvaises odeurs...

Bientôt l'hiver...dans quelques mois, alors que le printemps vient tout juste de se lever. L'hiver c'est long comme la connerie humaine. mais Aely elle aime bien la neige. la neige elle tient chaud aux morts.

C'est pourtant vrai que la vie est à chier. On veut pas croire mais c'est vrai...j'vous jure que c'est vrai.

Puis elle ouvre son carnet intime, un vieux carnet, seul héritage de sa maman.

A la suite elle note.




- Je sais bien que toutes les fins d'Homme sont dégueulasses, qu'il n'y en a pas d'euphoriques. Mourir c'est pas engageant, même pour les grands mystiques qui comptent ferme comme mes fesses sur le paradis solaire. Et pourtant tout le monde a cessé, cesse ou cessera. la vie c'est juste un fil pour histoire qui rime à rien. On devrait sentir ça dans sa chair et dans son esprit. Mais que dalle ! On conserve le bandeau des archers sur les yeux pour ne pas voir le peloton d'exécution. On espère pas, non, on ne va pas jusque là ; simplement on occulte, on chasse de ses perspectives la culbute inexorable. On la remet à plus tard, à jamais.

C'est ça vivre. C'est oublier sa fin.

Ce que j'ai pas lu je l'ai deviné, ce que je n'ai pas deviné je l'ai imaginé et ce que je n'ai pas imaginé je l'ai rêvé. Toujours par moi-même. Les autres ne t'apprennent jamais qu'eux. C'est pas suffisant pour t'accomplir. Si tu ne te finis pas tu restes en rade.
J'ai le flou artistique qui m'enveloppe. Je me languissais de lui, il me manque...toujours. Je ne sais pas si ça te fais ça, toi qui vas me lire ; j'arrive à une période de l'humanité où je n'ai plus envie de parler. On s'aperçoit que les mots sont superflus, que les regards suffisent pour exprimer...les ondes tout simplement. Tu reçois, t'émets. tes yeux caressent et il y a toute la vie en instance, complète, à disposition. Touche pas aux mots l'artiste, ils te chieront sur les doigts comme des pigeons. les pigeons c'est utile et ça s'apprivoise. Tu leur fais faire ce que tu veux, mais tu ne peux pas les empêcher de déféquer à tout bout de champ. Impossible de leur apprivoiser le trou du cul...ben les mots c'est pareil, ils diront ce que tu voudras qu'ils disent, seulement ils te chieront dessus immanquablement quand tu t'y attendras le moins. C'est l'inconvénient l'évacuation.

Quand j'étais petite fille je rêvais d'un animal qui ne bédolerait jamais. On m'a proposé un reptile...bah...j'ai trouvé l'Humain en guise de reptile. Salaud !

Dans un couple il y en a toujours UN qui fait plus que l'AUTRE. Le UN il en bave alors quand des gueules de raies font du plat à l'AUTRE. Et l'AUTRE, sachant qu'il est aimé...trop...ben en profite et rend l'UN en souffrance ; pas compliqué.
Alors je rends la liberté à tous. Je me reproche déjà assez comme ça de l'étouffer. Je pourrais me dire que rien n'est figé, que demain peut-être le soleil se lèvera et alors le ciel sera bleu...peut-être ! Mais il ne faut jamais oublier qu'il y a toujours un côté du mur à l'ombre.

Je lui ai consacré ma vie, d'ailleurs j'en porte son héritage. Son impact a été si fort sur moi que j'ai pas résisté. Mais je me rends compte que je l'asphyxiais avec ma souffrance. Je demandais seulement qu'on accorde un peu de considération à une femme blonde, mon amie, Lona.

Ce n'est que bien peu de choses...

Mouais...alors pardon d'avoir gâchée quelques moments de son existence.

Je vais terminer, t'inquiètes pas. mais laisse-moi le temps d'user mon encre. Le principal de ma p...de vie c'est qu'elle fut extravagante. Je n'ai jamais compassé, mais fais fi de toute routine, haï l'auto-satisfaction, m'insurgeais contre la soumission, mortifiais les imbéciles, détractais le faux-cuage, n'empruntais jamais aux riches, prêtais parfois aux pauvres, bouffais les culs inodores, aimais à faire des cadeaux, aurais bien aimé en recevoir, vivais en état d'ébriété, demandais beaucoup à la vie et lui en donnais davantage encore, tolérais énormément, réprouvais parfois, mouarf - aurais plus gagné à être méconnue - et connaissais suffisamment de saletés sur les autres pour pouvoir me faire une idée approximative de moi-même, me comportais plus souvent qu'à mon tour en fille siphonnée...

C'est trop stupide...Monstrueusement idiot...pas juste.
Lebarbu
Une soirée en taverne avec sa promise et son amie. Une discussion, des points de vue qui divergent et le barbu qui mélange tout. Qui se vautre lamentablement, mais ça il le comprendra plus tard.
Il ne voyait que le bonheur d'un enfant, aveuglé qu'il était sur les conséquences, sur la répercussion que cela aurait. Alors ce soir-là il n'a pas cherché à comprendre, il aurait pourtant dû, non il s'est isolé comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Préférant la solitude d'une charrette à la compagnie de celle qu'il aime.
Réaction à vif, sans recul, sans réflexions comme le ridicule qu'il est bien souvent.

Finalement le bonheur du petit sera comblé.
Mais l'Acanthe s'en veut, ne cherche pas à savoir s'il aurait fallu décevoir l'un plutôt que l'autre. Non, il s'en veut terriblement. A lui, rien qu'à lui. Pauvre idiot qu'il est parfois. Il a cette boule au ventre qui prend toute la place parce qu'il sent que sa merveille n'est pas heureuse, qu'elle lui en veut surement. Et qu'elle a certainement raison.

