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[RP ] La charrette de ma dame est avancée !

Lebarbu
L' Elisabeth.........vu du quai !


A peine revenu à Montpellier que le barbu reprend déjà le chemin inverse. Pour une raison qu’il ignore encore, Lona et Louise-anne n’avaient pas suivi la charrette.
L’idée de les laisser faire la route à deux ne lui plaisant pas, il avait proposé à sa belle d’aller les chercher. Aely en profiterait pour se reposer et voir son amie Luciole. Elle pourrait aussi profiter de nuit avec leur petit eux sans un père s’immisçant dans l’intimité d’une mère avec son enfant.
Le plus difficile était de convaincre Lona d’attendre.
L’Acanthe avait donc pris la route avec Avana, celle qu’il considère comme sa petite sœur. Ils venaient de se retrouver à Montpellier et avaient beaucoup de choses à se dire. Et la route fût propice aux dialogues et explications.
Un peu de repos à Béziers pour reposer les jambes lourdes et engourdies et les voilà qui reprennent la route à quatre.

De retour à la capitale, le barbu s’empresse de retrouver sa petite famille. Cette séparation, bien que courte, avait déjà trop duré pour lui. Mais la belle a déjà embarqué avec Kundera, elle se languissait de le revoir avait-elle écrit sur le message qu’elle lui fait parvenir.
Lui ne mis pas longtemps à prendre la direction du port. Juste le temps de dire au revoir à Avana et de lui faire une dernière leçon de morale pour la mettre en garde sur les « bonnes » intentions des hommes.

Passant par le marché pour prendre quelques victuailles supplémentaires, il se retrouve sur le port à la recherche du bateau. Il ne mit pas trop longtemps à le trouver, faut dire qu’un navire de cette taille ne passe pas inaperçu. Et c’est d’un pas rapide qu’il emprunte le ponton, pressé de les retrouver.
Mais un homme de bonne corpulence l’interpelle suivi de près par un mastodonte, le genre qu’on ne veut pas offusquer.


- Vous là-bas !
- Moi ! se retournant vers celui qui retarde déjà les retrouvailles
- Oui vous ! Je suis le chef de port, vous allez où comme ça ?
- J’embarque sur « L'Elisabeth ».
- Ca va pas être possible aujourd’hui.
- Pourquoi ça ? L’capitaine nous a dit qu’on pouvait. Ma femme et notre enfant y sont d’jà.
- Votre nom ?
- Acanthe !
- Je dois demander la confirmation. Revenez demain. Prenant note du nom
- Demain ! Le barbu n’en croit pas ses oreilles et n’y comprend rien Mais…..ma femme….mon fils….j’veux pas attendre !
- Je suis désolé sieur Acanthe. Avec un peu de chance, repassez dans la soirée. Le mastodonte lui fait bien comprendre qu’il vaut mieux faire ainsi

L’Acanthe repart dépiter, ça plus la fatigue qui s’accumule, c’est une massue qui vient de s’abattre sur lui. Errant sans but sur le port, la caboche en ébullition, il essaie de comprendre et décide d’attendre en observant « L'Elisabeth » à distance, espérant y voir sa belle.
Il a bien pensé se faufiler en douce à l’aide d’une barque et d’aborder le navire, mais….c’est un coup à finir la journée en geôle.
Voilà près de deux heures qu’il s’est fait refouler, près de deux heures qu’il observe désespérément le bateau qu’il voudrait rejoindre.
Et soudain il la voit apparaitre sur le pont, il n’en serait pas déjà amoureux qu’il le deviendrait instantanément. Elle est belle, il la trouve de plus en plus belle. Cette silhouette et cette grâce qu’elle offre quand elle se penche au bastingage, c’est un supplice pour lui de ne pouvoir la serrer dans ses bras.
De la voir le barbu retrouve le sourire, comme elle qui affiche un sourire……………de ravissement.

- Aely ! Aely !

Trop loin, trop de bruit trop de vent soufflant sur les cordages. Elle n’entend pas.
Un sourire de ravissement, puis un rire dont il ne perçoit que les mouvements.
Lona est déjà à bord ? Au moins elle sera pas seule.

Mais ce n’est pas Lona qu’il voit apparaitre à ses côtés, aux côtés de sa merveille. Un homme se penche à son tour et se rapproche d’elle.
Le barbu est sans voix, sans gestes, sans rien. Loin, trop loin. Il imagine cet homme conter fleurette à sa promise, parce qu’il la connaît l’Aely, quand elle baisse légèrement la tête comme elle le fait en ce moment c’est pour cacher son visage qui s’empourpre.

Est-ce la jalousie qui s’empare de l’Acanthe ? La peur de retrouver sa belle en d’autres bras ? Ou la colère de ne pouvoir être là-haut, sur le pont ?

- Aely……………………

C’est qui ce messire Aely ? Pourquoi il est si proche de toi ? Qu’est-ce qu’il te dit pour te faire rosir ?
Je te vois mon amour, j’aimerais t’entendre. Je le voudrais pour moi ce rire comme se sourire que tu lui décoches.
Tu ne penses plus à moi là ! Tu ne te languis plus de me prendre dans tes bras en ce moment ! D’être dans les siens peut-être ?
Tsss ! Pardonne-moi de penser ça mon amour, je sais que je dois pas m’inquiéter, j’ai confiance en toi. Tu m’aimes vachement comme tu dis………..on s’aime.
Tu ne te jetterais pas dans le pucier du premier venu, tu le ferais pas, je le sais. T’es pas comme ça toi !
C’est pour ça que je t’aime aussi, parce que je sais que tu me ferais pas ça. J’ai raison de pas m’inquiéter Aely ! Dis-moi que j’ai raison……de toute façon je le sais……que j’ai raison.
Une jeune et très jolie fille comme toi, c’est normal qu’on te fasse la cour non ?


A distance la situation peut paraître équivoque, leur discussion est parsemée de sourires et de rires. Ils semblent bien s’entendre, déjà ! L’homme, un matelot peut-être, se redresse et d’un geste de la main invite la brunette à le suivre, ce qu’elle fait sans se faire prier semble-t-il. Puis ils disparaissent tous deux du pont, laissant un vide glacial pour le barbu.
Il le sait pourtant qu’il ne doit pas s’imaginer des choses, il le sait et pourtant……

C’est décidé, il ne restera pas à quai ce soir. Reprenant la direction du ponton, il se dit que cette fois ni le chef, ni son acolyte ne l’empêcheront de passer.
Mais la détermination ne fait pas tout…………


- Sieur Acanthe ! Demain vous pourrez embarquer. Pas aujourd’hui !
- J’vois pas pourquoi ! L’capitaine a dit qu’on pouvait
- Demain sieur, demain ! On a fermé le ponton, plus personne n’embarque sur aucun de ces bateaux. Moi on me donne des ordres, je les applique.
- J’laisserai pas ma femme et mon fils seul sur c’bateau.
- Hahaha ! Elle s’ra pas seule vote dame ! Là toujours un marin qui traîne sur un rafiot. Hahaha ! Z’en faites donc pas, elle s’ra pas seule. Hahaha ! Le mastodonte, au teint beaucoup plus rubicond qu’auparavant, lance sa diatribe sous le regard noir du barbu.
- L’écoutez pas sieur Acanthe, faut pas croire ce qu’on dit sur les marins petit sourire esquissé
Ils seraient complices avec ce messire qui courtise ma belle que ça m’étonnerait pas.

- Hahaha ! Une dame seule, un rafiot, un marin, d’main z’aurez les cornes sur l’crâne mon pauvre gars.
- J’vous permets pas d’parler d’ma femme comme ça ! La mâchoire se serre et tout le corps se tend
- Arrête Maurin ! Tu vois bien que tu l’énerves le sieur !
- Et pourquoi qu’elle vous a pas attendu vote dame hein ? Y lui f’ra visiter l’rafiot, comme elle s’ennuie elle suivra vote dame. Z’avez, y’a pas grand-chose d’autre à faire sur un rafiot à quai. Surtout à deux. Hahaha !
- Ca va ! C’est bon l’maroufle ! Allez dégosiller ailleurs, ça vaudra mieux ! Le regard n’est plus noir, mais haineux. Le palpitant s’agite.
- Il lui cont’ra les rivages lointains, le soleil, les voyages et vote dame elle aura des étoiles plein les yeux. Sont comme ça les dames, veulent du rêve et l’zigue y lui en donn’ra plein les esgourdes, parce que l’zigue y s’ennuie aussi tout seul sur l’rafiot. Hahaha ! Alors vote dame ça l’occup’ra un peu. Hahaha ! Jusqu’à d’main. Et qu’vote dame elle s’ra bien heureuse de s’faire retrousser les jupons par l’zigue. Hahahahaha ! Elle y s’rait pas sinon…………. faut croire que la libation délit la langue rageuse

Au risque de finir agonisant sur le pavé ou couler au fond du port, l’Acanthe s’avance franchement vers le mastodonte, histoire de passer les nerfs qu’il a à vif. Mais le chef de port s’interpose, craignant certainement de devoir se justifier du massacre d’un barbu.

- Maurin ! Arrête là ! Vous devriez pas rester là sieur. Demain aux premières lueurs vous embarquez.

L’accompagnant quelques pas et l’éloignant par la même occasion du braillard qui le voyait déjà cornu.

- Hahahaha ! Hahahaha ! Eh sieur Acanthe, rev’nez sur le quai à la nuit tombé.
Vous entendrez vote dame hurler sur l’pont du rafiot. Hahaha ! Et c’est pas vous qu’elle réclam’ra à la belle étoile. Hahahaha !


C’est avec une colère à peine contenue que le refoulé du ponton retourne en ville. La belle est là-bas en certainement bonne compagnie, d’après ce qu’il a aperçu sur le pont, le mastodonte lui a mis le sang en ébullition et lui est là, las de ne pouvoir rien faire.
L’aller-retour Montpellier-Béziers-Montpellier l’ayant épuisé, il n’avait qu’une envie, serrer son fils dans ses bras et se coucher auprès de sa promise.
Mais il se retrouve seul…..seul parce qu’il ne veut voir personne. Ne veut parler à personne et encore moins écouter les autres.
Il est à fleur de peau le barbu alors il s’isole.
Le soleil n’est pas encore couché qu’il pénètre dans la première auberge qu’il trouve, demande une chambre et s’enferme pour le reste de la soirée. Attendant les premières lueurs pour embarquer enfin.
Ni une ni deux, il s’écroule sur le pucier.
Mais Morphée est capricieuse et lui laisse le temps de se retourner le cerveau dans tous les sens.

