Nizam
- [Durant l'un des premiers jours de Décembre 1462]
Les coups brusques d'un homme contre le bois épais et noueux d'une porte résonnèrent rue de la Justice. L'heure était grise comme de la bruine fine, et l'air était celui qui précède l'aube tardive des temps froids, brumeux, pénétrant jusqu'au dedans des étoffes les plus chaudes. Le poing lourd de l'homme frappait la porte à des intervalles de plus en plus proches. Ce n'était pas son premier matin devant la bâtisse du seize, il savait quelles pièces étaient éclairées par quelle fenêtre, et il jetait en conséquence son regard nerveux aux meneaux de celles qui portaient son intérêt. Le mercenaire se présentait dénué de ses plates luisantes, aucun fer ne semblait pendre du baudrier, la brigandine sanglée à son torse fut seule à souligner que le Balafré avait la carne d'un homme d'armes, cela et l'odeur rude des plaques de métal et du vin mauvais qui ne le quittait pas.
Les gelures lui avaient engourdi les doigts et il cessa d'écraser son poing contre le bois fruste. Une fumée tiède s'échappa de sa bouche comme celle d'un gobelet au breuvage bouillant, il respira grandement avant de souffler une nouvelle fois et d'imposer sèchement sa voix.
- Harchi ! Ouvre-moi, vieillard, je sais que tu es là !
Le vieux reître lui avait écrit, et le contenu de la missive avait mené le mercenaire des frontières du Limousin jusqu'à cette porte, il ne s'éloignerait pas sans avoir obtenu réponse qui lui conviendra. Nizam redoutait que les mots du valet fol fussent menteries, mais en réalité sa crainte de la vérité se révélait plus forte. Il secoua vigoureusement ses épaules, comme pour trouver dans ce geste de quoi apaiser un corps dans la froidure, et la hâte qui lui rongeait le ventre. Vieillard, presse-toi, depuis le premier jour tu sais que la patience lui fait défaut.
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