Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4, 5   >>

[RP] L'amour est la première condition du bonheur d'un foyer

Nizam
    [Durant l'un des premiers jours de Décembre 1462]

    Les coups brusques d'un homme contre le bois épais et noueux d'une porte résonnèrent rue de la Justice. L'heure était grise comme de la bruine fine, et l'air était celui qui précède l'aube tardive des temps froids, brumeux, pénétrant jusqu'au dedans des étoffes les plus chaudes. Le poing lourd de l'homme frappait la porte à des intervalles de plus en plus proches. Ce n'était pas son premier matin devant la bâtisse du seize, il savait quelles pièces étaient éclairées par quelle fenêtre, et il jetait en conséquence son regard nerveux aux meneaux de celles qui portaient son intérêt. Le mercenaire se présentait dénué de ses plates luisantes, aucun fer ne semblait pendre du baudrier, la brigandine sanglée à son torse fut seule à souligner que le Balafré avait la carne d'un homme d'armes, cela et l'odeur rude des plaques de métal et du vin mauvais qui ne le quittait pas.
    Les gelures lui avaient engourdi les doigts et il cessa d'écraser son poing contre le bois fruste. Une fumée tiède s'échappa de sa bouche comme celle d'un gobelet au breuvage bouillant, il respira grandement avant de souffler une nouvelle fois et d'imposer sèchement sa voix.


    - Harchi ! Ouvre-moi, vieillard, je sais que tu es là !

    Le vieux reître lui avait écrit, et le contenu de la missive avait mené le mercenaire des frontières du Limousin jusqu'à cette porte, il ne s'éloignerait pas sans avoir obtenu réponse qui lui conviendra. Nizam redoutait que les mots du valet fol fussent menteries, mais en réalité sa crainte de la vérité se révélait plus forte. Il secoua vigoureusement ses épaules, comme pour trouver dans ce geste de quoi apaiser un corps dans la froidure, et la hâte qui lui rongeait le ventre. Vieillard, presse-toi, depuis le premier jour tu sais que la patience lui fait défaut.

_________________
Harchi
    Le cœur lui pesait, chaque battement l'essoufflait alors que les opales restaient posées sur ce fantôme sombre qui hantait désormais le 16 rue de la Justice. Le vieux reître n'oublierait jamais cette vision qui lui était apparu ce soir là. Une furie au regard dément. Une louve attirée par le sang. Une Marie en haillon, amaigrie, les boucles froissées, serrant comme si sa vie en dépendait, un enfant, le sien nul doute, qu'il n'avait pas encore eu la chance d'admirer. Mais plus que cette apparence négligée, ce qui frappait son instinct paternel était, l'écarlate qui coulait de ses doigts où certains ongles manquaient, les traces de liens qui cernaient ses poignets et ses chevilles, les bleus qui semblaient fleurir sur l'intégralité de son corps, les mains pourpres qui se dessinaient autour de son cou délicat, les brulures et les cloques qui remontaient jusqu'au milieu de ses avant-bras, son visage gonflé où les éphélides autrefois mignonnes se perdaient dans le carmin de son teint, les lèvres fendues et cette odeur de feu et de fumure ... Torturée, blessée, frappée, prisonnière ! Que lui avait-on fait ? Non Le père n'oublierait jamais même si désormais elle se cachait aux yeux de monde entier. On frappait à la porte en-bas.

    Elle se balançait doucement, étreignant son enfant toujours comme si sa vie en dépendait, comme si lui seul comptait. L'ancêtre avait bien remarqué qu'elle ne le reconnaissait pas, qu'elle n'avait pas la moindre idée de qui il était. Parfois au début surtout quand quelqu'un frappait à la porte elle s'y précipitait pensant certainement qu'il s'agirait de Kylian ou d'Heliana. Mais même cet espoir semblait l'avoir quitté. Il était là sur le pallier à la regarder. S'il avait le malheur d'entrer dans la chambre de la petite Princesse acidulée, elle se mettait à hurler. C'est ici même qu'elle avait élu domicile au milieu des affaires de sa fille même si parfois ses pas curieux la menaient vers la chambre nuptiale. Sans doute ce grand lit vide de son mari lui était insupportable. Non définitivement, il n'oublierait jamais ce qu'il voyait aujourd'hui. Le coups portés contre le chêne se faisaient de plus en plus forts et de plus en plus pressant.