Aely ! Ma Aely ! J’ai confiance en toi…..mais j’ai peur !
Il a peut-être raison le maroufle du port, il te fera rêver ce messire avec qui je t’ai vu.
Il te fera rêver comme moi je ne sais pas faire, alors tu m’oublieras peut-être.
Que ce soit lui ou un autre, un autre qui te fera rire, qui saura te parler, te rendre heureuse.
Mon amour ! Je sais que tu ne te jetteras pas dans le pucier du premier venu, mais si auprès d’un autre messire tu te sens mieux qu’avec moi ? Tu ferais quoi ?
Tu me dis souvent, qu’aimer ce n’est pas emprisonner ! Tu me dis que je suis libre, mais tu l’es aussi.
Je ne suis pas jaloux Aely ! J’ai peur…….peur de te perdre un jour. Pour un mieux que moi………

Il lui faudra du temps pour enfin se calmer et s’endormir.
--Lablondine
Malgré son insistance, Lona avait vu Acanthe et Avana arriver à Béziers... pourquoi n'avaient ils pas voulu qu'elle fasse la route seule avec sa fille... à peine une journée de marche... rien de bien long en soi.
Acanthe avait insisté, appuyé à distance par Aely. Lona n'avait pu rivaliser avec ses deux consciences et la route vers Montpellier s'était faite autour de quelques phrases échangées, sur le futur voyage qui se préparait. Et c'est ainsi qu'ils avaient vu Montpellier de nouveau se profiter.

à bord de l'Elisabeth... quelques jours plus tard.


Ils avaient largué les amarres. Les voila aujourd'hui au milieu de l'immensité bleue... Ca n'avait pas été sans mal qu'ils s'étaient retrouvés. Entre des marins zélés qui n'avaient pas laissé Acanthe monter à la première tentative, Aely esseulée sur le pont d'un navire inconnue et une Lona, tête en l'air, fidèle à ses facéties... rien n'avait été simple... Mais ils étaient la, réunis, et mettaient le cap vers ailleurs à bord du bateau de Léandre et son père. Ils quitteraient bientot les eaux du Royaume de France, après une escale à Marseille.

Lona avait tu les quelques vacillements dont elle avait été victime depuis son embarquement. Elle qui se targuait d'avoir le pied marin n'était guère à l'aise qu'en haut des voiles ces derniers jours. Le vent dans ses cheveux, respirer l'air iodé, la soulageait...

Elle faisait signe d'en haut à sa fille impatiente de la rejoindre...


Louise Anne !!!! coucou la puce ! Non, tu restes en bas, Maman va te rejoindre.

Et elle redescendait, embrassait son enfant, rejoignait le mess et ses amis, discutait au passage avec quelques marins et réceptionnait un message....



Je vous attends à Livorno, je ne vais plus à Alexandrie.


D'abord surprise, Lona n'avait pu réprimer un sourire. Voila un voyage qui s'annonçait encore bien riche de surprises.

Elle reprit la plume et rédigea une réponse rapide. Les mots longs attendraient le soir et le calme de la nuit, au creux de la cabine qu'elle occupait avec Louise Anne.



Nous serons bientôt la. Tu me raconteras.


Elle libéra l'oiseau messager après lui avoir confié son message. Elle se promena sur le pont, vacilla de nouveau, secoua ses mèches blondes qui lui roulaient sur les joues et sourit...
Laely
Un bon conseil : si vous prêtez l'oreille, ne la prêtez pas à n'importe qui. Il existe des gens qui ne vous la rendent pas et c'est ainsi qu'on devient sourd.

La brune attend le jour du départ avec impatience. Lona est enfin à bord après de multiples péripéties n'appartenant qu'à elle. Un coup j'embarque, un coup je débarque, tu me veux tu m'as.
Pour Louise-Anne sa fille, c'est un vrai casse-tête, la fillette ne sait plus trop quoi penser de sa mère, tout comme Aely d'ailleurs qui ne sait plus trop quoi penser au sujet de son homme. Paraîtrait qu'il serait à bord. Oui mais où ?

Pour donner le change et ne pas sembler impatiente, elle passe son temps avec la fillette de Lona à compter les mouettes et aussi éviter leurs fientes larguées sur le bastingage, ce qui les fait rire aux éclats. On s'amuse d'un rien.

Kundera lui il roupille. C'est incroyable comme l'air de la mer lui fait du bien. Il est rondelet, attentif à tout bruit, sourit et rit avec bonheur tout en offrant ses magnifiques yeux Acanthiens à sa jolie maman.


On relève l'ancre. La brune se dit que son découcheur doit se vautrer au mess en train de lutiner et de conter nanani nananère à quelque libertine de passage et qu'il ne perd rien pour attendre.
les heures deviennent interminables. Calme plat. Elle n'a pas rencontré grand-monde à bord, à part Lona, Louise-Anne, le tavernier et une Dame anxieuse comme un pou parce-que le mari de sa sœur qui n'est autre que son beau-frère n'a pas donné signe de vie. Drôle d'époque que nous vivons.

A part ça...personne. Ça la rend mélancolique. Les gens qui s'enferment dans leurs cabines, soucieux comme des pingouins c'est pas marrant de coexister avec eux. Elle est certaine que s'ils se mariaient ce seront leurs conjoints qui ne l'auraient pas belle. Soit la crise d'atrabile, soit les galipettes avec un rigolo ou une rigolote de quartier.

La Méditerranée scintille jusqu'à l'infini. Des paillettes de quartz constellant la plage brillent d'un même éclat. Il fait beau et bon. Elle serait follement heureuse de vivre Aelyenor et pourrait profiter de renifler le merveilleux soleil si l'Acanthe était là...

Le temps passe.

A la nuit tombée, elle devine l'ombre de son déserteur se glissant à l'intérieur de la taverne du navire.
La brune fait un effort pour sembler détachée. Plaquant autoritairement son fils contre sa poitrine, d'un pas décidé elle s'engouffre à sa suite.

A l'intérieur Lona et ce fourbe d'Acanthe. En la voyant il lui refile son sourire et son œillade qui n'appartient qu'à lui, genre article 16 bis modifié par l'arrêté du 3 juin dernier. Il est très emmouscaillé le radieux Acanthe.
C'est quand même idiot de décevoir un homme qui n'attend que sa belle pour la dévorer de baisers. Lui il pense qu'il va la faire reluire par ses bons soins et elle (Aelyenor) pense, très déterminée qu'elle va être dans l'obligation de lui dire : "pas ce soir" comme une femme adultère à son époux.


- Tiens mon fils, voilà le retour de ton vagabond de père fait-elle altière, lui collant dans la foulée sur les genoux Kundera qui s'agrippe à la barbe mal taillée de son géniteur.

- Je crois bien à l'odeur qu'il a fait caca. Ben change-le...et fais attention à ne pas t'en mettre plein les doigts.

C'est cruel et déchirant de rester distante auprès de la personne qu'on aime. Même s'il a mérité son châtiment. Elle pense à l'amnistier le pêcheur perdu, ne serait-ce qu'en considération des services passés et rendus. C'est fou ce que l'Humain peut-être impitoyable. Il est son propre malheur. Le mal de vivre vient des autres vivants...

Malheureusement ou heureusement, c'est comme on veut, la détermination d'Aely de se refuser à son homme tombe vite à la flotte, au grand soulagement de Lona assistant impuissante et circonspecte à la scène.
La brune le cramponne par une aile et s'assoit sur ses genoux l'embrassant avec fougue et passion. Il se laisse aller en douceur et sans faire de manières, manquerait plus que ça. Aely colle ses bras autour du cou du barbu...

A ce moment-là du récit, je ne voudrais pas pousser la description plus loin que la décence ne le permet afin d'éviter une censure par les hautes instances, toujours est-il que peu avant le lendemain et juste avant de passer au jour suivant, Aely se remémore rapidement et par cœur les contours du bellâtre, ses réactions, la façon dont il appelle sa mère, celle dont il lui crie de ne pas se déranger, la souplesse de ses reins, sa pigmentation, sa carnation, sa texture, son savoir-faire, sa passivité, ses exigences, les limites de son abandon, son velouté, sa rudesse, ses facultés antidérapantes, son pouvoir préhensif et compréhensif, ses délicates manières lorsqu'il effeuille une marguerite, lorsqu'il donne des boutons de rose, cultive l'aubépine en branche et met ses orteils en bouquet de violette...

Au petit matin le dévergondé gît dans le hamac, Aely renfile sa culotte et relace son corsage. Elle se sent meilleure et en pleine forme. Un peu comme si elle avait justifié son existence vis-à-vis du Créateur.

Le jour est levé. La brune sort prendre le frais du matin sur le pont. Le navire longe les côtes Provençales, lui permettant de discerner les vieilles maisons silencieuses, édifices d'un autre âge, d'une autre région, et même les petites rues furtives.
Elle sourit. Qu'est ce que ça doit être bon de tenir une échoppe dans ces patelins. Mener une petite vie tranquille avec des habitudes routinières, dire bonjour aux voisins, suivre le mouvement perpétuel quoi.
Elle se demande si au fond ça n'est pas cela la vraie vie, la vraie richesse. Notre durée limitée exige ce train-train végétatif...avons-nous le droit d'user notre sursis à de folles équipées, au lieu de le savourer délicatement ?

Un bruit dans les voiles la sort de ses pensées. Levant la tête elle se met à rire. Lona est sur le mât de misaine, sa chevelure blonde collée au visage par les embruns, tête en extension, humant le vent du large. Elle est radieuse.


- Hé Lona ! Lance Aely. Descends ! Tu cherches à voler ? Il y a longtemps que tu as perdu tes ailes non ? You can't fly !

La blondine se marre et comme un vrai moussaillon redescend de son perchoir. Depuis que son amie avait reçu la lettre de son Kikounet c'était la grande embellie. Son cœur était tatoué. Lumière bleue. Jardin des délices mais aussi des supplices. Faut dire qu'elle vaut bien la bagouze cette petite mémé. Bien sous tous rapports. Gentille. Pas idiote du tout. Elle a la peau orangée presque aussi ambrée qu'Aely.
Lona elle pense à son marin comme une folle. Et depuis qu'elle a appris que son amoureux l'attend pas très loin elle s'est conditionnée. Mariage ? Faut quand même réfléchir. Mais enfin, quand le grand amour cogne à ta porte hein ? J'ai pas raison ?