L'incertitude n'est plus de mise, un vélin trouvé sur le pucier le plonge dans les abimes. Quelques mots qui lui sont adressés.




Acanthe,
J'aimais bien au hasard des rues regarder ta bonne bouille et rire à ton humour très fin, respirer ta plénitude et ta sérénité. J'emmène avec moi ton souvenir et la douceur de nos instants.....


Le barbu vacille, sa vie défile en un instant. Tous son poids s'affale sur le pucier de paille, il relit encore et encore, les larmes arrivent par torrents. Elles sont là prêtes à jaillir.....et elles jaillissent.
Il ne comprend pas et croit comprendre, mais n'y croit pas. Tant de bonheurs ne peuvent disparaitre comme ça, sa merveille, sa promise, sa famille.....
C'est tout un monde qui s'effondre, leur monde, celui qu'ils se sont fabriqués. Sans elle il n'est rien, juste une ombre qui passe. Sans elle à quoi bon continuer d'errer sur cette terre.
Essuyant ses rejets lacrymaux, son regard fixe encore ce vélin, cette écriture....c'est la sienne, à celle qu'il aime plus tout, qui est sa vie, son bonheur, qui porte ce petit eux. Elle est celle qu'il avait toujours espéré, celle qu'il ne veut pas perdre.

Prostré dans la charrette, cette charrette qui doit les emmener loin.......en Normandie, en Italie. Ensemble, avec une amie à qui il tient énormément.
Prostré, perclus, il veut courir après elle, la chercher partout, dans chaque ruelle, chaque maison. La prendre dans ses bras, l'enlacer, s'excuser.....
Mais plus rien ne répond, juste ce regard sur ce vélin.

Quelques minutes s'écoulent, peut-être quelques heures et l'Acanthe remonte de son gouffre. Ce n'est pas possible pense t-il, pas comme ça.
Avant de partir à sa recherche, il griffonne quelques mots maladroits sur un vélin, au cas où elle repasserait par là.
Mais même les mots le fuient aujourd'hui.




Mon amour,
Je t'aime, tu le sais à quel point je t'aime. Tu sais comme je suis heureux à tes côtés, sans toi je ne suis rien. On a tant de choses à vivre encore.
Tu peux m'en vouloir, me détester même si tu veux. Mais sache que je m'en veux bien plus que tu ne le penses, que je me déteste déjà de te faire souffrir de la sorte.
Je ne souhaite que ton bonheur mais j'ai manqué à mon devoir de te rendre heureuse. Je ne te mérite peut-être pas....
Mais explique-moi s'il te plaît, ne me laisse pas comme ça.

Je t'aime et je ne veux que toi à mes côtés.


Laissant le vélin en évidence, c'est le cœur battant qu'il se met en recherche de sa merveille.
Laely
L'aube, qui parfois lave le jour, lui redonnant clarté et transparence... qui parfois aussi est grise et brouillée, froide, aplatissant tout relief, donnant une lumière fade sur ce qu'on ne voudrait jamais voir, ce genre d'aube qui vous donne goût à la nuit éternelle et au néant, plutôt que ce paysage morne et désolé... c'était ce genre d'aube donc, qui donnait naissance à un jour de glace pour Aely, alors qu'elle franchissait les portes du Limousin, sans que personne ne voit ni attende, se glissant dans les rues que seuls les chats et les rats semblaient parcourir.

L'écoute de l'environnement, la respiration chevaline de Héphaïstos qui vient gaiement saluer d'un coup de langue la main de celle qui la nourrit et la caresse, dépitée de n'obtenir qu'un vague : "pas le moment mon beau" alors qu'elle grimpe le frêle marche-pied qui arrive à leur nid, et là...un mot...un peu plus long, juste quelques phrases...



Mon amour,
Je t'aime, tu le sais à quel point je t'aime. Tu sais comme je suis heureux à tes côtés, sans toi je ne suis rien. On a tant de choses à vivre encore.
Tu peux m'en vouloir, me détester même si tu veux. Mais sache que je m'en veux bien plus que tu ne le penses, que je me déteste déjà de te faire souffrir de la sorte.
Je ne souhaite que ton bonheur mais j'ai manqué à mon devoir de te rendre heureuse. Je ne te mérite peut-être pas....
Mais explique-moi s'il te plaît, ne me laisse pas comme ça.

Je t'aime et je ne veux que toi à mes côtés.



Dévalant l'échelle le papier froissé en boule dans sa main, courant vers le village, elle part le chercher, coûte que coûte, elle irait le trouver où qu'il soit , parce que c'était impossible, impossible oui, que sa vie soit sans lui, sans sa douceur et son amour, impossible...

Elle la verrait et l'attraperait, prendrait son visage dans ses mains et fouillerait ses yeux des siens, en lui disant juste : non Acanthe, non... tu rentres là... parce que là bas c'est chez nous hein? que moi sans toi je n'existe plus, alors tu rentres, et tu me prends dans tes bras, là maintenant, parce que je vais mourir sous tes yeux là, tu vois, m'évaporer si tu ne me serres pas maintenant très fort !

Elle traverse les rues calmes de Ventadour...
Pas le temps de faire trois pas qu'elle ouï la démarche paisible quoique un peu lourde de...son barbu.
Elle stoppe tout net la brune. Interdite. Bouche grande ouverte...

