Silence.
Giulia écoute.
Giulia acquiesce, et ce pour ne pas contrarier.
Elle a appris depuis bien longtemps déjà qu'il était parfois bon d'écouter, puis se taire.
Judas nest pas donneur de leçon. Soit !
Mais il est au visible juge puisquil condamne les transgressions. La nourrice l'a bien compris.
Mais qui n'a jamais fauté ? Qui ne s'est pas, un jour, laissé abuser par la perfidie du Sans Nom ? Parfois l'épreuve de la tentation est si difficile à surmonter.
Le diable est là, qui prend malin plaisir à insuffler de son mal en chacun de nous. Personne n'y réchappe. Pas même le meilleur des hommes si tant est qu'il existe quelque part.
Judas... Jugeur bien loin de concéder la miséricorde que seul le Très-Haut est en mesure de pouvoir accorder.
Soulagée, un soupir vient mourir, discret, au sortir des ourlets brunis, car si le seigneur se confère certains pouvoirs, qu'il excelle dans celui de la manipulation mentale, comme il tend à le montrer, il n'est rien comparé à ceux que le Tout-Puissant détient.
Judas n'est pas Dieu.
Et Dieu merci !
Coordination.
Les gestes continuent d'opérer avec habilité et les mains, parfaites alliances, peaufinent minutieusement le travail tandis que la discussion se poursuit. Question tombe et les tourmalines se relèvent quittant de vue l'ouvrage sur le point d'être achevé.
-Vous voulez savoir ce que jen pense ? Quil nest pas dhomme qui soit meilleur quun autre pour être en droit de juger son prochain.
Quil est trop fréquent de prononcer un jugement, voire une condamnation, pour reprendre vos dire, vis-à-vis de quelqu'un, alors qu'en réalité celui qui se fait juge est souvent bien plus lourdement chargé que le jugé ne l'est.
Tout ce que tu dis parle de toi, surtout quand tu parles dun autre! *
Pour ma part, je ne juge et ne condamne. Je ne fais que constater. Après libre à chacun de vivre sa vie comme il lentend. Je laisse au Très-Haut, seul détenteur de ce strict droit de sonder les reins et les coeurs, de juger et de décider de notre sort.
Prunelles qui se croisent une dernière fois avant de se poser sur la couronne qui en finie dêtre tressée. Délicate est la coiffure dont se pare alors les cheveux d'ébène et la svelte silhouette de la Nubienne retrouve sa place entre les bras seigneuriaux pour un retour triomphant. Regard rivé sur le lointain contribuant d'une main à faciliter leur passage à couvert du sous bois, l'oreille s'offre au souffle d'un long murmure.
Le verdict tombe : La Nubienne reste "présumée innocente" jusqu'à preuve du contraire. Comme l'homme sait faire preuve de sagesse et de largeur d'esprit, bien incapable de reconnaître le juste et l'injuste à travers les apparences extérieures.
Le visage se tourne, les traits s'apaisent sur un sourire.
Au même moment, ils laissent derrière eux l'orée du bois, inscrivant du poids de leur pas l'épais tapis de verdure qui recouvre le sol. Au pré ils sont, à tout juste quelques pas de l'arbre que tous doivent rejoindre. Envie de soulager son partenaire du poids dont il est chargé, la Brune défait son bras qui, tel un collier, avait prit place autour du cou du Satrape et d'un geste invitant à s'arrêter, elle se laisse aller jusqu'à toucher terre.
Quelques pas... Bien moins d'une dizaine à effectuer dans le lit d'herbe.
Un... deux... trois...
La robe est légèrement remontée mettant à nue les frêles chevilles que recouvrent une fine paire de bas.
Quatre... cinq... six...
Giulia dans sa progression se retourne sur Judas comme pour s'assurer qu'il est seul à la suivre et que, venu de nul part, personne ne surgit, prêt à leur arracher la victoire.
Sept... huit...
Les mains se tendent, impatientes, finissant par trouver repos sur l'écorce qui se veut aussi fripée qu'une main vieille d'au moins cent années.
Soupir d'aise, puis soudain un bruit parmi les herbes. Sur le coup, il n'est pas de crainte, pour ce qu'elle croit être Judas qui arrive dans son dos, mais le bruissement n'est pas commun. La présence qui se fait sentir se trouve être près du sol. La Nubienne réagit, baissant les yeux. Peau recouverte d'écailles, il est un serpent qui danse, réduisant à chaque instant l'espace qu'il y a entre eux. Immobilisation est le résultat de la peur qui s'empare d'elle avant que l'esprit ne commande de reculer. Action qu'elle n'aura pas le temps de terminer. Au geste brusque, la morsure du reptile en réponse. Les crocs se sont plantés aussi vite qu'ils se sont défaits de la chair humaine mise à sa portée. La douleur est vive, la panique aussi. La poitrine se soulève dans un rythme court et saccadé.
Supplication dans les yeux, dans la voix à l'adresse de Judas :
- Un serpent... Je viens d'être mordue...
La Brune s'écroule, une main faisant pression à l'endroit, où, sur le bas blanc, déjà, se dessine deux auréoles de sang.
* citation reprise à Paul Valéry.