La brune prend la main de la blonde. Elle est chouette sa main. Elle la serre doucement. Sourit.


- Si tu savais...je suis terriblement rassurée de te savoir heureuse. Encore un peu de patience mon amie et tu pourras lui chanter l'Amour en grégorien.

Se gaussant comme deux enfants elles s'appuyèrent sur la rembarre du pont, laissant leurs pensées dériver vers des lendemains chantants.
--Lablondine
Du haut du mât, Lona respirait l'air, l'iode, laissant son visage fouetté par le vent. Elle se tenait aux cordages, et regardait le pont et les passagers évoluer, cherchant parfois l'équilibre quand une vague prenait le coté du bateau, le faisant légèrement gîter.

Une cogue est un bateau stable pourtant... pourquoi marchaient ils en crabe.
Elle reconnut Aely sortir et lever le nez vers elle, elle riait de voir sa blonde amie s'entraîner au vol des mouettes et Lona la rejoignit histoire qu'elles ne soient pas deux à avoir le tournis.


T'as vu ça, je pense qu'à force d'entraînement, je pourrai prendre l'envol de la mouette.


Deux gamines...
Deux gamines appuyées au bastingage, elles laissaient leurs regards aller au loin, vers l'horizon.


Merci Aely, mais tu sais le bonheur est parfois si fragile... non que je craigne, non que je doute, mais j'ai parfois peur de le serrer trop fort dans mes mains et le briser...

Un nouveau roulis, le tournis, Lona vacilla...

Rhooo foutue vague, je vais finir par demander des stabilisateurs moi.

Elle rit, masquant son léger malaise.


Alors, que penses tu de ce voyage ? la vie sur le bateau te plait ? Les hamacs sont confortables ? Si tu me dis le contraire.... comment pourrais je te croire ? tu as les yeux qui pétillent Aely. Ou alors est ce le vent ?

Lona avait déjà voyagé sur ce bateau, au large de la Guyenne, en d'autres temps. Aujourd'hui, le bateau était animé, le mess était rempli, et les choppes s'entrechoquaient dans la bonne humeur et les négociations.

L'Italie se rapprochait, Lona se rapprochait de lui. Kik... allait il les rejoindre à Ventimille en bateau ? les routes n'étaient pas sécurisées, elle ne voulait pas qu'il prenne de risques. Mais elle avait hâte de le serrer dans ses bras.
Lebarbu
« L’enfant est l’argile, la mère est le potier. » Proverbe tadjik


Les retrouvailles ne furent pas ce à quoi s’attendait le barbu, enfin pas de suite. Lui espérait voir sa belle courir, la jupe volant à la brise légère, et se jetait avec passion dans ses bras. Comme dans les belles histoires que l’on conte à la veillée, ces histoires où rien ne vient perturber la quiétude d’un couple, où tout est calme…..trop pour être vrai.

Il y eut d’abord des reproches, des questions. De part et d’autre.
D’un côté le trajet jusqu’à Béziers et le non-embarquement et donc la soirée qui suivit. De l’autre le messire sur le pont à ses côtés, les sourires échangés et donc la soirée qui suivit.
Ca dura un temps, peu de temps. Parce qu’au fond, ils savent bien, que rien ne pourra venir ternir l’amour qui les dévore. L’une comme l’autre arborent cette confiance que quelques couples peuvent se targuer de connaitre.
La réconciliation faite, le barbu se concentre sur son devoir de père. C’est là qu’intervient le défi redouté…….le lange à changer.
Penaud, presque pas maladroit, il s’applique à suivre les conseils de sa belle.

Plus tard, le corps-à-corps s’opère dans le hamac conjugal. Ceux qui n’ont jamais pratiqué la chose dans un hamac, pourront laisser libres leurs imaginations pour comprendre les prouesses corporelles nécessaires à la bonne tenue d’une nuit agitée. Le roulis et autre tangage du navire accompagnent les retrouvailles.
Les amoureux, eux, suivent le mouvement ou en inventent d’autres, se laissent balancer au gré des vents et des vagues ou luttent pour tenir une position ma foi fort agréable.
Pour résumer cette première nuit maritime, le barbu se découvre une passion pour le pucier suspendu et le lot de possibilités qu’il offre. Surtout, ce qu'il aime, c’est d’avoir toujours sa promise tout contre lui, car dans un pucier classique, les corps risquent à tout instant de se séparer. Le hamac les emprisonne l’une contre l’autre.

Au petit matin la vie s’éveille sur le bateau, l’activité se fait grandissante sur le pont. Principalement pour l’équipage, le passager lui vaque….il vaque ! Les activités ne sont pas multiples, on s’en rend très vite compte.
Le barbu s’occupe de sa petite famille, continu l’apprentissage de l’art de la pêche à Louise-Anne et bientôt à sa femme aussi.
La brunette qui aime tant taquiner son homme ne taquine pas aussi bien et avec autant de réussite la poiscaille.

Ce matin il la retrouve en compagnie de Lona toutes deux appuyées au bastingage, certainement à se dire des trucs……….vous avez compris je pense, je ne le dis pas par crainte que l’on m’accuse de radoter !
Le barbu embrasse sa douce, bise l’amie et subtilise Kundera. Après la nuit que la mère vient de lui offrir, il se dit qu’un peu de repos ne sera pas de trop et en profitera pour passer du temps avec son fils. Maintenant qu’il sait changer les langes, plus rien ne lui fait peur. Il peut partir avec sa marmaille sous le bras sans craindre d’être pris au dépourvu.

Première étape, la cale. Une petite visite au canasson qui doit déjà trouver le voyage bien long. Même s’il commence à avoir le sabot marin comme dirait l’Aely.
Promis Héphaïstos, dès qu’on touche terre on te trouve un pâturage, tu pourras batifoler comme tu voudras.
L’équidé et le mouflet s’apprécient déjà, il faut le voir jouer de sa crinière dès que le petit approche. Kundera tout sourire le caresse de sa petite main, s’accroche à son oreille que le canasson secoue aussitôt. La progéniture trouve ça drôle et ne s’arrête pas, recommence et rit à chaque fois sous le regard attendri du père qui le porte fièrement.


- On lui donne à manger, un peu d’eau et on r’monte sur l’pont ! On r’viendra après si tu veux.
Si le barbu s’attend à une réponse, il lui faudra être patient.
- J’te mettrai sur son dos, mais faudra pas l’dire hein !

L’Héphaïstos ravitaillé, les deux compères retrouvent le pont et s’installent vers la proue, au calme. Les dames discutent encore au loin, le barbu mettrait sa main à couper qu’il est question de biscuit. Du biscuit !
Sur le plancher du navire l’attirail du mini eux est sorti, le doudou d’Ixia, l’escargot de Donno, le fifrelin du blond……. Puis il s’allonge aux côtés de celui qui a fait naitre le père barbu, laissant le fiston lui emprisonner un doigt de sa petite menotte.

- Tu sais qu’t’as changé ma vie toi ? Comme ta mère avant toi.
J’te promets d’être toujours là, j’veux t’voir grandir p’tit. Je f’rai tout pour être un bon père, tout !

Une paluche caresse le poupon visage, puis le mouflet se retrouve sur le bidon du père. Paraît qu’il est confortable ce bidon, avec cet embonpoint dont la belle lui cause souvent.
- Tu sais Kundera ! Il sourit le barbu…..ben non il ne sait pas, mais il va savoir.
J’crois bien qu’la première fois qu’j’ai vu ta mère…..j’ai pensé à toi ! Mais chut….c’est notre p’tit secret.
Il le serre fort contre lui, enfin pas trop fort rassurez-vous, juste avec tout l’amour qu’il peut y mettre. Puis c’est la mouflette de Lona qui se joint au farniente des deux hommes.

Ainsi va la vie sur l’ondoyante salée !
Louisanne
A bord de l'Elisabeth...ehhhhh oui, la vie est un long fleuve tranquille.

A Caem, en remerciement pour le fifrelin que Kundera porte fièrement autour du cou.

Si jamais vous trouvez cette tranche de vie boiteuse, donnez-lui une canne.






Lorsque l'Acanthe remonte de la cale avec Louise-Anne et Kundera, le barbu est abreuvé de quolibets genre marins pas bien fins.

- Eh l'homme ! La moyenne d'âge de tes conquêtes a rudement baissé...un autre lui lance : "tu les prends au berceau ?"

Ces saillies n'ont pas l'air de faire plaisir à Louise-Anne qui drapée dans un grand châle et dans sa dignité de petite fille allant allègrement vers sa sixième année laisse tomber à la cantonade un retentissant.

- Sacré Bon Diou. Et moi qui croyais que le Cap'tain Leandre poussait le bouchon trop loin quand il disait que tous les marins étaient aussi corniauds que le Père Lasayette. (Capitaine de marine ayant sombré corps et biens en rade toulonnaise).

Du coup les ricaneurs déricanent et les gausseurs dégaussent. Aely entraîne une Louise-Anne digne comme une pintade un peu plus lojn, tout en faisant comprendre à Acanthe qu'il avait fort bien fait de se contenir.


- Attends-moi ici, j'ai un courrier urgent à rédiger recommande-t-elle à la fillette.

- Où qu'tu vas ? s'inquiète la dégourdie, le visage bourré de mécontentement et les yeux bordés d'éclairs oragesques.
J'vous accompagne. J'ai pas envie de moisir ici au milieu de tous ces ahuris.

Elle a le regard et le ton catégoriques. Cette chipie faut se la faire. Si elle change pas d'ici sa puberté on peut plaindre le guignol qui décrochera ce petit lot à la prochaine tombola.

- Non, tu restes avec Acanthe et Kundera, je n'en ai pas pour longtemps.

Elle boudasse.

- Si j'avais su j'serais restée à Millau chez tata Donnolae et tata Cleo tiens. Au moins là-bas j'vivais ma vie.

- Dis Louise-Anne ! Tu serais pas un peu casse-pieds dans ton genre ? soupire Aely en réprimant avec difficulté un fou rire dont elle seule en a le secret.
En définitive, la brune se ravise et se dit que le courrier se fera au clair de lune lorsque l'effrontée sera sur hamac.


- Viens, on va chercher ta maman.

Elle hoche la tête et prend la main d'Aely, lève la tête et montre du doigt Lona, sa mère tout là-haut sur le mat, embauchée comme vigie. Puis la gamine se retourne vers elle et lui demande.