Lui ! Qu'est ce que je dis moi là...Lui ! Seconde monumentale. Le temps s'arrête tout juste un instant. Elle voudrait mourir maintenant, là ! Sur commande. Pan ! Dernière vision avant le grand noir. Lui ! Son âme débordée ne peut plus survivre...

- Toi ? Fait Aely à court de discours.

On est bizarre les humains, on se séduit ou on se hait, mus par des courants mystérieux, positifs ou négatifs. On se souffle le chaud et le froid à travers la gueule au premier regard échangé...mais ce n'est pas grave, on aura l'éternité pour mieux se connaître et s'aimer. On se dit alors que les plus belles histoires d'amour sont celles que l'on n'a pas pu vivre...peut-être aussi les plus beaux baisers sont ceux que l'on n'a pas donné.

Aely ne peut détacher son regard de ses yeux. Il a le visage hagard, perdu, semblant avoir égaré l'autre partie de lui-même.
Elle sent qu'il va céder à sa faiblesse. C'est drôle la vie, parfois on prend de sacrés coups, mais si on est attentifs,on y trouve aussi plein d'espoirs dans les yeux de la personne que l'on aime. Et si la chance, cette raclure, veut bien changer d'avis, il se produit une chose qui n'arrive qu'une fois dans une vie : la personne qu'on aime vous aime aussi.


Dans la main de son ami Aelyenor aperçoit le vélin froissé, en boule dans sa menotte, celui-là même qu'elle avait laissé dans la charrette avant de décider de partir. Alors lentement, avec d'infinies précautions, elle s'empare de son poignet, ouvre son poing serré sur le parchemin chiffonné et lui retire. De sa besace, en sort un morceau d'amadou qu'elle enflamme à la torche fixé au mur d'une demeure, embrasant ainsi son dernier écrit avec un bruit avide et gourmand.
Les mots finalement, ce ne sont que des cris qui ne prennent que peu de place sur du papier.

Voilà, tout est recroquevillé, racorni, noirci, schisteux et brisé au moindre murmure du vent. Elle chuchote.


- Le mal est consumé mon ange, vivement que je te consomme."

...lui est impossible de faire un geste, et elle ne prend pas garde qu'un restant de papier termine son incandescence au bout de ses doigts.

- Aïeuuuuuuuuuuuuuuuuuuuh !!!

Elle secoue sa main vivement, puis reprend sa somnolence dont elle ne veut plus lâcher. Cette léthargie, doux état providentiel qui lui permet de penser en pointillés mais avec un grand détachement et une parfaite lucidité.

- Allez viens, rentrons chez nous. Lona va s'inquiéter et Hephaïstos attend son picotin d'avoine.
Laely
C'est à mon amie Lona que je dédie cette étape de notre voyage.
Chacun se fait le destin qu'il mérite. Ceux qui pensent qu'il est trop tard l'auront infailliblement dans le baba. Ne l'oubliez pas.

Lona...fais-toi tatouer cette petite réflexion où tu voudras. Pour ne pas oublier.


Entre Limousin et Angoumois.

Il fait un temps à ne pas mettre une charrette dehors. De la flotte, de la flotte et toujours de la flotte, avec des rafales de vent que les voyageurs prennent pleine face.
Aely commence à regretter le Rouergue d'où la petite compagnie est partie. C'est pas qu'elle soit particulièrement portée sur le mimosa mais elle trouve que le printemps cette année a du mal à se débourber les pattes et à se dégager de l'emprise de l'hiver.
Le gars qui s'occupe des grandes eaux tout Là-Haut abuse un peu. Les robes collent à leur peau et la chemise de l'Acanthe lui moule les muscles façon Apollon.

Elle commence à éternuer. Mauvais signe. Lona a une arme secrète. Ça s'appelle le Calva ! Pfff, depuis le début de nuit toutes les deux s'en envoient des tonnelets dans le gosier. Nature ou en grog. L'essayer c'est l'adopter.
Enfin, en attendant on s'abrite comme on peut à l'intérieur de la charrette. Le chaton lui, s'est enfoui sous la paille bien à l'abri et se fout royalement des trombes d'eau qui s'abattent en fouet sur leurs trognes.
Acanthe est transformé en Dieu de la mer, tenant les rênes d'Héphaïstos et agissant en éclaireur en cas de mauvaise surprise du genre bourbier ou mauvaise rencontre.
Mais entre nous, il faudrait vraiment avoir un grain pour s'aventurer dehors par un temps pareil.

C'est donc si loin Sarlat ?

S'il existait un bovidé capable de leur dire ce qu'on est venu foutre dans une contrée pareille je vous jure que je lui offrirai une retraite paisible dans un champ avec interdiction vitam eternam de l’arnacher pour tracer des sillons.

On attend, on espère, on roulotte, on bringuebale, on se tient serrées contre histoire de se réchauffer. Du coup la brune, trop préoccupée par la recherche d'un toit, a complètement oublié l'habitant qui a emménagé dans son corps. Faut dire qu'il doit pas en mener large l'asticot. Il s'est calmé et doit attendre des jours meilleurs pour pointer son museau au monde nouveau.

" Anne ma sœur Anne ne vois-tu rien venir..." comme disait la mère Barbe Bleue à sa frangine qui se balançait les quilles du haut de la tour de garde. Et elle voyait se radiner un beau chevalier blanc la garce. Punaise ! C'est beau les contes de fées ! Y'a toujours un défenseur de la cause de la veuve et de l'orphelin pour cramponner la Dame et l'emmener à l'autel ou à l'hôtel...