    Bertille devait ouvrir, Non ? Elle était sans doute au marché. A contre coeur les opales se détournent. L'apparition funeste semblait si irréelle que le vieux soldat avait l'impression qu'elle disparaitrait - encore - s'il en détournait le regard. Pourtant il fallait bien qu'il ouvre cette fichue porte d'entrée. Peut-être était-ce pour Elle ? Deux missives étaient parties, et aucune réponse n'était revenue. Alors qu'il descendait les marches, ses oreilles percevaient encore les grincements du fauteuil. Marie se balançait toujours. En silence. Un silence de mort. Peut-être aurait-ce était mieux si elle n'avait pas survécu. Le visiteur frappe plus fort encore et la voix détestée est reconnue. L'homme est trop fatigué pour s'adonner aux joutes verbales, traditionnelles. Les coups s'intensifie encore et enfin le Soldat daigne ouvrir ce pan de bois. Les Opales cernées se posent sur la carrure du Balafré. En temps normale une belle et douce insulte aurait fusée, mais plus rien n'était normal dans cette maisonnée. Un soupire au bord des lèvres. Harchi n'est plus l'homme colérique qu'il était. Plus désormais, pas maintenant. Et c'est sans plus de cérémonie qu'il prononce.


    - Entres ! Évites de faire trop de bruit. Suis-moi elle est là haut.

    Que pouvait-il bien lui dire ? "Tu sais elle n'est plus la même, elle est salement abimée, elle est folle aussi folle que moi !" Non il ne pouvait se résigner à la condamner au bûcher. Alors il se contenta de monter les marches. Le rythme d'une marche funeste raisonnait dans sa tête calquant sont tempo sur les grincements du fauteuil d'en-haut. La porte était ouverte, et le vieux Reître se posa à coté de l'entrée. D'une main levée, il interdit l'entrée. Et c'est d'un ton désespéré qu'il chuchota.

    - Je ne sais si elle acceptera que tu entres. Pour ma part, voilà le plus près où je puisse me trouver. Elle est ... ... ... différente ... ... ... Je me demande si la mort ne lui aurait pas été plus douce.

_________________
Nizam
    [Cette nuit-là, dans un appartement des faubourgs limougeauds]

    La chambre était plongée dans les pénombres des nuits à la Lune indécise, n'osant percer le manteau noir et épais du ciel. La pièce se résumait en un lit entouré d'un désordre de malles, de meubles et de sacs, c'était une piaule de fortune offrant le silence aux primes heures que le soleil refusait encore d'éclairer. Il flottait un parfum rance de bois vieilli, un bois qui n'avait guère connu l'air des derniers jours. Balafré était là, il avait quitté la tiédeur des draps pour couvrir sa carne d'étoffes chaudes et de cuir. L'obscurité était telle que le cercle tout autour de ses prunelles était fin et gris comme l'ardoise, mais l'homme n'en souffrait pas pour se vêtir, fut-il incapable de discerner ses mains, le mercenaire se songeait en mesure de sangler jusqu'à la dernière de ses plates. Point de fer pourtant ne luira à ses épaules, ni à son baudrier, il n'était pas attendu comme homme d'armes.
    Nizam dut longuement appuyer son regard sur les laines du lit afin de distinguer le corps paisible qui s'y lovait. L'italienne lui reprochera cette manière lâche de l'amant, celle de partir avant l'aube, mais en dépit de sa chair engourdie d'être monté en selle tout le jour, la fébrilité du mercenaire avait grandement écourté son somme. Arsène avait affronté en vain la décision de l'époux de fouler à nouveau le sol limougeaud, pour des mots bêtes et courts, noircis sur une missive qui lui promettait le retour d'une Flamme en sa maisonnée. Ce sera une journée étrange que celle-ci, il le savait depuis qu'il eut ouvert ses paupières lourdes ce matin. Nizam était gonflé du sentiment, mauvais à l'orgueil, de tenir une promesse qu'il avait piteusement oubliée.



    [Au petit jour, seize rue de la Justice]

    Enfin, la lourde en chêne consentit à grincer, elle dévoila la trogne lasse et burinée du Valet. Ses rides ne se creusaient plus d'aigreur comme autrefois, ils rappelaient toujours au Balafré ceux d'un cuir travaillé en bourrelerie, mais désormais celui d'une peau qui avait fait son temps, dénuée de la vigueur de se tendre, comme de se froncer. Les deux hommes se jugèrent par leurs regards, si le mépris était enfoncé jusqu'au profond de leurs prunelles, il sembla au mercenaire que le désir de querelle des Opales eût cédé sa place au chagrin. Balafré se fit taiseux à l'ordre du vieillard, ils furent deux à ne point souhaiter gâcher leur temps dans de la verve amère.
    Les poings de ses mains rudes se fermèrent sans qu'il n'y prêta attention, ce fol grisonnant lui avait écrit vrai, sinon pourquoi mentir maintenant ? Elle était là, l'Etincelle, là, toute proche. A cette pensée, il sentit sa chair dedans son torse se serrer. Nizam monta les marches à la suite du Valet et marqua l'arrêt comme ce dernier devant l'embrasure de la chambrée. Un grincement régulier s'entendait, mais le mercenaire était bien trop hâteux pour le remarquer. A peine eut-il compris le murmure d'Harchi que sa voix répondit durement.