- C'est Acanthe le vrai nom du papa de Kundera ?

- T'as rien contre ?

Elle fait la moue.

- Il est dans mon cas hein ? C'est pas lui qui l'a choisi son nom,et puis un nom c'est un nom après tout non ?

- En effet.

- Moi j't'appellerai Aely et lui Kant* et ton bébé tout mignon m'en occuperais.

- Je t'en prie, ce sera avec plaisir.

Elle se gratte le menton avec un brin de coquetterie déjà féminine.

- Et si vous deveniez mes tata et tonton, moi je serais la cousine de ton joli bébé hein ? Alors dis ? T'es d'accord ?

- Si tu y tiens...

- Ça te vexe pas ?

- Au contraire, c'est flatteur de t'avoir pour nièce et une "sœur" comme ta maman.

Un sourire édenté récompense l'acquiescement de la brune. Cette gosse elle est irritante des fois mais obsédante aussi. Elle ferait presque pleurer tiens.

- C'est joli Louise-Anne comme prénom.

La pétillante grince un poil, esquisse une moue.

- Ouais, c'est rapport je crois à deux grands-mères teigneuses. Une qui s'appelait Louise, une autre Anne. Elles ont voulu être ma marraine.
Alors au lieu d'avoir comme tout le monde un parrain et une marraine, moi j'ai eu comme qui dirait une parraine et un marrain.


Rien de plus logique.

- Mais c'est joli Louise-Anne.

- Tu parles, c'est pas toi qui le porte !

Puis, plus rapide que l'Elisabeth (ce n'est pas très difficile, puisque voilà quatre jours que le bateau fait du surplace.) elle grimpe sur le cordage dans l'espoir de rejoindre Lona.

- Descends de là immédiatement ! C'est dangereux ! Louise !!!

- Sans blague rigole la friponne. J'ai pas besoin qu'on me surveille.

Aely lui fait les gros yeux en posant ses mains sur ses hanches.

- Écoute ma fille, ici ce n'est pas une cour de récréation. Tu vas me faire le plaisir de te tenir tranquille sinon...

Outragée comme une reine-mère à qui on aurait glissé du poil à gratter dans son corsage, la gamine va rejoindre Acanthe et s'assoit près de lui sur l'amas de cordes enroulées sur le pont.

L'Acanthe la prend par les épaules. L’effrontée lui colle une tape sur la main.

- Touche-moi pas ! Maman m'a bien recommandé de me méfier des barbus, comme quoi c'est les pires violeurs.

Le barbu est médusé, il se fige. Pauvre Acanthe. Si doux. Si tendre. Et puis l'hilarité de l'homme d'Aelyenor prend le dessus, et le voilà qui gonfle, qui râle, qui roucoule, et Louise-Anne qui éclate de rire.

Il est heureux l'Acanthe. Tout attendri. Il regarde à tour de rôle son fils et sa nièce commise d'office avec des yeux de bon papa.

Mince l'Acanthe. Aelyenor savait qu'il était humain, mais alors à ce point...


* Alors là...on est pas couché c'est moi qui vous le dit...
--Lablondine
Lona avait suivi de loin l'échange de sa fille et d'Aely... d'en haut, elle ne pouvait entendre ce qu'elles se disaient, mais elle les voyait rire, sourire, se cajoler.

Louise Anne semblait de plus en plus affirmer son petit tempérament. L'enfant si douce et discrète devenait une petite fille coquine, avec un répondant presque à toute épreuve... de qui pouvait elle bien tenir... Lona ne se posait guère trop la question. Cela avait il seulement une quelconque importance. Sa fille était sa fille, elle l'éduquait, se faisait seconder aussi par Aely et Acanthe, surtout en ce moment où elle devait passer beaucoup de temps sur les hauteurs du bateau.

Ces missions lui convenaient cependant. Elles ne lui laissaient guère le temps pour rêvasser et réfléchir. Elle gardait ces instants de pensée pour d'autres lieux, quand elle partait rejoindre son hamac, le soir... et qu'elle se laissait bercer par les flots, une fois son quart repris par un autre marin. La vie était rythmée sur le bateau, chacun savait ce qu'il y avait à faire, et chacun le faisait sans rechigner. Les rires fusaient parfois, se moquaient à d'autres... Mais Louise Anne, au milieu de tout ça, grandissait... Elle n'avait cure des remarques de certains marins et n'hésitait pas à leur rétorquer que si ça ne leur plaisait pas, ils n'avaient qu'à aller voir ailleurs.

Lona rejoint Aely et Acanthe sur le pont, Louise Anne et Kundera à leurs cotés.

Vous allez bien tous ? qu'est ce qui se passe Louise ? un souci ?

La petite lui raconta sa décision : faire d'Aely et Acanthe, rebaptisé Kant depuis quelques temps déjà, sa tante et son oncle.
Lona souriait au fur et à mesure de l'histoire.


Et leur as tu demandé l'autorisation ? Qu'en pensent ils ?

Elle porta son regard sur les deux adultes et à la vue de leurs mines, elle déduisit que cela n'avait pas l'air de poser quelconque souci.

Eh bien, puisque la décision est prise, je la valide. Je suis ravie de vous compter comme tante et oncle de ma progéniture ici présente, et celle à venir.

Lona était encore incrédule quant à ce qui se tramait au plus profond d'elle même... elle n'osait y croire et continuait de mener sa vie. Elle avait écrit à Kik pour lui annoncer que de menus travaux serait à réaliser au retour à Millau. Il avait paru heureux dans ses réponses. Et la blonde, elle, s'était trouvée rassurée....

Bon Aely, Acanthe, nous voila en route pour Ventimille maintenant. Si vous saviez comme je suis heureuse que vous soyez avec nous ici.

Elle regarda sa fille, vautrée à coté de ce nouvel oncle et riant aux éclats.


Qu'est ce qui te fait rire ainsi jeune demoiselle ?


Elle était à coté de Aely, qui elle aussi les regardait. Elle posa la main sur l'épaule de son amie et lui claqua une grosse bise.


Merci poulette pour tout ce que tu fais pour nous...


Lona finit par enlacer son amie. Une étreinte toute fraternelle... mais remplie de l'émotion dans les yeux de la blonde...
Lebarbu
La botte approche à grands pas….enfin non ! Pas à grands pas, marcher sur l’eau n’est pas donné à tout le monde.
Il y a bien par le passé eu un cas d’une telle prouesse mais depuis toute tentative a échoué. Certains, peu téméraires, l’ont tenté dans une eau peu profonde, ceux-là s’en sont sortis sous les rires et moqueries des badauds. D’autres n’ont pas eu cette chance.

Les jours passent et les nuits sont belles, en tout cas pour le barbu. L’air marin semble avoir des vertus insoupçonnables sur sa toute belle. Kundera endormi, ce sont les anges qui soupirent et se cachent les yeux. Cupidon, lui, sourit fièrement de sa réussite.

Avec l’Aely, ils avaient passé une partie de la journée sur le pont à discuter de choses et d’autres, à se raconter leur vie blotties l’une contre l’autre, leur enfant bien au chaud entre eux. Puis la belle avait rejoint Lona qui réparait une voile sa petite jouant à côté.

Pour passer un bout de temps, un bout de journée, l’Acanthe jette la ligne à l’eau machinalement sous le regard et les gazouillis du mouflet.

- Tu vois Kundera, c’est pas compliqué ! Tu mets l’appât comme ça…..non non ! Ca s’met pas à la bouche…c’est pour les poissons ça……..et après t’attends. Faut un peu d’chance aussi !
Mais maman elle en a pas tu sais, c’est pas son truc la pêche j’crois bien !
Il monologue envers son fiston et laisse l’hameçon glisser le long de la coque Elle c’est l’jardin, tu verras en rentrant à Millau, y s’ra en fleur et y’aura du raisin aussi. Ca c’est pour faire du vin, mais elle t’apprendra tout ça, tu verras ! Et puis à moi aussi, parce que j’y connais pas grand-chose en vin………. C’est incroyable ce qu’un petit bout d’homme peut faire d’un taciturne.

Pendant ce temps-là, pas très loin appuyé sur le bastingage, la mouflette tente de prouver à son petit monde qu’elle est bien assez grande pour se débrouiller seule et qu’elle n’a pas besoin d’un barbu à ses côtés pour taquiner la poiscaille.

- Ca va Louise-Anne ? Tu crois qu’on mang’ra du poisson aujourd’hui ?

Mais la petite ne répond pas aux taquineries du tonton, à peine un regard qui se voulait pourtant discret lui est adressé. C’est vrai quoi ! Elle est concentrée, prête à ferrer le premier frétillant qui passe serrant de ses petites mains la canne, elle se laissera pas perturber aussi facilement la t’chiote.
Mais tenir sa langue trop longtemps, c’est comme un mess sans alcool…..Y’en à qui l’ont vu, enfin qui disent !

- Chut Kant ! Tu fais peur aux poissons.

Retour à l’envoyeur, c’est la première leçon que l’Acanthe lui avait donnée au lac. « Ne pas faire de bruit ». Même si à ce moment-là, c’était surtout pour tarir le flot de questions qui le submergeait.
Il la regarde attendrit sa petite nièce, parce que forcément quand elle avait émis le souhait de les avoir lui et sa belle comme tante et oncle, ils n’avaient pas hésité. Il la regarde et a aussi une petite pensée pour le petitbonhomme, petit Pierre qui retrouvera bientôt sa princesse.
Le mini pêcheur mâchouille Bavouilles l’escargot et explore le visage paternel. Lui collant parfois le gastéropode dans la barbe. C’est un poisson « de bonne taille » qui vient interrompre la scène.

- Ca y est Kundera ! On en a un…….r’garde.

Remontant la prise, il la montre fièrement à son petit. La marmaille, lui, s’amuse de voir cette drôle de bête se tordre et lançant ses petites menottes en avant essaie de l’attraper.
- Non non ! Faut pas toucher, tu vas t’en mettre partout…….y’en a une qui s’ra pas très contente après moi. Déjà qu’son homme sent parfois l’poisson, si son fils s’y met aussi….ça va pas aller !
Si tu mettais pas tes mains partout…..ça irait. Mais là, tu vas t’en mettre dans les ch’veux, sur ton visage….et puis tu trouv’ras bien l’moyen de m’en mettre plein la barbe aussi !
Disant cela il lui tapote légèrement le bout du nez un grand sourire lui barrant le visage.