Et puis soudain Héphaïstos qui s'agite, la charrette qui tangue dangereusement mais qui reste dans les traces toutefois.
L’Acanthe qui les rejoint dans un floc floc impeccable. Il a le visage radieux mais pourtant marqué par l'effort et l'attention soutenue. D'un simple coup d’œil Aely sait qu'il est porteur d'espoir.

Il montre du doigt quelques lumières blafardes difficiles à distinguer sous ce rideau de pluie.

Sauvés mon Dieu...

Elle lui cède la place sur le siège de cocher, reprenant les rênes de l'animal.


- Lona ! Sarlat ! Nous arrivons enfin.

D'un coup la brune commence à trouver la nuit belle, même si elle n'est pas belle du tout. Comme un signe, les nuages se dissipent et les étoiles commencent à percer comme dans les histoires pour damoiselles encore vierges et refoulées.
On repère l’Étoile Polaire et on joue à deviner le nom de certaines constellations.
Le passe-temps avant d'arriver en ville semble un peu long même si elle est du genre bucolique la brune ; mais là, en ce moment, il n'était pas question de parler poésie avec son doux ni de glisser sa main entre torse et chemise...

A l'intérieur de la carriole, Aely s'affaire à dénicher un drap sec, ôte la chemise noyée de son Acanthe et le frictionne avec le linge.
Aux abords de Sarlat voilà les grillons qui la ramènent et quelques oiseaux qui à nouveau baratinent leurs oiselles.
Un virage à droite et les portes de Sarlat sont franchies. Une auberge, une lumière faiblarde à l'intérieur, quelques coups bien cognés, un bruit de pas et une porte qui s'ouvre...
Laely
Sarlat

A mon amie Donnolae.

J'ai très mal pris quelque chose, je te présente toutes mes excuses et plus encore : mes respects Donnolae.
On est galant ou on ne l'est pas toussa. C'est une question d'éducation. Moi je suis galante.

Affectueux hommage.


La flammèche qui brillait à l'intérieur du petit établissement n'était qu'une simple torche illuminant la Tour du Guet tenu par un certain Orthon le propriétaire des lieux, homme très élégant et courtois, paré de sa tenue de travail : cotte de maille, gants de peau et heaume, qui leur donne l'adresse d'une bonne auberge en leur souhaitant un bon séjour.

Déjà ça.

On fait ni une ni deux, et les trois lardons (comme dit Lona) prennent possession des "Liaisons dangereuses ", petite auberge sans prétention à l'enseigne peinte en bleu lavande sur fond rose bonbon mais qui a le mérite d'avoir des tonneaux remplis jusqu'à la gueule.

On entre. C'est gentil, probablement à cause du comptoir trop propre. Il y a des tas de flacons sur les étagères et on se permet de leur faire une visite de politesse dans un très proche avenir.
On a beau attendre, personne. A croire que le propriétaire et la tavernière à force de se lier dangereusement aient pris le parti de vivre plus sereinement leur liaison.

De longues minutes s'écoulent et l'établissement semble plus désert que la conscience d'un maréchal de la Prévôté. Peu importe. On reluque une fiole et Aely la débouche. Ça sent le vrai ! L'authentique !
Avec cette mignardise, il est certain qu'ils allaient être peinards comme des amoureux dans une chambrette...

Il est temps d'aller dormir.

l'Acanthe fait irruption juste au moment où les deux souris décident d'aller reposer les yeux. Il est las et fourbu mais content d'être au sec. Il a trouvé une écurie pour la monture et un abri pour la charrette.
Le temps que sa brune se lève pour lui faire place, il l'embrasse tendrement, juste un signe de la main et il évacue l'horizon, trop harassé par cette journée mouvementée ne laissant derrière lui qu'un parfum subtil avec une pointe de mélancolie.


- La bonne nuitée Lona, à demain.

- Je monte également. On part de bonne heure.

Pas d'aubergiste, mais des chambres confortables. On se promet de leur laisser quelques écus pour remercier.
Les deux jeunes femmes s'embrassent affectueusement puis tentent de trouver une chambre.
Acanthe a laissé une porte entrouverte. Il est prévenant. Bah, cela aurait été ballot quand même qu'on se trompe de chambre non ? Il aurait bonne mine tiens le barbu s'il voyait qu'à la place de sa Aely Sienne Rien qu'à Lui il trouvait Lona couchée près de lui dans le plus simple appareil.
A la pensée de cette cocasserie, Aelyenor entame un fou rire...et les fous rires d'Aelyenor croyez-moi ça se transmet comme une traînée de poudre.

On s'embrasse encore et on se quitte momentanément.

Son barbu dort du sommeil du juste. Il est chaud et doux comme un nid de tourterelles.
Sa brune se met à roucouler, toujours comme une tourterelle. Elle devient colombophile. Si j'vous jure !
Lebarbu
"Mai doit ses fleurs aux pluies d'avril"

De l’eau, des chemins caillouteux ou boueux et la fumée sortant des naseaux d’Hephaïstos. C’est ce que le barbu aperçoit depuis son perchoir.
Pas un temps à surprendre un prince charmant venant enlever sa princesse, imaginez la scène tous deux s’en allant au galop sous la pluie. Mouillés, dégoulinant, s’enrhumant, un peu ridicule.
Il imagine les conversations se tenant derrière lui, non…..en fait il n’imagine pas ! Il semblerait qu’une rincée bien froide et pénétrante fasse fuir les pensées d’une caboche pourtant encline à cela.
Elles doivent refaire le Rouergue, voir le royaume. Discuter de secrets de dames, qui ne le concernent pas, ou si peu. Parler de la pluie et du beau temps qui se fait désirer. Peut-être même qu’il apparaît au détour d’une conversation, lui en tout cas aimerait être un chat en ce moment. Non seulement pour écouter, mais pour ne pas avoir à se soucier du temps et de la charrette qui subit les rudiments de la route.
Il le sera plus tard, mais un tonnelet de calva fut vidé dans la charriote. Ca réchauffe, ça soigne, c’est bon.