    - Cesse de raconter tes sottises. Ecarte-toi, vieil homme, je veux la voir.

    Le Balafré dédaigna la mise en garde, poussant la pogne levée pour pénétrer dans la pièce en toute ignorance de ce qu'il y trouverait. Un mot seul l'accompagna tandis que ses yeux se posaient déjà sur la silhouette sombre et informe.

    - Marie ?

_________________
Mahelya
    Inaliénable solitude. Le chêne de la Lourde raisonne jusqu'au premier. Quelqu'un frappe avec acharnement. Nulle réaction du Fantôme des lieux. Le bois du fauteuil positionné là devant la fenêtre, grince, au rythme des balancements de la Flamme éteinte. Oscillations régulières tentant de maitriser l'irrégularité de ses pensées. Les virides ternes dissimulés derrière leur funeste dentelle se perdent dans la contemplation de l'horizon. Il manque ici l’Étincelle de la vie. Il manque ici les rires et la joie. L'écho réminiscent d'une voix cristalline. Des éclats de bonheur d'une famille. La Fine silhouette semblable à une ombre se berce, imperturbable à ce qui l'entour. L'enfant cajolé, protégé délicatement posée contre le cœur de la Mère, dort tranquillement. Parfois une oreille attentive discerne les fredonnements de la Rousse survivante. Une chanson murmurée comme une caresse pour que l'héritier embrasse Morphée paisiblement. Ici dans la chambre de la Princesse acidulée qui manque tant, l'adulte essaie de rassembler les morceaux de son âme brisée. Alors comme une ancre à la réalité, les mains gantées, dont la vision des ecchymoses est soustraite aux regards des curieux, agrippent le nourrisson tant aimé. Il est son pilier, son unique. L'espoir de voir arriver époux et fille s'est taris. La porte du rez-de-chaussée peut bien être défoncée, éventrée, massacrée. Tant que la voix de sa moitié ne raisonnera pas contre les murs de la maisonnée, l'Incandescente se maintiendra à l’orée de sa raison, à la lisière de la Folie.

    Le crissement imperturbable marque les secondes qui défilent. Un marqueur trop présent du temps qui passe. Perdu, chaque bruit éloigne un peu plus Marie de sa vie d'avant. Et le corps amoindri se laisse emporté par le roulis de vagues imaginaires. L'esprit torturé, assaillit par un tourbillon de pensées. Si les apparences semblent calmes, la tempête fait rage dans les profondeurs. Les coups ont cessé en bas. Que lui est-il donc arrivé ? Même elle ne saurait le nommer. La langue manque de mots pour exprimer la mort intérieure d'une femme. C'était bien cela pourtant. Elle avait chavirée, dérivée. Kylian Junior lové dans une couverture immaculée, pousse un soupire d'aise. Et le regard de prasine quitte l'horizon pour couver affectueusement le bébé. * Dors mon Enfant, Dors mon Amour, nul ne t'arrachera à moi désormais. * Promesse indéfectible pour le Miracle de la Libérée. Le doigt délicat accompagne l'arrondi de la joue dodue du petit brun sans abandonner pour autant le chaloupement des corps enlacés. Et si le sourire ne perce pas, il s'esquisse néanmoins à la commissure des carminées. La mantille est lentement soulevée et les lèvres se posent sur le front chaud. Il est là. Bel et bien là. Dans ses bras qui n'avaient que trop soufferts de son absence. Et par sa simple respiration, comme une bise légère, il apaise et repousse malgré lui l'orage à venir.