Kundera s’agite de plus en plus, devient grognon, d’expérience…..oui ! Le barbu a une très courte expérience des bébés, mais il a appris quelques signes qui ne trompent pas…..et ces signes-là ça veut dire deux choses : soit il a faim, soit il est fatigué. Il n’arrive pas encore bien à distinguer les deux.
Après avoir vidé le poisson et remballé le matériel, l’Acanthe attrape son fils et file voir Aely. En passant il dépose la prise dans le panier de la mouflette et son attirail à côté.

- Tu peux aller voir ta mère ! Regarde elle redescend les cordages.
Tu pourras lui dire qu’c’est toi qui l’as pêché !
Envoyant un clin d’œil au passage


- C’est nous mon amour !
Ils, le fils et l’homme, retrouvent la merveille parcourant une missive les deux coudes reposant sur le garde-fou. De son bras libre il enlace la toute belle promise et l’embrasse dans le cou.
Ce cou !…..Cette peau !…………….
Le barbu connaîtra l’expéditrice de cette lettre, mais pas le contenu bien entendu. Ce n’est pourtant pas la curiosité qui lui manque, il essaie d’en tirer quelques bribes…..mais en vain.
C’est un…..truc de fille…lui dit-elle d’un sourire taquin. Il lui sourit, adore quand elle joue la mystérieuse comme ça, même si ça l’intrigue encore plus.

Elle a le réflexe d’une mère et prend le mouflet contre elle, le couvrant de baisers et de caresses.

- J’crois qu’il a faim….ou fatigué p’t’être !........On descend à la cabine ? Pour voir ça.

Le sourire se fait coquin, les mains se posent sur les hanches de la brunette et les amignonnent, les yeux se font désireux.
- Et puis……après….quand il dormira……….on pourrait faire une p’tite sieste nous aussi !
Laely
Les Côtes Italiennes


Et le temps s'écoule doucement à bord de l'Elisabeth. Faut dire qu'il n'y a pas grand chose à faire à part pêcher, s'occuper des enfants et de se parler...surtout se parler. Parce-que je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais rien n'éloigne autant les êtres les uns des autres que leur mutisme. Se taire c'est se fuir, s'abandonner, s'oublier.
Dans beaucoup de familles on remarque que les membres qui la composent parlent peu, leur langue devient compacte. On se tait en chœur. Papa n'en cause pas une à maman sauf pour lui faire observer que le ragoût est trop salé ou pas suffisamment. Ils n'ont plus rien à se dire. Les enfants aussi causent plus. Chacun son rêve. Un couple avant de cesser de s'aimer il la boucle. Au début on fait un peu l'effort. De temps en temps l'un d'eux annonce que si le temps s'améliore pas ça va être néfaste pour les moissons ; ou bien il se plaint de ses tripes et l'autre timidement murmure : " Va voir un médicastre..."

Les naufragés de l'existence. En pleine dérive sur les courants malins.

Donc nous, je veux parler de Lona, Louise-Anne, Kant et l'Aely, on se tait tendrement. De temps en temps les filles discutent de "trucs de filles" avec en filigrane l'oreille de Louise la pécore qui traîne toujours, pendant que l'Acanthe pêche en marmonnant à son fils qu'un appât se fixe par la queue...et comme le barbu est très affairé sur sa prise de ver, il s'aperçoit pas que Kundera est en train de bouffer la moitié des esches.

D'autres fois, Kant masse les mamelons de sa femme. Elle, ben elle lui fait des risettes lui expliquant qu'elle aime bien ça...

Tout ça permet au temps de filocher en douce entre nos doigts. C'est ce qu'il y a de plus dur à tuer le temps. l'Homme a de plus en plus le souci de se distraire. Se distraire voulant dire ne pas s'emmerder.
Le temps est le plus beau cadeau que le Bon Dieu ait fait aux hommes. De quoi parlerions-nous si nous existions dans un beau temps perpétuel ? L'existence ne serait pas possible, la civilisation ferait faillite, il y aurait recrudescence de criminalité. Tandis que grâce au temps on use le temps. C'est comme l'amour, on en parle pour se reposer de le faire.


Bref, on arrive aux abords des côtes italiennes, mais comme on tourne en rond on a le temps d'accoster et de débarquer.
Alors, au lieu de subir l'assaut de l'Acanthe, pour tuer le temps comme cité précédemment, l'Aely porte l'assaut à son homme. Faut d'ailleurs croire qu'elle ne doit pas être manchote de la langue la brunette, car c'est lui qui brame le plus fort dans le crépuscule mordoré, avec en fond musical le crissement des mâts suivant le mouvement du clapotis des vagues, et puis la lancinante mandoline qui leur italianise les veines, l'âme et...en ce qui concerne Aelyenor les tétons.

C'est magistral ! Ah c'est beau la nature. Acanthe il gosille sa mélodie d'amour. De plus en plus haut, vibrant et stimulant. Il peut plus se contenir le bougre. Bah, il a le droit de vivre. Fini les temps noirâtres du servage, vive l'affranchissement du sexe ; non ? Hein ? Si ? Bon ! Allez ! Sabre au poing ! Chargez !

On a bien raison de dire que dans un triangle isocèle, deux des côtés sont égaux. Aely a l'occasion de vérifier la chose pendant qu'elle lui pratique précisément le coup du triangle isocèle. Une petite terrible cette Aelyenor. Une bousculeuse du respect humain, une dévoreuse de sensations, crieuse de bonheur. Le contrôle de son self elle l'envoie paître. Son calme légendaire elle s'en souvient plus. Elle se consacre entièrement à l'entente cordiale. L'essayer c'est la doper ! Elle dissipe les malentendus subsistant à propos de Jehanne d'Arc, elle réinvente la première guerre de 14 (1214 Bouvines !) Devient la Madame Loyale de Philippe Auguste et accolade Jean Sans Terre par personne superposée...

Quelle troussée madoué ! On peut pas trouver mieux, plus intense. Et le Kant, vous savez ce qu'il clame ?


- Chérie, c'était mieux que du vrai. Où as-tu appris ça ?


Et l'Aely sans mentir lui dégauchit.

- En Italie mon pantelant, en Italie. Je tiens ça de maman...

Et c'est à ce moment-là qu'une voix aigrelette lui rappelant quelqu'un résonne dans la chambrée

- Faites vos besoins devant moi du temps qu'vous y êtes ! Sans blagues ! J'suis une p'tite fille mince ! Ah c'que vous êtes cochons les adultes.

- Louise !!! Qu'est ce que tu fais là ?

- J'ai entendu crier. J'croyais qu'mon Kant se faisait égorger. J'ai entendu un Aaaaaah, mais va savoir si c'était un Aaaaaah de plaisir ou un Aaaaaah de torture...et pis j'vous rappelle qu'y a des gens qui dorment !

Puis changeant de sujet elle dégoise.

- Dis, maintenant qu't'as fini de te battre, tu veux bien jouer aux cartes avec moi ? J'm'ennuie. Maman termine son travail de vigie et moi je suis toute seule.

Aelyenor se désadapte de son pêcheur puis s'habille prestement en l'entraînant dans le fond de la pièce, acceptant d'assouvir les caprices de la donzelle plutôt que de la laisser à des sous-entendus qui ne sont pas de son âge.

- 'Rheusement que j'suis arrivée. Fais attention Aely aux prévôtés du Kant. Mémé me disait toujours : "Méfie-toi des hommes qui ont trop d'effusion dans le sentiment..."

La brune a idée que cette fameuse mémé avait sans doute un peu traumatisé Louise-Anne, et que si elle appliquait scrupuleusement ses préceptes, elle aurait beaucoup de mal plus tard à se dénicher un nez-pou.

Un mimi goulu sur les lèvres de son épuisé de mari, puis toutes deux grimpent l'échelle, posent le pied sur le pont et s'appuient sur la rembarre en regardant Vintimille, ses quais mystérieux, sa pègre...les torches éternellement allumées sur le devant des tavernes, les relents de friture de poissons, les bribes de mandoline, les filles boudinées dans des robes trop étroites qui tapinent mornement à longueur de jour et de nuit, les louches nuiteux hantés par des besoins chichement assouvis...c'est beau et mélancolique, tout ça. Ça cause du destin malodorant de l'homme, de sa démarche béquilleuse vers l'infini.

Louise-Anne distribue les cartes. Elle tire ses brêmes deux par deux, les rangeant par valeur dans les rangées de carreaux, de cœur, de pique et de trèfle.
Les parties s'enchaînent, la pestouille remporte toutes les donnes. Aelyenor la regarde...elle est belle cette petite.

Au bout d'un moment la brune lâche les cartes et prend la fillette dans ses bras.


- Repose-toi maintenant. Juste contre moi. T'en fais pas tu ne risques rien. Et n'oublie pas. Ta maman a besoin de toi. Crois en elle, crois à ce bel avenir qui est en train de te tendre les bras.

Elle lui file un baiser miauleur. Lona tout là-haut de son poste de vigie semble rosir de contentement en voyant le non moins contentement de sa chipie de fille...
Lebarbu
On a marché sur la botte !


C’est fait ! L’Elisabeth a accosté sur les terres Italiennes. Tout le monde descend à quai et découvre Ventimiglia, son port, son marché et plus tard…..ses tavernes peut-être.

Pour l’Acanthe une autre découverte de taille………la langue, le dialecte. Très vite il se dit que ce séjour risque d’être bien souvent incompréhensible pour peu qu’un dialogue soit engagé avec l’autochtone et pour cela une solution, ne pas quitter sa belle d’une semelle, lui coller aux fesses.

Qu’elle a de forts jolis d’ailleurs !
Parce qu’avec le vocabulaire à sa portée, celui qu’il connaît déjà, il n’ira pas bien loin dans les conversations. Dans le meilleur des cas cela pourra au moins déclencher de l’hilarité, au pire de la moquerie. Mais ça……la moquerie………….étant donné qu’il n’en comprendra pas un mot, à la rigueur il s’en fiche un peu.


Pour résumer les quelques mots Italiens qu’il connait, une mise en situation fictive en sera la meilleure démonstration. La scène qui va suivre est totalement imaginaire.