- Un tonn’let à vous deux ?
- Oui….mais c’était un petit, un tout petit tonnelet répondra la belle à son homme
- Hum ! Un tonn’let oui

Le réconfort l’attend au bout du chemin, la belle attentionnée s’occupe de son homme. Avec tendresse et amour, avec douceur et chaleur. Elle eut vite fait de mettre au sec son bonhomme de futur mari, lui se laisse faire, le bonheur se trouve dans ces instants-là.
Les nuages passent et l’amour reste.

Sarlat nous accueille, ses ruelles, son marché, ses auberges. Ses habitants…..le barbu n’a pas le temps aux rencontres, la charrette méritant quelques soins.
Des retouches de-ci delà, la toile à retendre voir à recoudre par endroits, les grosses paluches se démènent comme elles peuvent, l’aiguille passant plus de temps à pénétrer le bout des doigts qu’à réparer les fuites. Sans parler de ce fil qu’il faut passer dans le chas (de l’aiguille, le félin se porte bien) une vraie gageure. Le chas est maudit durant un long moment, de même pour le fil qui décidément passe partout sauf là où il devrait. Non ! Vraiment, on n’est pas prêt de voir l’Acanthe officier comme tisserand.

Il retrouve sa femme et Lona en auberge, une fiole (une petite, toute petite ?) d’un breuvage certainement local à leurs portées.
Un peu de douceur, quelques mots et le barbu se met en quête d’un nid conjugal pour la nuit à l’étage, laissant ces dames à leurs conversations. Il se demande d’ailleurs, en bon taciturne, d'où peut bien leurs venir autant de sujets prêtant à dissertation.
Comme un indice la porte est laissée entrouverte, au risque d’une mauvaise surprise. Une épave trouvant le lit douillet, une dame pensant y trouver un homme en mal d’amour, un couple se jetant corps et âme sur le nid occupé.
Mais non, c’est bien la belle des champs qui roucoule à ses côtés.
Son homme ouvre un œil, puis les deux, glisse une main sous la chemise de sa Aely, lui caressant son petit bidon (pas bison hein ! Elle comprendra) protégeant le petit eux, puis l’enlace tout contre lui et se biche tout contre elle.

Branlebas de combat au petit matin, la route n’attend pas. Le barbu aimant les réveils délicats est servi, secoué un peu, embrassé surtout, il émerge sous le regard de sa belle s’affairant à se rhabiller. Souriant de voir les adaptations que requiert l’état de femme enceinte pour chaque geste de la vie il balbutie un presque inaudible


- T’es ravissante Aely !


Bergerac nous voici !

Les portes de Sarlat sont franchises, le voyage continu.
Ils sont toujours trois, sans compter l’animal félin, trois pour l’instant……..
Sur les chemins il partage les rênes d’Hephaïstos avec la cocher De Clow, à tour de rôle ils mènent l’hippomobile, discutent de la prochaine destination, refont aussi le Rouergue et le royaume. Le temps est plus clément, moins humide, même si l’averse menace à chaque instant.
Parfois il rejoint l’arrière de la charrette, retrouve sa future la couve de bienveillance et de tendresse, veloute son voyage, prend soin d’elle. Avec d’autres armes que celles de Lona bien entendu. Point de calva dans son attirail mais bien d’autres atouts à faire valoir.
D’ailleurs en parlant de calva, il peut constater que le tonnelet n’était pas si petit, si minuscule que ça. Mais bien vide, les dames étant en formes il ne peut qu’observer que ce remède semble efficace.

Des remparts sont de nouveau en vue, la prochaine étape se profile à l’horizon.
Pas de gardes, pas de douane qui hèle les arrivants. On entre ici comme on rentre dans ses pénates. Ils en avaient perdu l’habitude, c’est une sensation étrange.
Laely
Bergerac : Le désert du Père Igor

Les personnages de cette traversée en Périgord sont tout aussi inexistants qu'imaginaires. Sauf nous trois.
Vous êtes prévenus. A bon entendeur...

A mes anciens partenaires du Conseil lors du mandat précédent. Cette étude sociologique.
Affectueusement.


Après avoir cahoté au milieu de collines verdoyantes sans avoir rencontré âme qui vive, l'équipée franchit les murs de Bergerac. la nuit est complètement tombée. Il y a une torche allumée juste devant une enseigne : "Au chardon truffé".

Que l'on vous plante le décor...

Une auberge Bergeracoise, un soir à la chandelle. Une ville aussi gaie sous la pluie que la complainte des martyrs de Troyes. On doit bien avouer, l'ambiance est faiblarde. On y voit entrer ou sortir personne. le taulier, sans doute truffé comme tout le Périgord a dû aller se pieuter.
On décide de faire étape ici, pas que cela nous enchante mais Lona a une sœur qui vit dans cette cité désespérément vide.
Acanthe a même pas trouvé d'écurie pour ce bon Héphaïstos, obligé de l'attacher au piquet devant l'auberge. Il y a du brouillard dans son regard de bourrin désabusé et il le promène vaille que vaille derrière les carreaux de la taverne, alors Aely établit un petit courant d'air en ouvrant les fenêtres pour lui offrir quelques caresses rassurantes.