    Malheureusement, le premier éclair vient de s’abattre dardant son électricité dans toute la pièce, rendant l'atmosphère pesante. L'Apparition spectrale, vêtue d'une longue robe noire satinée, toujours ballotée par la houle, se tourne de trois quart pour identifier la menace. On vient de pénétrer son territoire, son cocon, son havre de paix. Un homme s'avance et la nomme. Qui est-il ? Que fait-il ? Vient-il pour arracher la Chair de sa chair ? Insupportable perspective. Inenvisageable possibilité. La Flamme déraisonne et dans sa Folie, la gorge se soulève d'un grognement menaçant. C'est un avertissement. Pas un mot n'a franchi ses lèvres abimées. Pas une lueur n'habite les émeraudes. C'est le silence. Elle a changé. Elle est brisée. Elle ne sait même pas qui tu es. Observe Balafré, vois la Marie Blessée. Au petit matin ce jour-là, au 16 rue de la Justice, Elle sombre et entraine le monde dans son sillage.

_________________
Arsene
    « Usant à l'envie leurs chaleurs dernières,
    Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux.
    Qui réfléchiront leurs doubles lumières
    Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. »


    Charles Baudelaire – La mort des amants.


    Corleone est sereinement lovée sur la couche d'un appartement Limougeaud. Placidement étendue, le buste aux formes naissantes se soulève au rythme lancinant de sa respiration amoindrie, bercée par les bras narcoleptiques d'un Morphée tranquillisant. La silhouette fluette est perdue dans un amas de couvertures de laine fripées mais à l'odeur familière et apaisante. Imprégnée, au sein des mailles, l'effluve des deux amants, appâte et nargue les narines de la rousse. Étirant, imperceptiblement, ses pensées endormies vers l'époux et ses étreintes à l'alcôve sécurisante. Le temps s'égraine rapidement, emportant ses précieuses minutes de repos où le calme a investit peu à peu l'espace. Le soleil et ses rayons célestes grimpent dans le ciel. Il déloge la nuit et ses rapaces nocturnes sans trace d'une pitié quelconque et exige une place qui est déjà sienne pour mieux se faire l'empereur unique de la journée. Dictateur intransigeant qui, pourtant, admire et envie secrètement la libre lune et ses autochtones noctambules. Il promène un sillon bouillonnant sur la peau laiteuse et couverte d'éphélides et achève finalement sa course sur les prunelles prasines closes. Un grognement franchit la barrière charnue de ses lèvres et éventre brusquement la quiétude de la pièce. Les couvertures de laine glissent et remontent couvrir l'épiderme en proie à la morsure froide d'une chambre inoccupée depuis longtemps. Les petites mains tâtonnent tandis que les jambes cherchent à s'enrouler à la chair tiède du mercenaire. La rousse tique sur la froideur ambiante et chasse ses boucles trop envahissantes pour découvrir un lit abandonné de sa présence masculine. Les lèvres de la jeune femme se pincent lorsqu'elle comprend qu'il ne reste de l'époux qu'un poignée de cheveux pâles et l'odeur fugace mais entêtante des deux corps entremêlés.

    La carcasse s'extirpe péniblement de la paillasse tentatrice. Amante implacable, elle attire les chairs vers des volutes narcoleptiques et débauchées. Les digitales effleurent le tissus rêche d'une chemise abandonnée avant d'en couvrir sa peau à l'apparence opaline. La respiration s'accélère lorsqu'elle prend conscience du désordre ambiant, le palpitant s'agite en proie à un émoi irrépressible et désagréable. Les mains s'agitent dans une méthodologie développée et s'empressent d'aligner savamment chaque objet jusqu'à lui trouver une place désignée. Le cerbère se gausse de son porte-parole, la Meneuse dispersant chaos et larmes ne peut évoluer que dans un environnement strictement rangé. Bottée et enveloppée, elle accorde un dernier regard à la pièce avant de claquer la porte de chêne d'un coup sec, dispersant quelques lourds tourbillons de poussières sous son passage.


    [Au seize rue de la Justice]

    Corleone fait face à la lourde, les doigts effleurent sans grande conviction les fissures d'un bois subissant sans broncher les intempéries et les assauts virulents de l'astre solaire. Elle hésite. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle se retrouve devant un chambranle fermé. L'ironie plane insidieusement au dessous du crâne aux mèches rebelles et sauvages. Elle, qui a pour habitude de défoncer les portes même ouvertes, reste pantoise. Incertaine. Il y a derrière cette porte, des morceaux de l'époux dont elle n'a qu'une vague connaissance.
    Le poing se ferme, réanimant ses jointures blanchies par le froid et trois coups résonnent, éventrant la quiétude d'une ruelle endormie. Comme l'épée larde les chairs et dévaste la peau de ses adversaire. Bien loin des préoccupations et des découvertes du mercenaire, elle patiente, innocente d'une gravité ambiante qui s'installe avec la lourdeur de ses conséquences.

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4, 5   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)