Imaginons le barbu arrivant sur le marché, les odeurs et les couleurs emplissent déjà les étals. Les gens palabrent beaucoup ou crient, en tout cas ils parlent fort et surtout ils gesticulent dans tous les sens. Surtout leurs bras et leurs mains.
Mais lui a repéré une robe pour sa douce, il l’imagine déjà la portant………et la laissant choir comme pour mieux lui indiquer les intentions qu’elle a envers son homme.
Donc il se présente, enfin s’approche parce qu’il se fait aussitôt alpaguer par le vendeur.


- Benvenuto amico ! Un vestito per tua moglie? Guardate, sono belle, scegli il colore faccio un prezzo.………………..*
Pour cette première confrontation le barbu écarquille les billes et tente encore de traduire quelques mots. « Bienvenu ami » semble avoir capté son attention, pour le reste…..peut-être « belle » et « couleur » mais il n’est sûr de rien.
- Bonjourno ! Ce n’est pas très local, mais l’interlocuteur semble réceptif.
- Il tessuto migliore, la migliore qualità in Italia. Tua moglie è una principessa con esso.*
Là il pense avoir compris “qualité en Italie” et “princesse”, le reste est flou. Très flou. D’autant que les mains qui s’agitent comme ça le perturbe un peu plus.
- Mi cara ! A ne pas confondre avec “mi caru” qui en est le pendant masculin, et plutôt pas Italien en plus.
- Sì ! Il tuo amore, la tua moglie! Comprarle un vestito, lei sarà felice. Sono come le donne che devono renderli felici.*
La barbe Rouergate est grattée, la tête se tourne à gauche puis à droite comme pour appeler à l’aide. Le barbu à presque épuisé ses connaissances en linguistique locale, il sait aussi dire “capitaine” et “libre” mais là...dans le contexte ! Alors il tente son dernier atout et, pas peu fier l’Acanthe, c’est une phrase, trois mots d’affilés c’est presque un exploit..........il la tient d’une chanson que l’Aely chanta au mess. Certes il ne sait pas vraiment la traduire, mais à coup sûr le vendeur comprendra.
- O sole mio !.............Cordialmente.
L’Acanthe repart, sans la robe, alors que le marché entonne le refrain à son passage. Pas facile, je vous le dis !
- O sole mio
sta 'nfronte a te!
'O sole, 'o sole mio
sta 'nfronte a te,
sta 'nfronte a te!



Il n’est déjà pas très loquace en temps normal et en François alors dans une autre langue…….imaginez un taciturne discuter le bout de gras comme ça en terre étrangère, ça relève du mythe !

Aely et Lona l’ont prévenu, l’Italien parle aussi (surtout ?) avec les mains et il a très vite pu le constater de lui-même. A peine débarqué que des dizaines de mains, très velus parfois, s’activaient et brassaient de l’air. Comme des petites marionnettes tentant d’appuyer les dires des ventriloques, ventriloques qui ne semblent pas respirés tant ils parlent et s’agitent eux-même.
L’Acanthe essaie de déchiffrer ce langage des signes, au cas où……surtout quand un Italien s’adresse à une dame……..au cas où………à défaut de comprendre une conversation entre sa promise et l’un d’eux, il en percevrait peut-être la teneur par les gestes. Tant que les mains restent à distance d’elle.
Parce que parler avec les mains, il ne sait pas faire non plus. Enfin….il sait, mais les causeries que ses paluches peuvent avoir sont réservées à sa femme….en toute intimité, et croyez-moi qu’il a la paluche bavarde dans ces cas-là…elles jacassent, causent, pérorent en toute liberté sur la brunette qui inspire et encourage ses longs monologues gestuels.

Il n’est quand même pas totalement perdu, pas encore ça viendra, et il sait très bien que sa toute belle et son amie ne le laisseront pas patauger dans l’incompréhension.
Ou alors juste un peu……le temps de se payer une tranche de rire, il le voit déjà le sourire taquin de l’Aely quand son homme cherchera son aide désespérément ou si une Italienne, en quête de réponses, insiste face au mutisme et à la gêne du barbu.
Ce ne sera pas simple c’est certain mais il y a un côté positif, le commerce ne semble pas subir de frontière linguistique. Quelque temps après le débarquement, pendant que la belle s’occupait du canasson dont les sabots s’impatienter de retrouver la terre ferme, l’Acanthe emmena les enfants sur le marché.
Il avait du poisson à vendre et quelques morceaux de viande à acheter en échange.
Kundera sur un bras, Louise-Anne dans l’autre main, ils arpentèrent les allées aux senteurs enivrantes. Les transactions furent rapidement bouclées au terme de courtes négociations menaient avec l’aide de la mouflette. A n’en pas douter elle a la fibre commerciale cette petite. Il faut reconnaitre aussi que sa petite moue a de quoi convaincre le plus récalcitrant des mercantile.
Le plus difficile de cette aventure était, de toute évidence, de maintenir Kundera à bras. Depuis qu’il commence à trotter à quatre pattes le mouflet, les bras du père semblent de moins en moins accueillants. Sauf pour y dormir et de ça le barbu en profite encore……tant qu’il peut. Un jour le petit sera trop grand pour tout ça…………….

- Tu trotteras après Kundera ! Y’a trop de monde-là. J’sais bien qu’tu trottes pas vite et pas loin, mais tu peux pas ici.

Puis ils retrouvent les mères et la charrette, le barbu dépose ses lèvres sur celles de sa belle et la marmaille à ses côtés.


[La veille au soir, dernière nuit à bord.]

Cette dernière nuit fut éprouvante, tant pour la promise que pour le promis.
Pas de petite curieuse pour venir déranger les exploits conjugaux et un Kundera plongé dans un profond sommeil. Tous pour laisser place à la volupté…………………………………

Et volupté il y eut !
Et bien plus même, bien mieux.

Si la belle a le talent, le barbu a l’envie. Si l’Acanthe plonge dans l’ivresse, l’Aely le poursuit inlassablement. Si elle se fait indolente…….il la bouscule calmement, s’il se fait languissant……elle le provoque exigeante.

Les mains se connaissent mais s’explorent encore, les corps s’offrent déjà et les souffles effleurent les peaux. Ce sont les prémices d’une nuit sans sommeil.
Mais le barbu, plein d’idées et d’entrain ce soir-là, tente une manœuvre….délicate. Il voulait montrer à sa toute belle l’étendue de son imagination,
mais un faux mouvement…..un mouvement de trop et le hamac bascule, jetant au sol les amoureux. Il avait pourtant des précautions, sans gestes brusques, cherchant constamment l’équilibre, mais la maladresse le poursuit jusque dans le pucier conjugal.
Par chance la promise se réceptionne sur son homme qui n’en demandait pas tant. Les roucoulades laissent place aux rires qui s’entremêlent avec la sensualité de l’imprévu.

- Ca d’mande peut-être plus d’entrainement !

Cette chute n’a pas fait fuir les désirs, au contraire, elle les enivre un peu plus et il ne leur faut pas longtemps pour reprendre les ébats là où ils se sont arrêtés.
Les petits cris de la brunette provoquent chez lui l’envie de voir se continuer cette mélodie.
Et il y met de l’énergie, la pousse à bout…..il joue sur la corde sensible de la merveille qui se retranche dans un dernier soupir et laisse échapper un cri qu’elle étouffe dans le cou de son homme. L’Acanthe n’a pas cette délicatesse, il se pince tout de même les lèvres et son souffle s’évapore dans la cabine.

Mais quand tu gigotes je chavire doucement, tu me ravigotes tant………………….

On entendra encore l’Aely gémissante et l’Acanthe haletant, puis le calme revenir dans la chambrée. Au petit matin, quand Kundera les tirera de leur sommeil, ils se désenlaceront enfin.


- Bienvenue l'ami ! Une robe pour ta femme ? Regarde, elles sont belles, choisi la couleur je te fais un prix.
- Le meilleur tissu, la meilleure qualité d'Italie. Ta femme sera une princesse avec ça.
- Oui ! Ton amour, ta femme ! Achète-lui une robe, elle sera heureuse. Elles sont comme ça les femmes, il faut leur faire plaisir.
(traduction Google !)
Cleopatre2
Millau, la Mairie

La brune, maire de Millau, pensait à ses amis partis.. loin la bas.. et se demandaient si ils allaient bien et si leur voyage se passait sans trop d'anicroches.

Elle était dans son bureau... a regarder par la fenetre, le ciel bleu, et les arbres en fleurs. Elle entendait au loin, le bruit de la ville, les marchands criant a qui mieux mieux.. pour vendre leurs produits. Les charettes passant non loin en faisant grincer les essieux.. et le paysan qui ralait qu'il devrait certainement aller chez le forgeron et que cela allait encore lui couter les yeux de la tete.

Un ivrogne qui sortait d'une taverne et chantait à tue tete une chanson à faire rougir.

Un soupir. et s'en retourne à son bureau.. elle avait missive à envoyer.


Citation:

    Mes chers amis.

    Comme il me semble loin le temps ou vous étiez encore en la ville ou nous discutions et rions... je ne dirai pas au coin du feu, mais presque.

    Ici, les jours se suivent et se ressemblent..
    Vous avez du le savoir j'ai été réélue en tant que bourgmestre.. et j'essaie de faire de mon mieux pour faire tourner la "boutique".
    Nous avons payé tous les impots du 15 juin...Et ... Ae.. tu es un ange pour ton homme... j'espère qu'il le sait.

    Comment allez-vous ? Racontez moi... ou vous vous situez ?
    Je me fais un peu de soucis.
    Est ce que tout le monde va bien ?? faites des bisous à toute la tite famille.

    Amicalement
    Cleopatre dePayns


    PS : j'attends de vos nouvelles... et pas de betises...

_________________
Laely
Puisque la langue française ne se parle plus de la même façon qu'elle s'écrit, pourquoi se fatiguer à la maintenir dans le carcan du classicisme ? Il y a des mots ou expressions inventés de toute pièces dont le saugrenu est fait pour déranger, pour contraindre le lecteur à réfléchir et à traduire. C'est le vocabulaire du dérapage contrôlé.


Vintimille

Le chouette de Vintimille ce sont les couleurs des étals, le soyeux dans les étoffes, l'étroitesse des ruelles, leur grouillement sauvage, le va et vient incessant des allers et venues des voyageurs qui embarquent et débarquent, tous ces blaireaux (dont on fait partie) venus de multipart, si éblouis, si tartemolles...du beurre pour les Italiens !
ceux-ci nous bousculent sans seulement que l'on s'en rende compte, on se fait doucement conduire sans toucher terre vers des échoppes alléchantes, d'un étal à l'autre, et on se moule d'un orfèvre à un autre, pour un vendeur de chausses sans seulement s'apercevoir de la différence.