La brune n'est pas du tout le genre de fille qui se penche sur son passé, c'est une chose qui lui flanque moralement un drôle de torticolis, mais elle pense quand même à son Millau natal et ses amis ici présents, perdus au milieu du Rien.

C'est une distraction qui en vaut une autre, et on a toujours intérêt à se meubler l'esprit avec des images délicates.
Ses pensées voltigent, pareilles à des papillons bleus. Simple métaphore pour vous rappeler qu'elle n'est pas qu'une rigide de l'imbécilité mais que la poésie est une amie à elle.

Pour éviter de trop gamberger, Aelyenor se pelotonne contre son protecteur et échafaude avec Lona quelques plans sur la comète. On est pas plus avancé.

L'avantage d'un désert, c'est que tout ce qui n'est pas désert s'y remarque. En admettant que la chance soit au rendez-vous...

Une porte qui s'ouvre, six paires d'yeux qui tournent la tête vers le bruit peu commun d'une porte de taverne qui baille et un grand maigre brun probablement phtisique qui se profile.

On se présente, heureux de faire connaissance. On offre à boire. Il boit en faisant un bruit de siphonnage. Il parle. Merdum ! Un patois. On comprend rien mais on essaie de se donner bonne constance et faire preuve de civisme en souriant poliment.
A part ça, il est pas trop loquace le bougre, et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il repose sa chopine et détale.

L'esprit de la brune vagabonde et imagine des tas de choses toutes plus sensationnelles les unes que les autres. Mais le rêve a une constance trop fragile. Le sien ne tient pas le coup longtemps. Surtout que soudain ça s'anime.

Un grand gaillard prend la place du petit maigre. Il est rose joufflu et blond barbu, le nez un peu de travers et les yeux pas trop expressifs.

Lui il cause, même trop. Et ça en devient indiscret, voire indécent.
Lona a le malheur de lui confier que ses idées et ses projets ne s'étaient point accordés avec ceux de son prétendant d'antan, et voilà que le misogyne commence à la traiter de femme de mauvaise vie.

Marrant ça. les mâles de la mauvaise société appellent toujours les femmes qui leur tiennent tête de "femme de mauvaise vie".

Va y avoir bonne ambiance au "chardon truffé."

La blonde a le regard qui ne peut laisser personne indifférent, même une banquise. C'est le type passionnée qui fait brûler la paille des chaises et qui au dodo donne l'impression de suivre des cours de langues étrangères.
Et c'est ce qui les gênent le plus les misogynes.

L'autre, le barbu blond (je précise, le mien est barbu brun, et c'est le plus adorable des hommes), lui file un grand coup d’œil biscornu ; du coup on dirait que sa mère l'a enfanté dans un pressoir à vin. Son nez rejoint son oreille droite et ses yeux semblent logés dans la même orbite. Il la détronche à la dérobée, peu courtois. Il serait jaloux que ça m'étonnerait pas. Mais il peut toujours se ramollir pour l'avoir dur. Le regard du barbu semble dire : "Alors petite Dame c'est oui ?", Lona semble lui retourner le même regard signifiant : "Tu me plais pas, si tu me veux tu m'auras pas"


Un conseil en passant les mâles. Lorsque vous contez fleurette à une jolie lardonne, ne prononcez jamais le mot que vous ne voulez pas l'entendre dire, parce-que par un phénomène étrange, c'est toujours celui-là qu'elle vous allongera à la figure.

Aelyenor s'encourage au calme. S'énerver ne serait pas prudent dans son état. Et puis son Acanthe veille au grain, il suit les débats et ses bras incitent sa douce à se tempérer.

Bref, on re-cintre le mal léché, qui du coup en perd ses paroles.


- Ça ne serait pas convenable qu'elle se produise en votre compagnie. Alors maintenant vous vous déguisez en ombre chinoise et je vous prie de priser la poudre d'escampette.

Ça tient ses engagements. Il se lève. On s'incline, manière de montrer qu'on a de l'éducation et du savoir-vivre en Rouergue.
Il se casse avec certainement d'excellents souvenirs à raconter prochainement.
Un souvenir vous sert mieux qu'une présence.

Comme je vous le disais. Nous on est poètes. On ne nous fera jamais manger une tartine de bleu d'Auvergne pendant qu'on se raconte des salades dans le genre Tristan et Iseult.
Non, nous trois on se chahute des trucs qui rendraient ses pattes à un cul de jatte.

On s'approche de Lona et on l'entoure de notre affection.


- C'est un mauvais moment mon amie. Tu oublieras lorsque ton coq élu chantera pour toi.
Lebarbu
« Ce qui embellit le désert c’est qu’il cache un puits quelque part… » Antoine de Saint-Exupéry


Le décor est planté.
Troisième jours à Bergerac, peut-être quatrième. On ne compte plus ici, on laisse le temps passer.
Un maroufle barbu (blond), un homme pressé, la sœur de Lona et un voyageur. Voilà pour les rencontres.
A eux trois ils font office de piliers de taverne, par bonheur les tonneaux sont souvent bien remplis ou pas vidé assez vite.
Bergerac offre de l’occupation pour la journée, un verger et une mine. Ce sera la mine pour le barbu, ses paluches donnent le labeur à la fosse. Mais il s’offrira une pause dans la journée, sa belle s’occupe des animaux aujourd’hui, prépare le départ, et il a bien l’intention de passer un peu de temps avec elle.

Après avoir pioché la roche, remonter le fardeau, retrouver la lumière du jour, il prend la direction de la charrette. Se demandant au passage où disparaissaient tous ces mineurs rencontrés une fois la journée finie.