Aely a juste le temps d'arracher Kundera des bras de son homme en lui disant.


- Tiens bien Louise-Anne par la main, ne la lâche pas surtout. Lona et moi on t'attend près de la fontaine là-bas.

Il est téméraire le barbu. Ne doute de rien. Lona et la brunette regardent tout ce charivari ambiant pendant que Kundera est intrigué par le châle d'une vieillarde noire en train de briquer son bonheur éternel à grand renfort de Pater virgulés à toutes pompes entre ses chicots branlants. Devant elle des bougies à bas prix qui sans doute doivent l'assurer de petits passe-droits gentillets du Seigneur, et puis de gros candélabres pour les grands coups de main en catastrophe.

- Signora Lona ? Signora Aelyenor ?

Les deux baguenaudeuses se retournent en acquiesçant.

- Un messaggio per voi Donne.

Aely, plus proche du coursier, intriguée, s'empare du pli. Ça vient de Millau. Le cachet du maire. Cleopatre !

Trois Ducats et un Grazie mille plus tard, la brune décachète le parchemin.


- Tiens lis ma Lona.

Le hasard est un grand maître, toujours l'inattendu arrive, il ne faut s'étonner de rien. On pourrait en débiter des tinées de ce style mais ça changerait rien à notre abassourdissance.

- Elle languit je crois. Elle doit s'ennuyer. Pauvre Cleo. La peine ça rend solitaire. Seule. Elle guigne le néant...

Faut tenir Cleo. User les minutes, les jours, avant de devenir une rescapée de soi-même.

- Je crois que son destin ne nous appartient plus. On n'a pas le temps de mettre le pied dedans, faut qu'il s'accomplisse selon la ligne de pente.
Je vais lui répondre, la rassurer, dès que nous serons arrivés à Albenga...



Albenga

Albenga, avouons-le, ça n'a rien de pittoresque. C'est même un peu triste dans son genre malgré quelques vieilles demeures fromageuses. Ici le style se perd dans des grisailles que le soleil ne fait pas chanter. Heureusement il y a la vie grouillante, les gamins chahuteurs comme des chiots, les matrones à moustache (Aely désirait tant en apercevoir...), les grands gars minces au regard noir et intime qui vous déshabillent plus vite qu'un claquement de doigt, calmes mais délibérément arrogants. Et puis du pauvre linge qui se sèche un peu partout, et des odeurs de fruits très vives mêlées à des relents de friture.

On adopte une maison basse, modeste, dont la couleur ocre s'écaille. On fera étape deux jours ici avant de repartir pour Savona.

Kundera s'est endormi, Lona, rêvasse, les coudes appuyées sur le rebord d'une mauvaise fenêtre, Acanthe et la petite Louise sont partis prendre des cours d'Italien. C'est le moment choisi par Aely pour répondre à Cleo.




Ma Cleo que j'adore,

Nous venons de déposer les pieds sur le sol Italien. Notre première impression est excellente. Vintimille est une ville où la vie est animée et semble douce. Les maisons y sont ocre, le ciel est bleu et l'Acanthe apprend à parler avec les mains comme les autochtones. Il se débrouillait pourtant pas mal auparavant ! Qu'est ce que ça va être plus tard !

Alberga est différente. Triste, morne, sale. Mais les Italiens parlent toujours avec les mains, ce sont d'excellentes trousseurs de jupons...pas certaine qu'Acanthe apprécie vraiment...mais bon...comme on dit, faut s'adapter aux rites locaux n'est-ce-pas ? (elle rit Aelyenor en écrivant ces dernniers mots)

Demain nous serons à Savona, Lona va y retrouver son amoureux, un gars bien sous tous rapports qui a établi résidence à Millau. Il se nomme Kikou...drôle de nom hein ? Mais l'habit ne fait pas le moine.

Cléo...on pense à toi. Comme on pense à Donnolae et Caemgen. Juste pour te dire...on va revenir très vite. Lâche rien ma Cleo. On rapportera plein plein plein de merveilles pour la ville, aux conditions que tu connais déjà hein ? (elle rit encore)

On t'embrasse aussi fort que l'on t'aime. Prends soin de toi ma Cleo...

Aely, Lona, l'Acanthe et toute la smala.


Un pigeon qu'elle libère de sa cage. A tire d'ailes il s'envole vers Millau.
Laely
Savona

Héphaïstos trotte pointu sur le chemin blanc, pierreux, bordé de murets titubants. Il est heureux l'animal. Il retrouve sa vraie nature : le plancher des vaches. Il va dans l'allégresse du matin, oreilles dressées, sabot déterminé, tirant la cacochyme charrette qui a déjà pas mal de lieues à l'arrière.

Sur les cailloux, les roues concassent méchant. Ça fait un boucan du feu de Dieu. Comme un pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle, la caravane passe devant des tas de petits mausolées religieux, notamment santa Coppa della Mortadella, mais on s'en tamponne la jugulaire. Pas qu'on soit mécréants, non, mais Lona a d'autres chats à fouetter.

Le soleil cogne plus ferme. Fini la fraîcheur de la mer. Heureusement que la bâche est tendue.
Le martèlement des sabots de notre fougueux bourrin crée un certain rythme qui accroît les torpeurs. Le long des rares maisons que l'on longe, s'échappent des senteurs de fritaille, des gamins nous accompagnent tendant leurs menottes sales pour récupérer quelques ducats. Ce dont on obtempère.
Le ciel lourd et tourmenté de la chantante Italie moutonne gris, blanc, noir. L'orage approche. Ça gonfle, ça s'étire, s'étend. C'est ondulatoire, floconneux, menaçant et rassurant. Menaçant car cela parle d'orage, rassurant parce-que c'est là-haut, tout là-haut et que ça raconte l'infini dont on a fatalement besoin.

Et puis, les murs de Savona. Lona rit gentil. Elle crépite comme des bulles de savon. Elle s'est changée, a même mis un peu de couleur sur ses joues.
M'est avis qu'elle se constituera prisonnière avant la fin du jour pense tendrement Aely. Sitôt qu'elle aura chassé l'excitation qui gronde dans sa petite tête blonde.
Elle était quasiment en état second lorsqu'elle rencontra Kikounet. Elle est dans le même état pour les retrouvailles. On peut mesurer son émotion. Lui accorder toutes les circonstances atténuantes possibles. L'absence c'est cruel. Trop. Pauvre choute va.

Ils se sont quittés trop longtemps. Peut-être qu'ils avaient des projets en cours, des voyages, un bébé, un commerce à envisager allez savoir. Un couple c'est pas statique, et y a pas que la baise ou les impôts. Ça tente de se projeter dans les futurs.

A présent...Merdum ! Aely en a les larmes aux yeux de cette sensibilité latente. Ca lui rappelle la fois où l'Acanthe l'avait quittée avec Avana pour Béziers...
Argh ! Elle se sent d'une précarité folle. Elle aimerait qu'il existât une île pas loin, un petit endroit béni, protégé, où l'on pourrait réfugier ceux qu'on aime. Les abriter pour toujours de l'existence, les mettre sous verre, comme un papillon, afin que la chierie du sort ne puisse les atteindre.

Un rêve quoi. Le rêve.

Et alors c'est marrant z'allez voir les jeunes filles. elles ont toujours des trucs de fille à se dire. Mais auparavant faut que je vous dise...

La voix de l'Acanthe lui parvient. Il est en train de conter une histoire à Kundera et à Louise-Anne. Chaque matin pendant les bains des gosses il les fait tenir pénard en leur détaillant quelque histoire à la noix. Les enfants ça aime les sornettes. Les bien croustillantes, démesurées. Le loup ! Toujours le gros méchant loup pourlécheur, prunelle sanglante, prêt à bouffer les enfants pas sages. Croqueur de vieux, de chèvres, de cochons...le pauvre...c'est lui qui porte le chapeau depuis des lustres, c'est lui qui assume le plus dur des malentendus, la plus cynique des injustices. Un jour, j'écrirais un truc pour sa défense. Un vrai conte d'enfant dans lequel j'expliquerais que la méchante bête c'est l'homme qu'il va devenir. Et que le loup lui, est un bon petit chien dont le seul péché est d'avoir faim dans le désert des latitudes.

Ça commencera par " Il était une fois un gentil petit loup que des enfoirés d'hommes... et ça finira par..." Il s'est battu toute la nuit, et au matin, l'homme l'a tué..."

Parce-que quand même, je vous fais observer ceci. Qu'est ce qui pullule sur la terre, l'homme ou le loup ? Quelle espèce détruit l'autre ? Et nous grands lâches que nous sommes, on continue, fumiers intolérants, à inculquer l'effroi à nos enfants en leur enseignant la cruauté de nos victimes...

Bon passons. Tout ça pour dire que l'Acanthe est occupé avec les enfants et que c'est marrant les jeunes filles.
A peine la blonde et la brune se retrouvent seules, que la blonde a les yeux humides, tremblote, secouée d'émotions. Lona éperdue d'espoir au milieu de cette misère de la terre qu'elle a déjà découvert et qui s'ensuivra pour elle comme pour tous au fil du temps, mais que le désir, l'envie de retrouver son bonheur à elle, fait balayer d'un geste de la main toutes les ingratitudes existentielles. L'existence quelle connerie ! Alors faut pas louper l'instant de répit.

Ah ces larmes trempeuses qui mijotent dans ses glandes lacrymales...

Aely ne cherche pas à l'étreindre. Juste poser une main sur son épaule et lui filer des petits baisers dans ses cheveux.

A côté, y a un passant, un Italien qui s'arrête pour les regarder. Les passants, qu'ils soient du Royaume de France ou d'ailleurs sont toujours curieux de la détresse des autres, comme si ça ne leur arrivait jamais à eux de pleurer.
Quand c'est soi qui chiale c'est un drame, quand c'est un prochain c'est un spectacle.
Alors Aely pour le mettre en effarouchage, lui virgule un regard qui interdit qu'on s'approche à moins de trente toises. L'autre se soumet, se tire.

Lona elle est triomphante. C'est son jour. Elle est comme une fleur des champs dans son champ. La brune résiste pas à tant de passion. Elle a une secouée qui s'empare d'elle, du chignon aux tendons d'Achille en passant par la moelle épinière.
Elle éprouve pour son amie tant de ferveur candide, de pureté farouche, tant d'amour si fort ancré dans un cœur neuf.