Sur le chemin, allez savoir pourquoi certains souvenirs vous reviennent comme ça, il y a de beaux souvenirs et puis il y a ceux qui ont les dents acérées et qui vous mordillent l’âme sans prévenir.
Donc sur le chemin qui le mène à la charrette il repense à ses parents, à son père qui l’a mis hors du foyer en lui prédisant un avenir plus que miséreux. Il aimerait aujourd’hui pouvoir lui montrer à quel point il est heureux, avec son Aely qui porte ce petit eux.
Le père il était pas bavard, l’Acanthe en a hérité malheureusement, jamais un mot et pire pas la moindre attention.
Il y avait deux mondes dans la demeure, deux mondes qui parfois se heurter.
La mère et le fils, puis le père pour qui l’autre monde n’existait pas. Sans un mot, il avalait la soupe en faisant de grands « flchss », puis il repartait heureux sans doute d’avoir chez lui une personne lui préparant le repas et ne demandant rien en retour.
Il repartait sans un mot, sans un regard, sans rien……..

« Mais c’est pas vrai la mère ? Dis-moi au moins qu’t’espérait un geste d’attention d’sa part ! Dis la mère ! T’avais des rêves quand même ? T’étais pas résigné à c’point dis ?»
Le père n’avait que peu de mots, à peine des mots brisants. C’était comme ça.


Les souvenirs s’évaporent, rentrent dans leurs cases jusqu’à la prochaine fois. La charriote est en vue.
En s’approchant discrètement, il entend sa promise fredonner un air doux et agréable, il écoute et passe la tête pour la voir les deux mains caressant son petit ventre. Elle est magnifique dans son rôle de mère, elle semble heureuse et épanouit.
Le barbu gratte le bois pour s’annoncer, elle relève la tête et sourit. Le genre de sourire qui donne un sens à la vie.

- C’est moi Aely !

Il monte tout souriant, tripote le bidon et embrasse sa merveille. Puis, de la main, essuie délicatement la poussière qu’il vient de lui déposer sur le visage.

- Tu vas bien ? T’as b’soin d’quelque chose ?
J’vais m’débarbouiller un peu et j’reviens prêt d’toi !


Il attrape un peu d’eau, sort et se fait un brin de dépoussiérage, sous le regard bienveillant de sa femme.
La chemise est ôtée puis secouée, la braie est époussetée, les cruchons d’eau s’occupent de la tête. Une légère chair de poule parcoure la peau du barbu et un frisson suit le mouvement.
La belle observe son homme et l’homme observe sa belle, Cupidon de là-haut contemple la scène avec une certaine fierté. Ses flèches touchant ces deux âmes n’étaient pas émoussées dans leurs bouts. C’est du joli travail se dit-il.

Tout propre il remonte dans la charrette et se couche aux côtés de l’Aely, lui caressant le visage et l’embrassant avec forte tendresse.
Ils resteront là un moment, très long moment, juste tous les deux. Une petite brise printanière venant par moment apporter les fragrances de parfums fleuris.


- J’voulais passer du temps avec toi ma douceur !

Relevant la chemise de la promise, il dépose sur le ventre arrondi quelques baisers et y colle l'oreille pour écouter.
--Lablondine
Décidément... ce voyage... ce voyage ne se déroulait pas comme elle l'avait prévu... Prévu pour durer, elle avait eu besoin d'accélérer les choses... Prévu pour le nord, les voila partis vers le sud... ou l'ouest finalement ? allaient ils faire tous les points cardinaux ?

Petit haussement d'épaules à la pensée que depuis plus d'une année, elle ne s'était jamais réellement posée, reposée. La tête en liquéfaction, le coeur en ébullition, il lui avait fallu prendre nombre de décisions, sans jamais savoir si elle prenait la bonne... Tant pis... elle allait droit devant en leur compagnie avec pour objectif la côte. Espérez juste qu'elle trouve la bonne côte... n'avait elle pas rendez vous ? peut être rendez vous avec son avenir même... mais ça... elle ne le saurait pas avant d'avoir foulé le sable de la Méditerranée.

Leur périple continuait, les voila arrivés ce matin même à Castillon. Comme on le dit dans des voyages "organisés" Castillon 1 journée d'arrêt ! quartier libre ! faites c'que vous voulez !

Eux devaient récupérer un petit paquet brun, une demoiselle haute comme trois pommes.

Ces amis l'entouraient, non qu'elle soit en sucre la blondine... mais elle avait le coeur fragile à s'être brulée les ailes.

Leur route continue... les pages s'écrivent, elle ne gommera rien la Blondine, juste elle apprend de ses erreurs du passé et contrairement à ce qu'on fait quand on dit ce qu'elle va dire... elle ferme son coeur à double tour. Sa soeur a dit un jour qu'elle avait laissé la clef de son coeur quelque part en Italie... La Blondine, elle, avait laissé la clef quelque part dans le sable, sur le bord de la mer... rester à savoir laquelle....
Laely
Castillon

Avant-propos

Ce laps de temps narré ci-dessous est fictif jusqu'au bout. Les personnes et les faits qui vont s'y dérouler n'existent que dans mes fantasmes et mes délires passionnés.

Lisez et vous comprendrez.


Il fait une nuit d'encre, et la route sinue entre bois et collines en découvrant des mouvements tarabiscotés. Il y a quelque chose de velouté et d'émouvant. Ça sent bon la terre fraîche et la nature humide, mais pas que. Ça sent bon le départ.

C'est une nuit aussi sereine qu'une nuit de crèche. les nuages qui obscurcissaient le ciel ces jours derniers se sont fait la malle et de gentilles petites étoiles tremblotent.