- Sois heureuse ma Lona...

Alors Aelyenor, comme un petit écureuil frénétique faisant grincer la roue folle de l'enfance va rejoindre Acanthe.

- Arrête avec tes loups...

Elle le relève, lui chope le menton de sa petite menotte pure et l'embrasse sur les lèvres. Pas la galoche goulue, la vache bisouille prépareuse. Non. Les bouches restent closes. Ne se goûtent pas vraiment. Simplement elles se joignent.

C'est ça la véritable union. Cette douce jonction comme un cœur abordant un autre cœur, doucement, pas qu'ils s'entre-ébrèchent.

Alors tous ensemble, ils demeurent un petit instant, pour un instant d'éternité entre eux. Tous serrés les uns les autres. Un petit instant d'éternité de rien du tout qui ne cessera jamais.
--Lablondine
La folle équipée avait pris la route vers le nord, enfin pour l'instant, ils s'orientaient plus sud mais c'est que les chemins ne sont pas forcément dessinés comme il faudrait et que, comme dans la vie, pour arriver à son objectif, il faut faire des tours et des détours... (tant qu'on ne fait pas de tours de c*** mais la, la narratrice divague...)

Ils avaient passé les portes de Chiavari, baptisée Charivari pour l'occasion par la blonde de l'équipée sauvage. C'est à dire que pour se rappeler du nom de la ville, elle a préféré le détourner... encore un détour direz vous mais voila comment elle est arrivée à ses fins.

Savona avait été la ville la plus douce qu'elle avait traversé ces derniers temps. Vous devinerez sans doute pourquoi, puisque tout simplement, elle y avait retrouvé son homme. Le voyage qu'il avait entrepris n'était pas le sien, il était parti avec Gad et Aulne mais avait préféré s'arrêter... Lona n'avait jamais cherché à influencer sa décision, elle ne ferait pas l'erreur qu'elle aurait faite avant. Elle était juste pour autant, heureuse de pouvoir, à la nuit tombée, se blottir, se lover contre son aimé.

Revenons donc la où ils sont aujourd'hui Chiavari, Charivari. Une ville somme toute... calme... trés calme... trop .... calme.
Bon, la barrière de la langue n'encourageait pas à passer la porte de la taverne. Aely se débrouillait avec les autochtones, Acanthe s'en méfiait, Kik les évitait et Lona .... ben elle suivait le mouvements. Elle pensa à son père... lui écrire serait une idée fort judicieuse... était il toujours en retraite ? comment allait il ? Et Fanta ? La jeune femme, sortie vainqueur (ça fait mieux que vainqueuse hein !) du casting était elle toujours l'élue ?
Et Cléo qui leur avait écrit ? comment allait elle ? la ville de Millau ? comment se portait elle ?

Louise, tu viens ma puce ?

Lona chassa les idées chiffons qui lui prenaient l'esprit. Millau était au loin, ils reverraient la ville, plus tard. Elle reviendrait en Millau, métamorphosée. Epanouie, un peu déformée, mais pour la bonne cause. La vie s'était elle aussi lovée en son sein... Elle serra son ainée contre elle, l'enfant préférait un lapin... un frère ou une soeur, ça lui importait peu, elle voulait un lapin. Lona avait alors repensé à sa nièce, qui elle, aurait préféré une coccinelle, quand son petit frère était né.

Une autre ville verrait l'équipée demain, une autre contrée.
Laely
Avant-propos

Je profite de notre traversée de la république de Gênes pour ne pas remercier
Pépin le Bref d'avoir cédé Kyrnos au pape Etienne II, ne pas remercier le Vatican de nous avoir bradé aux Pisans, détourner mon regard et mépriser Aragonais et Génois de nous avoir massacrés, humiliés et asservis.

Je ne leur écrirais pas pour leur demander l'autorisation de publier cette tranche de voyage puisque je sais pertinemment que je ne recevrais aucune réponse de leur part.

Ami Millavois (se), je te remercie de lire ce formidable récit. Je te remercie et t'envie, moi dont le drame est de ne pouvoir lire sereinement, une cervoise bien fraîche à mes côtés, l'ensemble de ce carnet de voyage.


La république de Gênes

Il y a plus long que les nuits. Plus longues que les nuits sont les journées quand les journées restent vides et statiques, quand elle ne vous apportent rien d'autre que le temps qui s'écoule et les heures fatidiques des repas et du sommeil. Elles ressemblent à des entonnoirs. On a beau griffer les parois on chute en spirale.

Non l'attente n'est pas trompeuse, elle est calcifiante. Elle te minéralise lentement de son calcaire sournois.
Elle n'est pas en grande forme Aely, pas en forme car la traversée de la province génoise fait rejaillir en elle beaucoup d'émotions. Beaucoup de méchants souvenirs, quelques faits cruels, humiliants et ineffables.

l'Acanthe il est parti pêcher dans le grand port de Gènes, Lona et Kikou ont beaucoup de choses à partager, de baisers à donner. Louise-Anne doit apprendre à connaître l'homme qui a investi une partie du cœur de sa maman.

Aelyenor s'occupe des papiers administratifs, des demandes de laisser-passer. On la renvoie au préfet qui la retourne à la douane en passant par le vice-préfet.
Voilà qui n'est pas fait pour l'apaiser. Elle devient ombrageuse par instants.
Kundera dans ses bras elle part à la rencontre des officiels génois et ne peut s'empêcher de murmurer à son fils qui ne comprend rien mais qui ressent très fort que sa maman est contrariée.


- Mon fils, sans parti pris, et sans prendre parti, te raconter notre Histoire.
Pour que tu saches, que derrière les préjugés et les caricatures,
ajouté aux nombreux oublis, il y a aussi nos joies, nos peines, nos espoirs et nos deuils.
Mon Histoire est également Ton Histoire, et c'est connaître l' Histoire.

Savoir d'où l'on vient, pour savoir où l'on va ! A vostra mammò chì vi tene care...


Alors en attendant le précieux sésame, la brune et son fils regardent vivre ces gens qui sont devenus depuis plus de deux siècles et des calendes leurs "Seigneurs" et "Maîtres"...
Combien de fois ont-ils été vendus, malmenés par tous ces empires qui ne voyaient que leur profit et qui avaient rendu SA terre exsangue ?
Il y eut d'abord Pise que le pape chargea d’administrer Kyrnos, mais, connaissant leurs penchants pour les constructions bancales, leur demanda d’attendre l’arrivée des Génois pour se lancer dans des travaux de construction. Ainsi les Ligures s’installèrent sur l’île d'Aely et léguèrent à la postérité des tours et des ponts que les connaisseurs nomment dans leur jargon obscur " tours génoises " et " ponts génois ".


Elle écrase une larme Aely quand elle repense à cette terre qui fut la sienne.
Kyrnos c’est l’île aux mille villages – chacun étant le "plus ancien village de montagne" - perchés à flanc de coteau comme autant de nids d’aigles inexpugnables, comme autant d’invincibles citadelles surplombant le maquis, comme autant de points d’attache reliant ses habitants dispersés à travers le monde, bravant les siècles, le soleil implacable et les orages de fin de soirée du mois d’août, accessibles seulement par des chemins invisibles aux mille virages et aux mille points de vue sur les cadavres des envahisseurs. En effet, ceux qui ne s'étaient pas noyés le matin en mer, se fracassaient la tête l'après-midi en escaladant les pentes abruptes des sommets...


- Mon fils...ta mère vient d'un pays où les hommes de la terre n'avaient rien, pas même de nom. Ils n'étaient rien, naissaient et mourraient sans laisser plus de traces que le souffle court du vent sur le ranc.
Ton père connaît mon histoire, je te la raconterais autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que tu t'imprègnes et que tu assimiles mes mots...

Au temps fort lointain, l'un des nôtres put acquérir une brebis, d'où son fils eut un couple, son petit-fils un troupeau et son arrière petit-fils prit le nom de son métier; le nom de notre race depuis lors.
Ils dérobaient au sommeil du temps, afin de travailler pour eux, tandis que les belles heures ensoleillées n'appartenaient qu'au fief du Seigneur des lieux. Ceux que tu vois devant toi, cette ville qu'on nomme La Superba mais que nous nommons Orgueilleuse.

Nos brebis s'accommodant de la traite aux deux bouts de la nuit, les serfs que nous étions purent amasser de quoi acheter au seigneur une partie d'eux-mêmes ; ainsi les fils de la lignée moutonnière naquirent vilains...

La fabrication des fromages, les soustraire sournoisement à l'envie : et tes ancêtres sont passés à travers les guerres, ce qui leur permit d'acquérir un pan de caillasse au flanc de la montagne. Ils suèrent sang et eau pour briser la pierre et transformer les cailloux en gravier. Ils travaillèrent ainsi sans relâche, nourrissant leur seigneur et se serrant la panse pour faire la terre de leurs mains et la hausser en traversiers afin d'y semer des châtaigniers, des plans de vigne tout en lisant Aristote à livre ouvert.



Aely crache par terre puis reprend :

" ... Puis vint le siècle où ton arrière grand-père dut défendre son bien contre la paresse et l'avidité perfide de certains, où il souffrit pour son...Aristote, pour les siens, pour son mas, pour son nom.

Voilà Kundera, nous voici maintenant exilés nus dans la tempête, blessés quelque part. Nous nous sommes démenés de notre mieux toutefois pour que notre vie que l'on estime malgré tout, nous fut gardée.


Une pause, des larmes qu'elle ne peut retenir et qu'elle essuie dans les cheveux noirs de son fils, puis à voix basse elle murmure.

- Les grands desseins de notre souverain ne sont point à la portée de notre petit peuple qui des guerres ne connaît que les impôts et les maux, réduit pour le reste aux récits des manchots et culs-de-jatte ignorant jusqu'au nom du pays qu'ils ont conquis.

La réflexion est de toute justesse et mériterait que ceux qui entreprennent sur les consciences y fissent attention car ils excitent des orages qui ont des suites funestes et qu'on à bien de la peine à calmer.
Un moyen efficace pour arrêter tout cela, qui eut épargné bien du sang et des larmes eût été d'accorder la liberté de conscience...


A ce moment-là une voix aigrelette sortit Aely de ses souvenirs.

- Signora Aelyenor ! Ha vostro lasciare-passare...Al successivo!
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