En quittant Bergerac, Aely se sent si bourrée d'amertume qu'elle se siphonne un autre godet de calva. D'ici que l'enfant qui va se pointer sous peu naisse avec une pomme à la place du pif il n'y a pas loin.

Lona a quand même entraperçu sa sœur, et c'est sans aucun regret que les trois compères abandonnent une population bergeracoise aussi amorphe qu'une bande de tortues atteintes de malnutrition.

Et puis soudain Aely passe les rênes de l'attelage à Lona.


- Je vais m'allonger un instant

Les contractions se font de plus en plus présentes, alors la brune s'installe légèrement sur le côté dans le fond de la charrette, les mains sur son ventre, tentant de calmer ce qui peut l'être. Elle jette un œil à son homme qui s'inquiète.

- T'en fais pas, ce n'est rien. Il s'exprime le bougre. Faut le laisser vivre comme il l'entend...

Une grimace, puis deux. Elle tente de le rassurer en le voyant inquiet en lui adressant un regard velouté, le genre qui embrase les lueurs de l'incendie balayant ainsi ses dernières anxiétés.

Elle le regarde comme elle ne l'a jamais regardé auparavant. Lui, l'Acanthe, si accessible à la pitié. Ses yeux ont la couleur des sources chuchotantes et ses longs cheveux noirs encadrent le plus régulier des ovales, cintré d'une barbe fournie lui donnant l'air indestructible.

Son corps...son corps ? D'après ce qu'elle en avait deviné, puis ce qu'elle en avait vu et enfin ce qu'elle en avait touché, il est d'une harmonie parfaite. On le placerait, nu à contre-jour, on ne verrait pas la lumière du jour à travers ses cuisses.
Il est pas fabriqué comme un conseiller parlementaire...

Elle pense alors à la couleur de sa peau, son velouté, sa manière rien qu'à lui de lui faire...bon...ce sera pour plus tard ; ou jamais. Faut pas prendre des habitudes libidineuses. Et puis Aely a pas envie de savoir qu'en écrivant son carnet de route que quelques improbables lecteurs frétillent.
" Réfrénez vos instincts mes poulettes, contrôlez vos excitations et conservez vos couleurs !"

Bon, cette parenthèse refermée, Aelyenor s'allonge. La tête surélevée en cherchant une position antalgique.
Son homme la regarde. Cette fois-ci il s'inquiète vraiment. Il retrousse sa chemise et en sort un petit sachet de tissu. La brune visionne les plus jolis abdominaux qui soient sculptés sur un corps d'homme.

Il laisse infuser quelques herbes, ce qui permet à la brune de le contempler.

Des âmes bien nées pourraient objecter à Aely qu'elle est très indiscrète voire indécente en matant un homme qui se déshabille pour la soigner. Une effarouchée par exemple regarderait ailleurs.
Heureusement elle n'est ni bien née, ni effarouchée, ce qui lui laisse le bénéfice de toutes ses facultés. Faudrait être bigrement hypocrite et posséder une volonté d'ermite pour détourner les yeux d'un aussi plaisant spectacle...

Ahhhhhhhh ce contact chaud, léger et rassurant de ses mains sur son bidon.
Ahhhhhhhh cette odeur d'homme et de forêt...

Elle lui sourit, tend ses bras vers ses hanches. L'agrippe.


- Merci lui murmure-telle

Mais, hé hé...pas n'importe quel merci. Il ne ressemble pas à un merci de complaisance lancé à une personne ramassant votre mouchoir laissé tomber par inadvertance. Non, c'est un merci découpé dans la soie.

Elle lui balance un regard torride. Non seulement ce regard promet mais il tient ses promesses. Il en bat des cils l'Acanthe, son sensoriel réagit vilain...

Au-dessus de la charrette les chouettes hululent bien intensément qu'elle a bien raison Aely de s'accorder quelques envies.
Elle enlace son apaisant d'homme, l'incitant à approcher son visage du sien, promettant la tiédeur de son souffle.
Ses lèvres deviennent des aimants.

Le beau pêcheur et la non moins belle brune issue d'île mal explorée échangent un baiser à percussion linguale. C'est passionné...elle le veut chaque fois plus ouvert à ses caprices de femme, devient chaque jour plus chienne pour son plus grand plaisir. Une délectation luxurieuse s'empare d'elle, son corps devient brasier ne cessant d'aimer sa langue ardente, elle l'appelle de ses reins, s'accroche à un puissant désir suspendu au bout de ses doigts...

...et voilà qu'au plus puissant du désir, une pierre sans doute perverse mal intentionnée sur le chemin leur fait tinter les dents. La charrette a du mal sur les essieux.

Oubliant les douleurs contractantes de son abdomen, elle éclate de rire et en taquinant Lona lui lance.


- Quelle chienlit cette blonde là ! Dis !!! Emmerd...j'ai quand même le droit de remercier mon Vaillant qui calme mes douleurs non ?...

Bergerac s'éloigne. Castillon se rapproche. Acanthe s'est endormi dans ses bras. Avec d'infinies précautions elle se dégage de son emprise et doucettement coule un œil farouche sur l'endroit où bébé repose. Il est calme. Sans doute terrassé par la fatigue. Alors elle s'avance et entoure de ses bras le cou de son amie.

- Mon amie toute belle...je t'adore. Le meilleur de l'Amour tu sais quoi ? C'est l'attente de l'Amour.

Lui claquant une bise sur une joue, elle s'installe près d'elle.

Les heures s'écoulent. Tout passe y compris le temps...
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